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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 mars 2014, n° 12-12555

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BLS Services (SARL), Laureau (ès qual.)

Défendeur :

Mondial Relay (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Garnier, Morenvillez, Fisselier, Muselet

T. com. Lille, du 29 mars 2012

29 mars 2012

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 10 octobre 2006, la SASU Mondial Relay a conclu avec la SARL BLS Services, un contrat de sous-traitance de transports routiers de marchandises dans la zone régionale de son agence à Nantes. Les prestations effectuées par la société BLS Services comportaient la livraison de colis à domicile dite Livraison Domicile Rapide et la distribution de "points-relais".

En janvier 2009, la société BLS Services a constaté une baisse du trafic confié correspondant à la part des "livraisons domicile rapides".

Le 2 avril 2009, la société Mondial Relay a notifié la résiliation du contrat, à compter du 2 juillet 2009.

Par courrier en date du 24 juin 2009, la société Mondial Relay a proposé à la société BLS de rétablir l'activité "livraisons domicile rapides" jusqu'au 2 juillet suivant et de poursuivre leur relation "point-relais" dans le cadre d'un nouveau partenariat. Elle lui a soumis à cet effet un nouveau projet de contrat.

Les parties ne sont pas parvenues à s'accorder sur ce projet.

Par un courrier recommandé en date du 18 août 2009, la société Mondial Relay a, de nouveau, notifié à la société BLS Services, la cessation de leurs relations commerciales pour les deux activités à compter du 20 novembre 2009.

La cessation des prestations de la société BLS Services a pris effet le 12 novembre 2009.

Par exploit en date du 26 juin 2010, la société BLS Services a assigné la société Mondial Relay devant le Tribunal de commerce de Lille aux fins de la voir condamnée à réparer le préjudice qu'elle subit en raison de la rupture brutale de relations commerciales.

Par jugement prononcé le 29 mars 2012, le Tribunal de commerce de Lille a :

- débouté la société BLS Services de toutes ses demandes envers la société Mondial Relay,

- condamné la société BLS Services à payer au titre de l'article 700 du CPC à la société Mondial Relay la somme de 1 500 €.

La société BLS a interjeté appel de cette décision le 5 juillet 2012.

Par jugement du 13 juin 2013, le Tribunal de commerce d'Angoulême a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société BLS Services et a désigné la SCP Laureau Jeannerot prise en la personne de Maître Laureau, en tant qu'administrateur au redressement judiciaire de la société BLS Services.

Par conclusions signifiées le 16 janvier 2014, la société BLS Services et la société Laureau Jeannerot prise en la personne de Maître Laureau ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société BLS Services demandent à la cour de :

- déclarer la société BLS Services recevable et bien fondée en son appel ;

- déclarer la société Laureau Jeannerot, ès qualités recevable et bien fondée en son intervention volontaire ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Lille du 29 mars 2012 ;

Et statuant à nouveau :

- condamner la société Mondial Relay à payer à la société BLS Services et à la société Laureau Jeannerot, ès qualités :

- la somme de 13 786,58 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale partielle d'une relation commerciale établie ;

- celle de 73 758,64 € sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5 du Code de commerce et subsidiairement de l'article 1382 du Code civil ;

- une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile,

- débouter la société Mondial Relay de toutes ses demandes,

Dans l'hypothèse où les condamnations prononcées ne seraient pas réglées spontanément et où l'exécution forcée serait confiée à un Huissier de justice, dire et juger que les sommes retenues par ce dernier en application du décret n° 2007-744 du 10 mai 2007 portant modification du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 relatif au tarif des Huissiers, devront être supportées par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société BLS Services et la société Laureau Jeannerot ès qualités soutiennent en premier lieu que des stipulations contractuelles ne peuvent faire échec à l'obligation légale d'ordre public de respecter un préavis de résiliation, de sorte que la société Mondial Relay a engagé sa responsabilité en mettant un terme à l'activité "livraisons rapides à domicile" sans préavis.

En second lieu, elles soulignent que la société Mondial Relay lui a soumis un projet de contrat de sous-traitance dont l'exécution de certaines obligations était en pratique impossible, de sorte qu'elle a engagé sa responsabilité en tentant d'obtenir des conditions manifestement abusives sur les prix et services délivrés par la société BLS Services.

Par conclusions signifiées le 30 novembre 2012, la société Mondial Relay demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- condamner la société BLS Services à payer à la société Mondial Relay la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Mondial Relay estime ne pas avoir commis de faute, en soulignant que le préavis accordé est proportionné à la durée de leur relation commerciale et a été notifié par un courrier en date du 2 avril 2009, de sorte que la rupture de leur relation commerciale ne présente pas de caractère brutal. Elle se prévaut aussi des stipulations contractuelles de leur contrat aux termes desquelles la résiliation peut intervenir unilatéralement sous le respect de règles de forme et d'un préavis, sauf manquements graves et répétés de l'une des parties à ses obligations auquel cas, la résiliation peut intervenir sans préavis. En outre, elle met en exergue les retards répétés de la société BLS Services dans ses livraisons.

Elle fait également état de l'absence de tout manquement à ses obligations, en relevant qu'aux termes du contrat, elle n'est tenue que d'une obligation de moyen et que le chiffre d'affaires mensuel minimum sur lequel elle s'est engagée s'élève à 50 €.

Par ailleurs, elle soutient que la société BLS Services n'établit pas de manière probante les préjudices allégués, en rappelant que seuls les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même sont susceptibles de donner lieu à réparation.

Enfin elle explique que la notification de la rupture du contrat étant intervenue en avril 2009, leur relation postérieure à cette date ne répond pas aux critères d'une relation commerciale établie, de sorte que la société BLS Services ne peut mettre en cause sa responsabilité pour obtention ou tentative d'obtention de conditions abusives sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales. Au surplus, elle relève que la société BLS Services n'établit pas la réunion des conditions pour une telle responsabilité et qu'elle ne justifie pas plus de son préjudice allégué sur ce fondement.

SUR CE :

Sur la rupture brutale des relations commerciales (article L. 442-6 I 5 du Code de commerce) :

Considérant que les parties ont conclu un contrat de prestations à durée indéterminée le 10 octobre 2006, que ce contrat précisait l'objet des prestations, un "volume indicatif", le chiffre d'affaires mensuel minimum, l'engagement du sous-traitant à ce que le chiffre d'affaires réalisé avec l'opérateur ne dépasse pas 25 % de son chiffre annuel ; que le contrat prévoyait en son article 9 qu'il pouvait y être mis fin par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis dont la durée était fonction du "temps écoulé depuis le début du contrat" (en l'espèce trois mois de préavis pour une durée de relations commerciales supérieure à un an) et en son article 10 dans quelles hypothèses il pouvait être mis fin au contrat avant son terme sans préavis, en cas de manquements graves ou répétés de l'une ou de l'autre des parties à ses obligations ;

Considérant que la société Mondial Relay a confié ainsi à la société BLS la réalisation de prestations de transport, sous forme de "livraison domicile rapide" et de livraisons en "points-relais" ;

Considérant que Mondial Relay décidait de mettre un terme aux relations commerciales par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2009 avec effet au 2 juillet 2009 ; que pendant le préavis, les parties discutaient et que par courrier du 24 juin 2009, la société Mondial Relay s'engageait à maintenir une partie des prestations (points-relais) tout en précisant que de nouvelles modalités de partenariat devaient être définies ; que les discussions restaient sans effet et que la société Mondial Relay mettait par courrier du 18 août 2009 un terme définitif aux relations des parties à l'issue du délai de trois mois à compter du courrier ; qu'il résulte de ces circonstances, la société BLS ne peut invoquer la brutalité de la rupture des relations commerciales en août 2009 alors que destinataire d'un premier courrier l'informant de la fin des relations au 2 juillet 2009 et prenant part aux discussions sur la définition d'un nouveau contrat pendant lesquelles Mondial Relay s'engageait à maintenir une partie des prestations, elle devait envisager la réussite mais aussi l'échec de ces discussions ;

Considérant que la société Mondial Relay pouvait agir comme elle l'a fait en application des dispositions de l'article 9 du contrat et mettre fin aux relations par courrier du 2 avril avec effet au 2 juillet 2009 ;

Considérant que BLS reproche une rupture partielle des relations dès le mois de janvier 2009 ; qu'en l'espèce, il y a lieu de prendre en compte, non l'engagement minimum précisé dans le contrat mais le volume d'affaires entretenues par les parties avant la rupture pour déterminer s'il y a ou non rupture partielle ; que les pièces versées aux débats permettent de constater une baisse certaine du montant des prestations facturées par BLS à Mondial Relay sur la période janvier à août 2009 par rapport à la même période de l'année 2008 ; qu'en l'espèce, la rupture partielle des relations dès le mois de janvier 2009 est avérée ;

Considérant que la société BLS doit être indemnisée pour cette rupture partielle ; que les pièces versées par la société BLS permettent de fixer le montant des dommages-intérêts sur la période de janvier à août 2009 à la somme de 12 800 euros ;

Sur la tentative d'obtention de conditions manifestement abusives sous la menace de rupture brutale des relations (Article L. 442-6 I 4 du Code de commerce) :

Considérant que la société BLS reproche à la société Mondial Relay de lui avoir soumis un projet de contrat de sous-traitance qui comportait des obligations dont certaines étaient d'exécution quasiment impossible et a procédé à la résiliation de la convention lorsqu'elle a constaté l'échec des discussions ;

Considérant toutefois que comme le fait observer la société Mondial Relay, les discussions ont eu lieu après la lettre annonçant la rupture des relations en date du 2 avril 2009 et après le terme des relations indiqué dans le courrier, que la correspondance du 24 juin 2009 engageait la société Mondial Relay jusqu'au terme des discussions et que l'échec de celles-ci a bien donné lieu à la confirmation par l'envoi de la lettre du 18 août 2009 de la fin des relations annoncée par le courrier du 2 avril 2009 ;

Considérant que la société BLS ne rapporte pas la preuve que la société Mondial Relay l'a menacée au cours de l'exécution du contrat pour obtenir d'elle des conditions abusives voire illégales ; que sa demande sera rejetée sur ce point ;

Sur les frais d'exécution forcée :

Considérant qu'il appartiendra à la juridiction compétente de se prononcer sur ce point le cas échéant, que la demande est, à ce stade de la procédure, sans objet ;

Par ces motifs : LA COUR, Infirmant le jugement, Condamne la société Mondial Relay à payer à la société BLS représentée par son mandataire liquidateur la SCP Laureau Jeannerot en la personne de Maître Laureau, la somme de 12 800 euros à titre de dommages-intérêts, Déboute la société BLS du surplus de ses demandes, Condamne la société Mondial Relay à payer la société BLS représentée par son mandataire liquidateur la SCP Laureau Jeannerot, en la personne de Maître Laureau, la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Mondial Relay aux entiers dépens.