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Décisions

CA Douai, 3e ch., 4 juillet 2013, n° 12-06402

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Jullien, Matmut Assurances (sté)

Défendeur :

Bombardier Produits Recreatifs (sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dagneaux

Conseillers :

Mmes Berthelot, Andre

Avocats :

Mes Carlier, Le Calvez, Deleforge, Hayaux Du Tilly

TGI. Lille, du 04 juin 2012

4 juin 2012

Le 12 août 2007, Caroline Jullien alors âgée de 24 ans a été victime au large de Perpignan d'un accident de jet ski conduit par son frère Vincent Jullien. Elle a été projetée en arrière lors d'une accélération, chutant dans l'eau et subissant la pression de la turbine du jet ski laquelle lui a provoqué une déchirure du rectum de 7 centimètres.

Caroline Jullien a sollicité en référé l'organisation d'une expertise médicale laquelle a été ordonnée le 17 mars 2009.

Par actes d'huissier en date des 16 et 22 juin 2009, Caroline Jullien a fait assigner Vincent Jullien devant le Tribunal de grande instance de Lille, son assureur la Matmut et la RAM en vue d'être indemnisée de son préjudice.

Par acte d'huissier du 8 février 2010, Vincent Jullien et la Matmut ont fait assigner en intervention forcée la société Bombardier Produits Récréatifs, fabricant du jet ski afin qu'elle les garantisse des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

La caisse RSI est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de la RAM.

Par jugement contradictoire du 4 juin 2012, le tribunal a :

- condamné in solidum Vincent Jullien et la Matmut à payer à la caisse du RSI du Languedoc Roussillon la somme de 13 860,43 euros,

- condamné in solidum Vincent Jullien et la Matmut à payer à Caroline Jullien la somme de 27 125 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné in solidum Vincent Jullien et la Matmut à payer à Caroline Jullien la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum Vincent Jullien et la Matmut à payer à la société Bombardier Produits Récréatifs la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum Vincent Jullien et la Matmut à payer à la caisse du RSI la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'indemnité de gestion,

- condamné in solidum Vincent Jullien et la Matmut aux dépens en ce compris les frais d'expertise comprenant notamment les frais d'assistance à l'expertise judiciaire et de référé.

Le 3 octobre 2012, Vincent Jullien et la Matmut ont interjeté appel de la décision à l'encontre de la société Bombardier Produits Récréatifs.

Dans leurs dernières écritures du 3 janvier 2013, Vincent Jullien et la compagnie Matmut Assurances demandent à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Bombardier Produits Récréatifs, de la condamner à les relever et les garantir des condamnations prononcées à leur encontre par le tribunal et de la condamner à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils soutiennent en effet que l'accident ne résulte pas de la mauvaise conduite du jet ski par Monsieur Jullien mais d'un mauvais maintien de la victime et de la dangerosité de l'appel propulsif du jet ski.

Ils indiquent que la responsabilité du fabricant est engagée sur le fondement des articles 1386-1 et 4 du Code civil, le produit étant défectueux dès lors qu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut effectivement s'attendre et qu'en l'espèce le fait de ne pas conseiller aux utilisateurs de ce type d'engin de porter une combinaison en caoutchouc rend le produit dangereux. Ils font valoir que la société Bombardier Produits Récréatifs ne rapporte pas la preuve de ce que le manuel d'utilisation de l'engin a été remis à l'utilisateur ni que l'étiquette mentionnant la nécessité de porter ce type de protection a été effectivement apposée sur le jet ski. Ils précisent enfin que ces prétendus conseils d'utilisation sont remis en cause par les campagnes de publicité du constructeur qui montrent des utilisateurs en maillot de bain.

Dans ses conclusions du 26 février 2013, la société Bombardier Produits Récréatifs conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation in solidum de Vincent Jullien et de la Matmut à lui payer une somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Bombardier Produits Récréatifs fait valoir qu'il ne résulte d'aucun élément de preuve que le dommage subi par Caroline Jullien résulterait de la dangerosité de l'appareil propulsif, que seul le pilotage de l'engin doit être incriminé en sus de la faute alléguée de la victime. Elle soutient par ailleurs que dans le guide d'utilisation et sur l'étiquette apposée sur chaque motomarine, la nécessité d'une combinaison de protection est expressément recommandée, Vincent Jullien ayant au demeurant reconnu dans ses conclusions de première instance la présence d'un tel conseil dans le guide d'utilisation. Elle ajoute que dans les étapes d'assemblage de son produit, il y a celles relatives à l'apposition de l'étiquette d'avertissement et à l'insertion d'un exemplaire du guide du conducteur et invoque le contenu du contrat de distribution la liant à l'importateur en France des motomarines.

MOTIFS

Il ressort des pièces produites que Vincent Jullien a acquis le 4 août 2005 le jet ski RXT référence 175B n° 58260E505 fabriqué par la société Bombardiers Produits Récréatifs, importé par la société Everest puis facturé le 13 juillet 2005 à Speed Eau.

La société Matmut et Vincent Jullien soutiennent que la responsabilité de la société Bombardiers Produits Récréatifs serait engagée sur le fondement de l'article 1386-4 du Code civil, dès lors que le fait de ne pas conseiller aux utilisateurs de ce type d'engin de porter une combinaison en caoutchouc rend le produit dangereux. Ils n'allèguent, contrairement à ce que la société Bombardier Produits Récréatifs indique, aucune faute de la victime.

La société Matmut et Vincent Jullien ne sont pas fondés en premier lieu à soutenir que Vincent Jullien n'aurait pas reçu l'information relative à la nécessité de porter un vêtement de protection figurant dans le manuel d'utilisation de la motomarine alors que l'appelante fait justement observer que dans leurs conclusions de première instance, les demandeurs se sont exprimés en ces termes : il reste que ce conseil d'utilisation apparaît uniquement dans le manuel. Une telle indication établit en effet que Vincent Jullien a reçu ladite information.

En revanche, il n'est pas établi par la société Bombardiers Produits Récréatifs que l'étiquette rappelant une telle règle de sécurité ait été apposée sous le guidon de la motomarine référence 175B n° 58260E505 à destination du conducteur et des passagers de sorte que la motomarine en cause n'a pas offert, de par sa présentation, la sécurité à laquelle la passagère de la motomarine pouvait légitimement s'attendre.

La responsabilité de la société Bombardier Produits Récréatifs, sans qu'elle puisse invoquer la faute d'un tiers, est donc engagée et il lui appartient, et non pas aux appelants qui ne peuvent agir sur le fondement de l'article 1386-4 du Code civil qu'à l'encontre de la société Bombardier Produits Récréatifs, d'assumer le choix procédural de ne pas avoir appelé en la cause le revendeur de la motomarine.

Dans ces conditions, il convient de condamner la société Bombardier Produits Récréatifs à garantir Vincent Jullien et la Matmut des condamnations prononcées à leur encontre par le Tribunal de grande instance de Lille, en ce compris les condamnations au titre des indemnités de procédure et les condamnations aux dépens.

Au vu de ces éléments, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a débouté Vincent Jullien et la Matmut de leur appel en garantie à l'encontre de la société Bombardier Produits Récréatifs et en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une indemnité de procédure.

Partie succombante, la société Bombardier Produits Récréatifs doit être condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée en équité à payer à Vincent Jullien et la Matmut la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de Lille en date du 4 juin 2012 en ce qu'il a débouté Vincent Jullien et la Matmut de leur appel en garantie et en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Bombardiers Produits Récréatifs la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Statuant à nouveau, Condamne la société Bombardiers Produits Récréatifs à garantir Vincent Jullien et la Matmut des condamnations prononcées à leur encontre au profit de Caroline Jullien et du RSI du Languedoc Roussillon y compris du chef de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens. Y ajoutant, Condamne la société Bombardiers Produits Récréatifs à payer à Vincent Jullien et la Matmut la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société Bombardiers Produits Récréatifs de sa demande d'indemnité de procédure. Condamne la société Bombardiers Produits Récréatifs aux dépens d'appel.