CA Reims, ch. civ. sect. 1, 9 avril 2013, n° 11-02849
REIMS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Jacob
Défendeur :
Distral (SAS), Group Forma Diffusion (SARL), Procolor (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maillard
Conseillers :
M. Bresciani, M. Soin
Avocats :
Mes Pierangeli, Guillard, Genet, Ludot, Gaudeaux, Dahan, SCP Delvincourt Caulier-Richard, SELARL Guyot & De Campos
Exposé du litige
Suivant devis en date du 14 février 2006 d'un montant de 12 074,75 euros, la SARL Forma Diffusion a proposé à Monsieur Raynald Jacob la fourniture avec pose d'un portail coulissant, modèle ENZO de coloris RAL bleu sablé 700.
Le devis a été accepté et les travaux ont été réalisés puis facturés en août 2006, lesquels ont été réglés intégralement par Monsieur Jacob.
Arguant d'un vice apparu au niveau du portail, Monsieur Jacob a tenté des rapprochements amiables et a vainement mis en demeure la SARL Forma Diffusion de procéder à l'échange du portail par courrier en date du 17 octobre 2007.
Par ordonnance en date du 27 février 2008, Monsieur le Président du tribunal de grande instance a ordonné une mesure d'expertise.
Dans un rapport déposé le 5 juin 2009, l'expert a notamment conclu que la cause des désordres provenait du vieillissement différentiel de la teinte sablée des lames équipant le portail.
Il convient de préciser que la SARL Forma Diffusion a appelé dans la cause son fournisseur, la société Distral qui avait procédé à l'assemblage des profilés du portail, cette dernière ayant demandé à être garantie par la société Procolor son fournisseur de profilé.
Par jugement en date du 26 août 2011, le Tribunal de grande instance de Reims a débouté Monsieur Jacob de sa demande tendant à la résolution du contrat et a rejeté toutes autres demandes.
Interjetant régulièrement appel, Monsieur Jacob demande que la cour infirme le jugement et statuant à nouveau :
- prononce la résolution du contrat aux torts de la SARL Forma Diffusion,
- ordonne à cette dernière de reprendre le matériel litigieux et de restituer le prix réglé à hauteur de 12 074,75 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt,
- subsidiairement procède à la réduction du prix de vente à hauteur du coût de réfection chiffrée par l'expert à la somme de 6 300,71 euros HT, sur la base de la facture du 14 février 2006 réajustée de 4 % en 2009 par l'expert,
- ordonne à la société Distral de communiquer un devis actualisé pour permettre à Monsieur Jacob une indemnisation en réparation du préjudice subi pour faire face aux frais de remise en état du portail,
- en tout état de cause condamne la SARL Forma à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice de jouissance et pour résistance abusive, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des frais à hauteur de première instance outre la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel.
Monsieur Jacob soutient que les désordres esthétiques relevés par l'expert sont si importants, que ce dernier a conclu à une remise en état totale du matériel livré.
Il affirme que l'usage recherché n'était pas essentiellement de clôturer le terrain, mais d'obtenir un effet visuel par la pose de matériaux de grande qualité avec un souci esthétique important, s'agissant de la finition extérieure d'une maison neuve.
Il rappelle que le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés pour le vice à l'état de germe au moment de la vente et qui s'est développé ultérieurement.
La SARL Forma Diffusion conclut à la confirmation du jugement et sollicite le versement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que le désordre, d'ordre purement esthétique, ne justifie pas la résolution du contrat, l'obligation de délivrance ayant été respectée.
Elle en déduit que la procédure est non seulement injustifiée mais aussi abusive.
La société Distral conclut principalement à la confirmation du jugement.
Elle demande à titre subsidiaire à être garantie de toute condamnation par la société Procolor.
Elle sollicite en tout état de cause le versement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que le grief d'ordre purement esthétique ne justifie ni la résolution de la vente ni la réduction du prix.
Elle ajoute que les différences de teintes constatées sur les profilés sont imputables à la société Procolor.
La société Procolor conclut à la confirmation du jugement et sollicite le versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle affirme n'avoir commis aucune faute dans la survenance du dommage.
Elle demande à titre subsidiaire que le montant de la réparation soit fixé à la somme de 2 008 euros HT correspondant à la remise en état du portail telle que préconisée par l'expert.
MOTIFS
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;
Sont assimilés à des défauts cachés, les vices à l'état de germe au moment de la vente qui se développent ultérieurement ;
Une chose neuve présentant des défauts d'aspects importants peut être jugée comme affectée d'un tel vice, dès lors que l'acheteur ne l'aurait pas acquise s'il en avait eu connaissance ;
En l'espèce, suivant devis en date du 14 février 2006 d'un montant de 12 074,75 euros, la SARL Forma Diffusion a proposé à Monsieur Raynald Jacob la fourniture avec pose d'un portail coulissant, modèle Enzo de coloris RAL bleu sablé 700 ;
Il est constant que le devis a été accepté et que les travaux ont été réalisés puis facturés en août 2006, lesquels ont été réglés intégralement par Monsieur Jacob ;
Les termes du devis font ressortir que Monsieur Jacob avait choisi un portail de marque de coloris bleu sablé, de telle sorte que la couleur choisie et la qualité du matériel proposé étaient un élément essentiel de son consentement ;
L'appelant fait remarquer à juste titre que l'usage recherché n'était pas essentiellement de clôturer le terrain, mais d'obtenir un effet visuel par la pose de matériaux de grande qualité, s'agissant de la finition extérieure d'une maison neuve ;
Or, il résulte du rapport d'expertise en date du 5 juin 2009, effectué en conformité avec la mission prescrite par ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de Reims en date du 27 février 2008 :
- que les désordres apparus sur ce matériau neuf sont dus à un "vieillissement différencié" de la teinte bleue sablée des lames équipant le portail,
- qu'il n'est pas envisageable d'effectuer des travaux limités au portail en raison des écarts de teinte devant se produire avec le portillon et les lames de clôture,
- et que la solution est en définitive de "tout remettre en état" ;
Au vu de ces éléments, il est établi que la chose vendue est impropre à l'usage auquel l'acquéreur la destinait, et que le vendeur doit par conséquent être tenu de la garantie à raison des défauts cachés par application de l'article 1641 du Code civil ;
C'est donc à tort que la SARL Forma Diffusion conclut à de simples désagréments d'ordre esthétique qui ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;
En vertu des dispositions de l'article 1643 du Code civil, "l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de faire rendre une partie du prix" ;
Aux termes de l'article 1646 du Code civil, "si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente" ;
En l'espèce, l'acquéreur a exprimé le choix de rendre la chose et d'obtenir restitution du prix ;
En conséquence, il convient, par arrêt infirmatif, de faire droit à la demande principale de Monsieur Jacob, en prononçant la résolution du contrat aux torts de la SARL Forma Diffusion ;
La cour ordonnera corrélativement à la SARL Forma Diffusion de reprendre le matériel litigieux et de restituer le prix réglé à hauteur de 12 074,75 euros, et cela sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt ;
A défaut de connaissance du vice par le vendeur, la demande de dommages-intérêts formée par l'appelant sera rejetée en application de l'article 1646 du Code civil ;
Il convient par ailleurs de constater que la SARL Group Forma Diffusion n'a pas, dans le cadre de ses dernières écritures, demandé à être garantie par la société Procolor ou par la société Distral ;
L'appelant ayant obtenu gain de cause, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Procolor, de la société Distral ou de la SARL Group Forma Diffusion ;
La SARL Group Forma Diffusion sera condamnée à payer à Monsieur Jacob la somme globale de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
Par Ces Motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement ; Infirme le jugement rendu le 26 août 2011 par le Tribunal de grande instance de Reims ; Et statuant à nouveau : Prononce la résolution du contrat litigieux conclu entre la SARL Forma Diffusion et Monsieur Raynald Jacob, aux torts de la SARL Forma Diffusion ; Ordonne à cette dernière de reprendre le matériel et de restituer le prix réglé à hauteur de 12 074,75 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt ; Condamne la SARL Group Forma Diffusion à payer à Monsieur Jacob la somme globale de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la SARL Group Forma Diffusion aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.