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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 13 mars 2014, n° 12-06585

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Quad Action (SARL)

Défendeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaget

Conseillers :

MM. Martin, Semeriva

Avocats :

Me Debrabant, SCP Ligier de Mauroy & Ligier, Selarl Lexi

T. com. Saint-Etienne, 1re ch., du 17 ju…

17 juillet 2012

La SARL Quad Action a souscrit le 7 octobre 2010 avec Imnalys un contrat de licence d'exploitation d'un site Internet consistant dans la création du site, son hébergement, son administration et sa maintenance, son référencement sur les principaux moteurs de recherche, le dépôt d'un nom de domaine, la création de 5 adresses email et un pack e.com expert, moyennant le paiement de 48 mensualités de 358,80 euros TTC.

Le 23 décembre 2010, le gérant de la SARL Quad Action a signé un procès-verbal de livraison et de conformité de site web rappelant que la date du procès-verbal de livraison et de conformité rend exigible la première échéance.

A compter du 30 décembre 2011, les loyers n'ont pas été réglés.

Par LR en date du 20 mars 2012, la SAS Locam a mis en demeure la société Quad Action de lui régler le montant des échéances impayées, de la clause pénale, des intérêts de retard et d'une provision pour loyer en cours au 30 mars 2012 soit la somme totale de 1 570,90 euros, l'informant qu'à défaut de paiement dans un délai de 8 jours sa créance deviendra immédiatement exigible en totalité et s'établira à :

- montant de l'arriéré 1 570,90 euros

- 32 loyers à échoir du 30.04.2012 au 30.11.2014 11 481,60 euros

- indemnité et clause pénale 10 % 1 148,16 euros

soit une somme totale de 14 200,66 euros.

La SARL Quad Action ne s'est pas exécutée.

Après assignation en date du 31 mai 2012, par jugement réputé contradictoire en date du 17 juillet 2012, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné la SARL Quad Action à payer à la SAS Locam 12 916,80 euros, 1 euro à titre de clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Quad Action aux entiers dépens.

Appel de ce jugement a été interjeté le 7 septembre 2012 par la SARL Quad Action.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2012, la SARL Quad Action demande à la cour, au visa des articles L 442-6 du Code de commerce, 1134 et suivants, 1152, 1226 et suivants, 1719 du Code Civil, statuant par voie de réformation, de :

1/ A titre principal,

- constater que la société Locam ne produit aucun contrat signé entre elle et la société Quad Action,

- constater que le seul document contractuel présenté par la société Locam concerne deux sociétés tierces, les sociétés Imnalys et Quad Action,

- débouter en conséquence la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Locam à payer à la société Quad Action la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices subis,

En tout état de cause,

- constater le défaut de cause et d'objet du contrat Locam,

2/ Subsidiairement,

- constater que la société Imnalys est en liquidation judiciaire depuis le 24 mai 2011, - constater la résiliation du contrat conclu avec Imnalys à cette date,

- considérer que le démarcheur est mandataire commun des deux sociétés Imnalys et Locam,

- considérer que les contrats Locam et Imnalys forment un ensemble indivisible,

En conséquence,

- constater la caducité du contrat conclu avec la société Locam,

- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Locam à restituer les loyers qu'elle a perçu à compter du 24 mai 2011, (date de la liquidation judiciaire) jusqu'au 31 décembre 2011 (date du paiement de la dernière mensualité), soit 2 152,80 euros,

- condamner la société Locam à payer à la société Quad Action la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices subis,

A défaut,

- constater que la société Locam se prévaut de l'intégralité des droits et obligations du contrat Imnalys,

- constater l'inexécution fautive du contrat par la société Locam,

- constater que la société Locam reconnaît implicitement n'avoir jamais fourni la moindre prestation à la société Quad Action, manquant par là-même à son obligation de délivrance,

- prononcer la résiliation du contrat conclu avec la société Locam,

- constater que ces fautes ont engendré un préjudice commercial considérable pour la société Quad Action,

- condamner la société Locam à payer à la société Quad Action la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts,

3/ A titre Infiniment subsidiaire,

- constater que le contrat Locam traduit un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- condamner la société Locam à réparer le préjudice par l'octroi d'une indemnité correspondant au montant de ses demandes, à savoir la somme de 12 441,48 euros,

En tout état de cause,

- condamner la société Locam à payer à la société Quad Action la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en faisant application, au profit de la SCP Ligier de Mauroy & Ligier, Avocat, des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- constater que la clause pénale invoquée par la société Locam est manifestement excessive et la réduire à la somme symbolique de 1 euro compte tenu des sommes déjà versées par la société Quad Action,

- ordonner la suppression du site mis en ligne par la société Imnalys.

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse en date du 6 février 2013, la SAS Locam demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants et 1149 du Code civil de :

- rejeter comme irrecevable et non fondé l'appel entrepris,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Saint-Étienne en date du 17 juillet 2012, en ce qu'il a condamné la société Quad Action à payer à la société Locam la somme principale de 12 916,80 euros outre les accessoires ;

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

- débouter la société Quad Action de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Quad Action à régler à la société Locam la somme de 1 291,68 euros au titre de la clause pénale de 10 % ;

- dire que les intérêts au taux légal sont dus sur la somme principale de 12 916,80 euros à compter de la mise en demeure du 20 mars 2012 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière ;

- condamner la société Quad Action à régler à la société Locam une nouvelle indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct pour ces derniers au profit de la Selarl Lexi Conseil & Défense, avocat.

La clôture de l'instruction est intervenue le 10 septembre 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'absence de contrat liant la SARL Quad Action à la SAS Locam

La SARL Quad Action fait valoir qu'en l'absence de contrat signé, la SAS Locam ne peut prétendre à aucune créance envers elle.

Mais, comme objecte exactement la SAS Locam, il résulte de l'article 1 du contrat qu'elle a souscrit avec Imnalys qu'elle a accepté par avance la cession de ce contrat au profit d'un cessionnaire dont elle n'a pas fait de la personne une condition de son accord, et a reconnu que cette cession sera portée à sa connaissance par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l'avis de prélèvement qui sera émis.

Et il n'est pas contesté qu'elle a réglé par prélèvement 12 loyers.

La preuve de la cession du contrat la liant à Imnalys à la SAS Locam et de sa connaissance par la SARL Quad Action est rapportée.

Sur le défaut de cause et d'objet du contrat Locam

La SARL Quad Action expose que le site web donné en location ne peut plus lui être délivré ni sa maintenance effectuée depuis le 24 mai 2011, date de la liquidation judiciaire de la société Imnalys, de sorte que, dépourvu d'objet et de cause, le contrat est nul.

Mais comme le fait valoir la SAS Locam, il n'est pas contesté que le site web a bien été mis à disposition de la SARL Quad Action: le contrat cédé avait donc bien un objet et une cause au moment où il a été souscrit.

Aucune nullité n'est encourue.

Sur la caducité du contrat

La SARL Quad Action plaide que les contrats Locam et Imnalys forment un tout indivisible de sorte que l'intégralité des obligations dues par la société Imnalys ont été transmises à la société Locam cessionnaire.

Et elle relève que depuis la liquidation judiciaire de la société Imnalys prononcée le 24 mai 2011, les services lui ayant été promis et la maintenance sont définitivement stoppés, la cessation de l'activité d'Imnalys entraînant la résiliation des contrats conclus avec des tiers et, par ricochet, la caducité du contrat Locam en raison de l'indivisibilité des deux contrats.

Mais la SAS Locam rétorque avec raison que :

- les dispositions de l'article L. 641-11-1 alinéa 1 du Code de commerce excluent que le contrat liant Imnalys à la SARL Quad Action soit résilié du seul fait du prononcé de la liquidation judiciaire d'Imnalys.

- la résiliation du contrat liant la SARL Quad Action à Imnalys ne peut être prononcée en l'absence de mise en cause de cette dernière.

Il s'ensuit qu'il ne peut être fait droit à la demande de caducité du contrat cédé à Locam en ce qu'il est prétendu qu'elle est la conséquence de la résiliation du contrat liant Imnalys à la SARL Quad Action.

Sur l'inexécution fautive par la SAS Locam du contrat Imnalys

La SARL Quad Action expose que la société Locam, en rachetant le contrat de la société Imnalys se devait de remplir toutes les obligations figurant dans le contrat de cette dernière.

Et elle plaide que la société Locam n'a pas satisfait à son obligation de délivrance en raison des différents manquements concernant les services promis établis par un constat d'huissier dressé à sa requête le 17 janvier 2012, et de l'absence de maintenance du fait de la cessation d'activité d'Imnalys.

Comme le fait valoir Locam, elle rapporte la preuve de la livraison du site et de sa conformité par le procès-verbal de réception qu'elle verse aux débats.

Il n'y a pas, au-delà des seules affirmations de la SARL Quad Action, d'éléments démontrant que ce procès-verbal, que son représentant a signé, ne porterait que sur une infime partie des prestations prévues au contrat : il y ait en effet indiqué qu'ont été réceptionnés le référencement, la charte graphique, le développement, l'hébergement et le nom de domaine.

Et la circonstance alléguée par la SARL Quad Action qu'Imnalys était déjà en liquidation au 23 décembre 2010, date à laquelle ce procès-verbal a été signé, est contredite par la fiche "société.com" que la SARL Quad Action communique et par le contenu de ses propres écritures puisqu'elle expose que la liquidation de cette société a été prononcée le 24 mai 2011.

Quant au fait que la maintenance a cessé depuis la liquidation d'Imnalys, il résulte de cette affirmation même qu'il y avait bien une maintenance antérieurement.

Et surtout, il a été expressément stipulé que la responsabilité du cessionnaire du contrat ne pourra être recherchée au regard de la maintenabilité du site Internet.

Il n'y a donc pas d'inexécution fautive par Locam de ses obligations, telles qu'elles résultent de la cession du contrat liant la SARL Quad Action et Imnalys.

La demande de résiliation du contrat cédé à Locam et celle aux fins de dommages et intérêts sont rejetées.

Sur le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties résultant du contrat Locam

Au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il est prétendu par la SARL Quad Action que le contrat Locam (en réalité, dans la propre thèse de la SARL Quad Action le contrat Imnalys cédé à Locam), réalise un déséquilibre entre les droits et obligations des parties puisqu'il interdit à la SARL Quad Action d'opposer un quelconque dysfonctionnement, partiel ou total pour rechercher la responsabilité de la société Locam.

Mais, à défaut d'expliquer en quoi la SARL Quad Action pourrait être qualifiée, lors de la souscription du contrat litigieux de partenaire commercial d'Imnalys ou de la SAS Locam puisqu'il n'est pas soutenu qu'elles auraient entretenu antérieurement quelque relation que ce soit, ces dispositions ne sauraient trouver application.

La demande de dommages et intérêts sur ce fondement ne peut prospérer.

Sur les sommes dues à Locam

La SAS Locam conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts, leur capitalisation et en ce qu'il a ramené à 1 euro sa demande en paiement de la clause pénale contractuelle.

Aux termes de l'article 18-3 des conditions contractuelles, applicable en cas de résiliation, il est dû par le locataire :

- une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard,

- une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée d'une clause pénale de 10 % sans préjudice de tous dommages et intérêts que le locataire pourrait devoir du fait de la résiliation.

Se prévalant des dispositions de l'article 1229 du Code civil, la SARL Quad Action soutient tout d'abord que la société Locam ne peut réclamer à la fois l'exécution du principal, en l'espèce le montant des loyers impayés et la clause pénale.

Mais la société Locam ne réclame pas l'exécution du principal puisqu'elle a sollicité la résiliation du contrat.

Dès lors, et même s'il est effectif que les stipulations par lesquelles les parties ont convenu qu'en cas de défaillance du preneur, ce dernier devrait payer une somme de 10 % des loyers échus et impayés et le montant des loyers à échoir, augmenté de 10 %, définissent une peine obligeant au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts et comme telles instituent une clause pénale, la SAS Locam peut en réclamer le bénéfice, en plus du paiement des loyers échus et impayés.

La SARL Quad Action plaide ensuite que cette clause pénale doit être réduite en ce qu'elle est manifestement excessive.

Mais, au regard de l'investissement réalisé par le cessionnaire, de la perte que lui cause l'arrêt de l'opération avant son terme et du temps de traitement imposé par la gestion de la situation, cette clause n'institue pas en l'espèce une peine manifestement excessive et, comme le demande la société Locam, il n'y a pas lieu de la réduire.

Il s'ensuit qu'est due à la société Locam ensuite de la résiliation du contrat, la somme de 1 291,68 euros au titre de la clause pénale de 10 %.

Les intérêts au taux légal sont dus sur la somme principale de 12 916,80 euros à compter de la mise en demeure du 20 mars 2012.

Conformément à la demande de la SAS Locam, ils se capitaliseront par année entière.

Le jugement déféré est réformé dans ces limites.

Sur la demande de suppression du site mis en ligne

Ne justifiant pas d'un refus de l'hébergeur à une demande qu'elle aurait présentée à cette fin, la suppression du site mis en ligne par Imnalys ne peut être ordonnée.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable que la société Locam conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire face à un appel non fondé.

La SARL Quad Action est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 1 500 euros.

Sur les dépens

La SARL Quad Action qui succombe les supporte.

Par ces motifs : LA COUR, Déboutant les parties de leurs plus amples demandes, Confirmant le jugement déféré pour le surplus, Condamne la SARL Quad Action à payer à la SAS Locam la somme de mille deux cent quatre vingt onze euros soixante huit centimes (1 291,68 euros) au titre de la clause pénale de 10 %, Dit que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2012, date de mise en demeure, avec capitalisation par année entière. Y ajoutant, Condamne la SARL Quad Action à payer mille cinq cents euros (1 500 euros) à la SAS Locam au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct, pour ceux d'appel au profit de la Selarl Lexi, avocat.