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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 25 février 2014, n° 12-06857

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Patrick Vadé (EARL)

Défendeur :

Moret-Marchais

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mme André, M. Fontaine

Avocats :

Mes Dervilliers, Hugot, Lhermitte, Pieto

TGI Nantes, du 31 mai 2012

31 mai 2012

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 9 mai 1987, M. Patrick Vadé, viticulteur, d'une part, et Mme Moret, d'autre part, ont conclu un contrat d'agent commercial attribuant à la seconde l'exclusivité sur les départements 44, 56 et 29 pour la commercialisation des vins rouges Saumur Champigny et des vins blancs Saumur AC. Ce contrat, repris en 1996 par l'EARL Patrick Vadé, a été résilié le 21 février 2007, l'expiration du délai de préavis étant fixée au 21 octobre 2007.

Les parties s'opposant sur le montant des commissions indirectes dues à l'agent et partant sur le calcul de son indemnité de fin de contrat, Mme Moret a fait assigner l'EARL Patrick Vadé devant le Tribunal de grande instance de Nantes le 2 mars 2010.

Par jugement contradictoire en date du 31 mai 2012, le Tribunal de grande instance de Nantes a déclaré recevable l'action engagée par Mme Moret-Marchais à l'encontre de l'EARL Patrick Vadé et a condamné cette société à lui payer :

- une somme en principal de 193 943,43 euros à titre de commissions d'agent commercial restant dues ;

- une somme de 77 349,51 euros à titre d'indemnité de résiliation, ces montants étant augmentés des intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2007 avec capitalisation des intérêts ;

- une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'EARL Patrick Vadé a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour :

- à titre principal, de déclarer irrecevable l'action de Mme Moret-Marchais pour défaut d'intérêt et de qualité pour agir,

- à titre subsidiaire, de la débouter de ses demandes,

- à titre plus subsidiaire encore, de les réduire dans d'importantes proportions,

- de la condamner au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme Moret-Marchais conclut à la confirmation du jugement critiqué sauf à lui accorder en outre, en indemnisation de son préjudice commercial et d'image, la somme de 20 000 euros ainsi qu'une somme supplémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à porter le montant des condamnations aux sommes suivantes :

- à titre de commissions, 194 630,29 euros TTC ;

- à titre d'indemnité de résiliation 107 314,71 euros.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société appelante le 17 décembre 2012 et pour Mme Moret-Marchais le 13 février 2013.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande

L'EARL Patrick Vadé soutient que Mme Moret-Marchais n'aurait pas qualité à agir, ayant transmis sa carte d'agent commercial à son mari en 1999. A l'appui de son moyen, elle produit un document à l'adresse de "Monsieur Patrick Vadé", qui n'est ni daté, ni signé, ni approuvé par le mandant, dont l'origine et le rédacteur ne sont pas déterminés.

Or, les relations entre les parties sont régies par le droit civil et non le droit commercial de sorte que seul un écrit peut valoir preuve contre les mentions contenues dans un contrat constaté par écrit.

De surcroît, les factures émises jusqu'à la rupture des relations contractuelles l'ont été par Mme Moret en sa qualité d'agent commercial personnellement immatriculée au registre des agents commerciaux. De même, les lettres recommandées avec accusé de réception notifiant la résiliation du contrat d'agent commercial lui ont été personnellement adressées tandis que le chèque censé représenter le solde des sommes dues était établi à son ordre.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont constaté que l'EARL Patrick Vadé ne rapportait pas la preuve qui lui incombe d'un transfert à M. Marchais du contrat d'agent commercial conclu le 9 mai 1987 entre M. Vadé et Mme Moret et ont déclaré la demande de celle-ci recevable.

Sur le fond

Tant le contrat d'agent commercial lui-même que les dispositions d'ordre public de l'article L. 134-6 du Code de commerce permettent à l'agent commercial de revendiquer un droit à commission, selon le pourcentage convenu au contrat, sur toutes les opérations commerciales conclues sur son secteur avec sa clientèle.

Or le mandant a directement vendu une partie de sa production à la société Système U-Ouest ayant son siège social et son principal établissement à Carquefou (44) sur le secteur attribué à son agent commercial alors que cette société n'était pas exclue de la clientèle attribuée à cet agent.

Pour s'opposer au paiement de commissions sur ces ventes, l'EARL Patrick Vadé se prévaut de l'interprétation de la directive européenne 86-653 du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants et de l'article 6 la loi du 25 juin 1991 telle que précisée par la Cour de justice des Communautés européennes dans le cas où le siège social du client n'est pas situé au lieu d'exploitation et d'exercice de son activité commerciale. Elle rappelle que le lieu d'exercice effectif de l'activité commerciale est déterminant et que le lieu d'implantation des installations de la société destinataire de l'opération doit être pris en considération et déduit du fait que les achats de la société Système U-Ouest étaient pour partie destinés à des sociétés actionnaires de la Centrale d'achat qui n'étaient pas domiciliées sur le secteur de l'agent, l'absence du droit à commissions.

Mais il n'est pas discuté que les contrats ont été conclus avec la société Système U-Ouest, personne morale indépendante, et les marchandises intégralement livrées dans son entrepôt de Carquefou. Dès lors, le fait que ces achats aient été réalisés aux fins de revente à des distributeurs affiliés au réseau ne résidant pas dans le secteur géographique attribué à l'agent est inopérant.

Mme Moret-Marchais produit un décompte du chiffre d'affaires réalisé avec les clients domiciliés sur les départements 44, 56 et 29 à partir des propres pièces produites par le mandant qui n'en démontre pas l'inexactitude. En particulier, il n'apporte aucun élément de nature à établir que dans le chiffre d'affaires servant de calcul aux commissions réclamées par Mme Moret figurent des ventes portant sur des vins d'appellation "Crémant de Loire" et "Cabernet de Saumur" dont la commercialisation ne lui était pas confiée et, a fortiori, à établir le montant du chiffre d'affaires ainsi exclu. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont calculé les commissions sur les informations qu'il a fournies.

Les parties s'accordent sur un calcul au prorata s'agissant des ventes réalisées en 2007, mais le calculent différemment. Le 21 octobre ne devant pas être pris en considération, ce calcul ne doit être effectué ni sur 294 jours, ni sur 290 jours, mais sur 293 jours. Compte tenu de cet élément, le montant des commissions dues sera légèrement modifié pour être porté à 194 458,57 euros TTC.

L'indemnité de fin de contrat fixée par les premiers juges qui répare intégralement le préjudice subi par l'agent commercial sera confirmée. La société Patrick Vadé soutient avoir déjà réglé à ce titre une somme de 2 131,34 euros mais les pièces produites révèlent que ce chèque n'a pas été encaissé, lui ayant été renvoyé. Elle ne démontre donc pas le paiement allégué.

Mme Moret n'établit pas avoir souffert d'un préjudice commercial et d'image qui ne serait pas réparé par cette indemnité de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande qu'elle a présentée à ce titre.

Par ailleurs, la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil est de droit dès lors qu'elle est demandée de sorte que le jugement sera également confirmé de ce chef.

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions en cause d'appel, l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges étant cependant confirmée. L'EARL Patrick Vadé ayant pris l'initiative de la procédure d'appel qui s'est révélée injustifiée en supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nantes le 31 mai 2012 sauf à rectifier le montant des sommes restant dues au titre de commissions, lequel s'élève à 194 458,57 euros TTC et non à 193 943,43 euros TTC ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Condamne l'EARL Patrick Vadé aux dépens d'appel.