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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 mars 2014, n° 13-02095

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Protagoras (SARL)

Défendeur :

Rohani Shahrestani, Alerte aux Points (SARL), Auto Ecole Mayet (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Vignes, Fabre, Couturier, Behr, de Guillenchmidt

TGI Paris, 3e ch. sect. 4, du 6 déc. 201…

6 décembre 2012

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 6 décembre 2012 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (3éme chambre 4ème section) ,

Vu l'appel interjeté le 1er février 2013 par la SARL Protagoras,

Vu les dernières conclusions de la SARL Protagoras, appelante en date du 8 août 2013,

Vu les dernières conclusions de Monsieur Maziar Rohani Shahrestani intimé en date du 14 juin 2013,

Vu les dernières conclusions des SARL Alerte aux points et Auto Ecole Mayet, intimées et incidemment appelantes incidentes en date du 14 juin 2013,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 décembre 2013.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société Protagoras exploite sous l'enseigne "Permisapoints" depuis le 14 avril 2005 date son immatriculation au Registre du commerce de Paris, une activité consistant à mettre en relation des internautes à la recherche de centres de récupération de points de permis de conduire proche de leur domicile avec lesdits centres, ceci au moyen d'un site Internet accessible à l'adresse www.permisapoints.fr qu'elle déclare avoir créé lors du lancement de son activité, éditer et exploiter.

Elle indique qu'en 2006, afin de gérer et d'administrer les offres de stage proposés par ses partenaires sur son site et les demandes d'inscription elle a développé des logiciels d'administration et de gestion de base de données attachés à son site internet.

Monsieur Maziar Rohani, ingénieur de nationalité franco-iranienne a été embauché par la société Protagoras le 5 mai 2006 pour assurer l'intégration et la maintenance des systèmes informatiques et ce dernier a acquis 30 % des parts de la société Protagoras par acte du 5 juillet 2006. Celui-ci a travaillé avec cette société jusqu'à fin novembre 2008 date de son licenciement.

La société Alerte aux Points constituée le 20 décembre 2005 organise des stages de récupération de points de permis de conduire et édite et exploite un site internet à l'adresse www.alerteauxpoints.fr dont le titulaire est SOS Urba qui est hébergé par les serveurs d'hébergement de la société OVH.

Son activité commerciale est en partie hébergée dans les locaux de la société Autro-Ecole Mayet qui a pour activité celle d'une auto école et qui a le même co-gérant.

Le 20 juillet 2006 les sociétés Protagoras et Alerte aux Points ont conclu un accord de partenariat commercial aux termes duquel la société Alerte aux Points a donné mandat exclusif à la société Protagoras de vendre en son nom propre ou au nom de www.permisapoints.fr en ligne sur internet ou a travers son centre d'appel l'ensemble de ses stages de récupération de points moyennant une commission de 50 euros TTC par stage jusqu'au 8 janvier 2008 date à laquelle la commission a été fixée à la somme de 51 euros TTC Les sociétés Alerte aux Points et Ecole-Mayet soutiennent qu'un nouveau contrat ne prévoyant pas d'exclusivité a été conclu entre les parties le 8 décembre 2006, ce que conteste la société Protagoras.

La société Protagoras explique qu'après avoir développé en interne des logiciels sur lesquels elle revendique des droits de propriété intellectuelle elle a fait appel en avril 2007 à une société de prestations informatiques externe, la société Netlor, qui lui a transféré l'ensemble des droits patrimoniaux d'auteur attachés à ces développements.

Madame Nathalie Tavidian a été salariée de la société Autro-Ecole Mayet entre février 2006 et juillet 2009 puis a été engagée par la société Protagoras.

Faisant valoir que les logiciels d'administration et de gestion de base de données développés en interne alors que Monsieur Maziar Rohani était son salarié, ont été l'objet d'actes de reproduction et de représentation indus commis en janvier 2009 par Monsieur Rohani au bénéfice de la société Alerte aux Points et de la société Auto-Ecole Mayet, la société Protagoras a, en vertu de deux ordonnances du délégué du président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 25 juin 2010, fait pratiquer par Maître Le Marc, huissier de justice, le 13 juillet 2010, dans les locaux des sociétés Alerte aux Points et Auto-Ecole Mayet et au domicile de monsieur Maziar Rohani par Maître Denis, huissier de justice, des mesures de saisie-contrefaçon, et, en vertu d'une ordonnance du délégué du président du Tribunal de grande instance de Lille en date du 6 juillet 2010, fait pratiquer les 13 et 16 juillet 2010 par Maître Albot, huissier de justice, des mesures de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société OVH.

Estimant que les ordonnances autorisant ces saisies-contrefaçons étaient nulles, la SARL Alerte aux Points a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris la SARL Protagoras en nullité de ces décisions selon acte d'huissier du 21 juillet 2010.

C'est dans ces circonstances que la société Protagoras a également fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris les sociétés Alerte aux Points, Auto-Ecole Mayet, Permis 4 Points et monsieur Maziar Rohani Shahrestani selon actes d'huissier du 23 juillet 2010 en contrefaçon de logiciels et de banques de données et concurrence déloyale.

Ces deux procédures ont été jointes dans le cadre de la mise en état.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL. Protagoras contre la SARL Auto-Ecole Mayet,

- déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL. Protagoras contre Monsieur Maziar Rohani Shahrestani,

- déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL Protagoras au titre des actes de contrefaçon de logiciels et de bases de données,

- prononcé la nullité des ordonnances rendues les 25 juin et 6 juillet 2010 ayant autorisé les opérations de saisie contrefaçon des 13 juillet 2010 dans les locaux commerciaux des sociétés Auto Ecole Mayet et Alerte aux points et chez monsieur Maziar Rohani Shahrestani et du 6 juillet 2010 dans les locaux de la société OVH,

- ordonné la restitution de l'ensemble des documents originaux ou en copie saisis par l'huissier,

- condamné la SARL Protagoras à verser à la société SARL Alerte aux points la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts

- débouté la SARL Protagoras de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et de la faute délictuelle civile,

- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence formée par la SARL Protagoras devant le tribunal,

- débouté la SARL Alerte aux Points de ses demandes de dommages et intérêts pour pratiques anticoncurrentielles et concurrence déloyale,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la SARL Protagoras à verser sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 10 000 euros à la société Alerte aux Points, celle de 10 000 euros à monsieur Maziar Rohani et celle de 4 000 euros à la société Auto Ecole Mayet.

En cause d'appel la S.A.R.L. Protagoras, appelante au visa des articles L. 112-1, L. 112-3, L. 113-9, L. 121-1 et suivants, L. 341-1 et L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil, L. 420-1 et suivants, R. 420-3 du Code de commerce, demande essentiellement dans ses dernière écritures du 8 août 2013 de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- débouter la société Alerte aux Points de ses appels incidents,

- à titre préliminaire,

- la déclarer recevable en son action à l'encontre de monsieur Maziar Rohani et de la société Auto-Ecole Mayet, les débouter de leur demande de mise hors de cause,

- déclarer l'ensemble des ordonnances présidentielles autorisant les mesures de saisie-contrefaçon, valables,

- à titre principal,

- dire et juger que monsieur Maziar rohani Shahrestani, et les sociétés Alerte aux Points et Auto Ecole Mayet ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur sur ses logiciels d'administration et de gestion de bases de données,

- dire et juger que Monsieur Maziar Rohani Shahrestani, et les sociétés Alerte aux Points et Auto Ecole Mayet ont porté atteinte à ses droits de producteur de bases de données,

- dire et juger que les sociétés Alerte aux Points et Auto Ecole Mayet ont commis des actes de concurrence déloyale à son détriment,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que les sociétés Alerte aux Points et Auto Ecole Mayet ont commis des actes de parasitisme etde concurrence déloyale à son égard,

- à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que monsieur Maziar Rohani Shahrestani, et les sociétés Alerte aux Points et Auto Ecole Mayet ont commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale à son égard,

- en tout état de cause, débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,

- débouter la société Alerte aux Points de sa demande reconventionnelle formée sur le fondement de l'article L. 420-1 et suivants du Code du commerce,

- condamner in solidum les intimés à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner des mesures d'interdiction et de destruction, sous astreinte,

- ordonner la publication de la décision à intervenir, avec consignation à la charge des intimés de la somme de 50 000 euros,

- condamner in solidum les intimés à lui payer outre les frais de constat de l'APP et les frais de saisies-contrefaçon la somme de 35 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum les intimés aux entiers dépens.

Les sociétés Alerte aux Points et Auto-Ecole Mayet, intimées demandent au visa des articles L. 112-1 et suivants, L. 121-1 et suivants, L. 332-2 et suivants, L. 341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil, L. 420-1 et L. 420-2 et suivants du Code du commerce, dans leurs dernières écritures du 14 juin 2013 de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Alerte aux Points de ses demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts aux titres des saisies, et pratiques anticoncurrentielle et concurrence déloyale,

- condamner la société Protagoras à lui payer la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des saisies-contrefaçon,

- dire et juger que la société Protagoras a une entente anticoncurrentielle sur le secteur de l'offre de stage de récupération de points au détriment de la société Alerte aux Points et subsidiairement des actes de concurrence déloyale,

- dire et juger que la société Protagoras a commis un abus de position dominante et subsidiairement a engagé des procédures abusives,

- solliciter l'avis de l'Autorité de la Concurrence sur les pratiques de la société Protagoras et surseoir à statuer dans l'attente de cet avis,

- condamner la société Protagoras à payer à la société Alerte aux Points la somme de 71 900 euros à titre de dommages et intérêts au titres des pratiques anticoncurrentielles et des actes de concurrence déloyale,

- ordonner la publication de la décision à intervenir,

- condamner la société Protagoras à payer à la société Alerte aux Points la somme de 50 000 euros et à la société Auto-Ecole Mayet celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- subsidiairement, condamner monsieur Rohani et la société Pilas Consulting (sic) à relever et garantir intégralement la société Alerte aux Point de toutes condamnations prononcées à son encontre et au profit de la société appelante.

Monsieur Maziar Rohani Shahrestani, intimé, demande dans ses dernières écritures du 14 juin 2013 de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire,

- débouter la société Protagoras de l'ensemble de ses demandes,

- débouter la société Alerte aux Points de son appel en garantie à son encontre,

- condamner la société Protagoras à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les fins de non-recevoir :

La société Protagoras soutient que le site internet www.alerteauxpoints.fr est co-exploité par les sociétés intimées et que toutes deux ont commis des actes de contrefaçon de ses logiciels et de ses banques de données.

Cependant la société Auto-Ecole Mayet a pour seule activité celle d'auto-école et n'intervient pas dans l'activité de stages de récupération des points de la société Alerte aux Points qui est une entité juridique différente.

Aucun des documents communiqués par la société Protagoras : procès-verbaux de saisie-contrefaçon, attestation du 27 janvier 2010 de Madame Nathalie Tavidian, n'établissent que cette société ait participé aux atteintes reprochées et particulièrement à l'exploitation du logiciel d'administration des stages sur le site www.alerteauxpoints.fr, étranger, à son activité, objet du litige et dont elle n'est pas l'éditeur.

La simple référence publicitaire de l'auto-école Mayet qui se présente comme une des plus anciennes écoles, sur ce site n'est pas de nature à elle seule, à caractériser une quelconque participation aux agissements reprochés. D'ailleurs aucun fait précis n'est reproché à l'encontre de cette société dans les écritures de l'appelante qui n'incrimine que le comportement de monsieur Maziar Rohani et de la société Alerte aux Points.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que la société Auto Ecole Mayet n'aurait une quelconque qualité et un quelconque intérêt à défendre et a déclaré les demandes formées à son encontre irrecevables.

La société Protagoras soutient par ailleurs que monsieur Maziar Rohani est personnellement impliqué dans les actes de contrefaçon et d'atteinte à ses bases de données.

Celui-ci, après avoir participé aux travaux de la société Pilas Consulting dont il est justifié (par les règlements et l'attestation de la société) qu'elle a travaillé avec la société Protagoras entre novembre 2005 et mai 2006 pour un montant de prestations de 20 250 euros, puis en qualité de salarié de la société Protagoras du mois de mai 2006 au mois de novembre 2008 jusqu'à son licenciement, et de nouveau avec la société Pilas Consulting en tant qu'ingénieur informaticien pour laquelle il a participé au développement du logiciel des stages et du site internet de la société Alerte aux Points pour un montant de prestations de 4 850 euros selon facture du 10 février 2009, comme cela ressort d'ailleurs des courriels échangés entre eux en 2009.

La société Protagoras soutient que le logiciel développé par un prestataire externe, la société Netlor en 2007 aurait fait l'objet d'acte de contrefaçon mais ne communique à cet effet que des procès-verbaux de saisie-contrefaçon qui n'ont été établis que sur la base du logiciel prétendument développé en interne par ses salariés avant 2007 et surtout un procès-verbal portant sur la saisie-contrefaçon établi au domicile de monsieur Rohani aux termes duquel l'huissier instrumentaire, après avoir investi les trois ordinateurs et le disque dur externe, n'a trouvé aucundocument incriminant et indique que "il n'y a aucun élément technique, commercial ou comptable en rapport avec les éléments visés dans l'ordonnance".

La société Protagoras invoque à son encontre un fichier relatif aux résultats et à la structure d'une campagne publicitaire Google effectuée entre le 24 juin 2004 et le 17 septembre 2008 à une époque où monsieur Rohani était salarié de la société alors que ces faits sont étrangers aux agissements reprochés.

La seule attestation de Madame Nathalie Tavidian, salariée de la société Auto-Ecole Mayet entre février 2006 et juillet 2009 et actuelle salariée de la société Protagoras, qui ne justifie pas de connaissances techniques en matière informatique indique "monsieur Rohani a chargé le logiciel avec les données clients de permispoints.fr" alors que la société Alerte aux Points était titulaire, selon le contrat conclu avec la société Protagoras, de la base de données constituée des candidats auxquels elle a dispensé un stage, n'est pas de nature à démontrer la participation personnelle de monsieur Rohani aux faits incriminés contredits par les éléments qu'elle communique.

C'est donc également à bon droit que le tribunal a déclaré les demandes formées à son encontre irrecevables et l'a mis hors de cause.

Sur la validité des mesures de saisie-contrefaçon :

Sur la validité des mesures de saisie-contrefaçon effectuées dans les locaux de la société OVH les 13 et 16 juillet 2010 en vertu d'une autorisation du président du Tribunal de grande instance de Lille du 6 juillet 2010,

La société OVH est l'hébergeur du site www.alerteauxpoinsts.fr.

Cette société a indiqué à l'huissier instrumentaire ne pas être en mesure de lui donner accès aux informations contenues sur le serveur dédié sur lequel était hébergé ce site et lui a indiqué "il n'existe aucun autre moyen de se connecter au serveur dédié sauf à emporter les disques durs" et lui a remis les disques durs afin de poursuivre sa mission en son Etude ce qu'il a fait. L'huissier a rendu le 19 juillet 2010 au matin les disques durs à la société OVH.

Les sociétés intimées soutiennent qu'il a donc été pratiquée une saisie réelle au lieu de la seule saisie descriptive autorisée.

Mais l'ordonnance critiquée du 6 juillet 2010 autorise l'huissier de justice, en cas d'impossibilité de réaliser les copies sur place, à prendre tous supports papiers ou informatiques à charge d'en faire une copie à l'extérieur des locaux et de retourner lesdits originaux et l'huissier instrumentaire a restitué les originaux le 19 juillet 2010.

L'huissier instrumentaire a par ailleurs indiqué les termes objets de sa recherche permettant comme le font les sociétés intimées, d'en contester la pertinence, de sorte que la demande de nullité de ces chefs n'est pas fondée.

Ordonnances de saisie-contrefaçon des 25 juin 2010 et 6 juillet 2010 exécutées les 13 et 16 juillet 2010

Si la société Protagoras soutient avec justesse que les logiciels qu'elle exploite ont été divulgués à son nom et qu'elle peut prétendre, en regard des dispositions de l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle, à en être titulaire faute de revendication contraire de tiers, les logiciels sur lesquels elle a fondé ses requêtes tendant à obtenir l'autorisation de procéder à des mesures de saisie-contrefaçon, sont uniquement les logiciels selon elle "développés en interne par monsieur Rohani et sa société, sous la direction, les instructions et le contrôle du gérant de la société" et ceux-ci ont fondé son action au fond.

Cependant, la société Protagoras invoque présentement les logiciels prétendument créés par la société Netlor à partir de 2007, moyennant des prestations d'un montant de 598 euros et qui atteste en avoir cédé ses droits selon acte du 31 mars 2011, seuls opposés.

Il convient de relever que la société Protagoras exerce son activité exclusivement sur internet et qu'elle soutient avoir lancé cette activité dès la création de sa société le 14 avril 2005, de sorte qu'à cette date comme le relèvent avec pertinence les sociétés intimées, les logiciels et bases de données utiles à son activité étaient nécessairement créées.

Celles-ci justifient comme indiqué ci-dessus que le représentant de la société Protagoras a travaillé entre novembre 2005 et mai 2006 avec la société Pilas Consultant avec laquelle monsieur Maziar Rohani collaborait, pour des travaux facturés 20 250 euros. La société Protagoras reconnaissant alors avoir pu entretenir par le passé des relations commerciales avec cette société.

Le 5 mai 2006 la société Protagoras a engagé monsieur Maziar Rohani pour assurer l'intégration et la maintenance des systèmes informatiques et ce dernier a acquis 30 % des parts de la société Protagoras par acte du 5 juillet 2006. Il a travaillé avec cette société jusqu'à la date de son licenciement fin novembre 2008.

Il en ressort que dans ses requêtes la société Protagoras n'a pas indiqué au juge des éléments de faits importants qui la conduisent à changer présentement l'objet de ses demandes et qui rendent équivoques la titularité des droits qu'elle invoque.

De plus, dans le corps de ses requêtes la société Protagoras mentionnait le mandat exclusif conclu avec la société Alerte aux Points alors qu'il est communiqué un autre contrat postérieur en date du 8 décembre 2006 qui ne contient aucune exclusivité.

Il en résulte que c'est à bon droit que le tribunal relevant l'absence de loyauté et d'honnêteté de la requérante dans le cadre d'une procédure non contradictoire exorbitante du droit commun, de nature intrusive, a, annulé l'ensemble des ordonnances et des mesures subséquentes.

Sur l'action en contrefaçon :

La société Protagoras, à qui la preuve incombe, n'apporte aucun élément d'information sur les logiciels prétenduement contrefaits développés selon elle par la société Netlor.

Les seuls éléments probants restant communiqués : le procès-verbal de constat établi par l'Agence pour la Protection des Programmes attestant de l'exploitation du site internet et de l'attestation de madame Tavidian n'étant pas de nature à établir les agissements reprochés et portant sur des logiciels antérieurement développés.

Aucune preuve n'est également rapportée sur son apport créatif conférant une originalité à ses logiciels susceptibles d'être éligibles à la protection revendiquée.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées à ce titre.

Sur la protection conférée par l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle

La société Protagoras indique que la base de données clients de sa société attachée à son site internet "permisapoints" est essentiellement constituée des adresses de courriers électroniques de ses clients et prospects et également de leurs informations personnelles (nom, prénom, identifiant..) et numéro du permis de conduire, lieu, date du stage de récupération de points et nom de l'organisateur du stage.

L'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, transposant en droit interne la directive (CE) n° 96-9 du 11 mars 1996, assure au producteur d'une base de données une protection "contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu" (considérant 39 de la directive) ;

Cette protection spécifique suppose un investissement "substantiel' qui lui est affecté et qui, selon l'article L. 341-1 précité, peut être "financier, matériel ou humain" ayant pour objet "la constitution, la vérification ou la présentation" du contenu de la base ;

Saisie de diverses questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 7 de la directive précitée, à la lumière de laquelle doit être interprété le droit interne, la Cour de justice des communautés européennes a rendu plusieurs décisions le 09 novembre 2004 et a notamment dit pour droit (affaire The British Horseracing Board Ltd/William Hill Organization Ltd) que "La notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données au sens de l'article 7 § 1 (de la directive précitée) doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données.

La notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données au sens de l'article 7 § 1 (de la directive précitée) doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base, ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci. Des moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d'éléments par la suite rassemblés dans une base de données ne relèvent pas de cette notion." ;

Il s'en déduit que la société Protagoras se doit de rapporter la preuve d'investissements humains et financiers spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu'elle consacre à la création des éléments constitutifs du contenu de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients ;

Le site internet de la société Protagoras www.permisapoints.fr constitue une interface entre les internautes et les centres de stage, par le recours à des logiciels de gestion et de stockage.

Pour justifier de ses investissements à ce titre la société Protagoras indique que les charges de développement engagés depuis 2005 pour le développement de ses logiciels, de l'élaboration, la constitution et la mise à jour de ses bases de données s'élèvent à la somme de 2 614 177,64 euros dont 817 000 euros pour 2009, que les dépenses publicitaires s'élèvent à la somme de 1 455 638 euros et qu'elle emploie 12 personnes dont 5 assurent la maintenance du site internet et des logiciels d'administration et de gestion de bases de données qui y sont attachés et 5 autres qui assurent la gestion des inscriptions aux stages de récupération de points vendus sur son site internet, la mise à jour de la base de données clients, la vérification des informations transmises par les stagiaires ainsi que les organisateurs de stage.

Cependant, les sommes qu'elle avance ne sont pas directement attachées à la création de la base de données mais à la recherche de son contenu. Alors qu'elle n'établit pas que sa base de données a été constituée de manière systématique ou méthodiquement, elle ne justifie pas bénéficier de droits exclusifs sur les données relatives aux candidats aux stages de la société Alerte aux Points.

Surtout elle ne justifie d'aucune extraction substantielle de ses bases de données.

C'est donc également à bon droit que le tribunal à rejeter ses demandes à ce titre.

Sur les actes de concurrence déloyale invoqués par la société Protagoras :

La société Protagoras n'invoque aucun acte distinct de la contrefaçon susceptibles de constituer des actes de concurrence déloyale.

Elle ne justifie d'aucune réutilisation du contenu de ses logiciels ou base de données par la société Alerte aux Points.

C'est donc à bon droit que le tribunal a également rejeté ses demandes à ce titre.

Sur les demandes reconventionnelles :

La société Alerte aux Points soutient que la collecte d'informations par la société Protagoras auprès de l'ensemble de ses partenaires sur leur politique tarifaire, à laquelle elle n'a pas voulu participer, et sa proposition d'augmenter les tarifs des stages, a eu un effet anticoncurrentiel et qu'elle est notamment à l'origine des actions en justice dirigées à son encontre par cette société qui détient un quasi monopole dans ce secteur d'activité et n'a cessé de la harceler.

L'article L. 420-1 du Code du commerce dispose notamment : "sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implanté hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elle tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse" ;

Cependant, les termes du courrier invoqué font apparaître que la société Protagoras proposait à ses partenaires commerciaux une discussion sur la fixation des tarifs des stages de récupération de points qui n'avait pas pour effet, démontré, de fausser le marché par régulation. Cette action ne visait donc pas, comme relevé avec justesse par le tribunal, à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence en favorisant artificiellement leur hausse, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de ce chef.

L'envoi de courriels sur ce sujet les 14 décembre 2007 et 8 janvier 2008 ne sont donc pas plus susceptibles d'engager la responsabilité délictuelle de la société Protagoras.

La société Protagoras a d'ailleurs été informée en décembre 2011 que suite au contrôle effectué par l'Autorité de la concurrence qu'aucune poursuite ne serait engagée à son encontre.

La seule annulation temporaire en janvier 2011 d'une inscription d'un candidat de la société Alerte aux Points n'est pas constitutive d'un acte de concurrence déloyale, de même que la simple lettre en date du mois de février 2011 rappelant les droits de la société Protagoras sur les termes "permis à points".

Les relations de la société Allopermis avec la société Protagoras, qui n'est pas dans la cause dont il n'est pas démontré qu'elles soient préjudiciables à la société Alerte aux Points sont sans incidence sur le présent litige.

La société Alerte aux Points est mal venue à prétendre que la remise des disques durs à l'huissier instrumentaire a perturbé le fonctionnement de son entreprise alors que la société OVH avait mis à sa disposition des disques durs vierges lui permettant de remettre en ligne immédiatement son site internet, solution qu'elle n'a pas exploitée, trois jours ouvrés ayant été mis hors service, alors par ailleurs que les mots ou occurrence donnés à l'huissier pour procéder à ses opérations étaient directement en relation avec le litige et ne portaient aucune atteinte au secret des affaires de la société Alerte aux Points.

A défaut de justifier d'un préjudice résultant de ces mesures de saisies-contrefaçon, la société Alerte aux Points n'est pas fondée en sa demande formée à ce titre.

Sur les autres demandes :

L'équité commande d'allouer à la société Alerte aux Points la somme de 10 000 euros, à la société Auto-Ecole Mayet celle de 4 000 euros et à monsieur Maziar Rohani celle de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société Protagoras.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait droit à la demande reconventionnelle de publication judiciaire.

Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Rejette l'ensemble des demandes de l'appelante, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Rejette le surplus des demandes reconventionnelles, Y ajoutant, Condamne la société Protagoras à payer à la société Alerte aux Points la somme de 10 000 euros à la société Auto-Ecole Mayet celle de 4 000 euros et à monsieur Maziar Rohani Shahrestani celle de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Protagoras aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.