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ADLC, 18 février 2014, n° 14-DCC-23

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif par le groupement Système U de 8 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire

ADLC n° 14-DCC-23

18 février 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 24 janvier 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif de 8 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par les sociétés Système U Centrale Nationale et Système U Centrale Régionale Nord-Ouest, formalisée par un protocole d'accord conclu le 22 janvier 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Système U Centrale Nationale est une union de coopératives de commerçants détaillants, dont les actionnaires sont les quatre coopératives régionales du groupement coopératif Système U (les sociétés Système U Centrale Régionale Est, Système U Centrale Régionale Nord-Ouest, Système U Centrale Régionale Ouest et Système U Centrale Régionale Sud). Le groupement coopératif Système U comprend, outre la société Système U Centrale Nationale et les quatre coopératives régionales précitées, des commerçants indépendants, chacun propriétaire de leur magasin, qui exploitent les magasins à enseigne Hyper U (68 magasins), Super U (762 magasins), Marché U (10 magasins), U Express (290 magasins) et Utile (401 magasins) (ci-après " le groupe Système U " ou " Système U ").

2. Les cibles, soit huit magasins de commerce de détail à dominante alimentaire 51° exploités sous enseigne " Système U ", sont cédés par Les Coopérateurs de Normandie Picardie, coopérative

régionale active dans l'ouest de la France, qui se trouve à la tête du groupe Coopérateurs de Normandie Picardie.

3. L'opération, formalisée par un protocole d'accord du 22 janvier 2014, consiste en la cession par le groupe Les Coopérateurs de Normandie-Picardie au groupement Système U des fonds de commerce de huit magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, de la propriété des murs de quatre de ces magasins (2), ainsi que des contrats de crédit-bail immobiliers concernant les locaux des magasins de Mondeville (76) et Abbeville (80). Le protocole signé le 22 janvier 2014 par le groupement Système U et Les Coopérateurs de Normandie Picardie prévoit, en outre, que des sociétés du groupe Les Coopérateurs de Normandie Picardie continueront d'exploiter les magasins cibles après l'opération, conformément aux termes de contrats de location-gérance signés avec Système U pour une durée de six ans non reconductible.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de huit magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par le groupement Système U, l'opération constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (Système U : [...] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 ; les fonds de commerce cibles : [...] d'euros pour le même exercice). Elles réalisent en France, dans le secteur du commerce de détail, un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros (Système U : [...] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 ; les fonds de commerce cibles : le chiffre d'affaires ci-dessus est intégralement réalisé en France). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au II de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (3), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (4) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales (5), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m² et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente (6) inférieure à 400 m² et supérieure à 120 m².

9. Les autorités de concurrence considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. En effet, si le service rendu globalement par les hypermarchés (diversité des produits, profondeur des gammes, accessibilité, prix bas) est spécifique et n'est rendu par aucune autre forme de commerce, le critère de taille qui détermine, entre les supermarchés et les hypermarchés, l'étendue de l'assortiment des gammes, doit être utilisé dans chaque cas avec précaution, des magasins dont la surface est située à proximité du seuil qui sert à les distinguer (2 500 m²), soit en dessous, soit au-dessus, pouvant se trouver, dans les faits, en concurrence directe. Sont donc prises en considération les conditions dans lesquelles le marché fonctionne effectivement, notamment le fait que, dans un certain nombre de configurations géographiques, un hypermarché peut être habituellement utilisé par certains consommateurs comme un magasin de proximité, en substitution d'un supermarché. En revanche, la réciproque n'est presque jamais vérifiée et l'est d'autant moins que la taille de l'hypermarché en question est importante. En conséquence, si le magasin cible est un hypermarché, l'analyse est effectuée (7) sur un marché comprenant uniquement les hypermarchés, d'une part, et sur un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²), d'autres part. Si le magasin cible est un supermarché, l'analyse n'est effectuée que sur le deuxième type de marché précité.

10. En l'espèce, parmi les huit points de vente exploités sous enseigne Système U, quatre d'entre eux (8) ont une surface comprise entre 2 563 m² et 11 750 m² et entrent donc dans la catégorie des hypermarchés. Les quatre autres magasins cibles, qui ont une surface comprise entre 1 646 m² et 2 081 m², entrent donc dans la catégorie des supermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

11. Il ressort de la pratique décisionnelle (9) que les conditions de la concurrence relatives aux supermarchés et hypermarchés s'apprécient sur deux zones différentes selon la taille des magasins :

- un marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs ;

- un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux.

12. L'Autorité considère donc que l'analyse concurrentielle doit porter sur ces deux marchés lorsque le magasin cible est un hypermarché et qu'elle ne porte que sur le second marché lorsque le magasin cible est un supermarché.

13. L'Autorité rappelle toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d'évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale. L'attractivité de magasins de même format peut varier selon la densité et la qualité de l'équipement commercial d'une zone. Les caractéristiques socio-économiques de la zone concernée (densité de la population, activité économique, géographie, état du réseau routier) peuvent également conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

14. Au cas d'espèce, les marchés concernés sont des zones de chalandise définies en tenant compte d'un trajet en voiture d'une durée maximum de 15 minutes et de 30 minutes à partir des magasins cibles qui sont des hypermarchés, et des zones de chalandises définies en tenant compte d'un trajet en voiture d'une durée maximum de 15 minutes à partir des magasins cibles qui sont des supermarchés.

B. MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

15. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (10) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (11).

16. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

17. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, les achats de l'ensemble du groupe Système U ont représenté en 2012 environ [...] d'euros, soit [10-20] % du marché global de l'approvisionnement. La part des achats du groupe Système U est inférieure à [10-20] % quelle que soit la catégorie de produit prise en compte. Il convient d'indiquer que le montant cumulé des achats effectués par les huit magasins concernés par l'opération s'élève à [...] d'euros, soit moins de [0-5] % du montant des achats effectués en France sur le marché amont de l'approvisionnement. La part des achats cumulés de ces huit magasins-cibles sur chacun des marchés définis par catégorie de produits par la pratique décisionnelle est inférieure à [0-5] %. Par ailleurs, les huit magasins-cibles sont exploités depuis 2009 sous enseigne Système U, et s'approvisionnent essentiellement auprès de Système U, Les Coopérateurs de Normandie Picardie étant associée de l'une des quatre coopératives régionales du groupement Système U, Système U Centrale Régionale Nord-Ouest.

18. L'opération n'est donc pas susceptible de renforcer la puissance d'achat de Système U sur les marchés amont de l'approvisionnement, quelle que soit la segmentation de marché retenue.

B. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

19. L'opération n'emporte pas de chevauchement d'activités entre les parties dans les zones de 15 minutes et de 30 minutes définies autour des hypermarchés cibles d'Albert (80) et Abbeville (80).

20. L'opération entraîne un chevauchement d'activités entre des magasins cibles et des magasins du groupement Système U dans les zones de chalandise de 15 minutes et de 30 minutes définies autour des hypermarchés cibles de Grand Quevilly (76) et de Bihorel (76). Cependant, dans ces zones, la part de marché cumulée des parties demeurera inférieure à 25 % à l'issue de l'opération et les parties y resteront confrontées à la concurrence d'au moins quatre groupes de distribution concurrents.

21. L'opération emportera également un chevauchement d'activités entre des magasins cibles et des magasins du groupement Système U dans les zones de chalandises de 15 minutes définies autour de chacun des supermarchés cibles situés à Bonsecours (76), Darnétal (76), Mont-Saint-Aignan (76) et Mondeville (14). Cependant, dans ces zones, la part de marché cumulée des parties demeurera inférieure à 25 % à l'issue de l'opération et les parties y resteront confrontées à la concurrence d'au moins six groupes de distribution concurrents.

22. En conséquence, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de distribution de détail à dominante alimentaire concernés.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-011 est autorisée.

Notes :

1 Ces magasins de commerce de détail à dominante alimentaire sont situés à Darnétal (76), Mont Saint Aignan (76), Bonsecours (76), Mondeville (14), Bihorel (76), Albert (80), Abbeville (80) et Grand Quevilly (76).

2 Les magasins dont la propriété des murs sera cédé à la société Système U Centrale Nationale à l'occasion de la présente opération sont situé à Darnétal (76), Mont Saint Aignan (76), Bonsecours (76), Albert (80).

3 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également et notamment la décision n°12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la la société Sofides par la société ITM Entrepsrises.

4 Voir notamment les décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

5 Voir notamment les décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dans le secteur : C.2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C.2007-172 Carrefour Plane Plamidis du 13 février 2008, C.2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C.2007-05Carrefour Sofadi du 26 mars 2007, C.2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C.2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

6 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud.

7 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, et n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.

8 Les magasins de Bihorel (76), Albert (80), Abbeville (80) et Grand Quevilly (76).

9 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-04 du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mafical par la société ITM Alimentaire Région parisienne ; la décision n°11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement ; la décision n°11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de l'hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, et la décision n°12-DCC-63 précitée.

10 Voir les décisions de la Commission COMP / M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000, COMP / M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

11 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création e l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C.2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008, ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence n°13-DCC-90 précitée.