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Décisions

ADLC, 26 février 2014, n° 14-DCC-27

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Novial par le groupe coopératif Noriap

ADLC n° 14-DCC-27

26 février 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 22 janvier 2014, déclaré complet le 21 février 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Novial par la société Noriap formalisée par une lettre d'intention en date du 29 novembre 2013 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Noriap est un groupe coopératif agricole qui intervient essentiellement dans le Nord-Pas de Calais, la Picardie et une partie de la Haute-Normandie dans les secteurs de la collecte, le stockage, la commercialisation et le négoce de céréales et oléagineux, l'agrofourniture, la nutrition animale ainsi que la distribution grand public de produits de jardinage, bricolage et aménagement extérieur. Au sein du groupe Noriap, l'activité nutrition animale est exercée par la société Ucalpi qui détient 50 % de la société Novial.

2. Novial est une société anonyme, dont le capital est détenu par le groupe In Vivo (49,63 % via Evialis et 0,37 % directement) et par Noriap (50 % via Ucalpi). Elle regroupe l'activité de fabrication d'aliments pour animaux d'élevage de ses sociétés mères dans le nord de la France. Novial dispose de cinq sites de production situés dans le Nord-Pas de Calais, la Picardie et la Haute-Normandie. Elle commercialise elle-même les aliments complets pour porcs et volailles qu'elle produit. Les aliments destinés aux autres espèces d'animaux d'élevage (ruminants, équins, lapins, etc.) sont commercialisés par ses sociétés mères.

3. L'opération notifiée, formalisée par une lettre d'intention en date du 29 novembre 2013, sera réalisée en plusieurs phases juridiquement liées et quasi concomitantes qui consistent en (i) la cession de cinq actions de Novial par Evialis au profit de Noriap, (ii) la fusion absorption d'Ucalpi par Novial, (iii) la cession par Evialis à Novial d'un fonds de commerce de commercialisation d'aliments pour le bétail, dits " différentiés ", et de la clientèle qui y est attachée. A l'issue de l'opération, le capital de Novial sera détenu à hauteur de 64,04 % par Noriap, de 26,43 % par InVivo, le solde du capital étant réparti entre les actionnaires minoritaires d'Ucalpi. L'assemblée générale de Novial désignera, à la majorité des voix, les membres du conseil de surveillance, dont huit à dix membres parmi les candidats désignés par Noriap et deux membres parmi les candidats désignés par In Vivo. La gestion opérationnelle et stratégique de Novial sera assurée par le directoire qui sera composé de deux à cinq membres désignés à la majorité par le conseil de surveillance parmi les candidats proposés par Noriap. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Novial par le groupe Noriap, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Noriap : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2013 ; Novial : [...] d'euros pour la même période). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (les chiffres d'affaires ci-dessus sont exclusivement réalisés en France). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties sont simultanément présentes dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation d'aliments pour animaux d'élevage.

6. La pratique décisionnelle nationale (1) distingue, en matière de nutrition animale, les marchés en amont (produits servant à l'élaboration d'aliments pour animaux) des marchés en aval (aliments résultant de cette élaboration). Elle opère également une distinction entre animaux d'élevage et animaux de compagnie.

A. LES MARCHÉS AMONT DE LA NUTRITION ANIMALE

7. En amont, les matières premières utilisées pour fabriquer les aliments sont globalement les mêmes (tourteaux, céréales, pré-mélanges) selon les espèces. La pratique décisionnelle a donc considéré qu'il n'était pas nécessaire de distinguer des marchés propres à chaque type d'animal. Elle a en revanche considéré (2) que les huiles végétales, les céréales, les tourteaux, les pré-mélanges (" prémix "), les pré-mélanges médicamenteux peuvent constituer chacun un segment distinct au sein du marché des produits à destination de l'alimentation animale.

8. S'agissant de la production et de la commercialisation d'huile de graines, la pratique décisionnelle opère une distinction au sein des huiles végétales entre les huiles de graine et l'huile d'olive. Elle a en revanche laissé la question ouverte de savoir s'il convient de distinguer un marché des huiles brutes distinct des huiles raffinées ou d'opérer une segmentation du marché en fonction du type de graine à partir desquelles les huiles sont produites.

9. La dimension géographique de ces marchés serait européenne, notamment du fait de l'existence de bourses de commodités, qui assurent une transparence des prix pour l'ensemble des acheteurs. La pratique décisionnelle a néanmoins relevé que les clients situés sur le territoire français ont tendance à s'approvisionner auprès de producteurs installés en France, ce qui laisserait supposer des conditions concurrentielles particulières.

10. S'agissant de la production et de la commercialisation de tourteaux, la pratique décisionnelle a envisagé un marché global, sans faire de distinction selon le type de graines utilisés (soja, colza et tournesol notamment) pour leur fabrication. Elle a envisagé l'existence d'un marché distinct de la commercialisation de tourteaux auprès des éleveurs dans le cadre de l'activité dite de " fabrication à la ferme " mais a laissé la question ouverte.

11. Le marché de la production et de commercialisation de tourteaux est de dimension au moins nationale, voire européenne ou mondiale.

12. S'agissant de la production et de la commercialisation de prémix, la pratique décisionnelle considère que les pré-mélanges, mélanges concentrés de vitamines, d'oligo-éléments et d'additifs techniques, doivent être distingués des matières premières végétales, céréales et tourteaux (résidus obtenus après extraction de l'huile des graines ou des fruits oléagineux) qu'ils sont destinés à compléter pour l'obtention d'aliments complets.

13. La pratique décisionnelle a considéré, tout en laissant la question ouverte, que le marché de la production et de la commercialisation de prémix pouvait revêtir une dimension nationale, dans la mesure où l'offre de prémix est, de manière générale, associée à des prestations (conseils en nutrition, formulations de programmes alimentaires, appuis en actions commerciales, etc.) répondant à une demande nationale.

14. S'agissant de la production et de la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux, la pratique décisionnelle a considéré qu'il s'agissait d'un marché distinct au sein du marché des produits à destination de l'alimentation animale, et qu'il s'agissait d'un marché de dimension au moins nationale.

15. Dans la mesure où seule Noriap est active dans la fabrication de matières premières utilisées pour produire des aliments pour animaux, ces marchés seront examinés au titre des éventuels effets verticaux de l'opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA NUTRITION ANIMALE

16. En aval, la pratique décisionnelle (3) a identifié le marché de la production et de la commercialisation d'aliments complets et le marché de la production et de la commercialisation d'aliments composés minéraux et nutritionnels. Elle a également envisagé l'existence d'un marché de la production et de la commercialisation de " single feed ".

17. En l'espèce, les parties sont simultanément actives sur les seuls aliments complets pour lesquels la pratique décisionnelle (4) a de plus envisagé une segmentation en fonction de chaque espèce animale, la question ayant toutefois été laissée ouverte.

18. La pratique décisionnelle nationale (5) a considéré que le marché des aliments complets pouvait revêtir une dimension locale, correspondant à une zone de livraison de 100 à 150 kilomètres autour du site de production, en raison du caractère volumineux et pondéreux des aliments concernés. La question de la délimitation exacte du marché a cependant été laissée ouverte.

19. Au cas d'espèce, Novial fabrique et commercialise des aliments complets pour animaux d'élevage. Le groupe Noriap ne possède pas d'usine de production mais commercialise [...] tonnes par an d'aliments complets pour animaux d'élevage qu'il acquiert auprès d'un tiers, l'Union Normandie Vexin, union de coopératives affiliée à Cap Seine, dont l'usine de production est située en Seine Maritime.

20. Novial dispose de cinq sites de production, dans le département de la Somme (Albert), de l'Aisne (La Capelle), de la Seine Maritime (Bures-en-Bray), du Nord (Noyelles-sur-Escaut) et de l'Oise (Saint-Just-en-Chaussée). Les distances séparant ces différents sites de production les uns des autres sont inférieures à 150 kilomètres, à l'exception du site de La Capelle situé à 158 km du site de Saint-Just et 213 km du site de Bures-en-Braye. Par ailleurs, plus des deux tiers des aliments fabriqués à partir de l'un ou l'autre de ces sites de production sont livrés sur une zone continue regroupant les départements de la Somme, l'Aisne, l'Oise, le Nord, le Nord Pas de Calais, l'Eure et la Seine Maritime. En l'absence de meilleures données disponibles et compte tenu de l'homogénéité des conditions de commercialisation de l'alimentation animale dans cette zone et des faibles distances séparant les sites de production les uns des autres, l'analyse concurrentielle sera menée sur une zone locale unique, englobant l'ensemble des sites de production et correspondant à une aire de 150 kilomètres environ de rayon autour de Saint-Just-en-Chaussée, lieu d'implantation de l'usine la plus centrale.

III. Analyse concurrentielle

A. EFFETS HORIZONTAUX

21. Les ventes totales d'aliments complets pour animaux de la nouvelle entité sur une aire de 150 kilomètres de rayon autour de Saint-Just-en-Chaussée, sont estimées à [...] tonnes environ. Le total des ventes d'aliments complets pour animaux sur cette zone est estimé à [...] tonnes en 2012, soit une part de marché cumulée pour la nouvelle entité de [20-30] % ([20-30] % pour Novial, [0-5] % pour Noriap). Les concurrents de la nouvelle entité sont Uneal (part de marché de [20-30] %), Glon Sanders ([10-20] %), Cap Seine ([10-20] %), Nesteal ([5-10] %) et, S.A.B.E ([5-10] %). Uneal est un groupe coopératif qui possède 2 sites de production sur la zone concernée, ayant respectivement des capacités de production de [...] et [...] tonnes. Glon Sanders est un groupe présent sur l'ensemble du territoire et qui est un des leaders dans le secteur de la nutrition animale. Il dispose de 3 usines sur la zone concernées, d'une capacité de production de [...], [...] et [...] tonnes respectivement. Cap Seine dispose d'une unité de production dont les capacités sont de [...] tonnes par an (dont les [...] commercialisées par Noriap). Nestal et S.A.B.E disposent chacune d'un site de production d'une capacité de [...] et [...] tonnes respectivement.

22. L'essentiel de ces volumes est constitué d'aliments complets pour ruminants ([50-60] %), pour volailles ([20-30] %) et pour porcs ([5-10] %), les autres espèces (chevaux, lapins) ne représentant que [10-20] % du total.

23. Les parts de marché de la nouvelle entité sur les différents marchés segmentés par espèces sont sensiblement équivalentes à celles estimées pour le marché global des aliments complets à savoir : ruminants : [30-40] %, volailles : [20-30] %, lapins : [20-30] %, porcs : [10-20] %.

24. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché des aliments complets.

B. EFFETS VERTICAUX

25. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %

26. En l'espèce, l'opération a pour effet de renforcer significativement la position de Noriap en aval sur les marchés locaux concernés de l'alimentation animale. Cependant, avec des parts de marché inférieures à [0-5] %, sa présence en amont sur les marchés de la production de tourteaux et de céréales est trop marginale pour que l'opération soit de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-242 est autorisée.

Notes :

1 Voir par exemple les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009, n° 10-DCC-34 du 22 avril 2010, n° 12-DCC-103 du 22 avril 2010 et n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013.

2 En dernier lieu, décision n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013.

3 En dernier lieu, décision n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013.

4 En dernier lieu, décision n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013.

5 En dernier lieu, décision n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013..