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Décisions

CA Nancy, 2e ch. com., 12 mars 2014, n° 13-00355

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Scierie Friederich (SARL)

Défendeur :

Office National des Forêts (EPIC), Office National des Forêts Alsace (EPIC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meslin

Conseillers :

Mme Thomas, M. Bruneau

Avocats :

Mes Henry, Lachaux, Mineur, SCP Buisson Brodiez

T. com. Nancy, du 18 janv. 2013

18 janvier 2013

Vu l'appel déclaré le 7 février 2013 par la société à responsabilité limitée Scierie Friederich (société Friederich) contre le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Nancy le 18 janvier 2013, dans l'affaire qui l'oppose à l'établissement public à caractère industriel et commercial Office national des forêts (ONF), d'une part et à l'établissement public à caractère industriel et commercial Office national des forêts Alsace (ONF Alsace), d'autre part,

Vu le jugement attaqué,

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les e-conclusions présentées le :

- 16 octobre 2013 par la société Friederich, appelante,

- 27 novembre 2013 par l'ONF, intimé,

Vu les pièces du dossier.

SUR CE,

LA COUR se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales.

Il suffit de rappeler, après lecture des dernières écritures des parties, les éléments constants suivants :

1. Données analytiques, factuelles et procédurales, du litige.

La société Friederich est une entreprise de sciage et de rabotage de bois qui historiquement, s'approvisionnait de manière régulière auprès de l'Office national des forêts lequel a pour mission principale d'assurer une gestion durable des forêts domaniales ainsi que la mise en œuvre du régime forestier dans les forêts des collectivités publiques et la réalisation de missions d'intérêt général confiées par l'Etat telles, la prévention des risques naturels ou encore, la sécurité des biens et des personnes.

Ce même office dispose dans ce cadre, d'un monopole légal en forêt soumise au régime forestier, pour diligenter toutes ventes de bois en application des articles L. 213-6 et L. 214-3 du Code forestier selon plusieurs modalités et par suite, selon adjudication (vente aux enchères publiques), appel d'offre et vente de gré à gré donnant lieu soit, à des ventes à exécution ou livraison immédiate soit, à la signature d'un contrat d'approvisionnement.

La société Friederich s'est ainsi développée dans les années 1990 en s'approvisionnant à raison de 8 000 et 10 000 mètres cubes par an par le biais de ventes publiques (ventes sur adjudication ou appel d'offres) auprès de l'Office national des forêts.

Postérieurement à la tempête de 2003, une baisse des ventes traditionnelles publiques et un développement de ventes de gré à gré par le biais de contrats d'approvisionnement annuels ont pu être constatés.

La société Friederich a conclu en novembre 2009, un seul contrat d'approvisionnement sur un volume de 500 mètres cube de bois façonnés de sapin et d'épicéa.

Ce seul contrat n'a pu être mené à terme.

Par lettre du 21 juin 2010, la société Friederich en a pris acte et a souligné que cette situation portait atteinte à l'équilibre financier de sa structure.

Cette lettre n'a reçu aucune réponse et a été suivie par la perte d'un des clients historiques les plus importants de la société, la société Lesénéchal/Guilloux.

Imputant à l'ONF une rupture abusive de leurs relations commerciales qu'elle présentait comme étant contraire à toute logique de marché si ce n'est celle d'une concurrence faussée et soulignant que cette rupture était préjudiciable à son bon fonctionnement voire à sa pérennité, la société Friederich a par acte extrajudiciaire du 16 mai 2011, fait assigner cet établissement ainsi que l'ONF Alsace devant le Tribunal de commerce de Nancy à l'effet de les entendre solidairement condamner à lui verser, au visa des articles L. 442-6 I 5 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que de l'article 1382 du Code civil, 522 590 euros en indemnisation du préjudice subi, à titre infiniment subsidiaire au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, 158 615, 16 euros pour inexécution contractuelle constatée outre, une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par jugement du 18 janvier 2013, le Tribunal de commerce de Nancy a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants :

- déclare la SARL Scierie Friederich mal fondée en l'ensemble de ses demandes,

- l'en déboute,

- la condamne à payer à l'Office national des forêts la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC,

- fait masse des dépens du présent jugement et les met à la charge de la société à responsabilité limitée Friederich.

La société Friederich a régulièrement déclaré appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 décembre 2013 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue en formation collégiale le mercredi 8 janvier 2013.

A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré à ce jour.

2. Prétentions et moyens des parties

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile.

Les conclusions des parties ci-avant visées, récapitulent les demandes par l'énoncé des dispositifs suivants :

La société Friederich demande qu'il plaise à la cour de :

- déclarant l'appelant tant recevable que bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nancy,

- ce faisant,

- vu notamment l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce et l'article L. 420-2 du Code de commerce,

- vu l'article 1382 du Code civil,

- condamner solidairement l'Office National des Forêts et l'Office National des Forêts Alsace à verser à la société Scierie Friederich une somme de 522 590 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi [équivalent à la perte de marge brute moyenne sur les cinq dernières années],

- à titre infiniment subsidiaire,

- vu notamment les articles 1134 et 1147 du Code civil,

- condamner l'Office national des forêts à verser à la société Scierie Friederich la somme de 158 615,16 euros au titre du préjudice subi en raison de l'inexécution contractuelle constatée,

- en tout état de cause,

- condamner l'Office National de Forêts à verser à la société Scierie Friederich la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

L'Office national des forêts invite la cour à :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 janvier 2013 par le Tribunal de commerce de Nancy,

- débouter la scierie Friederich de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la scierie Friederich à verser à l'Office National des Forêts la somme complémentaire de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la scierie Friederich aux entiers dépens.

LA COUR renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des argumentaires de chaque partie dont l'essentiel sera développé lors de l'analyse des prétentions et moyens qui sont articulés.

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérations élémentaires

1. Sur le point à juger

Attendu que la dispute entre les parties s'analyse principalement en une action en responsabilité intentée contre un partenaire économique à qui est reproché la rupture brutale de relations commerciales établies pour l'approvisionnement d'une scierie en bois ainsi qu'en une demande d'indemnisation du préjudice subi en raison de l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique imputable à ce même partenaire économique, dans le cadre d'un abus de position dominante ;

2. Sur la recevabilité des conclusions enregistrées le 24 décembre 2013

Attendu que ces conclusions de dernière heure déposées le 24 décembre 2013 étant postérieures à l'ordonnance de clôture et aucune demande écrite de révocation n'y étant insérée au visa de l'article 783 du Code de procédure civile, il y a lieu de les déclarer irrecevables ;

Attendu que la cour ajoute que les parties ont, avant l'ouverture des débats, expressément accepté le jour de l'audience de plaider en cet état de leurs écritures respectives ;

3. Sur la demande de rejet des pièces communiquées par la société Friedrich

Attendu que l'ONF prie liminairement la cour de faire application de l'article 135 du Code de procédure civile, en écartant des débats les pièces n° 35 (avis d'adjudication vente ONF septembre 2013) et 36 (listings achats scierie Friedrich 2008 à 2010) dès lors que son adversaire ne justifie pas les lui avoir régulièrement communiquées ;

Vu les articles 135 et 16 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il ressort de ces dispositions que le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile et qu'il doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que dans les circonstances propres de la présente espèce, en l'absence de justification précise de la communication de pièces visées par la requête de l'ONF et eu égard à la contestation exprimée par l'ONF, il sera fait droit à ce chef de demande ;

4. Sur la structure des motifs de cet arrêt

Attendu que pour respecter la logique d'ensemble des prétentions respectives des parties, les motifs de cet arrêt s'ordonneront en deux axes principaux ;

1 Sur le bien-fondé des allégations de rupture brutale des relations commerciales établies et d'abus de dépendance économique

1.1. En ce qui concerne l'allégation de rupture brutale des relations commerciales établies

Attendu d'une part, que la société Friederich expose : - que ses modalités d'approvisionnement ont été substantiellement modifiées à partir de 2003 et qu'elles sont devenues de moins en moins transparentes ; - que la contractualisation qui est devenue à partir de 2009, le mode de vente privilégié par l'ONF en Alsace-Moselle a en réalité permis la mise en place d'une politique de vente inégalitaire et opaque ; - que l'ONF s'est aux termes d'un contrat d'approvisionnement du 12 novembre 2009, engagé à lui vendre un volume total de 500 mètres cube de bois d'œuvre et à le lui livrer en intégralité pour le 31 décembre 2009 au plus tard ; - qu'il s'est cependant, abstenu d'honorer cette commande sans lui donner la moindre explication ; - que seul un volume d'à peine plus de 25 % a été livré alors qu'il s'agissait d'une commande essentielle pour son activité ainsi que l'ONF ne l'ignorait pas ; - que les premiers juges ont considéré à tort que leurs relations commerciales s'étaient poursuivies au-delà de 2009 alors que le bois a simplement été acheté en ventes publiques et que les quantités dérisoires mises en compte invalident cette version des faits ; - que cet établissement public lui a occasionné un préjudice extrêmement important en ne l'informant pas clairement de ses intentions et en la privant de l'exécution normale d'un contrat, sans lui octroyer le moindre préavis qui, compte tenu des circonstances, n'aurait pu être inférieur à un an ; - que l'ONF s'est contenté de "jouer la montre", en tablant sur les difficultés qu'elle rencontrait pour implanter dans sa commune d'origine, une nouvelle ligne de fabrication de bois aboutés, en espérant que le temps passant, aurait raison des réclamations présentées par son partenaire ; - que cette attitude, inadmissible au regard des règles de la concurrence, va de pair avec une exploitation abusive d'un état de dépendance économique dans le cadre d'un abus de position dominante ;

Attendu d'autre part, que l'ONF désavoue l'existence de toute rupture brutale des relations commerciales de son chef ;

Qu'il soutient : - que le seul grief articulé contre lui correspond à une inexécution contractuelle qui par surcroît, ne peut lui être imputée puisque la société Friedrich a refusé, à deux reprises, de prendre livraison des bois proposés alors que ces derniers correspondaient bien aux spécifications contractuelles convenues ; - que la société Friedrich ne saurait se prévaloir de ses propres refus d'autant que ceux-ci n'ont pas été suivis de nouvelles demandes de livraisons en exécution du contrat en cause ni d'une demande de prolongation de celui-ci ; - que les relations commerciales existant entre eux ne sont pas limitées à un seul contrat d'approvisionnement ; - que son partenaire pouvait parfaitement acquérir des bois auprès de lui, par le biais des appels d'offres et de ventes par adjudication ainsi qu'elle en avait l'habitude depuis de nombreuses années ; - que l'achat de 27,62 mètres cube de bois, par le biais d'une vente amiable le 26 avril 2010, témoigne de la persistance de relations commerciales ; - que la scierie a ainsi acquis le 28 octobre 2010, un volume de 335,50 mètres cubes par le biais d'un appel d'offres ; - qu'il est en réalité patent que la scierie Friedrich a elle-même choisi de limiter ses relations commerciales avec lui et non l'inverse et qu'aucune rupture des relations commerciales n'est survenue ;

Vu l'article L. 442-6.I, 5 du Code de commerce ;

Attendu qu'il ressort de la lettre et de l'économie de ces normes légales que le fait de rompre brutalement même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée est illicite ; que cette rupture peut être partielle ou totale ; que quoi qu'il en soit et de manière plus précise, l'appréciation du caractère établi doit être effectuée au regard de la durée totale de cette relation, peu important le cadre juridique dans lequel cette relation a pu s'inscrire ;

Attendu que les éléments factuels invoqués par la partie adverse pour combattre les allégations de rupture avancées par la société Friederich n'apparaissent pas suffisants dès lors que l'achat de bois du 26 avril 2010 porte sur une très faible quantité, insusceptible de garantir le maintien en activité de la scierie concernée et que l'autre vente alléguée résulte d'une vente publique par soumission qui par essence comporte pour celui qui s'y soumet un aléa ; que cependant, la première question posée à la cour est bien de déterminer si une rupture brutale au sens des dispositions légales, est bien intervenue ;

Que de ce point de vue, force est d'observer que la société Friederich reproche principalement à son partenaire économique d'avoir modifié le mode privilégié de vente de bois historiquement mis en œuvre entre eux pendant de nombreuses années, en passant d'un mode de vente publique à une contractualisation ; que par suite, il ne saurait y avoir rupture de relations commerciales établies au sens des dispositions légales applicables puisque les ventes publiques, ainsi que la cour l'a déjà dit plus avant, privent par essence les relations commerciales de toute garantie de maintien et placent ces relations dans une situation de précarité, insusceptible de permettre à la société Friederich, de considérer que ces relations avaient un avenir certain ; que par ailleurs, si la société Friederich justifie de la perte de son client principal en 2009, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que cette perte puisse s'analyser comme une preuve de rupture brutale de relations économiques entre lui et la partie appelante ;

Attendu que sur cette seule constatation et pour cette raison, le grief sera écarté ;

1.2. En ce qui concerne l'allégation d'exploitation abusive d'un état de dépendance économique dans le cadre d'une position dominante

Attendu d'une part, que la société Friederich expose : - que l'ONF a purement et simplement cessé de commercer régulièrement avec elle au point de la contraindre à s'approvisionner auprès d'intervenants privés ; - qu'elle était donc dans l'impossibilité totale de trouver une quelconque solution de remplacement équivalente et s'est trouvée privée d'une ressource indispensable à son fonctionnement ; - que l'ONF qui dispose en Alsace-Moselle d'une position dominante sur le marché pertinent concerné dès lors que gérant 75 % des surfaces forestières existantes, il bénéficie d'un monopole légal pour la fourniture de grumes d'œuvre, assurait historiquement 75 % de ses approvisionnements annuels ; - que le changement d'approche de l'ONF qui, à partir de la tempête de 1999, a privilégié la vente par marché de gré à gré s'analyse en une anomalie concurrentielle manifeste ; - qu'elle a finalement, en raison des abus et pratiques de prix discriminatoires pratiqués par l'ONF, perdu son principal client, ce qui lui a porté un coût fatal et l'a contrainte à licencier l'ensemble de ses salariés ; - que la participation de l'ONF était essentielle à son bon fonctionnement ; - qu'il n'est pas exact de soutenir qu'elle a refusé de souscrire à la généralisation du recours aux contrats d'approvisionnement et qu'elle aurait refusé de nombreuses propositions adressées par l'ONF ou encore, qu'elle aurait refusé un volume de 250 mètres cubes et que ce n'est qu'en raison de ces refus répétés que le contrat conclu ne pouvait être mené à bien ; - que ces allégations, erronées, ne sauraient prospérer ; - que le recours privilégié aux ventes de gré à gré a en réalité permis la mise en place d'un système de vente totalement arbitraire, sans aucune transparence, qui tend à privilégier a priori les grosses scieries au détriment des petites et moyennes entreprises, lesquelles se retrouvent face à une pénurie de bois et sont contraintes de fermer ; - que si l'ONF s'est montrée incapable de lui livrer 500 mètres cubes de bois, d'autres scieries ont dans le même laps de temps, pu faire état de volumes de sciage importants à l'instar de la scierie SIAT qui a ainsi fait publiquement état du fait qu'elle dispose d'un volume de résineux à scier de 600 000 mètres cubes par an, avec un objectif de 900 000 mètres cubes par an ; - qu'il est faux de prétendre qu'elle aurait refusé de souscrire aux propositions de l'ONF, étant précisé alors que ces contrats ne lui offraient aucune garantie que ce soit au niveau de la qualité ou de la quantité du bois ; - qu'elle n'a pu obtenir le contrat de 2009 que parce que l'ONF avait autoritairement fait pression sur la mairie de Sainte Croix aux Mines pour faire annuler l'accord de vente qu'elle avait souhaité concrétiser avec elle, au mépris des règles de concurrence saine et loyale ; - qu'aucun contrat ne lui a été proposé en 2010 ; - que les pièces qui sont versées aux débats sont édifiantes sur les différences de traitement effectuées par l'ONF envers ses clients, cet établissement pratiquant de manière très claire des conditions de vente discriminatoires au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; qu'il n'est pas exact de soutenir qu'elle aurait indûment refusé des livraisons de bois puisqu'il ressort de la pièce adverse n° 5 que le garde forestier chargé de livrer le bois a constaté avec son représentant légal, que ce bois ne correspondait pas aux spécifications contractuelles convenues ;

Attendu d'autre part que l'ONF dément toute exploitation abusive d'un état de dépendance économique ;

Qu'il expose : - que s'il est exact qu'il a pour mission légale d'assurer l'exploitation des forêts domaniales et des forêts publiques relevant du régime forestier, il n'abuse nullement de cette position puisqu'il offre un accès aux ressources selon un mode diversifié, caractérisé par la coexistence de trois modalités de vente de bois ; - que l'ONF n'a jamais commercialisé plus de 50 % de la ressource résineuse du massif vosgien par le biais des contrats d'approvisionnement ; - qu'il n'est par ailleurs nullement établi que ce recours est à l'origine d'un éventuel manque de sécurisation des approvisionnements ; - qu'alors que la ressource résineuse du massif est insuffisante pour satisfaire l'ensemble de la demande des scieurs implantés dans la région, il est évident que les contrats d'approvisionnement, en visant à garantir précisément des livraisons de volumes importants sur plusieurs années tendent à assurer l'approvisionnement des entreprises de sciages ; - qu'on comprend mal en quoi d'éventuelles difficultés d'approvisionnement relèveraient d'un abus de dépendance économique ; - que le monopole légal qui lui est consenti lui confère la qualité d'intermédiaire obligatoire pour préserver les intérêts de tous les acteurs du secteur et ce, uniquement en forêt soumise au régime forestier ; - que la scierie Friederich ne se trouve pas dans un état de dépendance économique à son égard ; - qu'au vu de la fiche entreprise qui la concerne, cette scierie traite un volume de 10 000 mètres cubes par an ; - que depuis 2006, ce volume n'a cessé de baisser ; - que la scierie peut difficilement tirer argument de ce que ses concurrents bénéficieraient de contrats d'approvisionnement aux clauses plus adaptées ; - qu'outre le fait, qu'il est difficile d'en conclure que cela prouverait une exploitation abusive d'un état de dépendance économique, ces affirmations sont fausses ; - que la décision du tribunal, parfaitement motivée, doit donc être confirmée ;

Vu l'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce ;

Attendu qu'il ressort de ces dispositions qu'est prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ;

Attendu qu'il est par ailleurs de principe établi, que la situation de dépendance économique à l'égard d'un fournisseur s'apprécie en tenant compte, de l'importance du chiffre d'affaires réalisé par ce fournisseur avec le distributeur, de l'importance du distributeur dans la commercialisation du produit concerné, des facteurs ayant conduit à la concentration des ventes du fournisseur auprès du distributeur et de l'existence et de la diversité éventuelle de solutions alternatives pour le fournisseur ;

Attendu que dans les circonstances précises de la présente espèce, l'état de dépendance économique de la société Friederich envers l'ONF n'est pas établi puisque celle-ci, sur qui pèse la charge de l'allégation, ne conteste pas traiter 10 000 mètres cubes de grumes par an et n'établit pas que depuis 2006, le volume acquis auprès de ce fournisseur a été, à quelque moment que ce soit, supérieur à 50 % du volume produit par la scierie ainsi que le démontre son adversaire ;

Attendu qu'il peut être ajouté de manière superfétatoire que quoi qu'il en soit, la société Friedrich ne conteste pas que l'ONF n'a jamais commercialisé par le truchement des contrats d'approvisionnement, plus de 50 % du volume des résineux du massif vosgien ;

Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, le grief de dépendance économique sera écarté et le jugement entrepris confirmé dans ses motifs pertinents ainsi que dans les conséquences qui en sont tirées dans le dispositif de la décision ;

2 - Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle et les autres demandes

2.1. En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice pour inexécution du contrat du 12 novembre 2009

Attendu d'une part, que la société Friederich impute subsidiairement à faute de l'ONF la perte du chiffre d'affaires que lui a occasionné l'inexécution du contrat de 2009 ; qu'elle conclut à la condamnation de cet établissement à lui verser des dommages et intérêts, en indemnisation de son préjudice économique et des conséquences qui en ont découlé ;

Attendu d'autre part, que l'ONF objecte qu'aucune inexécution contractuelle ne saurait lui être imputée à faute dans la mesure où la société Friederich est seule responsable du préjudice qu'elle prétend avoir subi en termes de perte de chiffres d'affaires pour défaut de livraison et dans la mesure où par ailleurs, les préjudices connexes allégués ne sont pas justifiés ;

Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Attendu qu'il est constant que le contrat d'approvisionnement 12 novembre 2009 stipulé entre les parties n'a pas été intégralement exécuté ; que les parties sont contraires sur l'imputation de cette inexécution, l'ONF soutenant que son partenaire économique a en réalité refusé de prendre livraison à deux reprises des bois qui lui étaient proposés et qui étaient parfaitement conformes aux spécifications convenues tandis que la société Friederich objecte avoir à bon escient refusé ces livraisons ainsi qu'il ressort de la pièce n° 5 de son adversaire dès lors que les bois livrés ne correspondaient pas aux spécifications contractuelles convenues ;

Attendu que la pièce visée par la société Friedrich ne saurait en rien établir l'inexécution alléguée dès lors qu'elle ne fait que reprendre objectivement les allégations du représentant de la société Friederich sans prendre parti sur celles-ci ;

Qu'elle est en effet libellée dans les termes suivants : "Dans un premier temps Monsieur Friederich voulait refuser l'ensemble du lot pour cause de très nombreuses découpes (purges de bosses de gui) et d'une longueur moyenne des pièces insuffisante./ Je lui ai donc proposé de scinder le lot en deux et de ne prendre que les bois de la parcelle 83, de qualité nettement supérieure à ceux de la parcelle 81, ce qu'il a accepté" ;

Attendu qu'il s'infère de tout ce qui précède que la société Friederich doit être déboutée de sa demande d'infirmation de ce chef de réclamation ;

2.2. En ce qui concerne les autres demandes

Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société Friederich qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande de faire droit à la demande d'attribution de frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant en audience publique te par arrêt contradictoire, Déclare irrecevables les conclusions de dernière heure de la société à responsabilité limitée Friedrich déposées le 24 décembre 2013, Ecarte des débats pour défaut de communication à l'Office national des forêts, les pièces n° 35 et 36 visées par la société à responsabilité limitée Friederich dans son bordereau de communication de pièces, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y Ajoutant, Condamne la société à responsabilité limitée Friederich en toutes ses dispositions, Condamne la société à responsabilité limitée Friederich aux entiers dépens d'appel, Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles d'appel.