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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 8 avril 2013, n° 12-00813

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BMW France (SA)

Défendeur :

Arverne Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudron

Conseillers :

Mmes Boussaroque, Jacquemin

Avocats :

Mes Rahon, Di Caro, Serreuille, Grange

TGI Clermont-Ferrand, du 4 janv. 2012

4 janvier 2012

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 2 septembre 2009, rectifié par jugement du 8 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, statuant après l'organisation d'une expertise réalisée par M. Marcaggi mandaté par la compagnie d'assurances de M. Dumontel, a considéré que le véhicule BMW immatriculé 2075 YJ 63, acquis par celui-ci auprès de la SAS Arverne Automobiles le 11 janvier 2007 pour un prix de 13 500 euro, tombé en panne le 31 mars 2008, présentait des vices cachés le rendant impropre à sa destination, et a accueilli la demande de l'acquéreur tendant à la résolution de la vente en application de l'article 1641 du Code civil, en condamnant la SAS Arverne Automobiles à lui en rembourser le prix d'achat, et à prendre en charge divers frais dont ceux de remorquage et de gardiennage, à charge pour M. Dumontel de restituer le véhicule à la SAS Arverne Automobiles.

Parallèlement, la SAS Arverne Automobiles a fait assigner la SA BMW France devant le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin d'être mise hors de cause dans le litige l'opposant à M. Dumontel, ou à tout le moins de se voir garantir des sommes qu'elle pouvait être condamnée à lui verser.

Au cours de cette deuxième instance, qui n'avait pas été jointe à la première, le juge de la mise en état a ordonné, à la demande de la SAS Arverne Automobiles, une mesure d'expertise judiciaire destinée à déterminer si le vice affectant le véhicule était ou non imputable au constructeur.

Dans son rapport déposé le 10 novembre 2010, l'expert commis, M. Delarbre, a déterminé la cause des désordres comme résultant de la rupture de l'axe du papillon d'admission du troisième cylindre du moteur dont la vis d'origine, desserrée dans un premier temps, et qui ne pouvait sortir, avait, à la suite des vibrations du moteur amplifiées au fil des kilomètres, à l'endroit de sa fixation qui constituait ainsi un point faible, entraîné la rupture de l'axe du papillon sur lequel elle était fixée, et la libération et l'absorption dans le moteur de la vis ainsi que du bout de l'axe qui s'était détaché. L'expert ajoutait que ce phénomène ne pouvait être dû à un problème d'utilisation, puisque le véhicule étant doté d'une commande à dépression, son conducteur n'était pas susceptible de provoquer un effort anormal, ce qui l'a amené à l'existence d'un défaut de conception, l'axe litigieux n'étant fixé que d'un seul côté, phénomène indécelable par un examen normal réalisé par un profane, ou par un professionnel sans démontage de la pipe d'admission et vérification de l'état des papillons du moteur, s'agissant d'une opération non prescrite dans la méthodologie de l'entretien fournie par BMW.

Par jugement du 4 janvier 2012, le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, estimant qu'était rapportée la preuve d'un vice caché imputable au constructeur dont l'existence était de ce fait antérieure aux ventes successives du véhicule, a, après avoir rappelé l'option dont disposait l'acheteur entre l'action rédhibitoire ou estimatoire, débouté la SA BMW France de l'intégralité de ses demandes, dont celle portant sur la prise en compte de la dépréciation du véhicule due à son utilisation et à son ancienneté, et l'a condamnée à garantir intégralement la SAS Arverne Automobiles des sommes mises à sa charge par le jugement du 2 septembre 2009, rectifié le 18 novembre 2009, à savoir :

- le prix d'achat de 13 500 euro avec intérêt légal à compter du 5 novembre 2008

- les frais du remorquage s'élevant à 95 euro

- le coût de la carte grise du véhicule sur justificatifs fournis par Monsieur Dumontel

- le coût de l'expertise faite par M. Marcaggi

- le coût du gardiennage du véhicule "s'il y a lieu"

- le préjudice d'immobilisation subi par M. Dumontel représentant 230 euro par mois depuis le 1er avril 2008, jusqu'au remboursement effectif de la somme de 13 500 euro

- 1 300 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ce même jugement a condamné la SA BMW France à verser à la SAS Arverne Automobiles la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter la charge des dépens comprenant les frais d'expertise.

Le 4 avril 2012, la société BMW France en a interjeté un appel total.

Par ordonnance du 11 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables par suite de l'expiration du délai de deux mois dont elle disposait conformément à l'article 909 du Code de procédure civile, les conclusions signifiées par la SAS Arverne Automobiles le 12 septembre 2012.

Dans ses dernières écritures, transmises 8 janvier 2013, la SA BMW France soulève en premier lieu la nullité du jugement pour défaut de motivation en arguant de l'absence de réponse à ses arguments portant sur :

- l'absence d'établissement avec précision et certitude de la preuve de l'existence d'un vice caché (dépôt de calamine)

- l'existence d'un défaut d'entretien d'autant qu'elle avait versé aux débats un rapport d'expertise judiciaire, "établi dans le cadre de désordres similaires"

- la réparation possible du véhicule moyennant une somme modique

- l'absence de garantie dans le cadre d'une résolution de vente

- les bénéfices tirés de l'usage du véhicule et sa dépréciation

- l'absence de justification des frais annexes

- les reventes successives du véhicule.

Elle invoque ensuite l'erreur commise par le tribunal de grande instance en ce qu'il a affirmé qu'il "n'était pas contesté que la SA BMW France avait fourni le véhicule en cause à la SAS Arverne Automobiles", alors qu'elle en était l'importateur et que le véhicule de M. Dumontel avait fait auparavant l'objet de ventes successives et n' avait été acquis par la SAS Arverne Automobiles qu'en quatrième main, et les contradictions du jugement tenant à la prise en compte du rapport de M. Marcaggi mandaté par la compagnie d'assurances de M. Dumontel, dont l'insuffisance avait motivé l'organisation postérieure d'une expertise judiciaire.

Sur le fond, elle conclut à l'absence de preuve de l'existence d'un vice caché du véhicule au moment où elle l'aurait importé neuf en France en décembre 2001, soit 5 ans avant sa vente à M. Dumontel, d'autant que l'expertise de M. Delarbre, mettant en lumière l'important dépôt de calamine du moteur a évoqué un défaut d'entretien ou une erreur de maintenance tenant en un rajout excessif d'huile, sans en tirer les conséquences qui s'imposaient. Elle rappelle que le désordre affectant le véhicule de M. Dumontel est survenu alors qu'il avait six ans et affichait plus de 110 000 kms au compteur.

Elle conclut enfin à titre subsidiaire à l'absence de survenance d'une panne d'une gravité telle que le véhicule s'avérait irréparable, alors que seul un remplacement du piston aurait permis sa remise en état et que doivent être posées des limites à la liberté de l'option de l'acquéreur pour éviter une situation disproportionnée, rappelant à cette occasion l'offre d'indemnisation consentie par BMW France.

S'agissant de la demande de garantie revendiquée par la SAS Arverne Automobiles, elle demande que soient pris en compte la vétusté du véhicule, et le fait qu'elle ne peut être tenue pour responsable des frais annexes à l'origine desquels elle ne se trouve pas.

Elle conclut en conséquence :

au principal :

au débouté de la SAS Arverne Automobiles de l'ensemble des réclamations et au rejet de l'appel en garantie dirigé contre elle.

à titre subsidiaire :

- à la prise en compte d'une dépréciation du véhicule due notamment à son usage et au temps passé, pouvant être évaluée, au vu du barème de l'administration fiscale, à la somme de 20 000 euro qui serait déduite de celle correspondant au prix de vente à restituer et aux dommages et intérêts réclamés

- à l'absence de preuve du préjudice invoqué et d'un "lien de causalité directe et immédiat entre l'immobilisation du véhicule et les divers postes de préjudice prétendument subis".

en tout état de cause:

à la condamnation de la SAS Arverne Automobiles à lui payer une somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance clôturant l'instruction de la procédure a été rendue le 17 janvier 2013.

SUR CE :

Sur l'exception de nullité du jugement :

Attendu que l'article 455 du Code de procédure civile n'impose pas de fournir une réponse à tous les arguments soulevés par les parties, la motivation suffisante d'une décision de Justice étant celle qui répond aux conclusions ou à "certains moyens" ; que par une rédaction certes succincte, le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a statué sur les moyens soulevés par la SA BMW France en portant son appréciation de l'existence d'un vice présentant les caractéristiques imposées par l'article 1641 du Code civil au regard des constatations techniques des expertises effectuées, en se prononçant sur le lien de causalité entre le vice et "un défaut de conception qui existait dès l'origine", et après avoir rappelé l'intervention de la SA BMW France en qualité de fournisseur du véhicule, peu importe les erreurs commises qu'il incombe à la cour de rectifier, en retenant les éléments du préjudice de l'acquéreur et fait application du principe de sa réparation intégrale en exécution du prononcé de la résolution de la vente, rejetant ainsi la demande de prise en compte de la dépréciation du véhicule présentée par la SA BMW France ainsi que ses autres réclamations ; que, dans ces conditions, le prononcé de la nullité du jugement ne s'impose pas ;

Sur le fond :

Attendu que par ses dernières conclusions prises devant le tribunal de grande instance, qui restent aux débats, la SAS Arverne Automobiles, après avoir rappelé qu'elle avait intégralement réglé les causes du jugement du 2 septembre 2009, a repris les éléments des deux rapports d'expertise sur lesquels elle se fondait pour conclure que le vice était imputable au constructeur, et l'absence de moyens dont elle disposait pour en détecter la cause, en soulignant que la SA BMW France n'avait jamais contesté avoir été le vendeur originaire du véhicule. Elle estimait par ailleurs symptomatique que la SA BMW France soit en mesure de produire plusieurs rapports d'expertise démontrant qu'à au moins trois reprises elle avait été mise en cause pour des désordres similaires sur des véhicules identiques à un kilométrage approchant, et regrettait qu'elle n'ait pas communiqué les décisions rendues à l'issue de ces procédures ;

Attendu que les deux expertises subies par le véhicule de M. Dumontel ont été organisées dans le cadre de procédures différentes, l'une concernant le vendeur et l'acheteur, et l'autre le dernier vendeur et le vendeur importateur, de sorte que l'expertise judiciaire confiée à M. Delarbre dans le cadre du présent litige avait eu spécifiquement pour objet la communication de renseignement de nature technique permettant de déterminer si un vice pouvait être imputable au constructeur et motiver ainsi une action dont la SAS Arverne Automobiles était fondée à réclamer directement, comme elle en avait le droit, la garantie d'un intervenant dans la chaîne des vendeurs ;

Qu'en effet la SA BMW France démontre par la production de l'extrait Kbis la concernant, avoir pour objet social : "l'importation exportation achat vente distribution de tous véhicules moteurs", (ce qui n'implique d'ailleurs pas nécessairement, que ceux-ci soient à l'état neuf), mais qu'il n'est pas contesté qu'elle soit intervenue concomitamment à la première mise en circulation du véhicule de M. Dumontel ;

Attendu que si l'appelante souligne à juste titre l'intervention amiable de M. Marcaggi expert commis par la compagnie d'assurance de M. Dumontel, force est de constater que son expertise s'est déroulée en présence du représentant technique de BMW France, même si celui-ci, bien que convié n'a pas assisté à toutes les réunions, et que le coût des réparations a été évalué par le concessionnaire JPC à 12 088,07 euro dont BMW France a proposé à M. Dumontel le règlement pour moitié ;

Attendu que les appréciations des deux rapports d'expertise ne divergent pas fondamentalement sur l'origine de la panne que M. Marcaggi a reliée à la rupture d'un rivet servant de fixation au papillon d'admission d'un cylindre sur son axe, alors que M. Delarbre a précisé qu'il ne s'agissait pas d'un rivet mais d'une vis matée placée à l'endroit indiqué, laquelle n'ayant pu se libérer, avait rompu suite aux vibrations subies au cours des kilomètres parcourus pour finalement se rompre et entraîner ainsi le bout de l'axe du papillon sur lequel elle était fixée, causant de ce fait la dégradation du papillon, ce qu'avait également constaté M. Marcaggi ;

Attendu que le rapport de M. Delarbre a inclut les photographies des marques portées sur la chambre de combustion du troisième cylindre (p. 9 du rapport) qui attestent de façon significative du martellement de sa surface suite à l'absorption d'un corps étranger, tandis que les investigations entreprises après qu'il ait procédé à l'ouverture de la pipe d'admission, confirmait l'absence de la fixation du papillon du 3e cylindre correspondant à la chambre de combustion endommagée, pour en conclure qu'il s'agissait bien de la cause du vice affectant le véhicule (et non comme le soutient BMW France d'un défaut d'entretien par l'usage d'une huile inappropriée ayant pu entraîner un dépôt de calamine, ce qui résulte d'une hypothèse non retenue en l'espèce à l'inverse des deux expertises concernant des litiges différents) ; que dès lors M. Delarbre a clairement révélé l'existence d'un défaut de conception, résultant de ce que l'axe litigieux n'était fixé que d'un seul côté, et qu'il s'agissait d'un phénomène indécelable par un examen normal réalisé par un profane, ou même par un professionnel sans démontage de la pipe d'admission et vérification de l'état des papillons du moteur, alors que cette opération n'était pas prescrite dans la méthodologie de l'entretien fournie par BMW ;

Attendu que les deux experts s'accordent sur la création de dommages irréversibles au moteur, ce qui conduit à constater que le véhicule est impropre à la circulation, à moins de procéder au remplacement intégral de son moteur, ce qui, compte tenu du prix des réparations fixé à 12 088,07 euro par le concessionnaire JPC Automoblies, à 10 396,01 euro par M. Delarbre avoisine le prix d'acquisition payé en 2007 par M. Dumontel pour un véhicule dont la première mise en circulation était survenue le 20 janvier 2002, et ce, étant précisé d'ailleurs que la dépréciation du véhicule au moment de l'accident n'a pas à entrer en compte s'agissant d'une action fondée sur l'application de l'article 1641 du Code civil et de l'application du principe de l'anéantissement rétroactif de la vente ;

Attendu que l'acquéreur a légitiment fait usage de la faculté dont il disposait de mettre en œuvre l'action rédhibitoire et que le prononcé de la résolution de la vente qui en est résulté a eu pour effet de lui permettre légitimement de percevoir, outre le remboursement de son prix d'achat, l'indemnisation de ses frais annexes, (y compris les frais de l'expertise Marcaggi), justement évalués par le jugement déféré, étant précisé que les frais d'immobilisation du véhicule ne courent plus à ce jour où le prix d'acquisition est remboursé par la SAS Arverne Automobiles, ce qui en constituait la limite fixée par les premiers juges ;

Attendu que la preuve étant rapportée de ce que le vice caché portant atteinte à la destination du véhicule résultait d'une erreur de conception, la demande de garantie présentée par la SAS Arverne Automobiles à l'encontre de BMW France doit être accueillie dans son intégralité ;

Attendu qu'en conséquence le jugement sera confirmé et la SA BMW France qui succombe en son appel supportera la charge des dépens de la procédure afférente ; que l'équité commandant de ne pas laisser à l'intimée la totalité de ses frais irrépétibles, celle-ci devra percevoir de la SA BMW France une indemnité de 1 000 euro venant en complément de celle fixée par les premiers juges ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après avoir délibéré conformément à la loi, Vu l'article 455 du Code de procédure civile, Rejette l'exception de nullité du jugement soulevée par la SA BMW France ; Vu l'article 1641 du Code civil, Confirme le jugement déféré ; Condamne la SA BMW France à payer à la SAS Arverne Automobiles, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 1 000 euro s'ajoutant à celle de 2 000 euro mise à sa charge par le jugement ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne la SA BMW France aux dépens des procédure de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire.