CA Saint-Denis de la Reunion, ch. civ., 21 mars 2014, n° 12-01851
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Baptiste
Défendeur :
Technique et Distribution Automobile (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gesbert
Conseillers :
Mme Jouanard, M. Faissolle
Avocats :
SCP Belot-Cregut-Hameroux, Selarl Garriges-Gery Schaepman Schwartz
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 2 février 2001, Monsieur Jean Hugues Baptiste et la société Ted Auto ont conclu un contrat d'agent commercial aux termes duquel cette dernière confiait à M. Baptiste la représentation des produits qu'elle distribue sur l'île de la Réunion, moyennant le paiement de commissions basées sur le chiffre d'affaires réalisé à partir du tarif fournisseur.
La société Ted Auto ayant conclu un autre contrat d'agent commercial pour la promotion des mêmes produits sur le même territoire, M. Baptiste qui avait perdu de la clientèle, a obtenu la signature d'un avenant le 1er février 2006.
Arguant de ce que cet avenant n'a pas été respecté par Ted Auto, et que les fautes contractuelles ainsi commises ont entraîné une rupture du contrat imputable à la seule société Ted Auto, M. Baptiste suivant acte d'huissier du 4 février 2011 a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Saint-Denis la société Ted Auto, en demandant au tribunal de la condamner à lui payer la somme de 177 317,01 euro au titre des rappels de commissions, outre la somme de 467 500 euro au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce. Il a réclamé en outre 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et demandé que l'exécution provisoire soit prononcée.
C'est dans ces conditions que par jugement contradictoire du 28 août 2012, le Tribunal de grande instance de Saint-Denis a :
- Débouté M. Jean Hugues Baptiste de l'ensemble de ses prétentions,
- Débouté la SARL Ted Auto de ses demandes reconventionnelles,
- Condamné M. Jean Hugues Baptiste à payer à la SARL Ted Auto la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de son avocat pour les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par déclaration enregistrée au greffe le 11 octobre 2012, M. Jean Hugues Baptiste a interjeté appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées et déposées le 11 janvier 2013, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé détaillé de ses moyens et prétentions, M. Jean Hugues Baptiste demande à la cour d'appel de :
Vu les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
Vu le contrat d'agent commercial en date du 2 février 2001 entre les parties et son avenant du 1er février 2006,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Statuant à nouveau :
Constater que la société Ted Auto a estimé que les ventes directes réalisées auprès des clients de M. Baptiste ne devaient pas lui être commissionnées.
Constater que la société Ted Auto a estimé pouvoir faire visiter la clientèle de M. Baptiste par ses propres préposés sans verser à son agent les commissions résultant des ventes correspondantes.
Constater qu'aucune clause contractuelle ne limite le droit à commissions de M. Baptiste aux seules ventes réalisées grâce à son intervention personnelle.
En conséquence :
Dire que M. Baptiste avait droit à commissions sur le chiffre d'affaires total réalisé sur l'ensemble des clients du territoire de la Réunion.
Dire la rupture du contrat d'agence imputable à la société Ted Auto.
Condamner la société Ted Auto SARL à payer à M. Jean Hugues Baptiste :
- la somme de 177 317,01 euro au titre de rappel de commissions,
- la somme de 467 500 euro au titre de l'indemnité de l'article L. 134-12 du Code de commerce,
La Débouter de toutes ses demandes.
Condamner la société Ted Auto SARL à payer à M. Jean Hugues Baptiste la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Belot Cregut Hameroux, sur ses offres de droit.
Par conclusions récapitulatives régulièrement notifiées et déposées le 11 mars 2013, auxquelles il y a lieu de se référer pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SARL Ted Auto demande à la cour, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du 17 mars 1967 de :
Débouter Monsieur Baptiste de l'ensemble de ses demandes,
Reconventionnellement,
Dire et juger que Monsieur Baptiste n'a pas exécuté loyalement son contrat d'agent,
Dire et juger que les manœuvres de Monsieur Baptiste sont constitutives de concurrence déloyale à l'encontre de Ted Auto,
En conséquence,
Condamner, Monsieur Baptiste à indemniser la société Ted Auto du préjudice subi par cette dernière du fait des manœuvres déloyales de M. Baptiste,
Avant dire droit et pour permettre l'évaluation du préjudice, faire injonction à Monsieur Baptiste de communiquer à Ted Auto la copie de son livre journal pour les années civiles 2008 et 2009.
Condamner Monsieur Baptiste au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Guillaume de Géry, Avocat, membre de la Selarl Garriges Gery Schwartz Schaepman, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande principale
Il ressort de l'avenant signé par les parties le 1er février 2006, que la société Ted Auto s'engage à verser à M. Baptiste des commissions de 7 200 euro TTC mensuel, et M. Baptiste s'engage à maintenir le chiffre fixé à 673 000 euro de ventes annuelles sur les produits commercialisés par la SARL Ted Auto, le surplus de ce chiffre d'affaires donnant lieu a une commission de 10 % sur tous les produits de la vente.
M. Baptiste estime qu'en acceptant une diminution de son taux de commission de 15 à 10 % ces commissions devaient nécessairement se calculer sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé sur le territoire de la Réunion, faute de quoi cet avenant n'aurait eu aucun intérêt pour lui dans la mesure où il conduisait à une dégradation de l'économie générale des conditions du contrat, sans aucune contrepartie pour le mandataire.
Il soutient en conséquence qu'en acceptant une diminution du taux global de ses commissions, il était en droit de percevoir lesdites commissions sur l'ensemble des produits vendus sur le territoire de la Réunion puisque la commission était due "sur tous les produits de la vente", et que son contrat initial prévoyait qu'il intervenait sur tout le territoire de la Réunion.
Cependant les premiers juges ont constaté qu'il est clairement indiqué sur les documents contractuels que M. Baptiste s'engage à maintenir le chiffre d'affaires de 673 000 euro qui constitue son propre chiffre d'affaires et non pas le chiffre global de la société Ted Auto, et que la commission de 10 % n'est due qu'en cas de dépassement de ce chiffre d'affaires.
Ils en ont exactement déduit que dès lors que l'avenant du 1er février 2006 vise le chiffre d'affaires de M. Baptiste, il se réfère nécessairement aux ventes réalisées par ce dernier et non pas à l'ensemble des ventes effectuées sur le territoire de la Réunion, ce qui reviendrait à le faire bénéficier de ventes qu'il n'a pas lui-même conclues.
C'est donc à bon droit qu'ils ont considéré que M. Baptiste n'est donc pas fondé a réclamer les commissions dues au titre de l'ensemble des ventes réalisées sur le territoire de la Réunion, alors qu'il ne bénéficie par ailleurs d'aucune exclusivité sur ce territoire, contrairement à ce qu'il a soutenu puisque si son contrat précise qu'il pourra vendre les produits sur tout le territoire de la Réunion, cela ne signifie pas qu'il est le seul à pouvoir le faire, aucune disposition du contrat ne stipulant une telle exclusivité.
Sur les demandes reconventionnelles formulées par la SARL Ted Auto
Celle-ci soutient comme en première instance que M. Baptiste, déjà condamné pour violation de la clause de non-concurrence pour avoir continué à vendre des produits de cette marque après la cessation des relations contractuelles a également agi avec déloyauté puisqu'il a détourné une majorité de sa clientèle, ce qui lui aurait causé un préjudice financier.
Toutefois la société Ted Auto ne fournit toutefois aucun élément permettant de caractériser un tel préjudice et persiste à réclamer à cet effet la communication du livre journal tenu par M. Baptiste au titre des années 2008 et 2009.
Les premiers juges ont rappelé à juste titre que c'est à la partie qui allègue une prétention d'en rapporter la preuve et que la SARL Ted Auto ne saurait renverser cette charge en demandant à M. Baptiste de lui fournir les éléments propres à établir son préjudice.
Dans ces conditions, en ajoutant qu'une mesure d'instruction ne saurait avoir pour objet de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, la société Ted Auto sera à nouveau déboutée de ses demandes reconventionnelles, les éléments de la concurrence déloyale n'étant pas établis.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
En application de l'article 696 du Code de procédure civile, l'appelant sera condamné aux dépens.
En outre il apparaît inéquitable de laisser à la SARL Ted Auto la charge des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer dans le cadre de la procédure d'appel ; il lui sera alloué la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, en matière civile, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne M. Jean Hugues Baptiste à payer à la SARL Ted Auto la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel. Condamne M. Jean Hugues Baptiste aux entiers dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.