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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 3 avril 2014, n° 13-09589

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Advance Paris (Sté)

Défendeur :

Liquidationsgesellschaft DoD GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charlon

Conseillers :

Mmes Louys, Graff-Daudret

Avocats :

Mes Vidal, Peyratout, Schutte

T. com. Paris, du 23 avr. 2013

23 avril 2013

FAITS ET PROCEDURE :

La SARL Advance Paris, qui a son siège social à Paris, crée des produits audio et hi-fi sous la marque Advance Acoustic.

La société de droit allemand Domino Design GmbH, qui a son siège à Wiesbaden (Allemagne), commercialise des équipements studio et hi-fi.

En décembre 2005, les parties se sont rapprochées et ont conclu un contrat de distribution exclusive en langue anglaise intitulé European Community Distribution Agreement. Ce contrat ne comporte aucune clause concernant la loi applicable et le tribunal compétent.

Par acte du 28 mai 2010, la société Advance Paris, invoquant des manquements par la société Domino Design à l'exécution du contrat, a notifié à cette dernière la rupture du contrat de distribution avec un préavis de un mois, prorogé au 31 décembre 2010 puis, par acte du 30 novembre 2011, l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre du manque à gagner.

La société Domino Design a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes.

Par jugement contradictoire du 23 avril 2013, le Tribunal de commerce de Paris, aux motifs que le contrat litigieux était un contrat de distribution, que son obligation caractéristique était une prestation de services puisqu'il s'agissait d'assurer la représentation et la vente des produits du fournisseur par le distributeur, que le distributeur opérait en Allemagne, que c'est dans ce pays que les services avaient ou auraient dû être fournis, en application des articles 2 et 5 al. 1-b du Règlement CE 44-2001 :

- a dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Domino Design,

- s'est déclaré incompétent et a renvoyé la société Advance Paris à mieux se pourvoir,

- a condamné la société Advance Paris à payer à la société Domino Design la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- a condamné la société Advance Paris aux dépens de l'incident.

La société Advance Paris a formé contredit le 7 mai 2013.

MOTIFS DU CONTREDIT :

Dans son contredit, repris oralement à l'audience, la société Advance Paris fait valoir:

- que c'est à tort que le premier juge a considéré que les dispositions de l'article 5 alinéa 1-b du règlement CE 44-2001 devaient s'appliquer alors que le contrat de distribution exclusive n'est pas un contrat de vente ni un contrat de prestations de services,

- que la qualification du contrat au sens du règlement 44-2001 relève de notions autonomes et suppose de déterminer l'obligation caractéristique du contrat,

- que la juridiction compétente est celle du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande, en application de l'article 5-1 a) du règlement 44-2001,

- que pour rechercher ce lieu, il convient de rechercher la loi applicable au contrat de distribution exclusive, en fonction, en l'espèce, de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat litigieux ayant été conclu en 2005, et en l'absence de choix des parties, de déterminer la loi applicable conformément à l'article 4 de ladite Convention, à savoir la loi de l'Etat avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, étant précisé que cet Etat est présumé être celui dans lequel le débiteur de la prestation caractéristique a sa résidence habituelle, ce qui, s'agissant du contrat de distribution exclusive, correspond à la loi du fournisseur, en l'espèce, la loi française,

- que la détermination, en vertu de la loi française, des obligations qui servent de base à la demande conduisent, eu égard aux manquements reprochés à la société Domino Design, à considérer que les obligations litigieuses auraient dû être exécutées en France, au siège de la société Advance Paris.

Elle demande à la cour :

- de dire recevable et bien fondé son contredit,

- d'infirmer le jugement rendu le 23 avril 2013 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé qu'il n'était pas compétent pour connaître du litige introduit par elle à l'encontre de la société Domino Design,

- de dire que le Tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de l'action engagée par elle à l'encontre de la société Domino Design,

- de condamner la société Domino Design à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

MOYENS EN DEFENSE :

Dans ses écritures du 27 février 2014, reprises oralement à l'audience, la société Liquidationsgesellschaft DoD GmbH, anciennement dénommée Domino Design GmbH, société à responsabilité limitée de droit allemand, fait valoir :

- que conformément à l'article 2 alinéa 1 du règlement 44-2001, l'action de la société Advance Paris n'aurait pas dû être introduite devant les juridictions françaises, mais devant les juridictions de l'ordre judiciaire allemand,

- que tant l'article 5-1 a) que l'article 5-1 b) désignent les juridictions allemandes,

- que l'article 5-1 b) a bien vocation à s'appliquer puisque le contrat litigieux est un contrat de fourniture de services au sens de ce texte, ce qui est conforté par les dispositions du règlement 593-2008 (dit Rome 1),

- que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il convient de souligner que l'article 5-1 a) désignerait également les juridictions allemandes puisque, aussi bien en vertu du droit allemand applicable au contrat litigieux, qu'en vertu du droit français, les prétendues obligations qui servent de base à la demande devaient être exécutées en Allemagne.

Elle demande à la cour :

- de constater que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaître des demandes de la société Advance Paris,

- de confirmer le jugement rendu le 23 avril 2013 par le Tribunal de commerce de Paris,

- de débouter la société Advance Paris de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société Advance Paris à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Sur quoi, LA COUR,

Sur la recevabilité :

Considérant que le contredit, élevé dans les conditions de forme et de délais prévues par l'article 82 du Code de procédure civile, est recevable ;

Sur la compétence :

Considérant que les parties ayant leur siège social sur le territoire d'Etats membres différents de l'Union européenne, la compétence doit être déterminée en application du Règlement (CE) du Conseil n°44-2001 du 22 décembre 2000 ;

Que celles-ci n'ayant pas convenu d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître entre elles, force est de constater que le litige relève de la matière contractuelle, au sens de l'article 5 § 1 dudit Règlement, qui dispose :

"Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre :

a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas " ;

Considérant que la règle de compétence édictée au second tiret de l'article 5 § 1 b) pour les litiges relatifs aux contrats de fourniture de services trouve à s'appliquer dans les cas où, comme en l'espèce, le demandeur établi dans un Etat membre fait valoir, à l'encontre d'un défendeur établi dans un autre Etat membre, des droits tirés d'un contrat de distribution ;

Que, le contrat ne contenant pas de stipulations le déterminant, le lieu de la fourniture principale des services de la société Domino Design telle qu'elle découle de l'exécution effective du contrat, comme du lieu où celle-ci est domiciliée, ne peut être localisé en France ;

Que c'est donc à juste titre que le Tribunal de commerce de Paris, faisant application de l'article 5 § 1 b) du Règlement CE 44-2001, s'est déclaré incompétent et a renvoyé la société Advance Paris à mieux se pourvoir ;

Que le contredit est mal fondé et sera rejeté ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare le contredit recevable, le rejette, Condamne la SARL Advance Paris à payer à la société Liquidationsgesellschaft DoD GmbH, anciennement dénommée Domino Design GmbH, société à responsabilité limitée de droit allemand, la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Advance Paris aux frais du contredit sur le fondement de l'article 88 du Code de procédure civile.