Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 28 mars 2014, n° 12-20296

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Iface (SARL)

Défendeur :

Tachet, Bayé

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vidal

Conseillers :

Mmes Martini, Richard

Avocats :

Mes Fisselier, Andrieu, Chabert, Faucon-Tillier, Spyridonos

TGI Paris, du 16 oct. 2012

16 octobre 2012

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL Iface (Institut de Formations en Applications Corporelles Energétiques) a été créée en 1986 par M. Bataille - docteur en médecine naturopathique et se présentant comme l'inventeur des concepts de "biomagnétisme humain", "drainages lymphatiques rénovateurs" et "Biochirurgie immatérielle" - dans le but de former des biomagnétiseurs professionnels. M. Tachet et M. Bayé ont assisté à cinq formations dispensées par cet organisme entre novembre 2003 et mai 2007 et, étant devenus biomagnétiseurs professionnels, ont exercé pour leur propre compte, M. Tachet créant l'association du Groupement des Biomagnétiseurs Professionnels et Disciplines Alternatives Associées (GBPDA) et M. Bayé le centre Cesame qui dispense des formations en "biomagnétisme synergique".

Suivant actes d'huissier en date des 22 et 24 février 2010, l'Iface a fait assigner M. Tachet et M. Bayé devant le Tribunal de grande instance de Paris pour les voir condamner, chacun, à lui verser la somme de 20 000 € à titre provisionnel sur dommages et intérêts, outre une somme de 30 000 € pour actes de concurrence déloyale, et pour obtenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard, la cessation d'enseigner ou de divulguer par tout autre moyen le biomagnétisme humain, les drainages lymphatiques rénovateurs et/ou la Biochirurgie immatérielle, la suppression du site www.centre-cesame.com des propos dénigrants à l'égard de l'Iface et la suppression du service Adwords de Google du terme "Iface".

Par jugement en date du 16 octobre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- Prononcé la nullité de l'article 9 des contrats de formation signés par M. Tachet et M. Bayé,

- Déclaré que M. Bayé avait commis des actes de concurrence déloyale et ordonné à celui-ci de supprimer ou faire supprimer du site www.centre-cesame.com les propos dénigrants à l'égard de l'Iface et de supprimer le terme "Iface" du service Adwords de Google,

- Condamné M. Bayé à verser à l'Iface la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- Débouté M. Tachet et M. Bayé de leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné M. Bayé aux dépens.

Le tribunal a retenu que l'article 9 des contrats de formation faisant interdiction au stagiaire de divulguer ou d'enseigner l'enseignement théorique et pratique reçu ne reposait pas sur la revendication d'un droit de propriété intellectuelle sur les actions de formation mais constituait une clause de non-concurrence qui, à défaut d'être circonscrite dans le temps, est nulle, ce dont il a déduit que les demandes d'Iface au titre de la dispensation d'enseignements par M. Tachet et par M. Bayé étaient infondées. Il a également retenu que l'utilisation par M. Tachet, dans ses documents commerciaux et publicitaires, de la formule "certifié Iface" n'était pas fautive mais donnait seulement une valeur de référence à la formation dispensée.

Par contre, il a considéré que l'utilisation des mots "Iface" et "Biomagnétisme Humain" comme mots clés pour accéder au site de la formation Cesame constituait un agissement anti-concurrentiel et que M. Bayé avait commis un acte de dénigrement en mentionnant sur son site : "En reprenant une à une les théories que l'on m'avait enseignées, je me suis aperçu qu'elles étaient incomplètes et fausses" et "Toutes ces données ne sont pas prises en compte dans l'école qui m'a formé et ce manque de vue holistique est source d'échecs.". Mais il n'a alloué à l'Iface que la somme de 1 € en considérant qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'importance de son préjudice financier, le rapport de la Miviludes de 2006 ayant été, de l'aveu même de M. Bataille, à l'origine d'une lourde perte.

L'Iface a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 12 novembre 2012.

L'Iface, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 15 janvier 2014, demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 9 des contrats de formation et débouté l'Iface de ses demandes formulées au titre de la violation par M. Tachet et M. Bayé de leurs obligations contractuelles,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'Iface de ses demandes contre M. Tachet au titre de la concurrence déloyale et en ce qu'il a accordé à l'Iface une somme de 1 € pour le préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale de M. Bayé,

- Confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Au visa de l'article 1134 du Code civil,

- Faire injonction à M. Bayé et à M. Tachet de cesser d'enseigner ou de divulguer par tout autre moyen le Biomagnétisme Humain, les Drainages lymphatiques rénovateurs et/ou la Biochirurgie immatérielle, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

- Leur faire injonction de communiquer à l'Iface la liste de leurs clients sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- En tout état de cause, à titre provisionnel, condamner M. Tachet et M. Bayé in solidum à lui verser une somme provisionnelle de 230 000 € à titre de dommages et intérêts,

Au visa de l'article 1382 du Code civil,

- Dire que M. Tachet et M. Bayé ont commis des fautes constitutives d'actes de concurrence déloyale,

- Ordonner à M. Bayé de supprimer ou faire supprimer du site www.centre-cesame.com les propos dénigrants à l'égard de l'Iface, sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- Ordonner à M. Bayé de supprimer ou faire supprimer le terme "Iface" du service Adwords de Google, sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- Ordonner à M. Tachet de supprimer ou faire supprimer de ses documents commerciaux toute référence à l'Iface, sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- Condamner in solidum M. Bayé et M. Tachet à lui verser la somme de 30 000 € pour les actes de concurrence déloyale commis,

- Débouter M. Bayé et M. Tachet de toutes leurs demandes et les condamner in solidum à lui verser une somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir, pour l'essentiel, l'argumentation suivante :

sur la violation des engagements contractuels :

- M. Tachet offre des possibilités de formation au travers du Groupement des Biomagnétiseurs Professionnels et Disciplines Alternatives Associées et M. Bayé reconnaît dispenser des formations ; il s'agit bien de formations en biomagnétisme humain, drainages lymphatiques rénovateurs et biochirurgie immatérielle dissimulées sous un nom différent, les différences de vocabulaire n'étant là que pour désigner une même réalité et des pratiques identiques ; c'est ce qu'a retenu le Tribunal de grande instance de Paris dans les jugements correctionnels du 29 avril 2011 ;

- par l'article 9 des contrats de formation, M. Bayé et M. Tachet se sont engagés à tenir pour strictement personnel l'enseignement reçu et cet article est valable en ce qu'il ne s'agit pas d'une clause de non-concurrence mais d'une clause de non-divulgation ou de confidentialité, l'objet des contrats de formation étant de pouvoir exercer en qualité de biomagnétiseur, ce que l'article 9 n'interdit pas ; cet article n'est pas limité, comme le soutiennent les intimés, à une durée de six mois, la durée évoquée à l'article 8 s'appliquant seulement au prix de la formation ; et ce sont au moins 27 stagiaires qui ont été détournés de l'Iface, créant ainsi un manque à gagner d'environ 205 000 € à celle-ci ;

Sur les actes de concurrence déloyale :

- M. Bayé a dénigré, sur son site www.centre-cesame.com, les prestations offertes par l'Iface en indiquant qu'elles étaient incomplètes, fausses et sources d'échecs, ce qui conduit les internautes à s'interroger sur la valeur de la formation dispensée, et dans ses critique de "certaines écoles actuelles" construites "sur des mensonges et des ignorances", l'Iface est parfaitement identifiable ; il a par ailleurs usurpé la dénomination sociale Iface sur Google Adwords ;

- de même, M. Tachet a usurpé la dénomination Iface dans ses documents publicitaires et commerciaux pour tirer profit de la notoriété de l'Iface ;

- ces pratiques ont entraîné une diminution significative du nombre des inscriptions aux formations, la baisse étant de plus de 21 % entre 2009 et 2010, alors que celui de M. Bayé était en augmentation ; et le rapport de la Miviludes publié le 15 juin 2011 est évidemment sans lien.

M. Bayé, en l'état de ses dernières écritures signifiées le 27 janvier 2014, demande à la cour de :

Sur les demandes formées au visa de l'article 1134 du Code civil,

Au principal,

Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 9 des contrats de formation et débouté l'Iface de ses demandes formulées contre lui au titre de la violation de ses obligations contractuelles,

Le réformer en ce qu'il a retenu qu'il n'apportait pas la preuve que la formation qu'il dispensait était différente de celle de M. Bataille,

Subsidiairement,

Constater que l'obligation imposée à l'article 9 des contrats de formation professionnelle est limitée à six mois et en conséquence débouter l'Iface de ses prétentions,

Sur les demandes formées au visa de l'article 1382 du Code civil,

Réformer le jugement en ce qu'il a reconnu que M. Bayé était l'auteur d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de l'Iface et le confirmer en ce qu'il a constaté l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice invoqué par l'Iface, en conséquence débouter l'Iface de toutes ses prétentions,

Reconventionnellement,

Condamner l'Iface à lui payer une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, outre une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient en effet les moyens et arguments suivants :

Sur la violation de l'article 9 du contrat :

- L'enseignement de biomagnétisme synergique dispensé au centre Césame est différent de l'enseignement de biomagnétisme humain dispensé à l'Iface, même si tous deux reposent sur une source ancestrale commune, le biomagnétisme, dont M. Bataille n'est pas l'inventeur ;

- La formation dispensée par l'Iface ne peut être protégée par le droit d'auteur, donc c'est à tort que l'appelante invoque la protection de la propriété intellectuelle ; la clause de l'article 9 du contrat de formation ne peut donc s'analyser que comme une clause de non-concurrence, ce que reconnaît l'Iface dans sa démarche puisqu'elle sollicite communication du chiffre d'affaires réalisé par M. Bayé dans son activité ; or, l'article 9 n'est circonscrit dans aucune circonstance de temps, ce qui le prive de toute validité ; en tout état de cause, si la cour retenait la validité de la clause, l'article 8 intitulé "durée du contrat" permet de retenir que les effets du contrat sont limités à six mois ;

- l'Iface ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice du fait de la violation de la clause de l'article 9, notamment le détournement de trente stagiaires qui auraient été formés par M. Tachet et M. Bayé, alors que les praticiens ont le choix entre plusieurs organismes de formation en biomagnétisme humain ;

Sur les actes de concurrence déloyale :

- les propos retenus par le tribunal ne constituent pas un dénigrement, M. Bayé ayant seulement indiqué qu'il avait une vision différente de celle de M. Bataille quant au nombre de personnes susceptibles de devenir biomagnétiseurs, mais ils ont été supprimés du site internet du centre Césame ;

- le signe Iface n'est pas un signe protégé et, si le moteur de recherche Google renvoie sur le site Césame avec ce mot de passe, il renvoie également au site de M. Bataille avec le mot clé "biomagnétisme synergique" ;

- le préjudice a été justement fixé à 1 € par le tribunal, au regard de la très faible baisse du chiffre d'affaires de l'Iface entre 2008 et 2009 et de la cessation immédiate de l'Adwords Iface après la mise en demeure ; au demeurant, le chiffre d'affaires du centre Césame a été de 10 500 € seulement en 2009, de sorte que ce n'est pas son activité qui est à l'origine de la prétendue baisse d'activité de l'Iface ; enfin M. Bataille a reconnu lui-même que la baisse de son chiffre d'affaires était imputable au rapport de la Miviludes ayant dénoncé le détournement des objectifs de la formation professionnelle par l'Iface.

M. Tachet, suivant conclusions signifiées le 28 janvier 2014, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 9 des contrats de formation et débouté l'Iface de toutes ses demandes sur ce fondement, mais de le réformer pour le surplus et de :

- constater que M. Tachet ne dispense pas de formation et dire en conséquence qu'il n'a pas violé ses engagements contractuels, en conséquence débouter l'Iface de toutes ses prétentions,

- constater que M. Tachet n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale et constater l'absence de lien causal entre la prétendue faute commise et le préjudice invoqué par l'Iface, en conséquence débouter l'Iface de toutes ses prétentions,

- condamner l'Iface, à titre reconventionnel, à lui verser une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- en tout état de cause, condamner l'Iface à lui paye une somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il conteste dispenser une quelconque formation, le Groupement des Biomagnétiseurs Professionnels et Disciplines Alternatives Associés (GBPDA) qu'il a créé ayant seulement vocation à informer les candidats à la pratique du biomagnétisme sur les investissements à réaliser, à présenter la profession et à promouvoir des formations dispensées par des tiers, notamment le module de formation de M. Bayé. Il reprend par ailleurs les mêmes explications que M. Bayé sur la nullité de l'article 9 des contrats de formation qui n'a pas vocation à protéger un droit d'auteur sur une formation, mais constitue une clause de non-concurrence, nulle à défaut d'être limitée dans le temps ; il ajoute que l'article 9 ne peut être analysé comme une clause de non-divulgation ou de confidentialité dès lors qu'il vise expressément l'enseignement et la publication.

Il soutient que l'utilisation de la mention "certifié Iface" à la suite de sa formation ne constitue pas un acte de concurrence déloyale mais ne fait que référence à la qualité de la formation reçue, sans porter aucune atteinte à l'image de la société qui l'a dispensée ; que l'importance du prétendu préjudice allégué par l'Iface doit être relativisée, que le sigle Iface a été retiré depuis longtemps sans que soit rapportée la preuve d'un lien de causalité entre l'un et l'autre.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 30 janvier 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que la SARL Iface (l'Iface) a été créée en 1986 par M. Bataille en vue d'assurer des formations professionnelles, notamment en matière de drainages lymphatiques rénovateurs, biomagnétisme humain et naturopathie, ainsi que, d'une façon générale, des formations sur toutes disciplines utiles à la santé et au bien-être du corps et de l'esprit ;

Sur les demandes au titre de la violation des engagements contractuels :

Considérant que l'Iface a, dans le cadre de ses activités, conclu avec M. Bayé et avec M. Tachet plusieurs conventions de formation professionnelle en biomagnétisme humain, en drainages lymphatiques rénovateurs, en massages rénovateurs et en biochirurgie immatérielle, ces formations ayant pour objectif d'initier le stagiaire et de lui permettre d'utiliser ses connaissances en spécialiste qualifié de biomagnétiseur ; que les contrats, rédigés en des termes proches, comportent tous un article 9 ainsi rédigé :

"Engagement particulier du stagiaire : Le stagiaire s'engage à tenir pour strictement personnel, tout l'enseignement théorique et pratique qu'il recevra, sans pouvoir le divulguer, l'enseigner, le publier, etc directement ou indirectement, entièrement ou partiellement, par quels moyens que ce soit, y compris par Internet, même masqué sous d'autres vocables tels, par exemple, que magnétisme, magnétiseur, bio-énergie, radiesthésie, etc" ;

Que l'Iface fait reproche à M. Bayé, au travers du Centre Césame, et à M. Tachet, au travers du Groupement des Biomagnétiseurs Professionnels et Disciplines Alternatives Associés (GBPDA), de dispenser des formations en biomagnétisme humain, drainages lymphatiques rénovateurs et biochirurgie immatérielle, en violation de cet engagement contractuel, et demande réparation du préjudice en résultant et consistant en un manque à gagner d'environ 205 000 € ;

Que l'Iface, comme elle l'avait indiqué devant le tribunal, ne revendique pas la protection de la propriété intellectuelle, admettant que le concept d'une formation n'est pas en lui-même protégeable par le droit d'auteur, mais soutient que l'article 9 s'analyse en une clause de confidentialité ou de non-divulgation ayant pour objet d'empêcher la divulgation aux tiers, sous quelque forme que ce soit, de l'information communiquée au cours des formations ; qu'elle s'oppose en cela à la qualification de clause de non-concurrence retenue par le tribunal, soulignant, d'une part que l'article 9 ne prive pas les stagiaires de la possibilité d'exercer une activité professionnelle, celle de biomagnétiseur, et d'utiliser ainsi les connaissances acquises, d'autre part qu'il a pour objet de protéger la confidentialité des enseignements théorique et pratique reçus par le stagiaire, non seulement au travers de l'enseignement, mais également au travers de la publication, par tous moyens, des principes du biomagnétisme humain ;

Qu'il ne peut toutefois être sérieusement soutenu que le contenu d'un enseignement donné à tout stagiaire inscrit aux formations dispensées par l'Iface serait confidentiel et ne devrait pas être divulgué, sauf à considérer que l'information et l'enseignement sont réservés à l'Iface qui en détient l'exclusivité, ce qui correspond à une obligation de non-concurrence et non à une obligation de confidentialité ; que force est d'ailleurs de constater que l'article 9 interdit bien aux stagiaires, en raison du caractère très large du champ de l'interdiction qui leur est faite, d'exercer quelque activité de formation ou d'information que ce soit dans le domaine du magnétisme, de la bio-énergie, de la radiesthésie, etc et de faire ainsi concurrence à l'Iface dans l'exercice de son activité ; qu'en outre, le préjudice dont l'Iface réclame réparation est bien un préjudice commercial lié à la mise en place de formations dans le domaine du biomagnétisme puisque l'Iface prétend avoir, du fait de l'activité concurrentielle exercée par les intimés, perdu 27 stagiaires ;

Que le tribunal a dès lors justement retenu que l'article 9 constituait une clause de non-concurrence et, ayant rappelé qu'une telle clause n'est valable que si elle est circonscrite dans le temps, a retenu que la durée d'application de six mois prévue par l'article 8 ne s'appliquait qu'au coût de la formation et qu'ainsi, à défaut de toute limitation dans le temps de l'interdiction faite par l'article 9 aux stagiaires d'enseigner, cette clause était illicite au sens de l'article 1133 du Code civil ;

Qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin de rechercher si M. Bayé et M. Tachet ont ou n'ont pas dispensé des formations dans le domaine du biomagnétisme, il y a lieu de débouter l'Iface de sa demande d'indemnisation fondée sur la violation des dispositions de l'article 9 des contrats de formation ;

Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale :

Considérant que l'Iface soutient que M. Bayé et M. Tachet ont commis des actes de concurrence déloyale et sollicite leur condamnation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à supprimer les écrits qu'elle considère comme dénigrants et les mentions qu'elle dénonce comme constituant des usurpations de son signe et à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Considérant que l'Iface fait d'abord reproche à M. Tachet d'avoir usurpé le signe "Iface" sur ses documents publicitaires et commerciaux ; qu'il s'agit, ainsi qu'elle le rapporte dans ses écritures, d'une carte de visite portant le nom de Michel Tachet suivi des mentions suivantes : "Biomagnétiseur, Draino-Lymphologue, Spécialiste en Rénovation Lymphatique, Biochirurgie Immatérielle Certifié Iface" ; mais que l'ajout de la mention "certifié Iface" à la liste des spécialités qui sont les siennes et qu'il a acquises grâce aux formations dispensées par l'Iface ne constitue pas une usurpation de signe commercial mais permet de certifier de la qualité des titres et compétences dont il fait état ; que le tribunal a donc justement rejeté les demandes de l'Iface contre M. Tachet ;

Considérant qu'il ressort du PV de constat de la SCP Proust et Buzy, huissiers, en date du 19 janvier 2010, que la recherche Google avec le mot "Iface" ouvre à une page renvoyant, dans les liens commerciaux, sous le nom de "Biomagnétisme synergique", au site www.centre.cesame.com ;

Que le nom "Iface" constitue un signe distinctif de la SARL Iface qui, comme tout signe distinctif, est le résultat d'investissements et d'efforts pour établir sa notoriété et qu'il constitue une valeur économique immatérielle dont il serait injuste de laisser un concurrent s'emparer librement ; que l'existence d'un lien commercial, au travers du moteur de recherche Google et grâce à la fonctionnalité Adwords, entre le mot "Iface" et le site www.centre.cesame.com permettant ainsi au Centre Césame de profiter de la notoriété du signe de son concurrent pour susciter l'affichage de son site internet, est constitutif d'un agissement parasitaire et d'un acte de concurrence déloyale en ce qu'il tend à détourner la clientèle connaissant le signe commercial de la Sarl Iface vers une entreprise concurrente ;

Que le tribunal a donc à juste titre considéré cette utilisation du signe "Iface" fautive et ordonné à M. Bayé de supprimer ce mot clé du programme Adwords de Google ; que cette disposition sera confirmée ;

Considérant que l'Iface fait grief à M. Bayé d'avoir tenu des propos dénigrants à son égard sur son site internet ;

Que le tribunal a justement retenu que certains des propos utilisés par M. Bayé sur le site du centre Césame constituaient un dénigrement condamnable, s'agissant de propos ayant pour objet de ternir l'image de son concurrent, l'Iface, en critiquant les théories sur lesquelles reposent ses formations afin de détourner les clients potentiels au profit de ses propres formations ; qu'en effet, sont condamnables les phrases suivantes écrites sous la signature de Pascal Bayé et figurant sur la page "Informations - Notre Démarche - Pourquoi" du site www.centre.cesame.com (telle qu'éditée le 15-11-2009), après l'indication qu'il a été formé au biomagnétisme humain par l'Iface en janvier 2004 : "En reprenant une à une les théories que l'on m'avait enseignées, je me suis aperçu qu'elles étaient incomplètes et fausses." et "toutes ces données ne sont pas prises en compte dans l'école qui m'a formé et ce manque de vue holistique est source d'échecs." ;

Qu'il convient d'y ajouter les phrases suivantes, figurant sur la page "Le biomagnétisme synergique " du même site (éditée le 24-06-2011) : "L'origine du biomagnétisme synergique est née de la limitation de certaines écoles actuelles qui ne prennent pas en compte toutes les dimensions subtiles de l'humain. Leurs techniques étant issues d'un savoir erroné et limité de la réalité, ne permettent pas de traiter les pathologies profondes durablement et complètement. C'est pour cette raison que, ayant au départ suivi ces écoles, je me suis trouvé confronté à des échecs thérapeutiques inexpliqués que le maître traduisait par ces simples mots" : "tu n'es pas dans l'esprit intégral", cette explication simpliste trop limitative est contradictoire aux affirmations de ce monsieur qui prône haut et fort que "le don n'existe pas et tout le monde peut le faire." et "A force de rechercher l'origine du problème j'ai compris que la base explicative de cette école était construite sur des mensonges et des ignorances, ce qui ne pouvait qu'en limiter l'efficacité." ; que, certes, le nom de l'école qui est visée n'est pas expressément indiqué, de même que le nom du maître dont les mots sont rapportés, mais que, même si le message ne les désignent pas directement, il n'en demeure pas moins que, compte tenu du contexte (M. Bayé s'étant réclamé de la formation dispensée par l'Iface) et du caractère averti des lecteurs intéressés par le site du centre Césame, ceux-ci ne peuvent manquer de reconnaître l'école visée comme étant l'Iface et le maître comme étant M. Bataille ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à M. Bayé de procéder au retrait du site des propos dénigrants, sauf à en élargir le champ à l'ensemble des phrases sus-citées et à y ajouter une astreinte ;

Considérant que les actes parasitaires et les propos dénigrants reprochés à M. Bayé sont de nature à avoir occasionné un préjudice commercial à l'Iface en ce qu'ils ont pu détourner des personnes intéressées par une formation sur le biomagnétisme des formations dispensées par l'Iface vers celles dispensées par M. Bayé au Centre Césame ;

Que l'Iface produit, pour justifier des pertes subies depuis 2008, un tableau indiquant que la société aurait perdu 15 contrats sur le dernier trimestre 2009 par rapport aux chiffres de 2008, une analyse de son expert-comptable retenant que son chiffre d'affaires a connu un net recul en 2010 par rapport à 2009 d'environ 200 000 € et les chiffres publiés au greffe du tribunal de commerce faisant ressortir des chiffres d'affaires 2009, 2010 et 2011 en baisse constante (1 560 671 € en 2009, 1 227 605 € en 2010 et 993 206 € en 2011) ;

Qu'il appartient toutefois à l'Iface d'établir que cette baisse de son activité serait imputable aux agissements anti-concurrentiels de M. Bayé et aux propos dénigrants qu'elle lui reproche ; que le tribunal a pu justement retenir, à cet égard, que le rapport de la Miviludes de 2006 dénonçant le détournement des objectifs de la formation professionnelle commis par Iface et l'ordre des bio-magnétiseurs en vue de dispenser une formation se situant aux confins de l'exercice illégal de la médecine, a eu un impact considérable sur l'image de cette société ; qu'il doit être aussi relevé, en lecture du rapport de la Miviludes de 2010, que l'Iface a fait l'objet des plus vives critiques et qu'il y est rapporté que la déclaration d'activités de cet institut a fait l'objet d'une annulation de son enregistrement en application de l'article L 6351-4 du Code du travail, décision sujette à recours mais qui n'a pas été sans incidence sur les résultats des années 2010 et 2011 ; que, lors de son audition par la commission d'enquête sur les mouvements à caractère sectaire en avril 2013, M. Bataille a ainsi indiqué que les déclarations de la Miviludes avaient été "gravement préjudiciables à (son) activité" et qu'il a précisé : "Du fait de la Miviludes, notre société s'est réduite à trois personnes et à trois praticiens qui se relaient pour assurer les formations, selon les besoins (...) Notre chiffre d'affaires est en constante régression depuis 2009." ; que la cour observe également que d'autres instituts de formation ont, depuis quelques années, dispensé des enseignements portant sur le biomagnétisme, de sorte que le chiffre d'affaires de l'Iface a été nécessairement impacté par cette concurrence ;

Qu'au regard de ces éléments, il apparaît que le préjudice subi par l'Iface en raison des agissements fautifs de M. Bayé ne peut être évalué à la somme de 30 000 € réclamée par l'appelante mais sera justement réparé par l'octroi d'une somme qui ne peut être supérieure à un montant de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il n'est pas établi qu'en engageant la présente procédure et en interjetant appel du jugement, l'Iface aurait commis une faute de nature à justifier les demandes présentées par M. Bayé et par M. Tachet en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

Considérant que l'équité commande de ne faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile qu'au profit de M. Tachet à l'égard duquel aucune des fautes reprochées par l'Iface n'a été retenue ;

Que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre l'Iface et M. Bayé ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à porter à la somme de 5 000 € le montant des dommages et intérêts dus par M. Bayé à la SARL Iface en réparation du préjudice résultant de ses actes de concurrence déloyale et à préciser l'obligation faite à M. Bayé de supprimer les propos dénigrants tenus sur son site et le mot clé Iface du programme Adwords de Google, dans les termes et conditions qui suivent ; Ordonne à M. Bayé de supprimer de son site internet www.centre.cesame.com, dans le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il pourra à nouveau être statué, les phrases suivantes : 1- sur la page "Informations - Notre Démarche ' Pourquoi '" : "En reprenant une à une les théories que l'on m'avait enseignées, je me suis aperçu qu'elles étaient incomplètes et fausses." et "toutes ces données ne sont pas prises en compte dans l'école qui m'a formé et ce manque de vue holistique est source d'échecs." ; 2- sur la page "Le biomagnétisme synergique" : "L'origine du biomagnétisme synergique est née de la limitation de certaines écoles actuelles qui ne prennent pas en compte toutes les dimensions subtiles de l'humain. Leurs techniques étant issues d'un savoir erroné et limité de la réalité, ne permettent pas de traiter les pathologies profondes durablement et complètement. C'est pour cette raison que, ayant au départ suivi ces écoles, je me suis trouvé confronté à des échecs thérapeutiques inexpliqués que le maître traduisait par ces simples mots : "tu n'es pas dans l'esprit intégral", cette explication simpliste trop limitative est contradictoire aux affirmations de ce monsieur qui prône haut et fort que "le don n'existe pas et tout le monde peut le faire." et "A force de rechercher l'origine du problème j'ai compris que la base explicative de cette école était construite sur des mensonges et des ignorances, ce qui ne pouvait qu'en limiter l'efficacité." ; Ajoutant à la décision déférée, Déboute la SARL Iface de toutes ses demandes présentées au titre de la violation de la clause de non-concurrence stipulée à l'article 9 des contrats de formation ; Condamne la SARL Iface à payer à M. Tachet une somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre la SARL Iface et M. Bayé ; Dit qu'ils seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT