CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 22 novembre 2012, n° 12-09086
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Synchrone Marine (SARL)
Défendeur :
Broc
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grosjean
Conseillers :
Mme Demont-Pierot, M. Fournier
Avocats :
Scp Boissonnet Rousseau, Mes Pradet, Simoni, Lagadec, Boukorras
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Le 14 septembre 2009, à l'occasion du salon nautique de Cannes, madame Broc passait commande auprès de la société Synchrone Marine (la société) d'un bateau de marque et modèle Hanse 400.
Elle réglait ce même jour un acompte de 24 830,25 euros et il était précisé sur le bon de commande, au titre des conditions de règlement, que madame Broc recourrait à une location avec option d'achat.
Un avenant était signé entre les parties le 18 septembre 2009 aux termes duquel il était indiqué que "toutes clauses de la commande inchangées, il est convenu (...) que la mise en fabrication du bateau (appel du second acompte) pourra être différé à une date ultérieure et au plus tard au 30 septembre 2010 si le contrat de leasing du bateau actuel de madame Broc (Harmony 38) n'avait pas été repris à l'appel de fonds du chantier pour le second acompte à la mise en fabrication du bateau commandé".
Ce même 18 septembre 2009, madame Broc, en sa qualité de "propriétaire ou locataire ayant pouvoirs en cas de L.O.A" donnait mandat non exclusif à la société de vendre le bateau Harmony.
Elle adressait le 22 septembre 2010 un courrier à la société lui demandant où en était la vente de l'Harmony.
Dans un courrier en réponse du 4 octobre 2010, la société la mettait en demeure de régler le deuxième acompte prévu au contrat, à peine d'annulation de sa commande.
Par exploit du 23 décembre 2010, madame Broc assignait la société devant le Tribunal de grande instance de Toulon en restitution du premier acompte versé.
Vu l'appel le 21 mai 2012 par la société du jugement prononcé le 22 mars 2012 l'ayant condamnée à payer à madame Broc la somme de 24 830,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2009, aux dépens, et au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions notifiées le 28 septembre 2012 par madame Broc, et ses conclusions notifiées le 18 octobre 2012 ;
Vu la clôture prononcée le 25 octobre 2012 ;
En appel la discussion porte sur la qualification du contrat, sur l'application au contrat des dispositions des articles L. 311-1 et suivants anciens et L. 121-23 et L. 121-25 du Code de la consommation, sur la nullité de la vente au motif de la violation desdites dispositions (paiement illégitime d'un acompte dans le délai d'exercice de la faculté de rétractation), sur la prétention de la société à voir appliquer une clause pénale et condamner madame Broc à d'autres dommages et intérêts.
MOTIFS
1) Les parties ne pouvaient pas conclure, sans contradiction, une vente assortie, au titre des conditions de règlement, d'une location avec option d'achat.
Si la location avec option d'achat est, suivant les dispositions de l'article L. 311-2 alinéa 2 du Code de la consommation, assimilée à une opération de crédit, cela vaut pour les relations entre le bailleur et le preneur, et non entre le vendeur et le preneur, et il ne peut s'ensuivre l'existence d'une vente entre le vendeur et le preneur.
Nonobstant le terme de "bon de commande", et le versement par madame Broc d'un premier "acompte", dans la mesure où l'essentiel du prix devait être versé à Synchrone Marine, dans le cadre d'une location avec option d'achat, par un établissement financier, qui aurait seul la qualité de propriétaire du bateau, la volonté d'avoir recours à une telle location étant soulignée par la signature de l'avenant et celle du mandat de vendre le bateau Harmony, qui répondait à l'inquiétude de madame Broc de ne pouvoir bénéficier en temps voulu d'un nouveau contrat de location avec option d'achat sans la reprise préalable ou concomitante de son ancien contrat de location avec option d'achat relatif audit bateau (Harmony), il ne peut être admis qu'un contrat de vente se soit noué entre les parties.
Il convient donc de requalifier le contrat intervenu entre Synchrone Marine et madame Broc en un contrat sui generis ayant consisté dans un accord des parties, matérialisé par le versement par madame Broc, en lieu et place de l'établissement financier auprès de qui elle obtiendrait la souscription d'un contrat de location avec option d'achat, d'une somme représentant 15 % du prix d'acquisition du bateau, pour engager, sans attendre l'obtention par elle dudit contrat de location, un processus commercial tendant à la fabrication du bateau selon le modèle de son choix, livrable entre ses mains en sa qualité de locataire, une fois signé son contrat de location avec option d'achat, et paiement du solde du prix par ledit établissement.
2) Aux termes des conditions générales du contrat signé entre les parties, il est stipulé dans un article 16, sous un titre "Rétractation" : "En application de la loi N° 78-22 du 10 janvier 1978 ou de l'article L. 121-23 du Code de la consommation (démarchage à domicile) l'acquéreur pourra exercer son droit de rétractation dans les délais légaux".
Madame Broc ne peut soutenir qu'il en résulterait que l'ensemble des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et du Code de la consommation se rapportant à des opérations de démarchage à domicile, et non pas seulement celles se rapportant à une faculté de rétractation, seraient applicables au contrat litigieux, et en toute hypothèse, aucune de ces dispositions n'ont lieu d'être appliquées dans la mesure où, d'une part, aucune opération de crédit n'a été réalisée, et où d'autre part, le contrat a été signé à l'occasion du salon nautique de Cannes, ce qui exclut toute notion de démarchage à son domicile.
Il ne peut en conséquence être fait droit à sa demande d'annulation du contrat sur le fondement de ces dispositions.
3) Il est nécessaire de révoquer la clôture et de rouvrir les débats pour inviter les parties, eu égard à la qualification du contrat retenue par la cour, à mieux fonder leurs demandes respectives, en particulier, pour l'une de restitution de son acompte, pour l'autre d'application d'une clause pénale.
Les dépens et les frais irrépétibles sont réservés.
Par Ces Motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe Requalifie le contrat entre les parties suivant "bon de command" du 18 septembre 2009 en un contrat sui generis ayant consisté dans un accord des parties, matérialisé par le versement par madame Broc, en lieu et place de l'établissement financier auprès de qui elle obtiendrait la souscription d'un contrat de location avec option d'achat, d'une somme représentant 15 % du prix d'acquisition du bateau, pour engager, sans attendre l'obtention par elle dudit contrat de location, un processus commercial tendant à la fabrication du bateau selon le modèle de son choix, livrable entre ses mains en sa qualité de locataire, une fois signé son contrat de location avec option d'achat, et paiement du solde du prix par ledit établissement. Déboute madame Broc de sa demande tendant à l'annulation de ce contrat sur le fondement de la loi du 10 janvier 1978 ou des dispositions du Code de la consommation se rapportant au démarchage à domicile. Révoque la clôture et ordonne la réouverture des débats aux fins énoncées dans les motifs à l'audience du 27 février 2013 à 14 h 30. Dit qu'une nouvelle clôture interviendra à cette audience avant l'ouverture des débats. Réserve les dépens et les frais irrépétibles.