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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 6 mars 2014, n° 12-07830

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Barbat

Défendeur :

Setma Europe (SAS), Schmitt Ney (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gimonet

Conseillers :

Mmes Lefevre, Cléroy

Avocats :

Mes Helain, Fanet, Bonnabel, Faure

TGI. Evry, du 6 mars 2012

6 mars 2012

Monsieur Jean-Claude Barbat a acquis le 17 novembre 2009 auprès de la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage une baignoire d'angle avec fonction balnéothérapie, fabriquée par la société Setma Europe ; il s'est plaint de n'avoir jamais pu utiliser la fonction balnéothérapie de la baignoire, le défaut de soufflerie rendant impossible l'utilisation du système d'air ;

Par jugement du 6 mars 2012, le Tribunal d'instance d'Evry a :

- condamné in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer à Monsieur Jean-Claude Barbat la somme de 3 504 euro ;

- rejeté la demande en dommages-intérêts pour préjudice de jouissance ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toute autre demande ;

- condamné in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer à Monsieur Jean-Claude Barbat la somme de 700 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Monsieur Jean-Claude Barbat a interjeté appel de cette décision et, par conclusions déposées le 27 septembre 2012, a demandé à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à lui payer la somme de 3 504 euro et la somme de 700 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- d'infirmer le jugement pour le surplus ;

- de condamner in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à lui payer la somme de 6 000 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en réparation de son préjudice de jouissance ;

- de condamner in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer à lui payer la somme de 2 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

La société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage a demandé à la cour, par conclusions déposées le 30 juillet 2012 :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur Barbat au titre d'un préjudice de jouissance ;

- de débouter ce dernier de toute demande à ce titre ;

- de prendre acte de ce que la société Setma Europe propose d'indemniser le préjudice matériel de Monsieur Barbat par l'allocation de la somme de 1.704 euro ;

- de débouter Monsieur Barbat de toutes demandes formées à son encontre ;

- subsidiairement, de condamner la société Setma Europe à la garantir de toute éventuelle condamnation en principal, frais, dépens et intérêts éventuellement prononcée à son encontre ;

- de condamner tout succombant à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

La société Setma Europe a demandé à la cour, par conclusions déposées le 5 juillet 2012 et signifiées le 11 juillet 2012 :

- de confirmer le jugement ce qu'il a rejeté la demande de condamnation formée au titre d'un préjudice de jouissance ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum à payer à Monsieur Barbat la somme de 3 504 euro au titre du préjudice matériel ;

- de prendre acte de ce qu'elle propose d'indemniser le préjudice matériel de Monsieur Barbat par l'allocation de la somme de 1 704 euro ;

- de la condamner en conséquence in solidum avec la société Schmit Ney sanitaire et chauffage à payer à Monsieur Barbat la somme de 1 704 euro ;

- de condamner Monsieur Barbat à lui payer la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;

Que si l'action en réparation du préjudice subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire, de sorte que cette action en indemnisation peut être engagée de manière autonome, il reste qu'en demandant à nouveau devant la cour la restitution du prix d'achat Monsieur Barbat exerce l'action estimatoire ;

Considérant que la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage ne conteste pas le principe de sa condamnation sur le fondement de l'article 1641 du Code civil mais demande à la cour de chiffrer à la baisse le "préjudice matériel" de ce dernier en le fixant à la somme de 1 704 euro ;

Que Monsieur Barbat agissant dans le cadre d'une action estimatoire, il ne peut à la fois conserver sa baignoire et obtenir la restitution intégrale du prix de vente ;

Considérant que la cour est en mesure, eu égard à l'utilité de la chose vendue qui peut toujours être utilisée comme une baignoire classique et en considération des tarifs pour les mêmes baignoires sans système massant figurant dans le catalogue de 2009 versé aux débats par la société Setma Europe, de fixer le prix de vente de la baignoire en cause à la somme de 1 800 euro ;

Que dès lors il convient en infirmant le jugement de condamner la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage à payer à Monsieur Barbat au titre de son action estimatoire la somme de 3 504 euro -1 800 euro = 1 704 euro ;

Considérant par ailleurs que la société Setma Europe, qui n'a pas été condamnée par le premier juge sur le fondement de la garantie des vices cachés mais sur celui de sa garantie contractuelle de fabricant, ne conteste pas non plus le principe de sa condamnation mais estime que le préjudice matériel de Monsieur Barbat est égal à la différence de prix entre la baignoire qu'il a acquise et celui d'une baignoire classique ;

Considérant qu'aux termes de la garantie contractuelle offerte par la société Setma Europe, la baignoire bénéficiait d'une garantie limitée à la réparation ou au remplacement des pièces reconnues défectueuses ; que le montant des pièces défectueuses s'élevant à la somme de 1 704 euro, il convient de condamner la société Setma Europe -in solidum avec la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage- au paiement de ladite somme de 1 704 euro ;

Considérant par ailleurs que Monsieur Barbat sollicite l'allocation d'une somme de 6 000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance

Qu'en cause d'appel, Monsieur Barbat demande la condamnation de la société Setma Europe à la fois sur le fondement de sa garantie contractuelle et sur celui de la garantie des vices cachés ;

Considérant que la réparation du préjudice de jouissance sollicitée par Monsieur Barbat ne peut être accordée à ce dernier que sur le fondement de la garantie des vices cachés, la réparation d'un préjudice immatériel n'entrant pas dans le champs d'application de la garantie contractuelle ;

Considérant que ni la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage ni la société Setma Europe ne contestent l'existence d'un vice caché de la baignoire, tel que décrit par le premier juge, qui a fait état d'un rapport d'expertise amiable duquel il résultait que des traces noires apparaissaient sur l'extrémité droite de la baignoire après 10 minutes de fonctionnement du système d'air et que la source de la pollution de l'eau du bain provenait de l'entrée d'air dans le système d'air protégé par un filtre, mal disposé et ne remplissant pas son rôle ; qu'il a été établi qu'il s'agissait d'un vice de conception auquel il n'a pu être remédié ;

Considérant, dès lors, que ce vice existait au moment de la vente de la baignoire en cause par la société Setma Europe ;

Que le bien ayant été transmis à Monsieur Barbat dans le cadre d'une chaîne de contrats translative de propriété, ce dernier dispose d'une action contractuelle directe contre le vendeur originaire, la société Setma Europe, outre l'action qu'il peut exercer concurremment contre son propre vendeur, la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage ;

Considérant que tant la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage que la société Setma Europe sont des vendeurs professionnels censés connaître les vices de la chose et sont donc tenus comme tels à tous dommages-intérêts ;

Que Monsieur Barbat, qui ne pourra jamais utiliser la fonction balnéothérapie de sa baignoire, subit ainsi un préjudice de jouissance que la cour est en mesure de fixer au jour de l'arrêt à la somme de 3 000 euro ;

Qu'à cet égard, il n'est pas établi que les travaux de rénovation de la salle de bains de Monsieur Barbat rendant impossible le passage d'une baignoire de 140 x140 aient été effectués postérieurement à la connaissance par ce dernier de l'impossibilité de réparer la baignoire vendue, de sorte que c'est en vain que la société Setma soutient que Monsieur Barbat est l'auteur de son propre préjudice ;

Qu'il convient donc de condamner in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer Monsieur Barbat la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance ;

Considérant que la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage, qui a elle-même acquis de la société Setma Europe la baignoire en cause alors qu'elle était déjà affectée du vice dont se plaint Monsieur Barbat, doit être garantie de toutes condamnations prononcées contre elle à la requête de ce dernier ;

Par ces motifs LA COUR Confirme le jugement mais uniquement en ce qu'il a condamné in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer à Monsieur Jean-Claude Barbat la somme de 700 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; Infirme le jugement pour le surplus ; Statuant à nouveau : Condamne in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer à Monsieur Jean-Claude Barbat les sommes de 1 704 euro et de 3 000 euro, cette dernière somme à titre de dommages-intérêts ; Y ajoutant : Condamne la société Setma Europe à garantir la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage des condamnations prononcées contre elle à la requête de Monsieur Barbat ; Condamne in solidum la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage et la société Setma Europe à payer à Monsieur Jean-Claude Barbat la somme de 2 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel ; Condamne la société Setma Europe à payer à la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Setma Europe à garantir la société Schmitt-Ney sanitaire et chauffage des condamnations prononcées contre elle au titre des frais irrépétibles et des dépens ;