Livv
Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 21 octobre 2013, n° 12-03692

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ferey

Défendeur :

Gastou, SPSV (SCI), Agence Immobiliere Aramis (SA), Austruy Equipement Boulangerie (SARL), Weishaupt (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Milhet

Conseillers :

MM. Beauclair, Crabol

Avocats :

Mes Thevenot, Malet, Egea, Achard, Lafforgue, Kopp,

TGI. Toulouse, du 25 mai 2012

25 mai 2012

Preneurs du local commercial donné à bail par le propriétaire des lieux, la S.C.I. SPVS, en date du 19 mars 1997, les époux Ferey ont vendu à Véronique Gastou le fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie exploité, sis [...], suivant acte sous seing privé en date du 31 octobre 2007.

A la suite de la panne en date du 2 décembre 2007 du brûleur fabriqué par la société Weishaupt dont le technicien appelé s'est inquiété du taux excessif de monoxyde de carbone et en raison des réserves sur la longueur du conduit d'évacuation horizontal (12,60 m au lieu des 2 mètres tolérés), la société Qualigaz appelée en consultation, dans son rapport de diagnostic édité le 10 décembre 2007, relevait la non-conformité de l'installation de gaz par rapport à la réglementation en vigueur.

Commis par ordonnance de référé en date du 24 juin 2008, l'expert Didier Despres dans son rapport clos le 17 novembre 2009 a vérifié l'existence des désordres (non-conformité "rédhibitoire" de la longueur horizontale de la conduite d'évacuation des gaz de combustion et série de 7 désordres induisant des manquements à la sécurité), a précisé que, si le four à gaz créé en 1994 n'est pas en cause, en revanche l'évacuation n'est pas réglementaire, a chiffré la nécessité de remplacer le four à gaz à évacuation non conforme des gaz de combustion par un four électrique neuf de 53 875 euros et a mentionné un devis de 3 757 euros relatif à la correction des non conformités de l'installation électrique.

Saisi suivant les énonciations du jugement déféré, par Véronique Gastou contre les époux Ferey d'une action en réparation de la violation de l'obligation d'une délivrance conforme, au visa de l'article 1604 du Code civil , le Tribunal de grande instance de Toulouse par jugement en date du 25 mai 2012 a condamné les époux Ferey à payer les frais de remise en état de l'installation électrique (3 757 euros) à laquelle ils s'étaient engagés dans l'acte de vente, et les frais de remise en état de l'installation de changement de four (57 633 euros) ; les époux Ferey ont été déboutés de leurs appels en garantie ; l'exécution provisoire a été ordonnée.

Dans leurs dernières écritures transmises au soutien de leur appel, les époux Ferey qui acceptent de régler la somme de 3 757 euros, montant des travaux électriques qu'ils ont commandés à une entreprise mais qui n'ont pas été réalisés, concluent à la requalification du défaut de conformité du four à gaz en un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil ; ils invoquent la clause de décharge de garantie du vice caché et celle de l'obligation pour l'acquéreur de faire son affaire personnelle de toute mise en conformité aux normes légales et réglementaires pour conclure au débouté de Véronique Gastou et au remboursement des sommes payées au titre de l'exécution provisoire.

Subsidiairement ils recherchent la responsabilité des différents intervenants et concluent à la réduction du montant de l'indemnisation ; ils réclament une indemnité de procédure (3 000 euros).

L'intimée Véronique Gastou développe la non-conformité du système électrique et celle du four à gaz pour conclure à un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme ; elle conclut donc à la confirmation du jugement et à une indemnité de procédure (3 000 euros).

La S.C.I. SPSV, propriétaire bailleur, conclut au rejet de l'appel en garantie des époux Ferey contre elle-même et réclame une indemnité de procédure (3 000 euros).

La société Austruy Equipement Boulangerie (AEB), chargée de la maintenance du matériel de boulangerie, conteste sa responsabilité dans l'installation qu'elle n'a pas réalisée et dont elle ne pouvait pas déceler le vice ; elle conclut à l'absence de préjudice du vendeur et subsidiairement appelle en garantie le propriétaire bailleur, l'agent immobilier et le fabriquant ; elle réclame une indemnité de procédure (2 500 euros).

La S.A. Agence immobilière Aramis soutient qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil et que le vendeur n'a pas subi de préjudice ; elle conclut au rejet de la demande de garantie de la société AEB et réclame une indemnité de procédure (3 500 euros).

La S.A. Weishaupt, fabricant du brûleur livré à la S.A. Oscar Bongard, fabricant de fours à pain qui l'a intégré au four, rappelle qu'elle n'a pas réalisé l'installation litigieuse et qu'elle n'est intervenue que sur le brûleur ; elle conclut donc au débouté des époux Ferey et de L'EURL AEB et leur réclame une indemnité de procédure (3 500 euros).

SUR CE

Attendu qu'il est de principe que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice défini aux articles 1641 et suivants du Code civil ;

Que le moyen se trouvant dans le débat pour être soulevé par les époux Ferey, il y a lieu de requalifier en ce sens sans réouverture des débats, la dame Gastou ayant eu la possibilité d'y répondre ;

Qu'en l'espèce, la longueur excessive du tuyau d'évacuation (12,60 mètres au lieu de 2 mètres tolérés) rend l'installation impropre à l'usage auquel elle est destinée, la cuisson sans danger du pain, par l'absence d'évacuation suffisante des gaz brûlés relevée par l'expert judiciaire qui explique le taux excessif de monoxyde de carbone constaté par un technicien ;

Attendu que cette installation dangereuse procède d'un vice caché, dont il n'est pas prouvé que le vendeur, qui l'utilisait lui-même avant la vente et était donc exposé au risque, en avait connaissance ;

Attendu qu'en l'absence de mauvaise foi du vendeur ignorant la non-conformité aux dispositions réglementaires et livrant un bien conforme aux stipulations contractuelles, la clause d'exonération de la garantie du vice caché mentionnée à l'acte de vente a vocation à s'appliquer ;

Attendu que l'action en garantie du vice caché est donc mal fondée, Véronique Gastou doit être déboutée en son action ;

Attendu que l'obligation par le vendeur de prendre à sa charge les frais de remise en état du système électrique n'est pas contestée, il doit être donné acte aux époux Ferey de leur offre de payer la somme de 3 757 euros, à laquelle ils seront, en tant que de besoin condamnés ;

Attendu que le présent arrêt infirmatif constitue le titre permettant aux époux Ferey de recouvrer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire, assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la notification de l'arrêt valant mise en demeure, il n'y a pas lieu de statuer sur la restitution de la somme de 57 633 euros, déduction faite de la somme de 3 757 euros au titre de la mise en conformité du système électrique ;

Attendu que les recours en garantie sont sans objet ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de lasser supporter à chaque partie la charge de ses irrépétibles frais procéduraux ;

Par ces motifs LA COUR, Infirmant le jugement déféré et statuant par dispositions nouvelles, Dit que la non-conformité du four à gaz aux règles techniques de sécurité s'analyse en un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, Dit que la garantie du vice caché a été exclue par une clause de l'acte de vente, Déboute Véronique Gastou en son action en garantie du vice caché, Donne acte aux époux Ferey de leur offre de payer la somme de 3 757 euros au titre de leur obligation de remise en état du système électrique et, en tant que de besoin, les y condamne, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure d'instance et d'appel, Condamne Véronique Gastou aux entiers dépens d'instance et d'appel, Accorde à la SCP Camille et associés, avocats, à Maître Marie Emmanuelle Kopp, avocat, à la SELAS Clamens Conseil, avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.