CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 31 janvier 2013, n° 11-14284
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Briche
Défendeur :
Assistance Francilien (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sadot
Conseillers :
Mmes Lefèvre, Cléroy
Avocats :
Mes Gomes, Teytaud, Selarl Pellerin-de Maria-Guerre
Le 2 novembre 2009 un devis a été établi par la société Assistance Francilien, au domicile de Monsieur Jean-François Briche, pour la pose d'une chaudière d'un montant de 2 350 euro, un acompte de 1 000 euro étant versé le jour même.
Le 3 novembre 2009 l'ancienne chaudière de Monsieur Jean-François Briche a été déposée et la nouvelle chaudière installée par la société Assistance Francilien.
Monsieur Jean-François Briche a, aux termes de courriers adressés dès le 4 novembre 2009 signalant le dysfonctionnement de la chaudière défectueuse, et de demandes infructueuses de remise en état de fonctionnement, saisi le Tribunal d'instance de Paris 17e arrondissement.
Par jugement contradictoire du 7 avril 2011, le Tribunal d'instance de Paris 17e arrondissement a débouté Monsieur Jean-François Briche de sa demande de prononcé de la nullité du contrat conclu avec la société Assistance Francilien, et retenant la responsabilité contractuelle de cette société, l'a condamnée à payer à Monsieur Jean-François Briche à ce titre la somme de 2 934 euro avec intérêts au taux légal à compter de la décision (soit 2 350 euro au titre du prix payé, 234 euro au titre du coût de l'intervention de la société CHC Depagaz ayant posé une nouvelle chaudière, et 350 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral), ainsi que la somme de 850 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Monsieur Jean-François Briche a été débouté du surplus de ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance non justifié, ainsi que de sa demande de prise en charge du coût de l'intervention de la société Qualigaz, au motif qu'il s'agissait d'une obligation mise à la charge du propriétaire de la chaudière.
Par déclaration enregistrée le 27 juillet 2011 Monsieur Jean-François Briche a formé appel à l'encontre de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2012 il demande de prononcer la nullité du contrat et de retenir la responsabilité contractuelle de la société intimée.
Il sollicite également la réformation du jugement sur le montant des dommages-intérêts lui ayant été alloués au titre de son préjudice moral, dont il sollicite la fixation à hauteur de 1 500 euro, et de le réformer également en lui allouant les sommes complémentaires suivantes :
- 160,05 euro au titre des frais réglés à la société Qualigaz
- 2 160 euro en réparation de son préjudice de jouissance
Il demande par ailleurs que les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal et de condamner la société Assistance Francilien à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de sa demande, il fait valoir que la nullité du contrat est encourue en l'état de la violation par la société intimée des dispositions relatives au démarchage à domicile dont il se prévaut, et notamment de l'interdiction absolue pour le professionnel de recevoir une quelconque somme en paiement avant que le délai de rétractation ne soit expiré, et qu'il justifie d'autre part par les pièces produites des manquements de la société Assistance Francilien à ses obligations contractuelles et du montant des préjudices dont il demande l'indemnisation.
La société Assistance Francilien constituée en cours de procédure d'appel n'a pas déposé de conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du contrat
Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement de première instance que la société intimée a confirmé qu'ayant été appelée au domicile de Monsieur Jean-François Briche pour la réparation de la chaudière, un changement de chaudière lui avait été proposé et un devis de remplacement signé à cette occasion ;
Que dès lors la réglementation du démarchage à domicile fixée par les articles L 121-21 et suivants du Code de la consommation est applicable, en l'état d'une proposition d'un contrat de vente et de prestation de services faite par un professionnel intervenant au domicile de l'appelant (dépose et installation d'une nouvelle chaudière) excédant l'intervention sollicitée ;
Qu'il ressort également des pièces produites, que lors du démarchage à domicile un acompte de 1 000 euro a été réglé dès le 2 novembre 2009, le solde du prix ayant également été réglé avant l'expiration du délai de rétractation, soit le 6 novembre 2009, sous la contrainte, ainsi que constaté par les fonctionnaires du commissariat de Colombes appelés sur les lieux ;
Considérant que l'article L. 121-26 du Code de la consommation dispose que "avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit ..." et que la méconnaissance par le vendeur professionnel de cet article est sanctionnée par la nullité du contrat ; que s'agissant d'une disposition d'ordre public à laquelle Monsieur Jean-François Briche ne pouvait renoncer et ne peut en tout état de cause être considéré comme y ayant renoncé par ses demandes aux fins d'intervention et de remise en l'état de la chaudière, la nullité du contrat conclu le 2 novembre 2009 sera prononcée, et la société Assistance Francilien condamnée sur ce fondement, et non sur celui de la responsabilité contractuelle retenue par le premier juge, à restituer à Monsieur Jean-François Briche la somme réglée de 2 350 euro, laquelle sera assortie des intérêts légaux à compter du 6 novembre 2009 ;
Sur les autres demandes de Monsieur Jean-François Briche
Considérant que compte tenu de l'anéantissement rétroactif du contrat annulé, la responsabilité de la société Assistance Francilien ne peut être recherchée que sur le fondement délictuel ou quasi délictuel ;
Qu'en l'espèce, la société Assistance Francilien a posé une chaudière n'ayant jamais fonctionné correctement, en l'état d'une installation non conforme au vu des pièces probantes communiquées sur ce point soit :
- le rapport établi par l'organisme de contrôle Qualigaz constatant le 2 décembre 2012
l'absence de Té à la base du conduit de fumée et l'existence de matériaux différents sur le conduit de raccordement, ayant fait injonction à Monsieur Briche de mettre l'installation en conformité avant le 21 mars 2010 au plus tard, en faisant vérifier le conduit de fumée ;
- le devis de remplacement de la chaudière établi par la société CHC Depagaz, relevant au terme de sa proposition de chaudière à gaz murale et à ventouse, la présence de matériaux différents sur la sortie de fumée de la chaudière à remplacer et un défaut d'étanchéité, la sortie de fumée étant directement reliée en sortie toiture ;
- l'expertise amiable non contradictoire diligentée par l'assureur protection juridique de l'appelant à son domicile le 18 mars 2010, étayant ces non-conformités et le non-fonctionnement de la chaudière et notant dans son rapport que la société Assistance Francilien aurait dû proposer le remplacement du conduit ou la pose d'une chaudière ventouse, permettant de s'affranchir de conduit de fumée et qu'elle a installé un équipement inadapté ;
Que cette pose défectueuse constitue une faute délictuelle de la société Assistance Francilien ayant entraîné un préjudice de jouissance certain pour l'appelant ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance Monsieur Briche fait valoir qu'il s'est retrouvé privé de chaudière et de gaz suite au refus de la société Qualigaz de valider l'installation, et ce jusqu'au 23 juin 2010, date de validation de la nouvelle chaudière installée par la société CHC Depagaz, mais qu'il ne produit aucune pièce justifiant de cette date tardive de remplacement, dès lors que l'expertise avait eu lieu le 18 mars 2010 ;
Qu'au terme des diverses attestations qu'il communique, il a néanmoins été privé de chauffage et d'eau chaude dans sa maison (constituée d'une pièce principale avec mezzanine et d'une chambre) sur une période hivernale de chauffe établie et à retenir de 5 mois (soit de novembre 2009 à mars 2010 inclus) ; que la cour dispose en conséquence sur ces bases des éléments suffisants pour fixer à la somme de 1 500 euro l'indemnité qui réparera justement ce préjudice ;
Considérant que la société Assistance Francilien doit également être condamnée à payer à Monsieur Jean-François Briche la somme de 160,05 euro au titre des frais réglés à la société Qualigaz au vu de la facture acquittée le 21 décembre 2012, non suivie de la validation de l'installation ;
Considérant que Monsieur Briche produit de nombreux courriers établissant ses démarches infructueuses initiées pour obtenir le fonctionnement normal de la chaudière et justifie de la contrainte exercée par la société Assistance Francilien pour obtenir le paiement de la facture ; qu'il a donc subi un préjudice moral qui devra être réparé par le versement d'une somme de 350 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi que justement évalué par le premier juge ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que l'équité commande en l'espèce d'allouer à Monsieur Briche au titre de ses frais irrépétibles d'appel, la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que la société Assistance Francilien, partie succombante en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu le 7 avril 2011 par le Tribunal d'instance de Paris 17e arrondissement sur les montants des condamnations prononcées ; L'Infirme en ce qu'il a débouté Monsieur Jean-François Briche de sa demande de prononcé de la nullité du contrat, de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance, de sa demande de prise en charge du coût de l'intervention de la société Qualigaz, ainsi que sur le point de départ de la condamnation à paiement de la somme de 2 350 euro prononcée ; Statuant à nouveau de ces chefs ; Déclare nul le contrat conclu entre les parties le 2 novembre 2009 ; Dit que la condamnation de la société Assistance Francilien à payer à Monsieur Jean-François Briche la somme de 2 350 euro prononcée par le premier juge sera assortie des intérêts légaux à compter du 6 novembre 2009 ; Condamne la société Assistance Francilien à payer à Monsieur Jean-François Briche la somme de 1 500 euro en indemnisation de son préjudice de jouissance, de novembre 2009 à mars 2010 inclus ; Condamne la société Assistance Francilien à payer à Monsieur Jean-François Briche la somme de 160,05 euro au titre des frais réglés à la société Qualigaz ; Déboute Monsieur Jean-François Briche du surplus de ses demandes ; Condamne la société Assistance Francilien à payer à Monsieur Jean-François Briche la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Assistance Francilien aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.