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Décisions

CA Metz, 1re ch., 17 septembre 2013, n° 10-02436

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Scheffer, Deutsche Rentenversicherung Saarland, BKK ZF & Partner

Défendeur :

Escalux, AGF Courtage (SA), Cora (SA), Royal et Sun Alliance (Sté), CPAM de Sarreguemines

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Staechele

Conseillers :

Mmes Ott, Cunin-Weber

Avocats :

Mes Rozenek, Monchamps, Heinrich, Vanmansart, Haxaire, Salanave

TGI Sarreguemines, du 9 févr. 2010

9 février 2010

M. Eric Scheffer a acheté le 17 janvier 2003 auprès de la société Cora pour le prix de 84 euro un échafaudage produit par la société Escalux.

Le 22 janvier 2003, lors de travaux de tapisserie à son domicile il a fait une chute alors qu'il était monté sur cet échafaudage installé en sa hauteur maximale qui a basculé (de manière frontale). À la suite de sa chute, il a dû être hospitalisé et opéré pour enlèvement de fragments osseux au niveau du rocher.

Par actes des 8, 2 et 1er février 2005 M. Eric Scheffer et son organisme de sécurité sociale, la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH, ont assigné sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil la SAS Cora et l'assureur de celle-ci la SA AGF Courtage, ainsi que la SAS Escalux et l'assureur de celle-ci la société Royal et Sun Alliance aux fins de déclarer les sociétés Cora et Escalux solidairement responsables du préjudice subi par M. Scheffer lors de sa chute du 22 janvier 2003 et de les condamner solidairement avec leurs assureurs respectifs à réparer l'entier préjudice. Ils ont sollicité avant dire-droit une expertise médicale et le paiement d'une provision de 15 000 euro pour M. Eric Scheffer à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et de 55 891,91 euro à valoir sur le remboursement des prestations servies par l'organisme social.

La SAS Cora et son assureur ont conclu au débouté en l'absence de preuve d'un défaut du produit et d'un lien de causalité entre le prétendu défaut et le dommage allégué et ont sollicité à titre subsidiaire la garantie de la SAS Escalux et de l'assureur de cette dernière, lesquels ont conclu au débouté.

La Deutsche Rentenversicherung Saarland, organisme tiers payeur, est intervenu volontairement à l'instance. M. Eric Scheffer a également attrait à la procédure la CPAM de Sarreguemines.

Par jugement réputé contradictoire en date du 9 février 2010, le Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines, 1ère chambre civile, a débouté M. Eric Scheffer, la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH et la Deutsche Rentenversicherung Saarland de leurs demandes, les condamnant aux dépens et déboutant les défendeurs de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, le tribunal s'est principalement référé à l'expertise menée de façon contradictoire par la SAS Pierrat Expertises, mandaté par l'assureur en protection juridique de la victime, et aux constatations de l'expert notamment lors d'une reconstitution in situ qui a "conclu son rapport sur une incertitude, à savoir si le basculement résultait d'un usage normal ou d'un caractère de dangerosité particulier de l'échafaudage". Il s'est également référé à l'expertise menée de façon contradictoire par la SAS Saretec, mandaté par la SA AGF Courtage, qui a relevé que 'la hauteur de l'échafaudage est notoirement insuffisante pour la pose du papier-peint dans le hall de la maison des époux Scheffer, que les constatations techniques n'ont pas mis en évidence une quelconque défaillance des éléments constitutifs de l'échafaudage, que les déformations de certains éléments apparaissent comme une conséquence et non comme une cause de la chute' tout en convenant que "compte-tenu de la faible largeur de l'échafaudage, l'absence de stabilisateur peut avoir contribué au basculement, qu'il est préférable d'utiliser les plateaux deux marches en dessous de la hauteur maximale".

Le tribunal a considéré que "M. Eric Scheffer a installé son échafaudage pour la pose de papier-peint en un endroit de son habitation haut de plafond alors que la hauteur de l'équipement choisi était manifestement insuffisante' et a 'au vu de ces éléments et des pièces produites, de l'incertitude qui demeure sur la cause déterminante de la chute du 22 janvier 2003" a débouté les demandeurs de leur action en responsabilité.

Par déclaration enregistrée au greffe le 21 juin 2010, M. Eric Scheffer, la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH et la Deutsche Rentenversicherung Saarland ont régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par leurs dernières écritures du 26 novembre 2012, M. Eric Scheffer, la BKK ZF & PARTNER successeur de la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH et la Deutsche Rentenversicherung Saarland demandent à la cour, vu la directive du 25 juillet 1985 , les articles 1386-1 et suivants du Code civil , l'article 1147 du Code civil , de :

dire recevables et bien fondés les demandes, moyens et conclusions des appelants,

débouter les intimés autres que la CPAM de Sarreguemines de l'ensemble de leurs demandes, moyens et fins,

infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines du du 9 février 2010

statuant à nouveau

dire que la SAS Escalux et la SAS Unipersonnelle Cora sont entièrement et solidairement responsables des dommages causés par la chute de M. Eric Scheffer pour défauts de sécurité de l'échafaudage,

subsidiairement, dire que la SAS Unipersonnelle Cora a manqué à son obligation d'information vis-à-vis de son cocontractant M. Eric Scheffer,

plus subsidiairement, dire que la faute de M. Eric Scheffer ne saurait exonérer totalement les intimés de la responsabilité que leur imputera la cour,

condamner solidairement la SAS Escalux, la SAS Unipersonnelle Cora, la SA Allianz anciennement dénommée AGF Courtage, la société Royal et Sun Alliance Insurance Pic anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings à réparer les préjudices de M. Eric Scheffer,

subsidiairement, condamner solidairement la SAS Unipersonnelle Cora et la société Royal et Sun Alliance Insurance Pic anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings à réparer les préjudices de M. Eric Scheffer,

condamner solidairement la SAS Escalux, la SAS Unipersonnelle Cora, la SA Allianz anciennement dénommée AGF Courtage, la société Royal et Sun Alliance Insurance Pic anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings à payer à titre provisionnel :

la somme de 15 000 euro pour avance sur les préjudices personnels de la victime,

la somme de 55 891,91 euro au titre d'avance sur les débours de la caisse d'assurance maladie BKK ZF & Partner successeur de la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH,

la somme de 899,36 euro à titre d'avance sur les débours de la caisse Deutsche Rentenversicherung Saarland,

subsidiairement, condamner condamner solidairement la SAS Unipersonnelle Cora et la société Royal et Sun Alliance Insurance Pic anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings à payer ces sommes à titre provisionnel,

avant dire-droit, ordonner une expertise médicale et désigner tel expert qu'il plaira à Mesdames, Messieurs les Conseillers de la cour avec pour mission celle visée plus haut et toute autre à parfaire,

réserver les droits de conclure des appelants après dépôt du rapport d'expertise,

dire l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de Sarreguemines,

condamner solidairement la SAS Escalux, la SAS Unipersonnelle Cora, la SA Allianz anciennement dénommée AGF Courtage, la société Royal et Sun Alliance Insurance Pic anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings à verser, pour chacun des appelants, la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ,

condamner solidairement la SAS Escalux, la SAS Unipersonnelle Cora, la SA Allianz anciennement dénommée AGF Courtage, la société Royal et Sun Alliance Insurance Pic anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings aux entiers frais et dépens tant de première instance qu'en cause d'appel.

Par leurs dernières écritures notifiées le 10 avril 2013, la SAS Unipersonnelle Cora et la société Royal & Sun Alliance Insurance Pic ( RSAI Pic) anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings Limited (RIIH) demandent à la cour de :

dire M. Eric Scheffer, la société BKK ZF & Partner venant aux droits de la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH ainsi que la Deutsche Rentenversicherung Saarland mal fondés en leur appel ; les en débouter purement et simplement ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Eric Scheffer, la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH aux droits de laquelle est venue la société BKK ZF & Partner ainsi que la Deutsche Rentenversicherung Saarland de l'intégralité de leurs demandes ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'indemnité article 700 du C.P.C de la société Cora et de son assureur, la société Royal & Sun Alliance Insurance Pic ( RSAI Pic) anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings Limited (RIIH) ;

à titre principal, vu les articles 1147 et 1386-1 et suivants du Code civil

dire M. Eric Scheffer, la société BKK ZF & Partner et la Deutsche Rentenversicherung Saarland mal fondés en leurs demandes, dès lors qu'ils ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'un défaut du produit et d'un lien de causalité entre ce défaut et le dommage allégué, ni d'un quelconque manquement du vendeur à son obligation d'information,

en conséquence, les débouter purement et simplement de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

les condamner in solidum, ou les uns à défaut des autres, à verser à la SAS Cora et à la société Royal & Sun Alliance Insurance Pic ( RSAI Pic) anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings Limited (RIIH) une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Hervé Haxaire, Avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C ;

à titre subsidiaire,et si par impossible la cour estimait devoir retenir la défectuosité du produit ou un manquement à l'obligation d'information :

constater que la société Cora n'est pas le fabricant de l'échafaudage litigieux ;

constater que la fiche descriptive des consignes de montage et d'utilisation de l'échafaudage litigieux a été mise en œuvre par la SAS Escalux, fabricant,

en conséquence, condamner in solidum la SAS Escalux et la SA Allianz anciennement dénommée AGF Courtage, à relever et garantir la SAS Cora et la société Royal & Sun Alliance Insurance Pic ( RSAI Pic) anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings Limited (RIIH) des éventuelles condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre, en principal, intérêts et frais ;

condamner in solidum la SAS Escalux et la SA Allianz à verser à la SAS Cora et la société Royal & Sun Alliance Insurance Pic ( RSAI Pic) anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings Limited (RIIH) une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Hervé Haxaire, Avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C ;

à titre plus subsidiaire :

dire M. Eric Scheffer mal fondé en sa demande en provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices allégués ; l'en débouter purement et simplement;

sous réserves de la production de justificatifs de frais restés à charge, réduire dans d'importantes proportions le quantum de la provision susceptible d'être allouée à M. Eric Scheffer ;

en l'absence d'évaluation des préjudices allégués par M. Eric Scheffer, en l'absence de preuve de l'imputabilité aux faits de la cause des prestations réclamées par les organismes tiers-payeurs, dire la société BKK ZF & Partner venant aux droits de la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH et la Deutsche Rentenversicherung Saarland mal fondées en leurs demandes de provisions à valoir sur leurs créances respectives ; les en débouter purement et simplement ;

dire M. Eric Scheffer, la société BKK ZF & Partner venant aux droits de la Betriebskrankenkasse ZF Getriebe GmbH et la Deutsche Rentenversicherung Saarland également mal fondées en leur demande d'expertise médicale ; les en débouter purement et simplement ;

infiniment subsidiairement :

dire qu'elle sera diligentée aux frais avancés par les appelants ;

donner acte à la SAS Cora et la société Royal & Sun Alliance Insurance Pic ( RSAI Pic) anciennement dénommée Royal International Insurance Holdings Limited (RIIH) de leurs plus expresses protestations et réserves ;

dire que l'expert désigné recevra une mission conforme à la nomenclature Dinthilac, notamment de

déterminer l'état antérieur de M. Eric Scheffer,

distinguer les séquelles strictement liées aux faits allégués par M. Eric Scheffer en distinguant ce qui peut être imputable à un état antérieur et/ou ce qui peut être imputable à un autre événement,

adresser un pré-rapport aux parties sur lequel celles-ci pourront faire valoir leurs observations dans un délai de 4 semaines,

dire que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du C.P.C

en conséquence, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, surseoir à statuer sur les réclamations financière des appelants ;

statuer ce que de droit quant aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Hervé Haxaire, Avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C.

Par ses dernières écritures du 11 mars 2013, la SAS Escalux et la SA Allianz anciennement dénommée AGF Courtage demandent à la cour de :

débouter les appelants de leur appel,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

eu égard aux circonstances de la cause, condamner les appelants aux entiers dépens d'Instance et d'appel,

les condamner à verser à la SAS Escalux et à la SA Allianz la somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du CPC ,

Très subsidiairement, si la cour devait retenir la responsabilité de la société Escalux

ordonner une expertise, aux frais avancés de M. Scheffer, pour déterminer les préjudices en lien et conséquences directs avec la chute de M. Scheffer en tenant compte notamment de l'état antérieur de celui-ci, selon la nomenclature DINTILHAC, avec dépôt d'un pré rapport,

réserver aux parties de conclure après cette mesure d'instruction.

La CPAM de Sarreguemines n'a pas constitué avocat bien que régulièrement assignée par acte d'huissier remis à personne habilitée le 10 décembre 2012. Il convient dès lors de statuer par arrêt réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2013.

SUR CE :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la cour se réfère expressément ; vu les pièces ;

Attendu que pour critiquer le jugement entrepris, les appelants se fondent sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil en soutenant que la responsabilité des sociétés Escalux et Cora est engagée à raison du défaut de sécurité présenté par l'échafaudage qui n'offre pas la sécurité légitimement attendue dans une utilisation normale ; qu'ils se réfèrent à la documentation accompagnant le produit présenté comme "sécurisant", en soulignant que le dessin sur la fiche du constructeur montre l'utilisation en position la plus haute ce qui conduit le client logiquement à penser en faire un usage normal sans autre précaution ; qu'ils renvoient au rapport d'expertise Pierrat dont il ressort un manque de stabilité frontale de l'échafaudage Escalux qui, à la différence d'autres modèles, n'est pas doté d'élargisseurs garantissant une meilleure stabilité, outre le fait que le garde-corps ne remplit pas son office en position d'échafaudage à hauteur maximale ; qu'ils contestent la lecture partielle faite par les intimés et le tribunal du rapport d'expertise Saretec ; qu'ils invoquent la causalité adéquate en faisant valoir que les défauts relevés du produit sont les causes les plus probables du dommage ; que M. Eric Scheffer conteste toute faute de sa part dans l'utilisation du matériel et considère que s'il devait être retenu une faute à son encontre, elle ne pourrait exonérer totalement les sociétés Escalux et Cora de leur responsabilité ;

Qu'à titre subsidiaire, les appelants font valoir que la SAS Cora en sa qualité de vendeur a manqué à son obligation de mise en garde ou de conseil dans le cadre de l'utilisation de l'échafaudage, vendu par elle, qui est à destination de non-professionnels pour un usage commun tel que la pose de papiers-peints ;

Attendu que les intimées, s'appuyant sur le rapport d'expertise Saretec, répliquent qu'aucune défaillance des éléments constitutifs de l'échafaudage n'a été mise en évidence et qu'il n'est démontré aucun défaut du produit alors que selon les deux expertises les circonstances exactes de l'accident ne sont pas connues ; qu'ils soulignent que la hauteur maximale de l'échafaudage ne permettait pas la réalisation des travaux entrepris à une hauteur très supérieure et insistent sur les éraflures profondes constatées en hauteur sur le mur démontrant que M. Eric Scheffer n'a pas utilisé l'échafaudage dans des conditions normales ; qu'ils se prévalent des dispositions de l'article 1386-13 du Code civil supprimant la responsabilité du producteur au cas de faute de la victime ;

Que la SAS Cora ajoute que la prétention, nouvelle en appel de M. Eric Scheffer au titre du manquement à l'obligation de mise en garde ou de conseil, est irrecevable conformément à l'article 564 du Code de procédure civile ; qu'elle réplique que, ne s'agissant pas d'un matériel complexe, il n'y a pas de formation ou information particulière nécessaire en dehors des consignes du constructeur sur la notice établie par ce dernier, qu'elle n'a pas failli dans la vente de ce matériel et que, les circonstances précises de la chute n'ayant pas été établies, rien ne permet d'affirmer que M. Scheffer n'aurait pas été suffisamment informé des conditions d'utilisation de l'échafaudage ;

Attendu que par application de l'article 1386-1 du Code civil le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, l'article 1386-4 précisant qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, ce qui doit s'apprécier en fonction de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit et de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu ;

Attendu que conformément à l'article 1386-9 du Code civil disposant que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la charge de la preuve pèse sur M. Eric Scheffer, étant précisé que la simple implication de l'échafaudage, fabriqué par la SAS Escalux et vendu par la SAS Cora, dans la réalisation du dommage subi par M. Scheffer suite à sa chute de l'échafaudage ne suffit pas à établir le défaut de ce produit au sens des articles 1386-1 et 1386-4 du Code civil ;

Que l'article 1386-13 du Code civil énonce que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte-tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ;

Attendu que l'accident s'est produit alors que M. Scheffer pour effectuer à son domicile des travaux de papiers peints utilisait l'échafaudage litigieux et était monté sur le plateau positionné en position maximale entre les deux montants latéraux ;

Attendu que deux expertises ont été diligentées de façon contradictoire entre les parties, l'une par le cabinet Pierrat Expertises désigné par l'assureur "protection juridique" de M. Scheffer, l'autre par le cabinet Saretec désigné par l'assureur AGF Courtage de la SAS Escalux ;

Attendu que le rapport Pierrat précise que l'observation des pièces endommagées (un croisillon de maintien et une virole de fixation d'un pied anti-basculement) ne révèle pas de faiblesse particulière des pièces dans leur constitution ou dans leur mode d'assemblage; que les deux expertises sont concordantes pour dire que les déformations constatées sur des éléments de l'échafaudage après accident sont le résultat de l'accident et non la cause du basculement de l'échafaudage ;

Qu'en particulier l'expertise Saretec décrit précisément, avec photographies à l'appui, la reconstitution du basculement de l'échafaudage opérée dans la pièce où la commode à dessus de marbre a été replacée en son exacte position telle que lors de l'accident ; qu'il en ressort que l'échafaudage a basculé sans toutefois aller jusqu'au sol revêtu de carrelage, ayant été stoppé par la commode dont la plaque de marbre présente une trace de choc sur le bord ; que lors de cette reconstitution, il a été constaté qu'il y avait corrélation entre la déformation de la barre d'attache et le contact avec le dessus de la commode ; que le rapport Pierrat a conclu dans le même sens ; qu'il a ainsi été nettement démontré que cette déformation, de même que celle de la béquille anti-basculement vers l'intérieur, sont la conséquence de l'accident et ne sont pas à l'origine du basculement de l'échafaudage ;

Qu'ainsi n'a été mise en évidence aucune défaillance structurelle du produit ; que la chute de M. Eric Scheffer n'est donc pas la conséquence d'un défaut de l'échafaudage, dans la qualité de ses éléments constitutifs ou de leur assemblage ;

Attendu que la notice du fabricant est certes axée sur la sécurité vantée du produit : "sécurisant : 2 pieds anti-basculement", "résistant : testé à 260 kg" et "confortable : embouts larges et anti-dérapants" en montrant de près le garde-corps et les pieds anti-basculements longitudinaux, lesquels sont destinés à éviter le basculement lors de la montée sur l'échafaudage ;

Qu'en effet le schéma du fabricant montre l'échafaudage avec son plateau positionné sur le dernier barreau le plus élevé et aucune restriction ou consigne particulière n'est mentionnée pour cette position maximale qui relève donc d'un mode ordinaire d'utilisation;

Que cependant le fait que l'échafaudage litigieux ne soit pas doté, à la différence d'autres produits de ce type, d'un système de stabilisation frontale, ne suffit pas en soi à caractériser un défaut de sécurité de ce matériel ;

Attendu que le rapport Pierrat, qui fait état d'un manque de stabilité frontale, considère que lorsque le matériel est utilisé dans sa capacité de hauteur maximale, le garde-corps est à moins de 60 cm au-dessus du plateau sur lequel se trouve l'utilisateur et estime que l'installation devient dangereuse dans la mesure où le garde-corps, placé à une hauteur insuffisante, représente alors une butée qui peut provoquer le basculement de la personne s'y appuyant en reculant ;

Que le rapport Saretec relève également une insuffisance de la protection par le garde-corps à cette hauteur maximale, même s'il indique que c'est "a priori sans lien établi avec la chute de M. Scheffer" ;

Que pour autant le rapport Pierrat conclut en ce que "il reste à déterminer si le basculement s'est réalisé dans des conditions normales d'utilisation ou s'il présente un caractère de dangerosité particulière" ; qu'il sera observé que ce rapport indiquait d'ailleurs "nous sommes montés sur le plateau de l'échafaudage (après remplacement des éléments déformés) et lui avons fait subir certaines contraintes en tous sens. L'assemblage s'est révélé relativement stable et aucun de ces composants, tous restés en place, ne s'est déformé", ce qui permet d'envisager l'intervention d'un élément extérieur ayant provoqué le basculement de l'échafaudage ;

Et attendu que la notice de l'échafaudage montre que la position maximale du plateau en hauteur est de 1,64 m et précise très clairement : "hauteur de travail de 3,75 m pour une personne de 1,75 m" ; que les deux rapports d'expertise de façon concordante ont souligné que cette hauteur était très insuffisante pour atteindre directement le haut du mur dans le hall de l'habitation où l'échafaudage était installé, la hauteur du hall y atteignant environ 6 mètres;

Attendu que les deux expertises ont relevé la présence sur le mur où travaillait M. Scheffer de profondes éraflures ;

Que si le rapport Pierrat pour expliquer ces éraflures évoque la possibilité que M. Scheffer ait eu recours à un autre moyen d'élévation tel qu'un escabeau, installé sur le plateau de l'échafaudage, afin d'atteindre la partie supérieure du chantier, il a noté que cette hypothèse était vigoureusement rejetée par M. Scheffer et n'a pu, à la différence des traces relevées sur la commode et précédemment citées, fournir d'explications à ces éraflures profondes constatées à 1m50/2 m au-dessus du plateau de l'échafaudage allant du haut vers le bas, et sur le mur à droite de la porte d'entrée allant du bas vers le haut, si ce n'est que selon les assurés "après l'accident, le matériel encombrant le hall, échelles et échafaudage ont été relevés précipitamment" ;

Que cependant le rapport Saretec, avec photographies à l'appui, montre nettement que les déchirures constatées en partie basse du mur à côté de la porte d'entrée, allant dans le sens du bas vers le haut, coïncident avec un pied de l'échafaudage qui quitte le sol et remonte sous l'effet de bascule de l'échafaudage, stoppé par la commode ;

Que la double déchirure de papier-peint au-dessus de la porte est constatée en hauteur : 1 m 50/2 m au-dessus du plateau selon le rapport Pierrat, à 1,65 m au-dessus du plateau selon le rapport Saretec alors que la hauteur restante du montant de l'échafaudage n'est que de 71 cm, ce qui exclut indiscutablement que cette trace ait été provoquée par l'échafaudage lui-même lors du basculement ;

Que ces traces ne peuvent avoir été provoquées que lors de l'accident par la chute d'un objet présent sur l'échafaudage et au contact du mur, suffisamment dur pour laisser des éraflures profondes, étant rappelé que les traces sont observées du haut vers le bas ; qu'elles ne peuvent aucunement s'expliquer par le relèvement de l'échafaudage, et ce même dans la précipitation, comme ont tenté de le faire lors de l'expertise Pierrat M. et Mme Scheffer ;

Que la seule explication, eu égard à la gravité qui naturellement attire au sol au lieu de repousser vers le plafond, réside dans la présence sur le plateau de l'échafaudage, large de 46 cm, d'un objet de grande hauteur comportant des parties métalliques susceptibles de provoquer des entailles ou des éraflures lors d'un choc contre un mur, objet qui lorsque l'échafaudage a basculé, a dans sa chute provoqué les profondes éraflures qui ont pu être objectivées ;

Qu'or la position maximale de l'échafaudage en hauteur ne permettait pas à cet endroit, compte-tenu de la hauteur sous plafond de près de 6m, d'atteindre la partie supérieure du chantier ;

Qu'il est ainsi manifeste que M. Scheffer a eu recours à un mode d'élévation supplémentaire, escabeau ou autre, sur l'échafaudage, ce qui constitue un manque fautif aux règles élémentaires de prudence pour toute personne sensée ; qu'il est à noter que la présence d'un escabeau a été admise par M. Scheffer, même si lors des expertises il n'a pas été en mesure de préciser l'endroit où se trouvait cet escabeau lors de l'accident;

Attendu qu'ainsi, à supposer même que puisse être retenu, au regard de ce qui a été précédemment été rappelé, un défaut de sécurité de l'échafaudage dans sa conception pour une utilisation en position maximale de hauteur du fait d'une insuffisance de protection par garde-corps dans cette configuration ' en ce que le produit n'apporterait pas alors la sécurité légitimement attendue ' , cette dangerosité du produit n'est pas susceptible d'engager la responsabilité des intimés alors que la chute dont a été victime M. Scheffer résulte directement et exclusivement de l'utilisation anormale faite de l'échafaudage par sa faute ;

Attendu que les appelants doivent en conséquence être déboutés de leur demande envers la SAS Escalux et la SAS Cora fondée sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil ;

Attendu que le manquement à l'obligation de mise en garde et de conseil est un moyen nouveau développé à hauteur de cour par les appelants tendant à justifier les prétentions soumises aux premiers juges, et aucunement une prétention nouvelle comme le prétendent la SAS Cora et son assureur, de sorte que par application de l'article 563 du Code de procédure civile il n'existe aucune cause d'irrecevabilité ;

Mais attendu que la SAS Cora qui a vendu l'échafaudage litigieux n'en est pas le fabricant ; que l'échafaudage, comportant sur un de ces montants des pictogrammes de sécurité, était accompagné de la notice du fabricant Escalux ; que les éléments fournis par le fabricant étaient de nature à informer suffisamment le consommateur pour l'utilisation normale attendue d'un tel produit, sans obliger le revendeur a apporté d'information ou de formation supplémentaires ;

Que les appelants ne sont pas fondés à faire grief à la SAS Cora d'un manquement à l'obligation de mise en garde ou de sécurité, alors qu'en tout état de cause, ainsi qu'il vient d'être vu, la chute de M. Scheffer résulte directement et exclusivement de l'utilisation anormale faite de l'échafaudage par sa faute ;

Attendu que les appelants seront également déboutés de leur demande sur ce fondement;

Attendu qu'il convient en conséquence, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement entrepris qui a débouté M. Eric Scheffer et les organismes de sécurité sociale, tiers payeurs, de l'ensemble de leurs demandes ;

Attendu que les appelants qui succombent sur leur appel doivent être condamnés aux entiers dépens d'appel ;

Attendu que l'équité n'exige pas à hauteur de cour l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort: Déclare l'appel régulier en la forme ; Déboute M. Eric Scheffer et les tiers payeurs de leurs demandes fondées sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil ; Dit que les appelants sont recevables à invoquer en appel le manquement à l'obligation de mise en garde ou de conseil par application de l'article 1147 du Code civil ; Déboute les appelants de leur demande sur ce fondement de l'article 1147 du Code civil ; Confirme en conséquence en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines, 1ère chambre civile, en date du 9 février 2010 ; Y ajoutant : Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne les appelants aux entiers frais et dépens d'appel.