CA Versailles, 12e ch., 18 mars 2014, n° 12-05153
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Innov'Esthetique (SARL)
Défendeur :
Chevalier, Aesthetic (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Calot, Orsini
Avocats :
Mes Guttin, Jullien, Prudhomme, Le Brun, Ducrot
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Statuant sur l'appel interjeté par la société Innov'Esthétique contre le jugement rendu le 26 juin 2012 par le Tribunal de grande instance de Pontoise, qui a :
- débouté la société Innov'Esthétique de l'ensemble de ses demandes
- débouté M. Laurent Chevalier et la société Aesthétic de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et en rémunération de la clause de non-concurrence
- rejeté les autres demandes
- condamné la société Innov'Esthétique à payer à M. Laurent Chevalier et à la société Aesthétic la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné la société Innov'Esthétique aux entiers dépens.
Après avoir exercé au sein de la Sarl Innov'Esthétique des fonctions salariées de responsable commercial à partir du 1er octobre 2002, puis de gérant à partir de janvier 2005 jusqu'au 31 juillet 2008, M. Laurent Chevalier, a exercé les fonctions de gérant salarié à compter du 1er août 2008 au sein de la société LCH Investissements jusqu'au 30 novembre 2010, laquelle est actionnaire de la société Innov'Esthétique.
M. Chevalier qui avait conservé le mandat de gérant de la société Innov'Esthétique, n'était plus rémunéré depuis le 1er août 2008 au titre de ses fonctions de gérant, seuls les frais engagés pour ses fonctions de gérant lui étant remboursés sur justificatifs, étant désormais rémunéré sur LCH Investissements à partir de cette date (pv A.G du 30 juin 2008), le pv d'A.G du 21 juin 2009 précisant que les prestations de M. Chevalier font l'objet d'une refacturation de la société LCH Investissements dans le cadre d'une convention d'assistance de gestion signée courant 2008 et que ses frais exposés dans l'intérêt de la société lui sont remboursés.
M. Chevalier a informé la société Innov'Esthétique de sa volonté de démissionner pour raisons personnelles de ses fonctions de gérant sans indemnité et déclarant renoncer à tout recours à l'égard de la société, par courrier daté du 26 novembre 2010 remis en main propre, précisant qu'en assemblée générale, les associés nommeront un nouveau gérant aux fins de pourvoir à son remplacement et que ses fonctions prendront fin à l'issue de ladite assemblée générale.
Aux termes d'une assemblée générale extraordinaire de la société LCH Investissements en date du 26 novembre 2010 à 15 h, il a été constaté la cession de parts sociales intervenue entre M. Chevalier et la société ADS Investissements (dont le gérant est M. Clément de Souza, qui a pour filiale la société Innov'Esthétique) portant sur 400 parts sociales et il a été décidé de nommer M. Clément de Souza en qualité de gérant.
Par ailleurs, selon le procès-verbal du 26 novembre 2010, l'A.G de la société Innov'Esthétique tenue à 17 h, a déclaré agréer la cession de la totalité des parts détenues par M. Chevalier, soit 140 au profit de la société LCH Investissements (2ème résolution) et après avoir pris acte de la démission de ses fonctions de gérant donnée par M. Chevalier pour raisons personnelles, a décidé de nommer en qualité de nouveau gérant M. Alain Dufournier et il a été pris acte d'un engagement de M. Chevalier à l'égard de la société, objet du litige.
M. Laurent Chevalier a constitué le 17 décembre 2010 une nouvelle société, dénommée société Aesthétic.
La société Innov'Esthétique créée en mars 2002, a pour objet la création, l'acquisition, l'exploitation sous toutes ses formes directe ou indirecte de tous fonds de commerce ayant pour objet le service après-vente , la maintenance, l'achat, la vente, l'import, l'export, le négoce, la représentation, les commissions en consignation, l'emmagasinage, le transit et le transport de matériel médical et matériel se rapportant directement ou indirectement à l'esthétique et à la cosmétologie active, la vente de bijoux, la maintenance de piscines, saunas, hammams, jacuzzis et balnéothérapie.
En 2008, la société LCH Investissement, holding pour le développement de la société Innov'Esthétique en Europe, est entrée dans la capital de la société précitée en souscrivant 260 parts le 30 juin 2008, M. Chevalier en conservant 140.
M. Chevalier assurait la gérance de la société LCH dont il détenait 50 % du capital.
La société Aesthétic, créée par M. Chevalier le 17 décembre 2010, a un objet identique celui de la société Innov'Esthétique et a été immatriculée le 3 janvier 2011.
La société Innov'Esthétique se disant victime d'actes de concurrence déloyale de la part de la société Aesthétic, a, dès le 20 juillet 2011, saisi le président du Tribunal de commerce de Pontoise pour obtenir la désignation d'un huissier aux fins d'effectuer au sein de la société Aesthétic un certain nombre de constatations indispensables à une action fondée sur la concurrence déloyale (notamment constatations informatiques).
Par ordonnance de référé du 3 novembre 2011, le président du Tribunal de commerce de Pontoise a rétracté partiellement l'ordonnance rendue le 21 juillet 2011 en limitant la mission de l'huissier de justice Tristant qui a été désigné pour exécuter les diligences.
Les associés de la société Innov'Esthétique, réunis en assemblée générale extraordinaire le 6 mai 2013, ont autorisé le nouveau gérant, M. Philippe Bohn, à céder le fonds de commerce à la société Innov, immatriculée le 16 avril 2013.
Vu les dernières écritures en date du 9 octobre 2013 de la société Innov'Esthétique, appelante ;
Vu les dernières écritures en date du 16 décembre 2013, de M. Laurent Chevalier et de la société Aesthétic, intimés au principal et appelants incidents ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 décembre 2013.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la nullité du procès-verbal d'assemblée générale du 26 novembre 2010 de la société Innov'Esthétique
Considérant que les intimés invoquent la nullité du procès-verbal du 26 novembre 2010 sur le fondement de l'article L.235-1 alinéa 1er du Code de commerce au motif que l'ensemble des associés n'a pas été régulièrement convoqué à cette assemblée, que contrairement à ce qui est indiqué, Mme Catherine Cholé n'était ni présente, ni représentée et produisent à cet effet une attestation de cette dernière en date du 24 janvier 2011 précisant qu'elle n'a pas assisté à cette A.G, qu'elle a reçu cette feuille de présence par Internet, l'a renvoyée le 16 décembre 2010 et qu'elle faisait entièrement confiance à M. Chevalier pour la gestion de ses parts sociales dans la société depuis le décès de son époux en juin 2009 ;
Que l'appelante estime que M. Chevalier est malvenu à remettre en cause la validité du procès-verbal, eu égard à la première résolution du procès-verbal d'A.G précisant que l'assemblée générale entérine la convocation des associés à la présente assemblée générale par le gérant, faite de manière orale et donne entière validité à sa tenue et aux résolutions qui seront prises, soulignant que Mme Cholé précise dans son attestation en date du 10 avril 2013, qu'il était fréquent qu'en raison de son éloignement, elle n'assistait pas systématiquement aux A.G, que la tenue de l'A.G le 26 novembre 2010 ne lui a pas semblé irrégulière et que ce procès-verbal est donc authentique ;
Considérant que le procès-verbal d'assemblée générale mentionne que sont présents ou représentés Laurent Chevalier, la Sarl LCH Investissements et Mme Catherine Cholé, propriétaires respectivement de 140 parts, 920 parts et 100 parts, qu'il a été signé par Laurent Chevalier, LCH Investissements, associée représentée par Laurent Chevalier et par le nouveau gérant non associé, Alain Dufournier, la partie réservée à la signature de Catherine Cholé, étant restée vierge de toute mention ;
Que les cinq résolutions prises au cours de cette A.G ont été adoptées selon le procès-verbal à l'unanimité, alors qu'il ressort des attestations établies par Mme Cholé, remises à chacune des parties, que celle-ci n'a jamais assisté à cette A.G et qu'elle n'était pas valablement représentée ;
Que Mme Cholé n'atteste pas avoir reçu une convocation orale pour assister à cette A.G, celle-ci relatant dans son attestation en date du 24 janvier 2011 remise à M. Chevalier, qu'elle avait signé à la demande expresse de M. de Souza la feuille de présence de l'A.G, qu'elle avait reçu et renvoyé cette feuille par Internet, étant absente de la région parisienne à cette date, précisant que le retour de ce document avait été fait le 16 décembre 2009 (2010) ;
Qu'il en résulte que l'A.G n'a pas été régulièrement convoquée et que l'ensemble des associés, du fait de l'absence de Mme Cholé, n'a pas participé à l'adoption des résolutions mentionnées au procès-verbal ;
Que la convocation manifestement irrégulière de Mme Cholé pour la tenue de cette A.G, prive de validité les résolutions qui ont été adoptées au cours de celle-ci, dès lors que cette associée n'a pu manifester son accord ou son désaccord sur lesdites résolutions, sans qu'il puisse être valablement soutenu que M. Chevalier avait accepté en connaissance de cause la clause validant l'irrégularité de la convocation de l'ensemble des associés ;
Que le jugement sera amendé en ce qu'il a dit qu'il était inutile de statuer sur le point de savoir si l'A.G au cours de laquelle cette résolution a été adoptée, est elle-même nulle, car convoquée irrégulièrement et si M. Chevalier a accepté en connaissance de cause cette clause ;
- Sur le non-respect par M. Chevalier de son engagement inséré dans la 3ème résolution du procès-verbal d'assemblée générale du 26 novembre 2010
Considérant que le procès-verbal de l'A.G du 26 novembre 2010 de la société Innov'Esthétique tenue à 17 h, mentionne en sa 3ème résolution (1er alinéa ) que l'A.G, après avoir pris acte de la démission de ses fonctions de gérant donnée par M. Chevalier pour raisons personnelles, a décidé de nommer en qualité de nouveau gérant M. Alain Dufournier, pour une durée expirant à l'issue de l'A.G appelée à statuer sur les comptes clos le 31 décembre 2011 à compter de ce jour ;
Considérant que la 3ème résolution du procès-verbal d'A.G ajoute en son 4ème alinéa que la collectivité des associés prend acte de l'engagement de M. Laurent Chevalier de s'interdire directement ou indirectement de tout détournement d'actif sous quelque forme que ce soit, notamment démarchage auprès des clients existants de la société, le tout sous peine de dommages et intérêts et plus généralement, de porter atteinte à l'image de la société et du groupe ADS Investissements, qu'aucun quitus entier et définitif n'est donné à ce jour par l'A.G à M. Laurent Chevalier, gérant démissionnaire pour ses fonctions de gérant jusqu'à ce jour et que cette résolution, soumise au vote, est adoptée à l'unanimité;
Que ce procès-verbal, comme il vient d'être souligné, a été signé par Laurent Chevalier en qualité de gérant, par la société LCH Investissements, associée représentée par Laurent Chevalier par le nouveau gérant non associé, Alain Dufournier, mais est dépourvu de la signature de Mme Catherine Cholé, associée ;
Considérant que l'appelante rappelle qu'elle a fondé son action à l'encontre de M. Chevalier à titre principal, sur l'engagement conventionnel parfaitement clair qu'il a pris en sa qualité de gérant démissionnaire de la société lors de l'assemblée générale du 26 novembre 2010, que celui-ci n'a pas été contraint de démissionner, que dès le 5 décembre 2010, il constituait une société concurrente à moins de 5 km du siège de la société concluante, que son engagement ne constitue pas une clause de non-concurrence, mais constitue un engagement exprès du gérant démissionnaire de ne pas faire, en particulier, de s'abstenir de toute concurrence déloyale, que cet engagement est une obligation de loyauté qui n'a pas à être limitée dans le temps ;
Qu'elle estime que le non-respect de cet engagement contractuel de loyauté doit être sanctionné au visa des articles 1134, 1135, 1142, 1145 à 1147 du Code civil, ou sur le terrain délictuel si la résolution est considérée comme non valable du fait que nul n'est besoin de clause pour interdire une concurrence déloyale ;
Que les intimés font observer que le fondement contractuel et délictuel ne se cumule pas, répliquent que la 3ème résolution du procès-verbal en date du 26 novembre 2010 ne peut être considérée comme une clause contractuelle au sens de l'article 1134 du Code civil en l'absence de réciprocité, qu'il s'agit seulement d'une prise d'acte, qu'en tout état de cause, la clause de non-concurrence invoquée est nulle et de nul effet, s'agissant d'un engagement perpétuel qui ne préserve pas la liberté professionnelle de l'ancien dirigeant, que ce procès-verbal a été établi à l'insu de M. Chevalier, au profit de M. Clément de Souza et du groupe ADS que celui-ci dirige, qu'aucune clause similaire ne figure dans l'acte de cession des parts sociales de M. Chevalier (cession pour le prix symbolique de un euro la part, soit 140 euros), qu'ils demandent à défaut, que cette clause soit déclarée illicite en application de l'article 1131 du Code civil, ou à tout le moins inopposable, que le procès-verbal n'est pas une convention et aucun contrat n'a pas été formalisé ou conclu par l'apposition de la signature de M. Chevalier ;
Que M. Chevalier, né le 28 avril 1963, rappelle que la société Innov'Esthétique a été créée en 2002 sous son impulsion, qu'il a toujours oeuvré dans le domaine de l'esthétisme et de la cosmétologie active (depuis 24 ans), qu'il fut l'associé majoritaire jusqu'à sa rencontre avec M. de Souza qui a décidé de cessions de parts sociales à partir de juillet 2008, lequel va devenir le gérant de fait de la société, qu'il a été contraint de démissionner de cette société eu égard au conflit persistant entre lui et M. de Souza, gérant de la holding ADS Investissements, société mère de la société LCH Investissements, devenue actionnaire de la société Innov'Esthétique ;
Mais considérant que l'irrégularité de la convocation de Mme Cholé à l'A.G du 26 novembre 2010, prive également de validité la 3ème résolution adoptée au cours de celle-ci, mettant à la charge de M. Chevalier, gérant démissionnaire, un engagement conventionnel de loyauté à l'égard de la société Innov'Esthétique ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la 3ème résolution du procès-verbal d'A.G ne peut engager la responsabilité contractuelle de M. Chevalier ;
Que la démission de M. Chevalier consignée dans son courrier du 26 novembre 2010, revêtu de sa signature, est non équivoque ;
Qu'en tout état de cause, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit, que cet engagement n'est pas limité dans le temps et dans l'espace, ne vise aucune clientèle particulière, ne peut être validé comme un engagement contractuel, qui serait perpétuel, ce qui est prohibé et ont conclu que la 3ème résolution adoptée au cours de l'A.G était nulle;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il convient d'examiner la responsabilité de M. Chevalier sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, comme le demande à titre subsidiaire la société Innov'Esthétique, au titre des actes de concurrence déloyale commis après sa démission ;
Considérant que la demande reconventionnelle de M. Chevalier tendant à obtenir la somme de 500.000 euros au titre de l'indemnisation de la clause de non-concurrence invoquée par l'appelante au motif que cette clause ne comporte aucune contrepartie financière, à supposer que la clause de non-concurrence lui soit opposable, sera déclarée sans objet ;
- Sur la responsabilité délictuelle de M. Chevalier au titre du manquement à son devoir de loyauté à l'égard de la société Innov'Esthétique
Considérant que les premiers juges après avoir rappelé le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, ont dit que les griefs invoqués par la société Innov'Esthétique contre M. Chevalier et la société Aesthétic (débauchage de salariés, désorganisation de la société, démarchage de clientèle, dénigrement par fausses rumeurs, imitation de produits, parasitisme, rupture de relations avec des fournisseurs et des partenaires commerciaux), ne s'accompagnait pas de circonstances particulières leur imprimant un caractère déloyal et qu'il s'agissait du jeu normal d'une saine concurrence ;
Que l'appelante soutient que le pillage de l'entreprise a été manifeste, organisé et réalisé dans un laps de temps très court grâce à l'intervention de Cédric Blanc, salarié clé de la société concluante, dont la démission a pris effet au 27 février 2011, lequel a transféré les documents à M. Chevalier à sa demande et a travaillé pour lui alors que Cédric Blanc était encore en fonction au sein de la société concluante, que M. Chevalier s'est toujours appuyé sur Cédric Blanc et l'a sollicité pour mettre en place son plan d'action et démarcher le personnel de sa future équipe commerciale en lui laissant entrevoir dès janvier 2011 d'entrer dans le capital ;
Qu'elle ajoute que la concurrence déloyale est établie par le débauchage fautif et la désorganisation de la société concluante, que 26 salariés ont quitté l'entreprise sous la gérance de M. Chevalier entre janvier 2005 et décembre 2010, que la concurrence déloyale est établie également par la confusion avec la société concluante, (reprise de ses anciens locaux de la société concluante à Boissy l'Aillerie, puis transfert du siège social à Paris) entraînant la confusion des clients et des fournisseurs ;
Que les intimés contestent avoir incité les salariés à démissionner ou les avoir démarchés, objectent que chaque salarié a souhaité démissionner, renoncer à son indemnité de départ et à son ancienneté, en raison des critiques systématiques, des opérations de déstabilisation et de dénigrement pratiquées par le nouveau gérant de la société Innov'Esthétique et de la nouvelle équipe dirigeante composée de M. Alain Dufournier et de M. Clément de Souza, rappellent qu'après le départ de M. Chevalier, la société Innov'Esthétique a changé trois fois de gérant et a vendu son fonds de commerce en l'espace de deux ans, que celle-ci a indiqué à chaque salarié concerné qu'elle renonçait à l'application de la clause de non-concurrence, que la société appelante perd de la clientèle en raison de son manque de professionnalisme et de réactivité, que l'embauche de plusieurs salariés ne peut être considérée comme du débauchage fautif dès lors qu'il ne concerne qu'un pourcentage infime des départs de l'entreprise (30 départs depuis 2009), que les intimés contestent la prétendue complicité de M. Blanc, soulignent que M. Chevalier était le créateur des catalogues Innov'Esthétique depuis l'origine, soutiennent qu'il n'est pas démontré de faute délictuelle, que la clause litigieuse ne vise nullement une clientèle déterminée, que les locaux loués par la société Aesthétic comme lieu de stockage étaient vacants et appartiennent à la Sci Jabilaur dont M. Chevalier est le gérant ;
Mais considérant que M. Chevalier, gérant démissionnaire de la Sarl Innov'Esthétique, restait libre d'exercer une activité concurrente dans les règles de la liberté du commerce et de l'industrie à condition de ne pas user de procédés déloyaux ;
Que le comportement de M. Chevalier, qui a successivement exercé les fonctions de gérant salarié pendant 3 ans et demi, puis de gérant, en qualité de mandataire social pendant 2 ans et associé majoritaire, constitue un manquement à son devoir de loyauté à l'égard de la société qu'il avait constituée en 2002, qui lui a permis de poser les jalons d'une concurrence déloyale de la société Aesthétic, ayant la même activité du commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté, qu'il a créée le 17 décembre 2010, juste après avoir démissionné de ses fonctions de gérant au sein de la société Innov'Esthétique le 26 novembre 2010 ;
Qu'en effet, M. Chevalier, gérant démissionnaire, avait exercé les fonctions de gérant, mandataire social, porteur de parts au sein de la société Innov'Esthétique, ce dont il découlait, qu'il était tenu à une obligation de loyauté à l'égard de cette entreprise ;
Qu'il est établi que la société Aesthétic s'est servie de M. Blanc, salarié clé qui occupait le poste de directeur commercial et marketing au sein de la société Innov'Esthétique et alors qu'il était encore en fonction (transmission par M. Blanc à M. Chevalier de CD visuels du catalogue d'Innov'Esthétique pour la constitution du catalogue Aesthétic le 15 février 2011 alors que la relation de travail de M. Blanc au sein de la société appelante a pris fin seulement le 27 février 2011), pour avoir indûment accès aux informations confidentielles de la société et les exploiter à son profit, que les échanges de mails prouvent qu'il y a bien eu un planning de démission mis en place le 22 décembre 2010 et des promesses d'embauches faites aux salariés par M. Chevalier pour les rassurer et les inciter à démissionner de la société appelante (démission de six salariés du service commercial en janvier 2011 incluant M. Blanc, soit la moitié de ce service en termes d'effectifs et embauche concomitamment à la création de la société Aesthétic), ce qui caractérise un agissement fautif de la part de M. Chevalier, peu importe que la société appelante ait renoncé à l'application de la clause de non-concurrence pour ces salariés démissionnaires, que la réorganisation du service commercial de la société appelante, suite au départ d'une grande partie des salariés appartenant à ce service, a motivé la suppression du poste de Mme Bellebeau, commerciale, dans le cadre de son licenciement pour motif économique prononcé en mai 2011 et validé par la juridiction prud'homale, que la concurrence déloyale est établie également par le démarchage frauduleux de clientèle (détournement de fichiers clients en décembre 2010), par imitation de produits, parasitisme et copie servile de catalogues pour le format, la présentation générale, le contenu et une partie des textes, en particulier, la crème de cire pelable parfum Fleur de concombre vendue sous la marque déposée Charles Ney, considérée comme le produit phare de la société Innov'Esthétique, ainsi que d'autres produits : cartouche blanche nacrée, cartouche fruit rouge, cartouche azulène ( le franchiseur Arwen exerçant sous le nom commercial Espace Epilation, lequel a brutalement rompu toute relation commerciale avec la société appelante en mars 2011 pour ne travailler qu'avec Aesthétic), par la volonté de parasiter le site Internet de la société concluante, par la reprise du contenu, par le dénigrement et les fausses rumeurs, permettant à la société Aesthétic de conquérir de nouveaux marchés en proposant notamment la cire Fleur de concombre et en faisant perdre des clients à la société appelante ;
- Sur la réparation des préjudices subis par la société Innov'Esthétique au titre des actes de concurrence déloyale
Considérant que l'appelante rappelle que la désorganisation de la société orchestrée par les intimés a engendré une perte de chiffre d'affaires, que ce trouble commercial est constitutif de préjudice, qu'elle sollicite la réparation financière de l'ensemble de ses préjudices, la cessation sous astreinte des actes de concurrence déloyale et la publicité de la décision, rappelant qu'il est admis que le préjudice causé n'est que le reflet de la faute et qu'il résulte nécessairement de cette faute un préjudice pour la victime;
Qu'elle estime qu'il y a eu transfert du chiffre d'affaire d'Innov'Esthétique vers Aesthétic au vu des documents comptables produits, rappelle qu'elle a perdu comme clients les sociétés En Vogue et Arwen, que l'huissier instrumentaire a relevé que la moitié des clients et fournisseurs sont communs aux deux sociétés (pièce 50), que la société intimée a réalisé un chiffre d'affaire de 1.920.000 euros sur 12 mois, ce qui correspond à son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale, qu'elle conteste la valeur probante des attestations du gérant de la société Alvarez, ancien salarié de M. Chevalier et celle du gérant de la société Nabel, M. Ferdinande, avec lequel M. Chevalier était associé à 50 % au sein de la société Nabel Esthétique, qu'elle soutient qu'elle subit un préjudice particulier résultant de l'hémorragie causée par le départ de la majorité de l'équipe commerciale et du directeur commercial lui-même (M. Blanc) ;
Qu'elle sollicite la réparation du préjudice résultant du détournement de clientèle du fait des actes déloyaux comme le dommage occasionné par la perte de cette clientèle (pertes subies et gains manqués), qu'elle demande la condamnation in solidum des intimés au paiement de la somme de 1 740 000 euros (870 000 euros x 2) à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de marge brute subie en 2011 et 2012, selon le calcul réalisé par le cabinet d'expertise comptable Théry et certifié par le commissaire aux comptes de la société mettant en évidence une diminution du chiffre d'affaires dès le début janvier 2011 correspondant à l'immatriculation de la société Aesthétic, la somme de 500 000 euros au titre du détournement définitif de clientèle dont les clients clé Espace Epilation et Ban Sabaï, la somme globale de 1 089 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation tant de son préjudice financier correspondant aux sommes investies à perte par ses associés (800 000 euros) que de la dévalorisation du fonds de commerce vendu à un prix dérisoire de 161 000 euros soit moins de 10 % du chiffre d'affaires de la société en 2012 d'environ 2 000 000 euros, alors que la valeur du fonds pouvait être évaluée à une somme arrondie à 450 000 euros au 31 décembre 2010 ( soit un préjudice de 289 000 euros), la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation ;
Que les intimés répliquent que le lien de causalité entre la faute et le préjudice n'est pas démontré, que la clientèle captive n'appartient à personne, contestent la perte de deux clients alléguée par l'appelante, l'étendue du préjudice sollicité, rappelant que des procédures ont été engagées contre la société appelante au titre de loyers impayés appartenant à la Sci Jabilaur dont M. Chevalier est le gérant ;
Mais considérant que les intimés objectent à juste titre que la société appelante connaissait des difficultés financières depuis longtemps (en particulier depuis 2009), objectivées le 8 décembre 2010 (soit antérieurement à la constitution de la société Aesthétic) du fait de l'interruption du concours financier de la Bred et subit la crise comme toutes les entreprises de ce secteur économique, que la société Innov'Esthétique n'est pas propriétaire de la marque Charles Ney, que la société Ban Sabaï atteste qu'elle est toujours cliente chez Innov'Esthétique, que l'acte de cession du fonds de commerce n'est pas produit, empêchant d'apprécier la dévalorisation du fonds de commerce vendu;
Qu'au regard des pièces produites, il convient de réduire les demandes de la société appelante à la somme de 580 000 euros au titre de la perte de marge brute subie en 2011 et 2012 du fait de cette concurrence déloyale, de limiter la demande au titre du détournement définitif de clientèle dont les clients clé Espace Epilation ( eu égard à la procédure engagée par la société appelante pour rupture brutale des relations commerciales) et Ban Sabaï, qui est toujours fournisseur de la société appelante, à la somme de 100 000 euros, de limiter à 272 000 euros la somme réclamée à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier correspondant aux sommes investies à perte par ses associés et à celle de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation du fait de la défiance des consommateurs et des partenaires commerciaux dans le milieu restreint de l'esthétique ;
Que s'agissant de la demande de la société appelante, en sa qualité de victime des agissement déloyaux et de cédante du fonds de commerce sur le fondement de l'article 1626 du Code civil, tendant à obtenir la condamnation de la société Aesthétic à cesser sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, toute commercialisation de l'ensemble des produits reproduisant ceux vendus sous la marque Charles Ney, développés spécifiquement pour elle par le fournisseur LCM (laboratoire de cosmétologie moderne) et en particulier, la cire Fleur de concombre qui reproduit la cire concombre de la société Innov'Esthétique ainsi que les cartouches fruit rouge, cire blanche nacrée et azulène, toute diffusion de documents commerciaux reprenant ceux élaborés par la société appelante et en particulier ses catalogues, d'ordonner la publication de la décision aux frais de la société Aesthétic dans deux journaux professionnels : mensuel Cabines édité par Cabines Ltd et mensuel Les Nouvelles Esthétiques ainsi que sur la page d'accueil du site internet de la société Aesthétic pendant un mois, il convient de préciser que selon les courriers adressés par LCM à la société Aesthétic les 13 septembre 2011 et 6 mars 2012, le laboratoire a donné l'autorisation à la société Innov'Esthétique d'exploiter les produits de sa ligne pour le catalogue de cette société, que par ailleurs, les marques, cires concombre, crème de cire concombre et cire or, sont des appellations commerciales de produits créés, fabriqués et vendus par LCM en 2004 et 2011, que les produits de la marque Charles Ney sont également fabriqués, commercialisés par LCM depuis septembre 2007 et que ce laboratoire bénéficie d'une antériorité par rapport aux dépôts faits postérieurement à l'INPI par la société LCH, en particulier le 5 avril 2011 au titre de la cire concombre, de la crème de cire concombre et de la cire or ;
Que cette demande ne peut donc prospérer et la société appelante sera déboutée de ce chef de demande ;
- Sur la demande reconventionnelle des intimés
Considérant que les intimés seront déboutés de leur demande reconventionnelle tendant à obtenir la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure, abusive et vexatoire ;
- Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis une indemnité de procédure à la charge de la société Innov'Esthétique ;
Qu'il sera alloué à l'appelante une indemnité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ainsi précisé au dispositif de la présente décision ;
Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré nulle la 3ème résolution du procès-verbal d'A.G en date du 26 novembre 2010 de la société Innov'Esthétique, dit que la responsabilité contractuelle de M. Laurent Chevalier n'est pas engagée et débouté M. Laurent Chevalier et la société Aesthétic de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts Le Reforme pour le surplus Statuant à nouveau, Declare nul le procès-verbal d'assemblée générale du 26 novembre 2010 de la société Innov'Esthétique Dit que les actes de concurrence commis par M. Laurent Chevalier après sa démission et par la société Aesthétic, ont un caractère déloyal, engagent leur responsabilité délictuelle et sont à l'origine directe des préjudices subis par la société Innov'Esthétique En conséquence, Condamne in solidum M. Laurent Chevalier et la SAS Aesthétic à payer à la Sarl Innov'Esthétique, en réparation des préjudices subis au titre des actes de concurrence déloyale, les sommes suivantes : - 580 000 euros correspondant à la perte de marge brute subie en 2011 et 2012 ; - 100 000 euros au titre du détournement définitif de clientèle ; - 272 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier correspondant aux sommes investies à perte par ses associés ; - 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation Y ajoutant, Condamne in solidum M. Laurent Chevalier et la SAS Aesthétic à payer à la Sarl Innov'Esthétique à payer à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile Rejette toute autre demande Condamne in solidum M. Laurent Chevalier et la SAS Aesthétic aux entiers dépens de première instance et d'appel incluant l'intégralité des frais de constat de la Scp Tristant-le Peillet, huissiers de justice et dit qu'ils seront recouvrés par les avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.