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Décisions

CA Riom, ch. com., 19 mars 2014, n° 12-02777

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Frac Distribution (SARL)

Défendeur :

Une Fleur en Plus (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Andrieux

Conseillers :

Mmes Javion, Millerand

Avocats :

Mes Lacquit, Almuzara, Ruy, Awatar, Rahon

T. com. Puy-en-Velay, du 19 oct. 2012

19 octobre 2012

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Une Fleur en Plus qui exerce une activité de commerce de gros dans le secteur des fleurs artificielles a conclu le 3 juillet 2006 avec la société Frac Distribution un contrat d'agent commercial en vue de la promotion de la vente et de la distribution de fleurs artificielles dans 17 départements de l'ouest de la France.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2009, la société Une Fleur en Plus a mis un terme au contrat d'agent commercial de la société Frac Distribution lui reprochant :

- de ne pas avoir procédé au paiement de la somme de 70 000 euro correspondant au rachat de la carte du précédent agent commercial,

- d'avoir manifesté un désintérêt pour le mandat qui lui était confié, se traduisant par une diminution du chiffre d'affaires, le désengagement de la société Frac Distribution tenant au développement parallèle d'une activité au sein d'une société Clem Diffusion à laquelle Monsieur Clement, gérant de la société Frac Distribution se consacrait prioritairement.

Monsieur Clement est cogérant avec son épouse d'une SARL Clem Diffusion qui exploite un commerce de vente de fleurs artificielles sous l'enseigne Mega+.

Des discussions ont eu lieu entre les parties sur l'indemnisation de la société Frac Distribution mais les écritures de la société Une Fleur en Plus sur l'existence d'un protocole d'accord ne sont pas reprises devant la cour.

La société Frac Distribution a assigné en paiement de l'indemnité compensatrice de rupture la société Une Fleur en Plus devant le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay lequel par jugement du 19 octobre 2012 a :

- rejeté les allégations de la société Une Fleur en Plus sur le fondement de la chose jugée et déclaré recevables les demandes de la société Frac Distribution,

- dit que la société Frac Distribution a commis une faute grave au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce dans la réalisation de ses obligations d'agent commercial et rejeté ses demandes d'indemnité pour rupture du contrat d'agent commercial,

- constaté un écart de base des commissions en défaveur de la société Frac Distribution pour chacun des trois exercices,

- ordonné la désignation d'un expert afin de définir la base réelle des commissions à servir à la société Frac Distribution, et définir le rappel des commissions dues à la société Frac Distribution,

- condamné la société Frac Distribution à payer à la société Une Fleur en Plus la somme de 70 000 euro en paiement de la carte d'agent commercial mais dit qu'il y a lieu de surseoir au paiement de cette somme en vue d'une compensation avec l'éventuel rappel de commissions qui sera défini par l'expertise judiciaire,

- réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay a notamment retenu l'existence d'une faute grave de la société Frac Distribution, en ce que Monsieur Clement cogérant de la société Clem Diffusion et signataire du contrat d'agent commercial en qualité de gérant de la société Frac Distribution gère cette activité de négoce de produits identiques à ceux définis au contrat d'agent commercial à telle enseigne que cette société est devenue cliente de la société Une Fleur en Plus sans en informer le mandant et de ce fait sans son autorisation en totale contradiction avec l'engagement pris, que cette situation une fois découverte a été jugée en conflit d'intérêts avec l'activité d'agent commercial par la société Une Fleur en Plus, que cette activité a créé une baisse du chiffre d'affaires dans l'exercice du contrat d'agent commercial.

La société Frac Distribution a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe reçue le 5 décembre 2012.

Aux termes de ses conclusions reçues le 27 novembre 2013, la société Frac Distribution demande de :

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay,

- dire que la société Une Fleur en Plus ne prouve pas la faute grave privative du droit à indemnisation de la société Frac Distribution,

en conséquence,

- condamner la société Une Fleur en Plus à verser à la société Frac Distribution une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi sur la base de deux ans de commissions, soit la somme de 95 000 euro à parfaire en fonction des conclusions de l'expert judiciaire nommé par le tribunal,

- débouter la "société Frac Distribution" de sa demande subsidiaire,

- condamner la société Une Fleur en Plus à payer à la société Frac Distribution la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Frac Distribution soutient que la preuve d'une faute n'est pas rapportée par la société Une Fleur en Plus, la baisse du chiffre d'affaires pouvant être liée à d'autres facteurs qu'une négligence dans la prospection de la clientèle.

Elle affirme que la société Clem Diffusion existait avant la signature du contrat, que la société Une Fleur en Plus n'ignorait pas son existence puisque la société Clem était sa cliente depuis 2003 et qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts, la société Clem Diffusion vendant au détail les produits distribués par la société Une Fleur en Plus.

Par conclusions en date du 25 avril 2013, la société Une Fleur en Plus demande de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Frac Distribution à verser à la société Une Fleur en Plus la somme de 70 000 euro à titre de paiement de la carte prévu par l'article 5 des conditions particulières du contrat d'agent commercial du 3 juillet 2006,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Frac Distribution de ses demandes indemnitaires,

subsidiairement,

- dire que le montant de l'indemnité de fin de contrat ne peut être évalué que sur une base nettement inférieure à deux années de commissions,

- condamner la société Frac Distribution à payer la somme de 5 000 euro à la société Une Fleur en Plus au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Une Fleur en Plus soutient que la société Frac Distribution a procédé au rachat de la carte d'agent commercial de l'ancien agent, pour la somme de 70 000 euro, somme que la société Une Fleur en Plus a prêté à la société Frac Distribution pour lui permettre de financer le rachat de la carte, que la société Frac Distribution n'a procédé à aucun remboursement de ce prêt.

Elle indique avoir découvert au début de l'année 2009 qu'une certaine société Clem Diffusion, l'un de ses clients directement gérés par la société Frac Distribution exerçait l'activité de solderie dans le secteur des fleurs artificielles, et dont le gérant, Monsieur Clement se révélait être le gérant de la société Frac Distribution, qu'elle n'en était pas informée, que par ailleurs l'activité générée par la société Frac Distribution au sein de la société Une Fleur en Plus enregistrait une nette diminution au cours de deux exercices consécutifs.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2013.

MOTIVATION

Sur l'existence d'une faute grave

Aux termes des articles L. 134-12 et L. 134-13 :

en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; cette réparation n'est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Pour prouver le désintérêt de la société Frac Distribution, la société Une Fleur en Plus se contente d'affirmer que les éléments comptables versés aux débats mettent en évidence la nette décroissance de l'activité objet du mandat, le montant du chiffre d'affaires passant de 670 900 euro HT au cours de l'exercice clos le 30 novembre 2007 à 406 807,04 euro au cours de l'exercice clos le 30 novembre 2009.

Cette explication s'avère insuffisante à caractériser une faute grave de l'agent commercial, alors qu'il n'est pas justifié d'objectifs à atteindre, de mise en garde ou de demandes d'explications pendant la durée du mandat et que la baisse de chiffre d'affaires peut avoir des causes multiples.

La société Une Fleur en Plus allègue avoir découvert que Monsieur Clement gérant de la société Frac Distribution se consacrait au développement d'une société Clem Diffusion à son insu, et qu'il en résultait un conflit d'intérêts ; or la société Clem Diffusion qui a été créée antérieurement au contrat d'agent commercial se fournissait auprès de la société Fleur en Plus depuis 2003, cette relation d'affaires s'étant poursuivie, des commandes ayant été faites au cours de l'année 2012.

Elle impute une baisse d'activité à son agent commercial due au développement d'une activité personnelle, qui ne repose sur aucune pièce justificative.

Elle ne rapporte donc pas la preuve d'une faute grave de la société Frac Distribution, de sorte que la société Une Fleur en Plus est redevable d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi par l'appelante, le jugement rendu par le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay étant infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de rupture

Il était convenu contractuellement d'une indemnité de rupture à compter de la deuxième année du mandat égale à 12 fois la commission mensuelle moyenne au cours des trois dernières années.

Il est sollicité une indemnité de rupture de 95 000 euro calculée sur la base des commissions perçues au cours des deux années précédentes.

La moyenne mensuelle des commissions perçues par l'agent commercial d'octobre 2006 à octobre 2009 s'établit à 3 940, 94 euro, selon le chiffrage établi par l'appelante et non contesté par la société Une Fleur en Plus.

La demande de la société Frac Distribution s'avère excessive et sera ramenée à titre définitif à la somme de 47 500 euro sans qu'il y ait lieu à parfaire ultérieurement au vu des conclusions du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay sur la détermination du montant des commissions.

Sur le rachat de la carte du précédent agent commercial

Selon l'article 5 du contrat, le mandant a acquis la carte du précédent agent chargé de la diffusion des produits sur le secteur, moyennant le prix de 70 000 euro, l'agent bénéficiaire de cette carte s'engage à en rembourser le coût au mandant sur 5 ans sans intérêts.

Des prélèvements de la somme de 14 000 euro devaient être opérés chaque année sur les commissions dues à l'agent ; aucun prélèvement n'a été effectué, la somme reste due intégralement.

La validité de cette clause contractuelle, contestée par l'appelante est admise par la jurisprudence ; le jugement rendu par le tribunal de commerce qui a fait droit à la demande en paiement de la société Une Fleur en Plus sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aucune des parties n'obtenant entière satisfaction, les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié par chacune d'elles.

Elles conserveront la charge de leurs frais irrépétibles respectifs.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré ; Confirme le jugement rendu le 19 octobre 2012 par le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay en ce qu'il a condamné la SARL Frac Distribution à payer la somme de 70 000 euro hors taxe à la SAS Une Fleur en Plus en paiement de la carte d'agent commercial ; Infirme le jugement pour le surplus ; Statuant à nouveau ; Dit que la SAS Une Fleur en Plus ne rapporte pas la preuve d'une faute grave de l'agent commercial ; En conséquence, condamne la SAS Une Fleur en Plus à payer à la SARL Frac Distribution une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi de 47 500 euro ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles ; Dit que les dépens seront supportés par moitié par chacune des parties ; Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.