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Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 19 mars 2013, n° 12-01158

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Assistance Expertises (SA)

Défendeur :

Vernier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dory

Conseillers :

Mmes Deltort, Roubertou

Avocats :

Me Kremser, SELARL Leinster Wisniewski Mouton Gerard, SCP Vasseur Petit Riou

TGI Briey, du 5 avr. 2012

5 avril 2012

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Pascal Vernier a conclu avec la SA Assistance Expertises, à la suite de l'incendie du 13 juillet 2006 ayant affecté son immeuble situé [...], le 17 juillet 2006, un contrat portant sur l'évaluation des dommages et l'assistance à l'expertise des risques consécutifs au sinistre.

Par acte d'huissier du 31 août 2009, la société Assistance Expertises a fait assigner M. Vernier devant le Tribunal de grande instance de Briey pour obtenir paiement de ses honoraires de 17 967 euros avec intérêts de droit à compter de la facturation et subsidiairement de la première mise en demeure, de la somme de 1 200 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

M. Vernier a demandé de prononcer la nullité du contrat en application des articles L 121-21, L 121-23 et suivants du Code de la consommation sur le démarchage à domicile, subsidiairement de juger que la société Assistance Expertises a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution de ses obligations et de la déclarer irrecevable, en tout cas mal fondée, et de la débouter de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Par jugement du 5 avril 2012, le tribunal a déclaré nul le contrat liant les parties, débouté la société Assistance Expertises de ses demandes en paiement, condamné l'intéressée à payer à M. Vernier la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens.

La société Assistance Expertises a interjeté appel de cette décision par déclaration du 9 mai 2012.

Elle a demandé par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 janvier 2013, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner M. Vernier à lui payer la somme de 17 967 euros outre intérêts au taux légal à compter de la facturation et subsidiairement de la première mise en demeure, de débouter M. Vernier de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et celle de 1 200 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par son avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Elle fait valoir que le contrat liant les parties contient bien les mentions prévues à l'article L 121-23 du Code de la consommation, ledit article et les articles L 121-24 et L 121-26 dudit Code, qu'il contient également un formulaire de rétractation qui répond aux exigences de l'article L 121-25 ; qu'il est indifférent que le contrat fasse référence aux articles de la loi de 1972 et non à ceux du Code de la consommation alors qu'il s'agit des mêmes textes, et qu'il est aussi indifférent que le découpage du formulaire de rétractation supprime le contenu du contrat figurant au recto au niveau des signatures, de la date de conclusion du contrat et du montant des honoraires dès lors que le bordereau de rétractation respecte le texte de l'article R 121-3 du Code de la consommation et fait bien partie de l'exemplaire du contrat laissé au client, et que l'utilisation du bordereau de rétractation rend sans effet le contrat.

Elle indique que la nullité prononcée par le tribunal n'est pas prévue par le texte, et que n'ayant jamais voulu se rétracter M. Vernier n'a aucun intérêt à la soulever et ne l'a fait que de mauvaise foi pour échapper au paiement de la prestation qu'elle a exécutée ; qu'il est fantaisiste de prétendre que le verso du contrat devait être signé par les parties ; que M. Vernier ne justifie pas que ce n'est pas cet exemplaire du contrat qui lui a été remis ; que le contrat mentionne bien qu'il disposait d'un délai de 7 jours pour se rétracter ; que son contrat est parfaitement valable et qu'elle est fondée à en poursuivre l'exécution.

Elle soutient qu'elle a parfaitement exécuté sa mission, qu'elle n'a pas copié le rapport établi par le cabinet Valentin, qu'il a été convenu avec M. Vernier de s'en tenir au chiffrage de celui-ci, que ce chiffrage a été discuté par les autres experts et a été modifié, qu'elle a participé à différentes réunions et a été partie prenante à l'établissement du chiffrage, a adressé différents courriers à M. Vernier et échangé des courriers avec les autres compagnies d'assurances.

Elle rappelle qu'avant la naissance du litige elle avait consenti une remise à M. Vernier dans un souci commercial, indique qu'il a ensuite tenté d'obtenir une réduction supplémentaire, conteste que M. Vernier ait subi de sa part une pression intolérable.

Elle fait valoir que si la nullité du contrat est prononcée elle est en droit de solliciter paiement de la somme de 17 222 euros au titre des restitutions par équivalent puisque la prestation a été exécutée.

M. Vernier a demandé par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 janvier 2013, de débouter la société Assistance Expertises de ses demandes, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner la société Assistance Expertises à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de son avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Il fait valoir que le contrat ne comporte pas la faculté de renonciation prévue à l'article L 121-25 du Code de la consommation, les conditions d'exercice de cette faculté et le texte intégral des articles L 121-23, L 121-24, L 121-25 et L 121-26, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé sa nullité ; que le formulaire détachable n'est pas conforme aux prévisions des articles R 121-3 et suivants du Code précité parce qu'il ne comporte pas toutes les mentions requises et est disposé de telle sorte qu'en le découpant le contenu du contrat figurant au recto disparaît dans ses dispositions essentielles comportant les signatures, la date du contrat et le coût des honoraires, ce qui entraîne aussi la nullité du contrat ; que le contrat soumis à sa signature ne comportait pas de verso.

Il soutient subsidiairement que la société Assistance Expertises n'a pas accompli la tâche prévue par le contrat, s'est contentée de photocopier le rapport d'expertise réalisé par le cabinet Valentin Expertises, qu'il est faux qu'il aurait été convenu entre eux de s'en tenir à l'évaluation du cabinet Valentin Expertises, que s'il a réglé une somme de 6 000 euros c'est parce qu'il a cédé à la pression de l'appelante, que l'appelante tente d'obtenir le paiement d'un travail dont elle n'est pas l'auteur, que la photocopie qu'elle a réalisée, facturée 17 967 euros, n'apporte rien au travail accompli par le cabinet Valentin Expertises, qu'elle n'a pas accompli sa mission.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 janvier 2013.

SUR CE :

Attendu que la société Assistance Expertises a conclu le 17 juillet 2006 avec M. Pascal Vernier un contrat la désignant comme expert pour l'évaluation de la totalité des dommages et l'assistance à l'expertise des risques consécutifs à un sinistre ayant affecté l'immeuble dont il était copropriétaire situé à Montmédy ; qu'il ressort du contrat lui-même qu'il est intervenu dans le cadre d'un démarchage à domicile puisqu'il fait référence à diverses dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ;

Attendu que l'article L 121-23 du Code de la consommation édicte que les opérations visées à l'article L 121-21, parmi lesquelles figure le démarchage à domicile d'une personne physique, doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion du contrat, qui doit comporter à peine de nullité diverses mentions, dont les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services, la faculté de renonciation prévue à l'article L 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté, et de façon apparente le texte intégral des articles L 121-23, L 121-24, L 121-25 et L 121-26 ;

Attendu que le contrat soumis à la signature de M. Vernier ne comporte pas les conditions d'exécution du contrat exigées ;

Qu'il ne comporte pas le texte des articles L 121-23 et L 121-24 ;

Qu'il ne comporte pas l'intégralité des articles L 121-25 et L 121-26, même s'ils apparaissent sous la forme des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ;

Qu'ainsi les dispositions reproduites pour l'article L 121-25 sont celles-ci :

"Dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception. Toute clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit de renoncer à sa commande ou son engagement d'achat est nulle et non avenue"

alors qu'elles devraient être celles-ci :

"Dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception. Si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

Toute clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit de renoncer à sa commande ou à son engagement d'achat est nulle et non avenue.

Le présent article ne s'applique pas aux contrats conclus dans les conditions prévues à l'article L 121-27.

Et que les dispositions reproduites pour l'article L 121-26 sont celles-ci :

"Avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article 3 nul ne peut présenter ou faire présenter à l'acceptation du client les effets de commerce, ni lui faire souscrire des billets à ordre en paiement de la commande ou de l'engagement d'achat, ni percevoir aucun versement en numéraire pour quelque motif que ce soit"

alors qu'elles devraient être celles-ci :

"Avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit.

Toutefois, la souscription à domicile d'abonnement à une publication quotidienne et assimilée, au sens de l'article 39 bis du Code général des impôts, n'est pas soumise aux dispositions de l'alinéa précédent dès lors que le consommateur dispose d'un droit de résiliation permanent, sans frais ni indemnité, assorti du remboursement, dans un délai de quinze jours, des sommes versées au prorata de la durée de l'abonnement restant à courir.

En outre, les engagements ou ordres de paiement ne doivent pas être exécutés avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 121-25 et doivent être retournés au consommateur dans les quinze jours qui suivent sa rétractation.

Les dispositions du deuxième alinéa s'appliquent aux souscriptions à domicile proposées par les associations et entreprises agréées par l'Etat ayant pour objet la fourniture de services mentionnés à l'article L. 129-1 du Code du travail sous forme d'abonnement."

Attendu que l'absence de reproduction intégrale des articles L 121-23 à L 121-26 entraîne en conséquence la nullité du contrat ;

Attendu encore que le contrat ne comporte pas un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L 121-25, mais des dispositions non détachables du reste du contrat pouvant être complétées par le client pour exprimer sa volonté d'annuler la commande, au verso duquel figure la date du contrat et les signatures des parties ; qu'il n'est pas conforme aux dispositions des articles R 121-3 et suivants du Code de la consommation, et empêche dans les faits le client d'exercer sa faculté de renonciation ;

Attendu que la société Assistance Expertises qui a réalisé des prestations en faisant signer à M. Vernier un contrat violant les dispositions d'ordre public du Code de la consommation ne peut obtenir paiement ni au titre dudit contrat nul, ni au titre de restitutions par équivalent, compte tenu de sa faute ; que dans le cas contraire elle ferait supporter à M. Vernier le coût de prestations qu'elle lui a imposées et a effectuées illégalement ;

Attendu qu'il convient en conséquence de ce qui précède, de confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a d'une part déclaré nul le contrat, et d'autre part débouté la société Assistance Expertises de sa demande principale en paiement ;

Attendu que la demande de dommages et intérêts de la société Assistance Expertises pour résistance abusive n'est pas fondée puisque l'action de M. Vernier a prospéré ; qu'il n'est pas équitable de faire application à son profit de l'article 700 du CPC ;

Attendu qu'en interjetant appel alors que le contrat conclu était manifestement nul au regard des dispositions des articles L 121-23 et suivants du Code de la consommation, la société Assistance Expertises a agi de manière abusive, ce qui a causé un préjudice à M. Vernier qui a dû assurer sa défense en appel, et justifie l'octroi à son profit d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il est par ailleurs équitable d'accorder à l'intéressé une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe : CONFIRME le jugement du Tribunal de grande instance de Briey du du 5 avril 2012 en toutes ses dispositions ; CONDAMNE la SA Assistance Expertises à payer à M. Pascal Vernier la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euro) à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euro) au titre des frais irrépétibles d'appel ; CONDAMNE la SA Assistance Expertises aux dépens d'appel, l'avocat constitué pour M. Vernier étant autorisé à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;