Livv
Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 12 avril 2011, n° 09-01330

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Villa Kennedy (SCI)

Défendeur :

Bourguignon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dory

Conseillers :

Mme Roubertou, M. Schamber

Avoués :

SCP Chardon, Navrez, SCP Millot-Logier, Fontaine

Avocats :

Mes Thibaut, Scherer

TGI Nancy, du 16 avr. 2009 ; TGI Nancy, …

16 avril 2009

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Siegfried Bourguignon a acquis selon acte notarié du 1er août 2006 un appartement en l'état futur d'achèvement de la SCI Villa Kennedy <adresse>.

La livraison est intervenue le 26 septembre 2007 et par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 octobre 2007, il a émis des réserves portant sur la non-conformité de la cuisine aux stipulations contractuelles.

Par acte d'huissier du 30 mai 2008, il a fait assigner la SCI Villa Kennedy devant le Tribunal de grande instance de Nancy pour la voir condamnée à l'indemniser du préjudice né du déficit de surface de l'appartement de 1,80 m2, affectant particulièrement la cuisine.

Par jugement avant dire droit du 18 décembre 2008, le tribunal a ré-ouvert les débats pour que les parties s'expliquent sur l'application de l'article R. 132-1 du Code de la consommation, c'est-à-dire sur le caractère abusif de la clause de non-garantie de contenance de l'acte de vente.

M. Bourguignon a demandé dans ses dernières écritures de déclarer abusive et donc non écrite la clause de non-garantie de contenance stipulée au contrat, de condamner la défenderesse à effectuer les travaux de réaménagement de l'appartement sous astreinte, de la condamner à lui payer la somme de 5 353 euros au titre de la réduction de surface du bien livré, celle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de valeur locative de l'appartement et la perte de plus-value qu'il pouvait escompter à la revente, celle de 3 450 euros arrêtée au 26 mai 2008 pour le manque à gagner des loyers qu'il aurait dû percevoir à compter du mois de janvier 2008, le montant des loyers non perçus échus ou à échoir à raison de 690 euros par mois jusqu'à la date de livraison de l'appartement réaménagé, celle de 788 euros au titre de la perte financière fiscale du 26 septembre 2007 au 31 décembre 2008, celle de 263 euros au titre de la perte financière fiscale mensuelle échue ou à échoir à compter du 1er janvier 2008 jusqu'à la livraison de l'appartement réaménagé, celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

La SCI Villa Kennedy a demandé de dire n'y avoir lieu à application des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation, de dire la clause opposable et de débouter M. Bourguignon de ses demandes, de le condamner à 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 16 avril 2009, le tribunal a dit que la clause de non-garantie de contenance est abusive et donc non écrite, que la SCI Villa Kennedy devra prendre en charge le coût d'aménagement et les surcoûts d'équipement de la cuisine, ordonné avant dire droit sur le réaménagement de la cuisine une mesure de consultation pour obtenir un avis sur les meilleures conditions d'aménagement de la cuisine compte tenu de la réduction de sa surface, et sur le coût des travaux nécessaires, condamné la SCI Villa Kennedy à payer à M. Bourguignon la somme de 2 497,43 euros au titre de la réduction de surface du bien, celle de 3 450 euros au titre du manque à gagner des loyers pour la période du 1er janvier 2008 au 28 mai 2008, celle de 1 800 euros au titre de l'article 700 du CPC, sursis à statuer sur l'éventuelle perte de loyers après le 28 mai 2008 dans l'attente du dépôt du rapport de consultation, condamné la SCI Villa Kennedy aux dépens, débouté les parties de leurs autres demandes.

La SCI Villa Kennedy a interjeté appel par déclaration remise au greffe le 14 mai 2009 (appel inscrit sous le n° RG 09-1330).

Le rapport de la consultation ordonnée a été déposé le 7 octobre 2009.

M. Bourguignon a demandé alors de condamner la SCI Villa Kennedy à effectuer les travaux de réaménagement de l'appartement sous astreinte, de la condamner à lui payer la somme de 11 730 euros arrêtée au 31 octobre 2009 représentant le manque à gagner des loyers qu'il aurait du percevoir à compter de juin 2008 jusqu'à octobre 2009 inclus sur la base de 690 euros par mois, une somme de 690 euros par mois correspondant aux loyers non perçus, échus ou à échoir jusqu'à la date de livraison de l'appartement réaménagé travaux effectués, une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La SCI Villa Kennedy a fait valoir l'exception de litispendance compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel et l'incompétence du tribunal pour statuer, et réclamé paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 4 février 2010, le tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître de l'exception de litispendance qui aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état, déclaré les demandes de M. Bourguignon recevables, condamné la SCI Villa Kennedy à effectuer les travaux de réaménagement de l'appartement et particulièrement de la cuisine tels que préconisé par le consultant, dans les deux mois de la signification du jugement, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, à payer à M. Bourguignon la somme de 16 560 euros au titre de la perte de loyers complémentaire, celle de 1 200 euros au titre de l'article 700 du CPC, débouté la SCI Villa Kennedy de sa demande au titre des frais irrépétibles, condamné l'intéressée aux dépens.

La SCI Villa Kennedy a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 22 février 2010. (appel inscrit sous le n° RG 10-517).

La SCI Villa Kennedy a demandé dans l'affaire 09-1330, par dernières conclusions déposées le 13 janvier 2011 d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau,

- de dire qu'au contrat de réservation la superficie de l'appartement pouvait n'être indiquée que de façon approximative, comme édicté par l'article R. 261-25 du Code de la construction,

- de dire que la clause de tolérance figurant au contrat de vente ne s'assimile pas à une clause abusive puisqu'elle porte sur l'objet principal du contrat suivant les termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation,

- de dire en conséquence, en application de l'article 1134 du Code civil, que la clause de tolérance s'impose aux parties en ce qu'elle interdit de se prévaloir d'une erreur de superficie inférieure à 5 % en plus ou en moins, la superficie s'appréciant globalement et non pièce par pièce,

- de dire que le prétendu déficit de surface dont se plaint M. Bourguignon relativement à la cuisine ne dépasse pas compte tenu de la clause de tolérance les prévisions du contrat, et qu'il lui appartient de s'en accommoder sans pouvoir se prévaloir d'un défaut de conformité,

- de dire que M. Bourguignon qui a agi dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ne peut en même temps exercer une action en responsabilité pour vice de construction fondée sur l'article 1792 du Code civil, dont le délai n'a pas commencé à courir, les deux actions s'excluant l'une l'autre,

- de dire que son action fondée sur l'article 1792 du Code civil est irrecevable,

- de dire qu'elle est également irrecevable comme nouvelle en appel au sens de l'article 564 du CPC,

- en conséquence, de débouter M. Bourguignon de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par son avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Elle précise que s'il doit être tenu compte d'une diminution de superficie convenue, ce ne peut être que par rapport à la superficie de 51,63 m2 figurant dans l'acte de vente et non par rapport à celle prévue par le contrat de réservation qui n'est qu'approximative comme le prévoit l'article R. 261-25 du Code de la construction et de l'habitation, que dès lors le défaut de superficie n'est pas de 1,80 m2, mais de 0,96 m2, ce qu'ont admis les premiers juges qui ont cependant commis une erreur dans le calcul de la réfaction du prix, qui selon le prix de l'appartement de 145 000 euros est de 2 321,32 euros et non de 2 497,43 euros.

Elle s'oppose cependant à la prise en considération du défaut de superficie de 0,96 m2 sur 51,63 m2 compte tenu de la clause de tolérance incluse dans l'acte de vente de 5 % en plus ou en moins, qui n'est pas abusive puisqu'elle n'entraîne pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, qu'il n'y a pas de préjudice puisque la clause implique dans la définition même de la prestation promise une tolérance raisonnable, que la prestation correspond à ce que M. Bourguignon escomptait, que l'article L. 132-1 du Code de la consommation précise que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix.

Elle en conclut que la clause litigieuse n'étant pas abusive, M. Bourguignon doit être débouté de ses demandes.

Elle rappelle que la surface s'apprécie globalement et non pièce par pièce, conteste que M. Bourguignon éprouve un préjudice particulier du fait de la diminution de surface de la cuisine qui ne devient pas inutilisable, seul son agencement devant être modifié.

Elle s'oppose à la mise en œuvre de la garantie décennale alors que M. Bourguignon a dénoncé le défaut de surface dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et qu'il n'y a pas atteinte à la destination de l'appartement. Elle soutient que l'action fondée sur la garantie décennale est irrecevable parce que le délai pour l'exercer n'a pas commencé à courir et que cette action ne peut se cumuler avec l'action en garantie de parfait achèvement, que l'action est nouvelle en appel.

M. Bourguignon a demandé par dernières conclusions déposées le 22 février 2011 :

- de débouter la SCI Villa Kennedy de son appel mal fondé,

- de l'accueillir en son appel incident, et vu les articles 1607, 1147, 1792, 1792-6, 1792-5 du Code civil, et L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation,

- de confirmer le jugement dans la mesure utile, au besoin par substitution de motifs,

- de débouter la SCI de toutes ses demandes,

- de réformer le jugement sur le préjudice et de dire que la réparation intégrale est due par application des garanties légales,

- de condamner la SCI à réparer son entier dommage : de la condamner à lui payer la somme de 5 352 euros au titre de la réduction de surface, celle de 10 000 euros au titre de la réduction de valeur locative et de la décote du bien en cas de revente, les pertes de loyers complémentaires à celles indemnisées par le tribunal, à hauteur de 690 euros par mois jusqu'à la date de délivrance d'un appartement réaménagé, celle de 788 euros pour la perte fiscale entre le 26 septembre 2007 et le 31 décembre 2008, la perte fiscale à échoir entre le 1er janvier 2008 et la livraison de l'appartement réaménagé,

- de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens d'appel, dont distraction au profit de son avoué.

Il fait valoir que la cuisine n'est pas conforme aux plans précisant son aménagement, que la surface habitable est inférieure de 1,80 m2 à celle promise et que cette différence de surface concerne principalement la cuisine, ce qui implique une organisation différente de la pièce qui conduit à supprimer le lave-vaisselle ou à condamner l'ouverture de la fenêtre. Il se plaint de ne pas bénéficier d'une prestation de qualité promise.

Il se prévaut de l'application des articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du Code de la consommation dès lors que la clause de tolérance réserve à la SCI Villa Kennedy la possibilité de modifier la superficie de l'immeuble et le prive du droit de solliciter réparation, considère que ce qui importe ce n'est pas tant le défaut de surface, mais son résultat pratique au niveau de l'usage de la cuisine.

Il précise à ce propos qu'il a entendu acquérir un appartement de standing et qu'il est légitime qu'il souhaite être mis en possession d'une cuisine pouvant être aménagée normalement avec les équipements habituels.

Il invoque ensuite l'application de l'article 1792 du Code civil dès lors que le vice rend la cuisine impropre à son usage, et subsidiairement celle de l'article 1792-6. Il soutient que la clause de tolérance est nulle parce qu'elle est de nature à contredire le mécanisme de l'article 1792 qui ne peut faire l'objet d'une exonération contractuelle.

Il demande encore de retenir que la clause est réputée non écrite en application de l'article 1792-5 du Code civil.

Il conteste que sa demande sur le terrain du droit de la construction soit nouvelle, indique qu'il s'agit d'un changement de moyens, que l'objectif poursuivi reste le même, c'est à dire obtenir la prise en charge par le vendeur des défauts du bien.

Il demande sur le préjudice, de prendre en compte une différence de surface de 1,80 m2 et non seulement de 0,84 m2 et de retenir une réfaction du prix de 5 352 euros.

Il fait valoir une perte de valeur locative et une décote de la plus-value qu'il pouvait légitimement escompter à la revente, liées au fait que la cuisine ne peut être aménagée comme prévu, qu'elle n'est que partiellement exploitable, qu'il estime à 10 000 euros.

Il indique qu'il avait conclu un bail à effet au 2 janvier 2008, mais que celui-ci n'a pu être mis en œuvre, qu'il est fondé à solliciter une perte de loyers à compter de janvier 2008.

Il fait valoir une perte d'avantage fiscal due au retard pris dans la location du bien.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2011.

La SCI Villa Kennedy a demandé dans l'affaire 10-517, par dernières conclusions déposées le 13 janvier 2011, d'infirmer le jugement, de débouter M. Bourguignon de ses demandes, subsidiairement, si la cour estime que M. Bourguignon est en droit d'invoquer la non-conformité de l'appartement, de la cuisine livrée, de déclarer suffisante son offre de payer à M. Bourguignon la somme de 1 255, 80 euros correspondant aux travaux décrits par le consultant, de condamner M. Bourguignon à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par son avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Elle indique que le consultant a suggéré une modification de l'agencement de la cuisine, avec déplacement du chauffe-eau dans le placard comme initialement prévu, permettant la mise en place des appareils électroménagers souhaités par M. Bourguignon, et que celui-ci a accepté sa proposition qui entraîne un coût de 1 255, 80 euros.

Elle reproche à M. Bourguignon de ne pas avoir modifié lui-même cet agencement, tant avant qu'après la mesure de consultation, pour limiter son préjudice.

M. Bourguignon a demandé par dernières conclusions déposées le 16 novembre 2010, de débouter la SCI Villa Kennedy de son appel mal fondé, vu les articles 1604 et suivants et 1147 du Code civil, et les articles L. 132-1 et R. 132-1 et suivants du Code de la consommation, de confirmer le jugement dans la mesure utile, de débouter la SCI Villa Kennedy de ses demandes, notamment de sursis à statuer, de liquider son préjudice, de lui accorder un complément de loyers de 16 560 euros pour la période courant du 24 mai 2008 au 24 mai 2010, et de 4 830 euros pour la période courant du 24 mai 2010 au 1er janvier 2011, et le paiement du montant des loyers futurs de 690 euros par mois jusqu'à la livraison de l'appartement réaménagé, de condamner la SCI Villa Kennedy à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens d'appel, dont distraction au profit de son avoué.

Il indique que l'aménagement envisagé par le consultant implique certains travaux et une perte de volume de rangement, qu'il adhère à cette solution, relève qu'en qualité de profane il n'était pas aisé pour lui de suggérer la solution prévue par le consultant que la SCI aurait en revanche dû proposer.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2011.

SUR CE :

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la jonction des procédures 09-1330 et 10-517 dès lors qu'il existe entre elles un lien tel qu'il est d'une bonne justice de les juger ensemble ;

Attendu qu'en matière de vente d'immeubles à construire le contrat préliminaire doit contenir certaines mentions obligatoires pour l'information de l'acquéreur parmi lesquelles figure la surface approximative de l'immeuble et le nombre de pièces principales et de service (article R. 261-25 du CCH) ; que la surface n'est ainsi pas définitivement fixée ; que le contrat de vente détermine en revanche la surface du bien ;

Attendu qu'en l'espèce le contrat de réservation du 27 octobre 2005 a mentionné une surface approximative de 52,47 m2 ; que le contrat de vente du 1er août 2006 précise que l'appartement est d'une superficie de 51,63 m2, que le projet d'acte a été notifié à l'acquéreur avec le plan côté des biens vendus et une notice indiquant leurs éléments d'équipements propres, et que celui-ci a été mis en demeure de consulter les pièces déposées au rang des minutes du notaire, qu'il a été informé disposer d'un délai d'un mois à compter de la notification du projet pour signer l'acte authentique de vente, et qu'il a déclaré vouloir signer ce jour la vente, que l'acte de vente annule et remplace tous les actes antérieurs et en conséquence définit seul les droits et obligations des parties (page 9) ; que M. Bourguignon a donc accepté la surface de 51,63 m2, après avoir pu vérifier qu'elle était inférieure à la surface approximative du contrat de réservation, et que c'est celle-ci qui a valeur contractuelle ;

Attendu que le contrat de vente précise que pour l'exécution des travaux restant à faire le vendeur s'oblige à se conformer aux plans, coupes, élévations et à la notice descriptive ; qu'une tolérance sera admise dans l'exécution des travaux par rapport aux cotes des plans, qui sera de 5 % en plus ou en moins et que dans cette limite aucune réclamation ne sera prise en considération, étant entendu que ces surfaces seront appréciées globalement et non pièce par pièce ;

Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment de la conclusion du contrat de vente, précise que dans les contrats conclus entre les professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que des décrets en Conseil d'Etat peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa ; que les clauses abusives sont réputées non écrites ; que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou service offert ;

Que l'article R. 132-1 du même Code, dans sa version applicable au contrat (issue du décret du 27 mars 1997), énonce que dans les contrats de vente conclus entre des professionnels, d'une part, et des non-professionnels ou consommateurs, d'autre part, est interdite comme abusive au sens de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1 la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; que l'article R. 132-2 (dans sa version issue du même décret), édicte que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, est interdite la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre ; que toutefois il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution technique, à condition qu'il n'en résulte ni augmentation des prix ni altération de qualité et que la clause réserve au non-professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement ;

Attendu que la SCI Villa Kennedy ne conteste pas sa qualité de professionnelle, la possibilité d'appliquer au litige le Code de la consommation ;

Attendu qu'en l'espèce la définition de l'objet principal du contrat est la vente en l'état futur d'achèvement d'un appartement comprenant une entrée, placard, dégagement, un salon-séjour, une cuisine, une chambre, WC et salle de bains d'une superficie de 51,63 m2, une terrasse de 17,15 m2, le tout d'une superficie de 68,78 m2 ;

Que la clause de tolérance incluse page 13 de l'acte de vente dans un paragraphe portant sur les conditions d'exécution des travaux, ne participe pas de la définition de l'objet principal du contrat, qu'elle autorise une modification de la contenance du bien vendu ; que son caractère abusif peut donc être recherché ; que le fait qu'elle puisse aussi bénéficier à l'acquéreur ne supprime pas la possibilité qu'elle soit abusive, dès lors que l'erreur de contenance relève du seul pouvoir du vendeur-constructeur ;

Attendu que le contrat comportant les plans d'exécution, a arrêté les caractéristiques de l'appartement, sa superficie globale et la superficie de chaque pièce, l'agencement de la cuisine ; qu'en contrepartie des prestations promises, M. Bourguignon a donné son accord à l'achat pour un certain prix ;

Attendu cependant que la clause de tolérance de 5 % en plus ou en moins, pouvant affecter une seule pièce de l'appartement, permet au vendeur de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer, qu'une modification des cotes des plans n'entraîne en effet pas seulement une diminution de surface, mais peut aussi avoir une incidence sur la distribution des pièces, leur configuration, leur destination et leur usage, et ce, sans que la diminution de surface de l'appartement puisse être justifiée par la clause de l'acte de vente sur les caractéristiques techniques du bâtiment (page 12) ; qu'elle autorise en outre le vendeur-constructeur à livrer un bien d'une surface inférieure à la surface déterminée, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer compte tenu de sa formulation, sans indemnisation ; que cette situation correspond à celles visées par les articles R. 132-2 et R. 132-1 du Code de la consommation ;

Attendu que la clause est en conséquence abusive, et qu'elle est réputée non écrite ;

Attendu en tout état de cause, que M. Bourguignon recherche la responsabilité de la SCI Villa Kennedy pour non-conformité de l'appartement vendu aux stipulations contractuelles, après avoir émis des réserves sur la cuisine par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 octobre 2007, le procès-verbal de livraison ayant été établi le 26 septembre 2007 ; qu'il ressort des courriers échangés avec la SCI que la possibilité d'aménagement de la cuisine s'est révélée non conforme à ce qui était prévu par le plan de cette pièce sur lequel figure l'emplacement de l'évier, du cumulus, des appareils électroménagers, compte tenu notamment d'un problème de conception portant sur le positionnement de la gaine ascenseur (courriers de la SCI du 26 novembre 2007 et du 17 janvier 2008), ce qui a modifié le tracé des parois de la cuisine et l'emplacement du cumulus (courrier de M. Bourguignon du 8 octobre 2007), et que la SCI a ainsi proposé un réaménagement de la cuisine en prenant sur la surface du séjour (courrier du 26 février 2008) ;

Que cette non-conformité engage la responsabilité contractuelle de la SCI Villa Kennedy indépendamment de la valeur à donner à la clause de contenance ;

Attendu que selon relevé de surfaces de M. Beudin, architecte, du 2 avril 2008, la surface de l'appartement de M. Bourguignon est de 50,67 m2, de sorte qu'elle présente un déficit de 0,96 m2 par rapport à la surface convenue de 51,63 m2 ;

Attendu que le caractère non écrit de la clause de tolérance permet d'indemniser la réduction de surface de l'appartement à hauteur de 2 696,10 euros (145 000 euros : 51,63 m2 x 0,96 m2) ;

Attendu que M. Bourguignon justifie qu'il avait conclu un contrat de location prenant effet au 2 janvier 1998, moyennant paiement d'un loyer de 650 euros et d'une provision pour charges de 40 euros par mois, mais que ce contrat n'a pu être mis en œuvre compte tenu de la difficulté relative à l'aménagement de la cuisine ;

Attendu qu'il peut être retenu qu'il a ainsi perdu un gain de 650 euros par mois, et supporté une dépense qui aurait incombé au locataire au titre des charges, de 40 euros par mois, somme qui compte tenu de son caractère modéré peut être prise en compte au titre des charges locatives et non pas seulement au titre d'une provision sur charges ;

Attendu que de janvier 2008 à mai 2008, M. Bourguignon a subi un préjudice à ce titre de 3 450 euros comme l'a retenu le jugement du 16 avril 2009 ;

Attendu qu'il n'est pas établi que l'aménagement de la cuisine entraîne une diminution de la valeur locative de l'appartement et une décote de plus-value si M. Bourguignon veut revendre son bien ; que la demande de dommages et intérêts à ce titre doit donc être rejetée, et le jugement du 16 avril 2009 confirmé sur ce point ;

Attendu que M. Bourguignon produit un courrier de la société d'expertise comptable Fidunion du 8 juillet 2008 qui précise que la perte d'avantage fiscal au titre de la loi Robien est de 263 euros par mois ; que ce calcul n'est pas contesté par la SCI Villa Kennedy ; qu'il convient en conséquence de la condamner à payer au titre de la perte de l'avantage fiscal la somme de 10.520 euros pour la période courue du 1er janvier 2008, date à laquelle l'appartement aurait dû être loué, à la date de cet arrêt (40 mois) ;

Qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une perte future ; qu'il appartiendra à M. Bourguignon de solliciter son indemnisation quand elle sera constituée ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement du 16 avril 2009 en ce qu'il a ordonné avant dire droit sur le réaménagement de la cuisine une mesure de consultation, nécessaire à la résolution du litige ;

Attendu qu'il ressort du rapport de cette mesure du 30 septembre 2009, que M. Bourguignon n'a pu disposer trois appareils électroménagers de dimensions 60 cm-60 cm comme prévu sur le plan de vente, compte tenu de la pose du chauffe-eau électrique à la place de l'un de ces appareils, qui aurait dû être installé dans un placard ; que cela a eu pour conséquence de devoir déplacer un appareil le long du mur ou de disposer un appareil en extrémité de l'évier en empiétant sur le séjour ; que l'expert a cependant estimé possible d'installer le chauffe-eau dans le placard malgré sa profondeur largement inférieure à celle normalement requise, cette solution entraînant toutefois la diminution de moitié de l'espace de rangement du placard, une intervention sur l'isolation phonique de la gaine d'ascenseur, le passage des tubes d'alimentation en eau et d'alimentation électrique dans une gaine, et la démolition du placard construit pour abriter le chauffe-eau ; qu'il a évalué le coût des travaux à 1 050 euros HT, soit à 1 255,80 euros TTC, (TVA à 19,6 %) ;

Attendu que M. Bourguignon a accepté la solution proposée par l'expert ;

Attendu que la SCI Villa Kennedy ne peut lui reprocher de n'avoir pas trouvé seul la solution proposée, alors que c'est elle qui a fait construire l'immeuble et qu'elle a modifié les prévisions contractuelles concernant la cuisine et a engagé sa responsabilité contractuelle, et qu'elle n'a pas elle-même eu l'idée de modifier l'emplacement du cumulus alors qu'elle avait tout loisir de demander conseil au maître d'œuvre et aux entreprises chargés de la réalisation des travaux de construction ;

Qu'elle ne peut davantage lui reprocher de ne pas avoir adhéré à sa proposition du 26 février 2008 qui conduisait à une réduction de la surface du séjour ;

Attendu que l'acquéreur dans une vente en l'état futur d'achèvement d'un bien immobilier peut exiger la réparation en nature de la non-conformité ; que la SCI Villa Kennedy ne peut donc reprocher à M. Bourguignon de ne pas avoir lui-même fait réaliser les travaux préconisés par l'expert pour limiter son préjudice ; qu'il ne lui appartenait pas d'ailleurs d'avancer le coût des travaux ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement du 4 février 2010 en ce qu'il a condamné la SCI à effectuer les travaux, dès lors que la mise en œuvre de cette solution apparaît préférable à M. Bourguignon, et ce sous astreinte ; qu'il convient cependant de rappeler que l'exécution de travaux sur des parties communes nécessite l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires, et qu'il y a lieu ainsi de ne faire courir l'astreinte qu'après l'obtention de cette autorisation ;

Attendu que la non réalisation des travaux de reprise, qu'il aurait été plus aisé de mettre en œuvre avant l'achèvement de l'immeuble, tant que la SCI avait la qualité de maître d'ouvrage, a majoré le préjudice de M. Bourguignon au titre des loyers et charges ; que la perte à ce titre doit être fixée à 16 560 euros pour la période courant de juin 2008 à mai 2010 inclus comme l'a retenu le jugement du 4 février 2010 ; qu'il n'y a pas lieu cependant de limiter la perte à cette somme ; que M. Bourguignon a encore subi une perte complémentaire pendant 11 mois jusqu'à la date de cette décision, de 7 590 euros, qu'il convient d'indemniser ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une perte de loyers future ; qu'il appartiendra à M. Bourguignon de solliciter son indemnisation quand elle sera constituée ;

Attendu que l'issue du litige conduit à débouter la SCI Villa Kennedy de sa demande au titre des frais irrépétibles, et à accorder à M. Bourguignon les sommes fixées par les jugements déférés au titre des frais irrépétibles de première instance, et une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe : Ordonne la jonction des procédures 09-1330 et 10-517 ; Sur l'appel du jugement du Tribunal de grande instance de Nancy du 16 avril 2009 : Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la clause de non-garantie de contenance stipulée au contrat de vente est abusive et réputée non écrite, avant dire droit sur le réaménagement de la cuisine ordonné une expertise, condamné la SCI Villa Kennedy à payer à M Siegfried Bourguignon la somme de 3 450 euros au titre de la perte de loyers du 1er janvier 2008 au 28 mai 2008, débouté M. Bourguignon de sa demande au titre d'une diminution de la valeur locative de l'appartement et d'une décote de plus-value en cas de revente, sursis à statuer sur la perte de loyers après le 28 mai 2008 dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, condamné la SCI Villa Kennedy à payer à M. Bourguignon une somme de mille huit cents euros (1 800 euros) au titre des frais irrépétibles, débouté la SCI Villa Kennedy de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la SCI Villa Kennedy aux dépens ; L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau : Condamne la SCI Villa Kennedy à payer à M. Bourguignon la somme de deux mille six cent quatre-vingt seize euros et dix centimes (2 696,10 euros) au titre de la réduction de surface de l'appartement, avec intérêts au taux légal à compter de cette décision ; Condamne la SCI Villa Kennedy à payer à M. Bourguignon au titre de la perte de l'avantage fiscal la somme de dix mille cinq cent vingt euros (10 520 euros) pour la période courue du 1er janvier 2008 à la date de cet arrêt, avec intérêts au taux légal à compter de cette décision ; Dit qu'il appartiendra à M. Bourguignon de solliciter l'indemnisation de son préjudice pour une perte future quand elle sera constituée ; Sur l'appel du jugement du Tribunal de grande instance de Nancy du du 4 février 2010 : Confirme le jugement sauf en ce qu'il a limité à seize mille cinq cent soixante euros (16 560 euros) la condamnation de la SCI Villa Kennedy au titre des loyers, et a assorti la condamnation de la SCI Villa Kennedy à effectuer les travaux de réaménagement de la cuisine de l'appartement de M. Bourguignon, tels que préconisés par le consultant M. Causin, d'une astreinte de soixante-quinze euros (75 euros) par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement ; Et statuant à nouveau de ce chef : Condamne la SCI Villa Kennedy à payer en sus à M. Bourguignon, la somme de sept mille cinq cent quatre-vingt dix euros (7 590 euros) au titre de la perte afférente aux loyers et charges pour la période courant de juin 2010 à la date de cet arrêt, avec intérêts au taux légal à compter de cette décision ; Dit qu'il appartiendra à M. Bourguignon de solliciter l'indemnisation d'une perte de loyers future quand elle sera constituée ; Condamne la SCI Villa Kennedy à effectuer les travaux sous peine d'astreinte provisoire de soixante-quinze euros (75 euros) par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification qui lui sera faite par M. Bourguignon de l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires d'effectuer les travaux préconisés par la mesure de consultation ; Déboute la SCI Villa Kennedy de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ; Condamne la SCI Villa Kennedy à payer à M. Bourguignon la somme de Deux Mille Cinq Cents Euros (2 500 euros) au titre des frais irrépétibles d'appel ; Condamne la SCI Villa Kennedy aux dépens d'appel, l'avoué constitué pour M. Bourguignon étant autorisé à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.