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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. com. B, 27 mars 2014, n° 12-04784

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nicolas International (SARL)

Défendeur :

Compagnie Rhodanienne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

Mme Hairon, M. Gagnaux

Avocats :

Mes Vidal, Broquère, Vajou, Lacoste

T. com. Nîmes, du 27 sept. 2012

27 septembre 2012

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 19 octobre 2012 par la SARL "Nicolas International" à l'encontre du jugement prononcé le 27 septembre 2012 par le Tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 2011J597.

Vu les dernières conclusions déposées le 19 novembre 2013 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 13 janvier 2014 par la SA "Compagnie Rhodanienne", intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 16 janvier 2014.

Suivant contrat de représentation commerciale du 1er janvier 2000, la SA "Compagnie Rhodanienne" a donné à la SARL "Nicolas International" mandat de la représenter auprès de la clientèle russe pour la vente de vins AOC de la vallée du Rhône, vins de Pays du sud de la France et vins de table français.

Par courriel du 26 octobre 2009, qui faisait suite à deux autres courriels des 2 et 7 octobre annonçant son intention, la SARL "Nicolas International" a notifié à la SA "Compagnie Rhodanienne" sa décision de mettre un terme à la relation contractuelle au 1er janvier 2010, motif pris de "changements permanents, structurels humains", qui auraient été mis en place depuis deux ans et qui ne permettraient pas "d'avancer correctement", et qui tendraient les relations avec ses clients pour d'autres affaires.

Par exploit du 28 juin 2011, la SARL "Nicolas International" a fait assigner la SA "Compagnie Rhodanienne" en paiement d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial (au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, 1134 et suivants du Code civil) devant le Tribunal de commerce de Nîmes qui, par jugement du 27 septembre 2012, a :

débouté la SARL "Nicolas International" de ses demandes ;

condamné la SARL "Nicolas International" à payer à la SA "Compagnie Rhodanienne" une indemnité de 211 311,18 euros en réparation de la violation de la clause de non-concurrence ;

rejeté le surplus des demandes ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

condamné la SARL "Nicolas International" aux dépens et à payer à la SA "Compagnie Rhodanienne" 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL "Nicolas International" a relevé appel de ce jugement pour voir :

constater que l'article 6 alinéa 4 in fine du contrat du 1er janvier 2000 est réputé non-écrit en application de l'article L. 134-6 du Code de commerce ;

déclarer la SA "Compagnie Rhodanienne" seule responsable de la rupture du contrat de représentation commerciale du 1er janvier 2000, sans faute grave de la mandataire ;

condamner la SA "Compagnie Rhodanienne" à lui payer une indemnité de rupture de 70 000 euros, avec intérêts de droit à compter du 10 mars 2010, et capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;

condamner la SA "Compagnie Rhodanienne" aux entiers dépens et à lui payer :

10 000 euros au titre des articles L. 134-4 du Code de commerce et 1134 et suivants du Code civil ;

3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA "Compagnie Rhodanienne" conclut à la confirmation du jugement, sauf à y ajouter en condamnant la SARL "Nicolas International" aux dépens d'appel et à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;

Sur la demande principale :

Attendu que la SARL "Nicolas International" soutient à bon droit, que sont réputées non écrites, en application de l'article L. 134-16 du Code de commerce, les clauses qui dérogent, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du même Code ;

Attendu que cependant dans le cas de l'espèce, le moyen est inopérant, dès lors que la SARL "Nicolas International" est à l'initiative de la rupture et qu'il lui appartient, pour prétendre au bénéfice de l'indemnité, de démontrer, que la cessation du contrat serait justifiée par l'une des circonstances visées par ce dernier texte ;

Attendu qu'à cette fin la SARL "Nicolas International" prétend que la SA "Compagnie Rhodanienne" aurait commis une première faute en effectuant entre 2007 et 2009 de nombreuses restructurations, par le remplacement de directeur général, à trois reprises, et de "commercial export", à deux reprises, et elle produit, pour faire la démonstration de son grief, les attestations délivrées le 29 octobre 2012 par Olga Chuyko et le 23 octobre 2012 par Polina Zotova ;

Mais attendu qu'Olga Chuyko indique ignorer les raisons de la rupture et énonce seulement le nom des trois directeurs de la SA "Compagnie Rhodanienne" qui ont suivi les affaires traitées par le représentant de la SARL "Nicolas International" avec la société russe "AST International Environnement", à laquelle appartient le témoin, lequel précise n'avoir jamais reçu la visite du Président de la SA "Compagnie Rhodanienne" ;

Et attendu que Polina Zotova, responsable marketing de l'importateur russe "Alianta Groupe" se contente, d'une part, d'indiquer que le représentant de la SARL "Nicolas International" n'a pas cherché à détériorer les relations de sa société avec la SA "Compagnie Rhodanienne" après la fin de leur collaboration, d'autre part, d'indiquer les noms des différents directeurs de la SA "Compagnie Rhodanienne" qui ont suivi les affaires traitées par le représentant légal de la SARL "Nicolas International" ;

Attendu qu'il ne résulte donc pas de ces attestations la démonstration d'une circonstance imputable au mandant, qui serait susceptible de justifier la cessation du contrat d'agent commercial ;

Attendu que certes, la SARL "Nicolas International" prétend que ces changements seraient à l'origine d'une baisse de compétitivité, avec des prix pratiqués de 15 à 25 % supérieurs à ceux de la concurrence, et elle en veut pour preuve la teneur d'un courriel qu'elle a adressé le 25 mai 2009 à la SA "Compagnie Rhodanienne" ;

Mais attendu que ce courriel concerne, d'une part, une négociation à la baisse des tarifs des vins de pays de la Communauté européenne fournis par la SA "Compagnie Rhodanienne" et commercialisés sous la marque "Fleur d'Amour" déposée par la SARL "Nicolas International", cette dernière étant invitée par ses clients russes à faire d'autres propositions de prix avec d'autres fournisseurs pour ce produit, d'autre part, de la négociation relative à l'utilisation des droits du design de la marque "Belle" ;

Or attendu qu'il ne ressort pas de ce courriel, qui ne constitue qu'un rapport adressé sur l'état de ces négociations (qui s'inscrivaient dans le déroulement normal de relations d'affaires entretenues dans un contexte de concurrence mettant en jeu des droits de marque ou de propriété intellectuelle), que la SA "Compagnie Rhodanienne" aurait adopté un comportement de nature à mettre en difficulté son mandataire et à justifier la cessation du contrat d'agence commerciale ;

Attendu que la SARL "Nicolas International" reproche ensuite à la SA "Compagnie Rhodanienne" d'avoir manqué à son obligation d'information en s'abstenant de se positionner sur divers dossiers et sur sa politique tarifaire, et elle en veut pour preuve le contenu de son courriel du 12 octobre 2009 ;

Attendu que cependant, ce courriel n'est qu'une liste des prétendues difficultés que la SARL "Nicolas International" aurait rencontrées dans l'exercice de son mandat de représentation, et qui ont été recensées au moment où elle avait déjà annoncé son intention de rompre la relation contractuelle, dans le but d'amener la SA "Compagnie Rhodanienne" à négocier le versement d'une indemnité de rupture, sans que ces différentes difficultés alléguées soient étayées par des éléments objectifs susceptibles d'en imputer la responsabilité à un comportement fautif du mandant ;

Attendu qu'il est également soutenu que l'exclusivité consentie aurait été violée, dès lors que la SA "Compagnie Rhodanienne" aurait directement contacté la clientèle du secteur concédé, ainsi que cela résulterait de son courriel du 6 septembre 2009 ;

Attendu que néanmoins ce document qui ne constitue que l'analyse de la situation donnée par la demanderesse pour expliquer selon elle la dégradation des affaires sur le marché russe, ne caractérise en rien une immixtion de la SA "Compagnie Rhodanienne" sur le marché concédé à la SARL "Nicolas International", et il n'est soumis aucun élément caractérisant une entrave à l'exercice du mandat de représentation ;

Attendu que la SA "Compagnie Rhodanienne" fait enfin valoir que dans le courrier adressé le 6 octobre 2009 en télécopie par la SA "Compagnie Rhodanienne", cette dernière n'invoque aucune faute grave de son mandataire ;

Mais attendu que cette circonstance est indifférente, dès lors que c'est la mandataire qui a pris l'initiative de la rupture ;

Attendu qu'ainsi la SARL "Nicolas International" échouant dans la preuve qui lui incombe, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée, tant de sa demande principale en indemnité de rupture, qu'en sa demande accessoire en dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi des obligations contractuelles, laquelle, contrairement aux affirmations de la SA "Compagnie Rhodanienne", était déjà présentée en première instance ;

Sur la demande reconventionnelle :

Attendu que la convention des parties stipulait à la charge de la SARL "Nicolas International" une obligation de non-concurrence lui faisant interdiction "de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, pour son compte ou pour celui d'un tiers, à une entreprise susceptible de concurrencer son mandant, à quelque titre que ce soit, pour le secteur qui lui était confié" pendant une durée de 6 mois à compter de la fin du contrat, la violation de la clause étant sanctionnée par une indemnité forfaitaire égale à 2 fois la rémunération perçue au cours de la dernière année d'exercice du mandat ;

Attendu que par lettre du 2 avril 2010, la SA "Compagnie Rhodanienne" reprochait notamment à la défenderesse d'avoir violé cette clause en commercialisant les produits de la gamme "Val d'Orbieu" ;

Attendu que la SARL "Nicolas International" répondait le même jour en se prévalant de l'autorisation donnée par la SA "Compagnie Rhodanienne" pour la commercialisation des vins de ce concurrent ;

Attendu qu'en effet la SARL "Nicolas International" lui oppose un courrier adressé en télécopie le 8 avril 2008 ci-après reproduit par extrait :

"' Le marché russe est un marché stratégique pour nous. Je craignais que tu délaisses la Compagnie Rhodanienne au profit du groupe Val d'Orbieu. Tu m'as confirmé très clairement que :

tu n'es pas engagé contractuellement avec Val d'Orbieu à ce jour ;

dans le cas où tu prendrais la commercialisation des produits du groupe Val d'Orbieu tu t'interdirais de prendre des produits concurrents de ceux de la Compagnie Rhodanienne sur le marché russe. Tu limiterais ainsi ton intervention à la mise en marché de Bag in Box, Tetrapack et Châteaux exclusifs en AOC Languedoc que nous ne sommes pas en capacité de livrer à ce jour" ;

Attendu qu'il ressort des termes de cette lettre que l'autorisation donnée était limitée à des types de produits spécifiques que la SARL "Nicolas International" n'était pas elle-même en mesure de livrer ;

Or attendu que la SA "Compagnie Rhodanienne" justifie par la publicité éditée le 4 février 2010, que la SARL "Nicolas International" a exposé sur son stand du salon "Prodexpo", qui s'est tenu à Moscou du 8 au 12 février 2012, des vins d'AOC Languedoc de la cuvée "Mythique" commercialisée par le groupe Val d'Orbieu, lesquels vins n'étaient pas ceux d'un château exclusif, et n'étaient pas présentés dans l'un des conditionnements autorisés, de sorte qu'ils étaient directement concurrents de ceux commercialisés par la SA "Compagnie Rhodanienne" et n'étaient pas concernés par l'autorisation limitée donnée le 8 avril 2008, leur représentation sur le marché russe avant l'expiration du délai convenu constituant donc bien une violation de la clause de non-concurrence ;

Attendu qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit encore être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'application de l'indemnité forfaitaire conventionnelle présentée pour sanctionner cette violation ;

Sur les frais de l'instance :

Attendu que la SARL "Nicolas International", qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la SA "Compagnie Rhodanienne" une somme complémentaire équitablement arbitrée à 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme. Au fond, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Et y ajoutant, Dit que la SARL "Nicolas International" supportera les dépens d'appel et payera à la SA "Compagnie Rhodanienne" une somme complémentaire de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que la Selarl d'avocat "Emmanuelle Vajou" pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.