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Décisions

ADLC, 5 mars 2014, n° 14-DCC-28

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mistergooddeal S.A par le groupe Darty

ADLC n° 14-DCC-28

5 mars 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 29 janvier 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Mistergooddeal S.A par le groupe Darty, formalisée par un accord de négociations exclusives en date du 17 décembre 2013 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Etablissements Darty et Fils S.A.S. (ci-après " Darty ") est une société française, filiale à 100 % de la société KESA France, elle-même filiale de la société Darty Plc, tête du groupe Darty. Darty est spécialisé dans la distribution en France de produits électrodomestiques via ses points de vente physiques (environ 200 magasins) et son site Internet mais distribue également des produits d'ameublement, en particulier des éléments de cuisine. Outre la France, le groupe Darty est notamment présent en Belgique, aux Pays-Bas, en République tchèque, en Slovaquie et en Turquie.

2. Mistergooddeal S.A (ci-après " Mistergooddeal ") est une société française, détenue à 99,99% (1) par Home Shopping Service (ci-après " HSS "), filiale du groupe M6. Elle est spécialisée dans la vente à distance, via son site Internet, de produits électrodomestiques, de produits d'ameublement et de décoration ainsi que des articles de bricolage et de jardinage ; c'est un acteur " pure player ".

3. L'opération, formalisée par un accord de négociation exclusive signé le 17 décembre 2013, consiste en l'acquisition par Darty de l'intégralité des actions de Mistergooddeal. Elle se traduit donc par la prise de contrôle exclusif de Mistergooddeal par Darty, et constitue à ce titre une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (groupe Darty : 3,8 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; Mistergooddeal : 130,4 millions d'euros pour le même exercice). Chacune réalise en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (groupe Darty : 2,7 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; Mistergooddeal : 130,4 millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties sont simultanément actives dans le secteur du commerce de détail de produits électrodomestiques, et plus particulièrement sur la vente en ligne de ces produits. S'agissant de la vente d'éléments de cuisine, Mistergooddeal n'en distribue que depuis mai 2013. Cette activité n'ayant représenté que [...] euros de chiffre d'affaires pour Mistergooddeal en 2013, elle ne fera pas l'objet d'une analyse concurrentielle spécifique.

6. Dans le secteur du commerce de détail, les autorités de concurrence retiennent généralement deux catégories de marchés : (i) les marchés amont de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail auprès des fabricants et (ii) les marchés aval qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs finals.

A. MARCHÉS DE PRODUITS EN CAUSE

1. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

7. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, les autorités de concurrence (2) ont considéré qu'une répartition par groupe de produits était pertinente. En effet, elle ont relevé que " les producteurs fabriquent des produits ou groupes de produits particuliers et ne sont pas techniquement en mesure de se reconvertir facilement dans la fabrication d'autres produits sans coûts conséquents " De plus, " au niveau des approvisionnements, on peut considérer qu'il existe autant de marchés que de familles de produits sur lesquels porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun des marchés ".

8. En se basant sur l'organisation des divisions " achat " des distributeurs, les autorités de concurrence ont envisagé une segmentation selon les groupes de produits suivants : (i) gros électroménager (ci-après " GEM "); (ii) petit électroménager (ci-après " PEM "); (iii) appareils photo / cinéma ; (iv) appareils hi-fi / son ; (v) appareils TV / vidéo ; (vi) ordinateurs / périphériques ; et (vii) téléphonie. Le test de marché réalisé auprès des fournisseurs et des concurrents des parties a confirmé la pertinence de cette segmentation. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

2. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

9. La pratique décisionnelle a envisagé une segmentation des marchés aval de la distribution de produits électrodomestiques selon deux dimensions : par famille de produits et par canal de distribution (3).

a) Distinction par famille de produits

Produits blancs, bruns et gris

10. Les autorités de concurrence distinguent usuellement trois familles de produits : (i) les produits blancs qui incluent notamment les tables de cuisson, les cuisinières, les fours, les ensembles encastrables, les hottes, les lave-linges, les sèche-linges, les lave-vaisselles, les réfrigérateurs, les congélateurs, le petit électroménager de préparation culinaire, les cafetières, les robots, les fers et les aspirateurs, (ii) les produits bruns qui incluent les téléviseurs, magnétoscopes, caméscopes, les équipements hi-fi et audio, les appareils numériques et les lecteurs DVD et (iii) les produits gris qui incluent les micro-ordinateurs personnels, les écrans, les périphériques (comme les imprimantes ou les scanners), les claviers, les accessoires ou pièces détachées modulaires (comme les cartes mémoires ou les disques durs additionnels, par exemple), les logiciels et la téléphonie.

11. La pratique décisionnelle a relevé que " même si certains éléments de convergence entre les produits bruns et gris peuvent être constatés (usage client, technologie, fournisseurs, ...), le métier de distributeur est encore structuré autour de cette distinction et tous les spécialistes ne proposent pas tous ces produits (la Fnac par exemple est absente du segment des produits blancs). Les services et conseils offerts militent également pour une distinction entre ces trois catégories de produits " (4). Le test de marché réalisé auprès des concurrents des parties a confirmé la pertinence de cette distinction.

12. En ce qui concerne la distribution de produits blancs, la pratique décisionnelle a laissé ouverte la question d'une éventuelle sous-segmentation entre PEM et GEM (5). La grande majorité des répondants au test de marché s'est quant à elle prononcé en faveur d'une segmentation entre petit et gros électroménager. Tout d'abord, il s'agit rarement des mêmes fournisseurs. De plus, la nature des produits (poids, dimension, usage, prix de vente moyen) et les contraintes de distribution (modalité d'approvisionnement, de stockage, d'expédition) sont très différentes. En effet, le GEM nécessite par exemple la mise en place d'une structure logistique apte à gérer des " gros produits " et d'une structure " après-vente " apte à intervenir spécifiquement sur ce type de produits. Les fréquences d'achat pour ces deux catégories de produits GEM et PEM ne sont pas les mêmes : tandis que l'achat sur le PEM peut être impulsif et être impacté par des mouvements de mode, l'achat sur le GEM est moins récurrent, car plus coûteux, et il s'agit le plus souvent d'un achat de remplacement ou lié à une installation.

13. Au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de trancher cette question dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle resteraient inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

14. Les autorités de concurrence (6) ont également considéré qu'un découpage plus fin du marché entre les produits " bas de gamme " et " haut de gamme " n'était pas pertinent, dans la mesure où les enseignes proposent généralement un large assortiment de produits, quel que soit leur positionnement marketing. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette analyse à l'occasion de la présente opération.

Produits de " divertissement- multimédia "

15. Les parties distribuent également des produits de " divertissements-multimédia ", essentiellement jeux, consoles de jeux, CD et DVD vierges.

16. La pratique décisionnelle a envisagé l'existence d'un marché des consoles de jeux, accessoires de consoles, jeux pour consoles et PC tout en laissant la question ouverte (7). Une délimitation plus fine par type de produits entre logiciels de jeux, consoles et accessoires de jeux vidéo avait également été évoquée par le ministre (8).

17. En suivant l'analyse de la décision de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-87, les parties proposent de distinguer deux marchés de produits : (i) le marché des consoles de jeux, accessoires consoles, jeux consoles et PC et (ii) le marché des CD audio et DVD.

18. La délimitation précise des marchés des produits de divertissement/multimédia peut cependant être laissée ouverte en l'espèce, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la définition retenue.

b) Distinction par canal de distribution

19. La vente au détail des produits électrodomestiques est pratiquée dans divers formats de magasins et se développe sur Internet.

20. En l'espèce, Mistergooddeal est uniquement présent sur Internet alors que Darty est à la fois présent en points de vente physiques et sur Internet.

Les points de vente physiques

21. Pour délimiter le marché pertinent, les autorités de concurrence ont retenu trois critères essentiels : le type de produits vendus afin de déterminer si les différentes catégories de magasins sont en mesure d'offrir des produits substituables du point de vue du consommateur, ainsi que le format et la taille des magasins afin de déterminer si les services offerts sont comparables selon les types de magasins considérés. En effet, seuls les magasins qui offrent de manière constante tout au long de l'année un large assortiment de produits électrodomestiques exercent une réelle pression concurrentielle les uns sur les autres.

22. Ainsi, il ressort de la pratique décisionnelle antérieure qu'une grande surface spécialisée en produits d'électrodomestique telle que Darty est en concurrence avec les autres grandes surfaces spécialisées (ci-après " GSS "), qui comprennent les autres GSS dans le commerce de détail de produits électrodomestiques, telles que Boulanger et la FNAC, les grandes surfaces multi-spécialistes, telles que Conforama ou But, qui proposent, outre des produits électrodomestiques, des produits d'ameublement et de décoration, les groupements d'opérateurs indépendants tels que par exemple Euronics/Gitem, Connexion ou Expert et les magasins de proximité d'une surface de plus de 300 m² (9), mais aussi avec les grandes surfaces alimentaires (ci-après " GSA ") d'une surface supérieure à 2 500 m² ainsi qu'avec les magasins hard-discount spécialisés dans le commerce de détail de produits électrodomestiques tels que, par exemple, Electro Dépôt.

Les ventes à distance

23. Les autorités de concurrence se sont à plusieurs reprises interrogées sur la pertinence d'une segmentation dans le secteur de la vente au détail de produits non alimentaires entre la vente à distance (" VAD ") d'une part et la vente en magasins d'autre part (10), la VAD comprenant l'ensemble des canaux de distribution spécifiques à ce mode de commercialisation (Internet, catalogues et autres).

24. Les parties estiment qu'une telle segmentation n'est plus pertinente compte tenu de la pression concurrentielle croissante exercée sur les points de vente physiques par les ventes sur Internet. En effet, selon l'institut d'études de marché et d'audit marketing GfK, le marché total du gros électroménager a connu une hausse modérée de 3 % en valeur entre 2009 et 2012 mais les ventes en ligne de gros électroménager ont augmenté de 85 % tandis que les ventes en magasins de ces produits ont baissé de 4 %. Les parties affirment de plus que les gammes et les services (garantie, livraison, installation, pièces détachées, etc.) proposés par les acteurs de la vente en magasins sont disponibles auprès des acteurs de la VAD. Elles font également valoir que les coûts réduits des acteurs de la VAD leur permettent de proposer des prix plus bas et d'exercer une réelle pression concurrentielle sur les magasins. En outre, les consommateurs auraient adopté un comportement multi-canal : " plus de 9 internautes sur 10 préparent leurs achats, quel que soit le canal en consultant au préalable un site Internet (...) et plus des trois quarts des internautes (77 %) pratiquent le ROPO [" Research Online/Purchase Offline "] en recherchant sur le web des informations avant d'acheter en magasin " (Baromètre FEVAD/ Médiamétrie du 27 juin 2013).

25. Au cas d'espèce, les réponses au test de marché indiquent que la vente en ligne exerce une forte pression concurrentielle sur les points de vente physiques, les répondants ayant affirmé que les clients consultent préalablement les prix pratiqués par Internet avant d'effectuer un achat en magasin. Selon plusieurs concurrents interrogés, la transparence et la comparabilité offertes par Internet, notamment à travers les comparateurs de prix, permettent à Internet d'exercer une réelle pression sur les prix en magasins quel que soit le volume effectif des ventes en ligne. La grande majorité des répondants notent cependant que les achats sur Internet seraient significativement reportés vers des magasins physiques en cas d'augmentation des prix de 5 à 10 % (notamment concernant les produits coûteux, tels que le GEM). Chaque canal de distribution exercerait ainsi une pression concurrentielle sur l'autre.

26. L'Autorité de la concurrence a ainsi noté, dans son avis relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique (11), que les enseignes traditionnelles adaptent leurs stratégies commerciales pour tenir compte de la croissance des ventes par Internet en adoptant un modèle de distribution " multi-canal " regroupant un réseau de boutiques et un site de vente en ligne. Dans ce cadre, soit elles créent leur propre site Internet (tels que www.darty.fr, www.boulanger.fr, www.fnac.fr, etc.) sur lequel elles proposent, en complément des produits proposés en magasin, certains produits spécifiques à des prix spécifiques (on parle alors de distributeurs " click & mortar "), soit elles créent des sites " pure player ". Ainsi le groupe Casino détient Cdiscount et l'Association Famille Mulliez détient à la fois la GSA Auchan, la GSS Boulanger, l'enseigne hard discount Electro Dépôt et les " pure players " Webdistrib et Grosbill (12).

27. Les autorités de concurrence, tant nationale que communautaire, ont cependant jusqu'à présent relevé des différences significatives entre la vente à distance et la vente en magasins, notamment dans la manière dont les distributeurs de la VAD et de la vente " physique " communiquent et acquièrent des clients (13). Elles ont ainsi relevé que, du point de vue du consommateur, l'achat en magasin offre la possibilité d'inspecter le produit souhaité et, si besoin, de bénéficier des conseils d'un vendeur spécialisé. De plus, les articles présentés sont, la plupart du temps, disponibles immédiatement. A l'inverse, la VAD présente pour sa part l'avantage de pouvoir réaliser des achats à n'importe quel moment du jour et de la semaine, depuis son lieu de résidence. La Commission (14) note que chaque canal de distribution présente divers avantages et inconvénients et répond à des besoins différents des consommateurs. La Commission conclut que ces deux canaux sont plus complémentaires que substituables.

28. Par ailleurs, des différences notables existent entre les sites Internet des enseignes " multi-canal " et les sites Internet des " pure players ". En effet, les enseignes disposant de points de vente physiques doivent assurer une certaine cohérence de leur stratégie commerciale, que les ventes soient effectuées par Internet ou en magasin, et proposent généralement des prix et des services identiques via Internet que ceux proposés en magasin (les mêmes règles sont généralement appliquées en matière de frais et de modalité de livraison ainsi que d'échange des produits, les clients ayant la possibilité de retourner les produits achetés sur Internet en magasins). Certains opérateurs ont néanmoins précisé qu'ils présentent parfois sur leur site des offres réservées aux clients internautes portant sur des produits spécifiques.

29. De leur côté, les " pure players " proposent généralement des prix plus agressifs mais ne sont souvent pas en mesure de proposer les mêmes types de services (garanties, frais de livraison, location de véhicule de livraison, mise en route du produits, etc.) ou, s'ils les proposent, ils sont facturés à part ce qui renchérit le prix " services compris " des produits. Enfin, même s'ils proposent une large gamme de produits, beaucoup de " pure players " interrogés expliquent rencontrer des difficultés pour distribuer certaines références de produits (notamment dans le haut de gamme) pour lesquels une distribution sélective est mise en place par les fabricants.

30. Le test de marché confirme que les deux types de distribution disposent d'atouts différents : les services proposés en magasins (mise en scène des produits, conseil, service après-vente, etc.) seraient la première raison pour laquelle un client achèterait en magasin plutôt qu'en ligne. De plus, les " pure players " ont des stocks limités alors que la disponibilité immédiate du produit est un autre critère essentiel de choix pour la clientèle. De fait, les produits électrodomestiques sont toujours en grande majorité achetés en magasin : les ventes en valeur et en volume de produits blancs via des points de vente physiques représentaient encore en 2012 respectivement 85 % et 89 % des ventes totales de produits blancs.

31. Les conclusions de l'analyse concurrentielle restant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue, la délimitation exacte du marché aval de la distribution de produits électrodomestiques peut cependant être laissée ouverte.

B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE

1. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

32. Les autorités de concurrence considèrent que les marchés d'approvisionnement sont de dimension au moins nationale, voire européenne (15). Les fournisseurs et concurrents interrogés dans le cadre du test de marché ont confirmé que ces marchés sont au minimum de dimension nationale. Les opérateurs concurrents ont également précisé qu'ils s'approvisionnaient essentiellement en France, notamment auprès de filiales françaises de groupes internationaux.

33. Au cas d'espèce, la question de la délimitation géographique des marchés de l'approvisionnement en produits électrodomestiques peut rester ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées.

2. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

34. Habituellement, en ce qui concerne la distribution au détail en points de ventes physiques, l'analyse est menée sur des zones de chalandise au niveau local (16). Au cas d'espèce, il n'y a pas d'addition de parts de marché sur la vente en magasins, Mistergooddeal n'étant actif que sur la vente en ligne.

35. Le marché de la distribution à distance de produits électrodomestiques est considéré comme étant de dimension au plus nationale, compte tenu des différences linguistiques, de l'hétérogénéité des habitudes des consommateurs ainsi que des coûts et délais de livraison (17). Par ailleurs, aucun élément au dossier ne suggère qu'il existerait de différences au sein du territoire national en ce qui concerne les conditions d'exercice de la concurrence soit entre les acteurs de la vente en ligne, soit entre la VAD et la vente en magasins. L'analyse sera donc menée au niveau national soit sur la seule VAD, soit un marché global incluant vente en magasins et vente en ligne.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

36. La partie notifiante n'a pas été en mesure de fournir les positions de la cible et de l'acquéreur sur les marchés amont de l'approvisionnement. Elle fait cependant valoir que leurs positions respectives en tant qu'acheteurs sur ces marchés sont approximativement équivalentes à celles qu'elles détiendraient sur des marchés aval de la distribution de produits d'électrodomestique sur lesquels seraient pris en compte l'ensemble des acteurs du secteur, tous formats et types de distribution confondus. Sur cette base, elles estiment leurs parts dans le total des achats de produits électrodomestiques en France comme suit :

<Emplacement Tableau>

37. Darty est déjà en position de leader sur un tel marché et l'acquisition notifiée lui permet de renforcer sa position. Cependant, la part des achats cumulée des parties est inférieure à [20-30] % sur l'ensemble des marchés amont concernés par l'opération et l'incrément lié à l'acquisition de Mistergooddeal est limité ([0-5] % maximum).

38. Les autorités de concurrence considèrent par ailleurs que la concurrence sur les marchés amont pourrait être affectée dès lors que certains fabricants se retrouveraient en situation de dépendance économique vis-à-vis de la nouvelle entité. En l'espèce, le test de marché a montré que la part que représenteraient les parties dans les chiffres d'affaires de leurs principaux fournisseurs est limitée, ces fournisseurs étant, le plus souvent de dimension mondiale. Surtout, comme l'a rappelé l'Autorité dans ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, la création d'une situation de dépendance économique dépend de l'existence d'éventuelles solutions alternatives et ne constitue en tout état de cause une atteinte à la concurrence que si elle a un effet sur la concurrence sur un marché et non simplement sur un fournisseur, dans la mesure où l'objectif des autorités de concurrence n'est pas de protéger une entreprise en tant que telle, qu'elle soit concurrente, cliente ou fournisseur. En l'espèce, les fournisseurs continueront de disposer de clients alternatifs à la nouvelle entité puisque, comme cela sera développé dans la partie suivante, les parts de marché des parties sur les marchés avals sont relativement limitées.

39. L'opération n'est donc pas susceptible d'affecter la concurrence sur les marchés amont de l'approvisionnement en produits électrodomestiques.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

40. Les parties distribuent des produits électrodomestiques et des produits de " divertissement- multimédia ". Dans la mesure où les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à [5-10] % sur les différents segments de marché des produits de " divertissement- multimédia " envisagés, l'analyse portera exclusivement sur les marchés de la distribution des produits blancs, bruns et gris.

1. LES PRODUITS BRUNS, GRIS ET BLANCS

41. La partie notifiante a estimé la taille, en valeur et en volume, des marchés français de distribution de produits électrodomestiques comprenant tant la vente en ligne que la vente en magasins à partir des données publiées par l'institut d'études de marché et d'audit marketing GfK.

42. Le marché total considéré comprend les GSS, les GSA de plus de 2 500 m² et les magasins hard discount. Contrairement à la définition de marché retenue ci-dessus, les groupements d'opérateurs indépendants et les magasins de proximité d'une surface de plus de 300 m² ne sont pas pris en compte dans les estimations ci-dessous. En effet, les données publiées par l'institut GfK ne permettant pas d'exclure les seuls opérateurs disposant de magasins d'une surface inférieure à 300 m², le choix a été fait d'exclure l'ensemble des groupements d'opérateurs indépendants et des magasins de proximité, solution la plus défavorable aux parties. Les parts de marché présentées sont donc surestimées.

43. Cette différence explique aussi que les parts de marché présentées ci-dessous soient sensiblement supérieures à celles présentées dans la discussion des marchés amont, sur lequel tous les opérateurs, quelle que soit la surface de vente de leurs magasins, sont considérés comme concurrents.

44. Actuellement leader sur la distribution en France de produits électrodomestiques, Darty renforcerait sa position avec une part de marché, toutes familles de produits confondues, de [10-20] % en valeur sur le marché total (magasins et Internet) de la distribution de produits électrodomestiques. Sur la seule vente en ligne de produits électrodomestiques, toutes catégories confondues, la nouvelle entité aurait une part de marché de [10-20] %, proche de celle de Pixmania, mais loin du leader Cdiscount ([20-30] %).

2. LES PRODUITS BRUNS ET GRIS

45. Au terme de l'opération envisagée, la part de marché de la nouvelle entité s'agissant des produits bruns et gris sera inférieure à [10-20] % (avec un incrément maximum de [0-5] %) quelle que soit le canal de distribution envisagé.

46. La nouvelle entité restera confrontée à de nombreux concurrents tant GSS (telle que la Fnac et Boulanger) que GSA. Sur la seule distribution en ligne, les " pure players ", Cdiscount, Pixmania et Rue du commerce, resteraient en tête après l'opération

3. LES PRODUITS BLANCS

47. Selon les données fournies par les parties, les parts de marché de la nouvelle entité seraient les suivantes sur les différents segments des produits blancs :

<Emplacement Tableau>

48. Sur le segment du PEM, la part de marché cumulée des parties sera inférieure à [20-30] % tant sur un marché global que sur les seules VAD. Sur la seule distribution en ligne du PEM, la nouvelle entité sera en deuxième position, loin derrière Cdiscount qui restera le leader sur ce segment.

49. Sur le segment du GEM, la part de marché cumulée des parties sera de plus de [30-40] % tant sur un marché global que sur les seules VAD.

50. Sur la vente en ligne de l'ensemble de produits blancs, la nouvelle entité devient le leader du marché, avec une part de marché supérieure à [30-40] %, suivie par Cdiscount ([25-30] % sur le GEM et [25-30] % sur l'ensemble des produits blancs) qui était le leader pré-opération. La future entité restera confrontée à de nombreux autres concurrents tant parmi les distributeurs " click & mortar " (tels que Boulanger, Conforama, But, Ubaldi mais également les GSA) que parmi les acteurs " pure players " (tels que Grosbill, Rue Du Commerce, Pixmania).

51. Au surplus, l'animation concurrentielle sur le marché de la vente en ligne ne doit pas être réduite aux seuls distributeurs. En effet, les places de marché offrent la possibilité à des vendeurs (professionnels ou particuliers) de proposer leurs produits sur un site Internet ayant une forte visibilité (tels que PriceMinister ou Amazon) en échange d'une commission pour la vente de chaque produit via la place de marché (18). Ainsi que l'a relevé l'Autorité de la Concurrence dans son avis relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique (19), les places de marché participent à une réduction significative des barrières à l'entrée sur les marchés de la vente en ligne puisque des petits operateurs peuvent accéder à une large audience et développer rapidement et simplement leurs ventes sur Internet à moindre coût.

52. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution de produits électrodomestiques.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-249 est autorisée.

Notes :

1 Le capital restant sera cédé à HSS préalablement à la réalisation de l'opération conformément au préambule du contrat de cession. 2

2 Voir notamment l'Avis du conseil de la Concurrence n°07-A-06 du 16 juillet 2007 relatif à l'acquisition par la société Cafom du pôle distribution de la société Fincar dans le secteur de la vente d'équipements de la maison ; la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi C2006-155 du 31 août 2007 au conseil de la société Cafom, relative à une concentration dans le secteur de la vente de biens d'équipements de la maison ; les décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-78 du 18 mai 2011 relative à l'acquisition du groupe Titouan par le groupe Conforama et n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Media Concorde SNC par la société High Tech Multicanal Group. 3

3 Voir notamment l'Avis n°07-A-06 du 16 juillet 2007 ; la lettre du ministre de l'économie C2006-155 du 31 août 2007 ; les décisions n°11-DCC-78 du 18 mai 2011 et n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 précités.

4 Voir l'Avis n°07-A-06 du 16 juillet 2007 précité.

5 Voir notamment la décision de la Commission européenne n°COMP/M.5721 Otto/Primondo Assets du 16 février 2010 et la décision de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée.

6 Voir notamment la lettre du ministre C2006-155 Cafom/fincar du 31 août 2007 et la décision 11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitées.

7 Voir la décision n°13-DCC-49 du 22 avril 2013 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société Game France par la société Micromania Group SAS et la décision n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée.

8 Voir la lettre du ministre de l'économie n°2006-38 du 13 avril 2006 aux conseils de la société Deutsche Bank, relative à une concentration dans le secteur des jeux vidéo.

9 Voir notamment Avis n°07-A-06 du 16 juillet 2007 précité.

10 Voir par exemple la décision n°09-DCC-26 du 24 juillet 2009 relative à l'acquisition de la société Camif Collectivités par la société Manutan International et la décision n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée ainsi que la décision de la Commission européenne n°COMP/M.5721 du 16 février 2010 précitée. 6

11 Voir l'Avis de l'Autorité de la concurrence relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique n°12-A-20 du 18 septembre 2012.

12 Grosbill est considéré comme un " pure player " bien qu'il dispose également de 8 magasins (ayant tous une surface inférieure à 300 m²).

13 Voir par exemple les décisions n°10-DCC-42 du 25 mai 2010 relative à l'acquisition par la société 3 Suisses International SA de certains actifs de la société La Source et n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitée ainsi que la décision COMP/M.5721 du 16 février 2010 précitée.

14 COMP/M.5721, Otto / Primondo Assets, 16 février 2010 précitée.

15 Voir notamment l'Avis n°07-A-06 du 16 juillet 2007, la lettre C2006-155 du 31 août 2001 et les décisions n°11-DCC-78 du 18 mai 2011 et 11-DCC-87 du 10 juin 2011 précités.

16 Voir notamment les décisions n°11-DCC-78 du 18 mai 2011 et n°11-DCC-87 du 10 juin 2011 précitées.

17 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-12 du 9 juin 2009 relative à l'acquisition de la société Surcouf par monsieur Hugues Mulliez et n°11-DCC-182 du 2 décembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Rue du commerce par la société Altaréa.

18 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n°13-DCC-08 du 16 janvier 2013 relative à la prise de contrôle exclusif d'Alpha Direct Services par Rakuten Europe.

19 Voir l'Avis de l'Autorité de la concurrence n°12-A-20 du 18 septembre 2012 précité.