CA Aix-en-Provence, 3e ch. B, 17 octobre 2013, n° 12-07710
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Maaf Assurances (SA), ABC Renovation Domotique (Sté)
Défendeur :
Axa France Iard (SA), La Plateforme du Batiment (SAS), Etablissements Adrien Riquier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Tournier, M. Cabaret
Avocats :
Mes Courteaux, Cenac, Dabot, Dally
En 2007, Monsieur Malauzat a fait construire une maison à Saint Marc Jaumegarde et le lot plomberie a été confié à la société ABC Renovation et Domotique, ci-après ABC.
Les travaux de plomberie ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 14 décembre 2007.
Le 5 avril 2008, Monsieur Malauzat a été victime d'un dégât des eaux et son assureur Multi Risques Habitation, Axa France Iard a mandaté le cabinet Polyexpert.
Par ordonnance de référé du 22 mai 2008, Monsieur Favre a été désigné en qualité d'expert et la décision a été rendue commune à la société Riquier.le 24 juin 2008.
Pendant le déroulement de l'expertise, Axa a réglé à son assuré la somme de 67 098,09 euro pour les mesures conservatoires et les provisions sur frais d'expertise.
Par exploits des 19 et 25 mars 2010, la compagnie Axa a fait assigner la Maaf et la société ABC sur le fondement des articles 1147 et 1792 du Code civil en déclaration de responsabilité de la société ABC et en condamnation in solidum de celle-ci et de son assureur Maaf à lui rembourser les sommes de 75 374,48 euro et 9 307,85 euro pour les frais outre une indemnité de procédure.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 juin 2010.
Par exploits du 27 avril 2010, la société ABC et la Maaf, qui ne contestaient pas devoir indemniser Axa sur le fondement de l'article 1792 du Code civil , ont assigné en garantie la société La Plate Forme du Batiment et la société Riquier Adrien, ci-après Riquier, respectivement en tant que vendeur et fournisseur de la vanne litigieuse affectée d'un vice.
De son côté la société Plate Forme du Batiment opposait à Axa une clause limitative de garantie et, subsidiairement, demandait la garantie de la société Riquier sur le fondement de l'article 1641 du Code civil.
La société Riquier contestait la provenance de la vanne, le fondement juridique invoqué qui ne pourrait être que l'article 1386-1 du Code civil sur les produits défectueux et qui justifierait subsidiairement sa condamnation uniquement au remboursement du prix de vente et des frais occasionnés par celle-ci.
Par jugement du 17 avril 2012 le Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence a :
- condamné in solidum ABC et la Maaf à payer à Axa les sommes réclamées,
- rejeté les appels en garantie d'ABC à l'égard de la société Plate Forme du Batiment et de la société Riquier, au motif que les demandes portent sur la réparation des désordres et non sur le remboursement du prix et des frais comme le prévoit l'article 1646 du Code civil en l'absence de connaissance par le vendeur ou le fournisseur du vice de la chose,
- rejeté en conséquence l'appel en garantie de la société Plate Forme contre la société Riquier,
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du CPC.
Par déclaration du 26 avril 2012, la société ABC et la Maaf ont interjeté appel du jugement.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 18 octobre 2012 par les appelantes aux termes desquelles elles demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur appel en garantie contre la société Plate-Forme du Batiment et la société Riquier, vendeurs professionnels réputés, au sens de l'article 1645 du Code civil, connaître le vice de la chose vendue et, subsidiairement, sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil , comme vendeurs de produits défectueux importé de Chine ; elles sollicitent en conséquence cette condamnation in solidum à les garantir des condamnations prononcées contre elles outre une indemnité de procédure de 6 000 euro.
Vu les conclusions du 9 août 2012 déposées par Axa aux termes desquelles celle-ci demande la confirmation du jugement sur les condamnations prononcées à son profit à l'encontre, in solidum, d'ABC Renovation et de la Maaf en application des articles 1147, 1792 du Code civile et L. 121-12 du Code des assurances et sollicite une indemnité de procédure de 1 500 euro à l'encontre des mêmes in solidum.
Vu les conclusions déposées le 28 juin 2013 par la société La Plate Forme du Batiment aux termes desquelles celle-ci demande la "confirmation" du jugement et le rejet de la demande d'ABC Renovation au-delà de la somme de 21,10 euro HT, par suite de la clause limitative de responsabilité opposable à la Maaf et sollicite subsidiairement la garantie de la société Riquier, son fournisseur, outre sa condamnation à une indemnité de procédure de 15 000 euro.
Vu les conclusions du 22 mai 2013 déposées par la société Riquier aux termes desquelles celle-ci conclut au rejet des prétentions de la société ABC et de la Maaf à son encontre pour absence de preuve, selon le rapport Favre, qu'elle a fourni la vanne litigieuse, subsidiairement demande la confirmation du jugement en ce qu'il a fait application de l'article 1646 du Code civil , encore plus subsidiairement, oppose la clause limitative existant entre la société ABC et la société Plate-Forme du Batiment. Elle sollicite une indemnité de procédure de 3 000 euro.
Vu l'ordonnance de clôture du 3 septembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Par arrêt sur déféré prononcé le 5 septembre 2013, la cour, infirmant l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 mars 2013, a dit que les conclusions notifiées par la société Plate Forme du Batiment le 20 septembre 2012 sont irrecevables pour leur part contenant réplique sur l'appel principal de la société ABC et de la Maaf mais recevables pour le surplus, en sorte que les conclusions ultérieures de la société Plate Forme du Batiment en date du 28 juin 2013 ne sont recevables, là encore, qu'en ce qu'elles répliquent aux conclusions de la société Riquier et non sur l'appel principal.
Sur le fond
Il est constant, selon le rapport d'expertise, et non contesté, que l'origine des désordres est la rupture d'une vanne du circuit d'eau froide dans une des salles de bain de la villa, ce qui a provoqué un important écoulement d'eau en l'absence momentanée des occupants, cette rupture de vanne étant elle-même, selon l'analyse de l'Institut de Soudure, consécutive exclusivement à un défaut de fabrication de cette pièce par rapport aux normes françaises, l'alliage utilisé étant fragile et le dimensionnement du filetage insuffisant.
Le jugement n'est pas critiqué sur la condamnation in solidum de la société ABC et de son assureur Maaf à indemniser la société Axa France Iard, subrogée dans les droits de son assuré, Monsieur Malauzat des sommes qu'elle a versées pour les travaux de réparation et pour les opérations d'expertise, la société ABC qui a effectué les travaux de plomberie, et son assureur reconnaissant dans leurs écritures leurs obligations respectives au titre de la garantie décennale et du contrat d'assurance.
Le jugement doit être en conséquence confirmé sur ce point et la société ABC et la Maaf doivent être condamnées in solidum à payer une indemnité de procédure de 1 000 euro à Axa France qu'elles ont intimée.
Sur l'action en garantie dirigée par ABC et la Maaf in solidum contre La Plate Forme du Batiment qui a vendu le collecteur objet du litige, et la société Riquier qui en aurait été le fournisseur, le tribunal a exactement jugé que la société Plate Forme devait sa garantie à la société ABC et son assureur sur le fondement de l'article 1641 du Code civil , en tant que vendeur de la vanne affectée d'un vice caché antérieurement à la vente, rendant celle-ci impropre à l'usage auquel elle était destinée, la société Plate Forme étant désormais irrecevable par suite de la tardiveté de ses conclusions opposées à l'appel principal, à invoquer la clause limitative de garantie, clause exactement écartée, au demeurant, par le tribunal, comme inopposable à ABC Renovation au vu des documents produits.
Le tribunal a exactement retenu, toujours sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, que la société ABC et son assureur étaient également fondés à rechercher la garantie, in solidum avec le vendeur intermédiaire, de la société Riquier, fournisseur originaire, dès lors qu'il est constant que le vice rédhibitoire affectant le collecteur, était antérieur à la vente initiale, et que la qualité de fournisseur de la société Riquier est établie par la production par la société LA Plate Forme du Batiment de factures, contemporaines de la revente à la société ABC, portant sur la même référence de collecteur que celui défaillant (référence identique retrouvée sur une facture émise par la société FA Industry CO, fournisseur de la société Riquier ayant son siège à Hong Kong), par l'attestation de son commissaire aux comptes KPMG établissant, après sondage sur un nombre très important de pièces comptables (646 entrées en 2006 - 1002 entrées en 2007, seules 3 entrées sur cet échantillon n'ayant pu être produites) qu'elle se fournissait exclusivement, pour les collecteurs, auprès de la société Riquier durant la période contemporaine au sinistre, cette dernière ne fournissant au tribunal comme à la cour, aucun document contraire de traçabilité, à l'exception de dires adressés à l'expert par son mandataire Saretec, mais qui ne sont étayés par aucune pièce, peu important, dans le présent litige où il s'agit d'apprécier la pertinence des preuves des demanderesses, que cette traçabilité ne soit pas obligatoire pour ce type de produits.
Le tribunal a cependant fait inexactement application à la cause des dispositions de l'article 1646 du Code civil en considérant que le fournisseur et le vendeur intermédiaire, ignorants du vice caché, ne pouvaient être condamnés qu'au remboursement du prix de vente et des frais, alors qu'en application de l'article 1645 du Code civil, ces derniers, en tant que professionnels, sont réputés avoir connu le vice affectant la chose vendue et doivent indemniser intégralement l'acheteur des préjudices occasionnés par la vanne défectueuse, y compris au titre des frais d'expertise.
Le jugement qui a rejeté, sur un fondement erroné, les appels en garantie de la société ABC Renovation et de la Maaf doit être en conséquence infirmé et les sociétés Plate-Forme du Batiment et Riquier condamnées in solidum à les garantir des condamnations prononcées au profit d'Axa France Iard.
Le vice caché rédhibitoire affectant la vanne vendue par la société Riquier étant un vice de fabrication, celle-ci, en tant que fournisseur du matériel importé de Chine, doit garantir la société Plate Forme du Batiment de cette condamnation, sans pouvoir opposer à cette dernière une clause limitative prévue par celle-ci mais qui a été déclarée inopposable à l'égard de l'acquéreur final.
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de la société Riquier et au profit de la société ABC Renovation et de la Maaf d'une part et de la société Plate Forme du Batiment.
Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement sur la condamnation principale de la société ABC Renovation Domotique et de son assureur Maaf à payer à la société Axa France Iard les sommes de 75 374,48 euro et 9 307,85 euro ; L'infirme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Condamne in solidum la société Plate Forme du Batiment et la société Adrien Riquier à garantir la société ABC Renovation Domotique et la Maaf de ces condamnations ; Condamne la société Adrien Riquier à garantir la société Plate Forme du Batiment de ces condamnations ; Y ajoutant, Condamne la société ABC Renovation et la Maaf à payer à la compagnie Axa une indemnité de procédure de 1 000 euro ; Condamne la société Adrien Riquier à payer respectivement à ABC Renovation et à la Maaf, d'une part, et à la société Plate Forme du Batiment d'autre part, une indemnité de procédure de 4 000 euro ; Condamne la société Adrien Riquier aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.