CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 20 décembre 2013, n° 12-15096
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Imfra Immobilière de France (SAS)
Défendeur :
Dauchez Services (SAS), Dauchez Administrateurs de Biens (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vidal
Conseillers :
Mmes Martini, Richard
Avocats :
Mes Herman, Logeais, Pigot
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société Imfra (Immobilière de France) est propriétaire d'un immeuble sis 17 avenue Matignon à Paris 8e qu'elle a donné en gestion à la société Progestim et ce contrat a été transféré à partir de 1999, à la faveur de diverses cessions, à la société Dauchez Administrateurs de Biens laquelle a externalisé, à partir de janvier 2003, l'activité d'entretien et de gardiennage des immeubles à la société Dauchez Service. Un nouveau contrat de gestion a été signé entre les parties le 11 juin 2003, contrat qui a ensuite été renouvelé jusqu'à ce que la société Imfra décide de ne pas le reconduire à effet du 30 juin 2006. Un litige est alors né sur la facturation par la société Dauchez Administrateurs de Biens et par la société Dauchez Services de certains frais que la société Imfra a refusé de payer.
Suivant acte d'huissier en date du 15 décembre 2010, la société Dauchez Administrateurs de Biens et la société Dauchez Services ont fait assigner la société Imfra devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir sa condamnation à leur verser :
A la société Dauchez Administrateurs de Biens la somme de 69 474,48 euro correspondant à des frais de personnel engagés sur les second et troisième trimestres 2006, notamment des frais de licenciement,
A la société Dauchez Services la somme de 46 759,30 euro correspondant aux pertes essuyées à l'occasion de sa gestion non fautive, sur le fondement des articles 1999 et 2000 du Code civil, en raison des condamnations subies à la suite de la rupture des contrats de travail de ses salariés,
A la société Dauchez Administrateurs de Biens une somme de 100 000 euro à titre d'indemnisation de la rupture brutale du contrat de gestion.
Par jugement en date du 28 juin 2012, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Imfra à payer :
à la société Dauchez Administrateurs de Biens la somme de 69 474,48 euro en retenant que, si le nouveau mandat conclu en 2003 était taisant sur la prise en charge par le mandant des salaires et indemnités de licenciement versés par le mandataire aux salariés chargés de la gestion de l'immeuble, contrairement au mandat d'origine conclu avec la société Progestim, on ne pouvait imaginer qu'il avait modifié les engagements pris précédemment et que la société Imfra ne pouvait invoquer l'erreur pour avoir payé ensuite plus de douze factures de salaires et charges,
à la société Dauchez Services celle de 23 379,65 euro, en considérant que les deux parties portaient une part de responsabilité dans les conséquences de la fin du mandat sur le personnel travaillant dans l'immeuble de la société Imfra ayant donné lieu au dédommagement de deux des cinq salariés et condamnant en conséquence la société Imfra à verser à la société Dauchez Services la moitié des sommes destinées à dédommager ces salariés,
à la société Dauchez Administrateurs de Biens et à la société Dauchez Services une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
et ce avec exécution provisoire.
Il a par contre débouté la société Dauchez Administrateurs de Biens de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale, considérant qu'il n'y avait pas eu de rupture brutale et que les conséquences dommageables alléguées tenaient pour l'essentiel aux difficultés rencontrées pour la reprise du personnel, déjà indemnisées par les condamnations précédentes.
La société Imfra a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 7 août 2012.
La société Imfra, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 4 octobre 2013, demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Dauchez Administrateurs de Biens de sa demande à hauteur de 100 000 euro au titre de l'article L. 442-6 I du Code de commerce,
l'infirmer en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à la société Dauchez Administrateurs de Biens la somme de 69 474,48 euro et à la société Dauchez Services celle de 23 379,65 euro, ainsi qu'une somme de 3 000 euro,
statuant à nouveau, constater que les demandes de la société Dauchez Administrateurs de Biens et de la société Dauchez Services à son encontre sont infondées, les débouter et les condamner à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire et à lui verser une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir, pour l'essentiel, les explications suivantes :
concernant la demande de la société Dauchez Services : la demande en paiement de cette société, mandataire substitué, ne correspond pas à des frais et dépenses qui relèvent de l'exécution des missions qui lui ont été confiées mais à des pertes exposées par cette société pour son propre compte et dans le cadre de sa propre gestion ; par ailleurs, elle tend à faire supporter à la société Imfra les conséquences d'une faute, en l'occurrence une violation manifeste de la réglementation sociale à l'égard de deux salariés, la perte d'un marché de services au profit d'un concurrent ne relevant pas de l'article L. 1224-1 (ancien article L. 122-12) du Code du travail et les contrats de travail n'ayant donc pas été transférés à la société Altys Gestion, nouveau gestionnaire qui n'assure pas les missions d'entretien et de gardiennage, désormais confiées à la société Alarme de France - Télésurveillance ; la société Imfra, appelée en intervention forcée par la société Dauchez Services dans l'instance prud'homale a d'ailleurs été mise hors de cause ;
concernant la demande de la société Dauchez Administrateurs de Biens : cette société est irrecevable et mal fondée à demander le paiement d'indemnités de licenciement alors que, depuis la lettre de mission du 14 janvier 2003, elle a externalisé son activité d'entretien et de gardiennage à la société Dauchez Services et que les indemnités ont été versées par sa filiale et alors qu'aucun motif économique réel et sérieux n'a été invoqué dans les lettres de licenciement et qu'aucun licenciement économique n'aurait dû avoir lieu ; pour cette même raison, la demande en paiement des indemnités de préavis et de congés payés sur préavis est infondée, comme celle en paiement de salaires et accessoires au titre du 3e trimestre 2006 alors que le contrat a pris fin au 30 juin 2006 ; au surplus, le nouveau mandat de gestion en date du 11 juin 2003 a remplacé tous les mandats antérieurs et il n'y est plus mentionné que le gestionnaire emploie des salariés affectés à l'entretien et au gardiennage de l'immeuble puisque depuis le 14 janvier, ces tâches avaient été effectivement externalisées à la société Dauchez Services ; c'est donc à tort que le tribunal de commerce a considéré que la société Imfra restait tenue de la prise en charge des frais de personnel conformément au mandat précédent, les seuls frais que la société Dauchez Administrateurs de Biens aurait pu réclamer étant le coût, à l'euro, des prestations d'entretien et de gardiennage facturés par la société Dauchez Services ;
concernant l'appel incident des intimées : la société Dauchez Administrateurs de Biens ne peut invoquer une rupture brutale du mandat, alors que le mandat signé le 11 juin 2003, contrairement au mandat précédent, avait été conclu pour une durée d'un an sans tacite reconduction, de sorte que cette société avait admis que les relations puissent cesser le 31 décembre 2003 et que ce contrat a été prorogé sur la base de deux avenants dont le dernier prévoyait une ultime prorogation pour une durée de six mois expirant de manière irrévocable le 30 juin 2006, ce qui constitue au demeurant un préavis suffisant ; au surplus, la demanderesse ne peut réclamer une somme de 100 000 euro correspondant à un an de chiffre d'affaires, alors que le préjudice admis par la cour de cassation en cas de rupture brutale ne peut être calculé que sur la marge bute escomptée durant la période de préavis non respectée et qu'elle a déjà bénéficié d'un préavis de six mois.
La société Dauchez Administrateurs de Biens et la société Dauchez Services, en l'état de leurs dernières écritures signifiées le 1er octobre 2013, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Imfra à verser à la société Dauchez Administrateurs de Biens la somme de 69.474,48 euro en remboursement de la facture n° 2066-05-189, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2007 et ordonné la capitalisation de ces intérêts, mais à sa réformation pour le surplus, et demandent à la cour de :
condamner la société Imfra à verser à la société Dauchez Services la somme de 46 759,30 euro en remboursement des frais et pertes essuyés, au visa des articles 1994, 1999 et 2000 du Code civil,
condamner la société Imfra à payer à la société Dauchez Administrateurs de Biens la somme de 100 000 euro en indemnisation de la rupture brutale de la relation commerciale établie, en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
la condamner à leur payer une somme de 5 000 euro à chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elles font valoir les éléments suivants à l'appui de leurs demandes :
sur la créance de la société Dauchez Administrateurs de Biens : il n'existe aucune ambiguïté, y compris après la signature du mandat de 2003, sur la volonté des parties que la société Dauchez Administrateurs de Biens prenne en charge, pour le compte de la société Imfra, les charges de personnel afférentes à son immeuble et les refacture au franc le franc puis à l'euro à la société Imfra, qu'il s'agisse des salaires et charges mais également des indemnités dues en application du Code du travail ; la société Imfra ne s'est d'ailleurs jamais opposée au paiement de la refacturation des salaires et charges, y compris l'indemnité de départ à la retraite d'un employé en 2004, et a réglé sans contestation la facture relative aux salaires du 2e trimestre, étant précisé que les dépenses et recettes de l'immeuble étaient toutes contrôlées, notamment les prestations de personnel refacturées à l'euro, sans aucune marge, de sorte que la société Imfra ne peut invoquer l'erreur ou la méconnaissance des sommes dues ; la somme de 28 329,28 euro correspond aux indemnités de licenciement dues aux salariés que le licenciement soit régulier ou non et les sommes réclamées au titre du 3e trimestre 2006 correspondent aux préavis, 13e mois et accessoires ; les sommes réclamées sont dues tout autant sur le fondement de l'article 1134 du Code civil que sur celui des articles 1999 et 2000 du Code civil ;
sur la créance de la société Dauchez Services : le mandataire substitué jouit d'une action personnelle et directe contre le mandant pour obtenir le remboursement de ses avances et frais, y compris les pertes essuyées à l'occasion de la gestion ; cette société n'a commis aucune faute, la rupture des contrats de travail des salariés venant de ce que le successeur désigné par la société Imfra a refusé de reprendre les contrats de travail, qu'elle était confrontée à des difficultés juridiques et à la brutalité de la fin de mission, connue formellement seulement le 7 juin 2006, l'ayant obligée à mettre un terme précipité aux contrats de travail des salariés, de sorte que, même si les licenciements ne sont pas conformes au droit applicable, ils ne résultent pas d'une faute commise par le mandataire substitué ; compte tenu des délais légaux et conventionnels de mise en œuvre d'une restructuration éventuelle, la société Dauchez Services ne pouvait préparer les conséquences d'une fin du contrat de gestion qui s'est renouvelé par trois fois ;
sur l'indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales : l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce a vocation à s'appliquer dès lors que la relation commerciale entre les parties était établie, c'est-à-dire régulière, significative et stable, puisqu'elle perdurait depuis 1982, et que la société Imfra a adressé un simple courrier le 7 juin 2006, soit moins d'un mois avant l'expiration du contrat ; l'acceptation de trois renouvellements successifs ne peut permettre de retenir que la société Dauchez Administrateurs de Biens savait que le contrat ne serait pas renouvelé à l'échéance ; en l'espèce, le préavis aurait dû être d'un an ; sur douze mois, le chiffre d'affaires aurait été de 100 000 euro TTC, ce qui représente la perte réelle subie par la société Dauchez Administrateurs de Biens dès lors que les charges qu'elle supporte sont restées constantes.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 octobre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
Considérant que, suivant contrat en date du 11 mai 1982, la société Imfra, propriétaire d'un immeuble de bureaux situé au 17 avenue Matignon, Paris 8e, a donné à la société Progestim un mandat de gestion sur son immeuble, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction ; qu'il y était prévu que Progestim emploierait le personnel nécessaire pour assurer l'entretien et la maintenance de l'immeuble, moyennant refacturation au propriétaire des salaires et charges sociales augmentés de la TVA ; qu'il était également indiqué que si la société Imfra décidait de ne pas renouveler le contrat, elle devrait rembourser à Progestim le montant des indemnités de licenciement versées au personnel affecté à l'immeuble, sauf le cas où ce personnel serait repris par le propriétaire ou par le nouveau gestionnaire ;
Que le mandat de gestion a, par l'effet de diverses fusions ou cessions, été assuré par la société Dauchez Administrateurs de Biens à partir de 1999 ;
Que l'activité d'entretien et de gardiennage a été transférée par la société Dauchez Administrateurs de Biens à sa filiale, la société Dauchez Services, à effet du 1er janvier 2003 et que les contrats de travail du personnel employé dans l'immeuble de la société Imfra ont été transférés à la société Dauchez Services ;
Qu'un nouveau contrat de gestion a été conclu entre la société Imfra et la société Dauchez Administrateurs de Biens le 11 juin 2003 dont il ressort, par différence avec le mandat initial, d'une part que la durée en est limitée à un an, sans tacite reconduction, d'autre part que plus aucune référence au personnel d'entretien et de gardiennage de l'immeuble n'est faite, la société Dauchez Administrateurs de Biens indiquant n'avoir aucun salarié affecté à l'entretien de l'immeuble ; que ce contrat a été prorogé par un premier avenant du 29 décembre 2003 pour un an, par un second avenant du 29 décembre 2004 à nouveau pour un an et par un troisième avenant du 29 décembre 2005 pour six mois, soit jusqu'au 30 juin 2006 ;
Que le mandat n'a pas été reconduit au-delà du 30 juin 2006 ;
Que la société Dauchez Administrateurs de Biens a adressé à la société Imfra, le 26 décembre 2006, une facture d'un montant de 69 474,48 euro correspondant à des salaires, charges sociales et indemnités versées au cours du 3e trimestre 2006 aux salariés employés dans l'immeuble du 17 avenue Matignon ;
Que la société Dauchez Services réclame quant à elle le paiement par la société Imfra d'une somme de 46 759,30 euro correspondant aux indemnités diverses versées aux salariés à la suite de la non reprise de leurs contrats par le successeur de la société Dauchez Administrateurs de Biens dans la gestion de l'immeuble et de leurs licenciements ;
Que la société Dauchez Administrateurs de Biens réclame également le versement d'une somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la rupture brutale des relations commerciales par la société Imfra ;
Sur la facture de la société Dauchez Administrateurs de Biens au titre des salaires et indemnités versés au 3e trimestre 2006 :
Considérant que la société Dauchez Administrateurs de Biens est recevable et bien fondée à réclamer à son mandant, la société Imfra, le versement des salaires et indemnités versés au personnel employé pour assurer l'entretien et le gardiennage de l'immeuble lui appartenant, tant sur le fondement de l'article 1134 du Code civil que sur le fondement de l'article 1999 ;
Qu'en effet, force est de constater que, même si le nouveau contrat de gestion signé entre les parties le 11 juin 2003 ne reprend pas les dispositions spécifiques du contrat initial concernant l'emploi par le mandataire de personnel spécifiquement affecté à l'immeuble et la refacturation des salaires et charges au propriétaire, il n'en demeure pas moins que :
- le mandataire était resté en charge de la gestion des tâches techniques d'entretien et de gardiennage, matériellement externalisées et confiées à sa filiale, la société Dauchez Services, et devait assurer la négociation et la signature de tous les contrats de fourniture et de prestations de service, notamment concernant le nettoyage et l'entretien de l'immeuble, prestations facturées dans le cadre des charges générales de l'immeuble,
- la société Imfra avait parfaitement connaissance du fait que les contrats de travail des cinq salariés embauchés par la société Dauchez Administrateurs de Biens pour travailler dans son immeuble avaient été transférés à la société Dauchez Services et savait que les prestations correspondantes étaient facturées, conformément au mandat, dans les charges générales de l'immeuble,
- la société Imfra a régulièrement réglé, sans aucune discussion, les factures adressées par la société Dauchez Administrateurs de Biens et dénommées "refacturation des salaires et charges sociales" à compter du 1er trimestre 2003 ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que, bien que la société Dauchez Administrateurs de Biens n'ait plus été directement l'employeur des salariés travaillant dans l'immeuble de la société Imfra, il était de la volonté des deux parties que les tâches techniques d'entretien et de gardiennage continuent d'être assurées, sous le contrôle de la société Dauchez Administrateurs de Biens, par ces salariés, repris par la société Dauchez Services, moyennant le reversement, dans le cadre des charges générales de l'immeuble, des salaires et charges payés par cette société ;
Que c'est en vain que la société Imfra prétend qu'elle aurait réglé "par erreur" certaines factures indues et qu'il ne pourrait donc en être tiré argument dans l'appréciation de la volonté des parties, alors qu'il apparaît, d'une part que ce sont toutes les factures émises trimestriellement de janvier 2003 à juin 2006 par la société Dauchez Administrateurs de Biens qui ont été réglées, soit quatorze factures d'un montant supérieur à 50 000 euro chacune, d'autre part que ces dépenses étaient justifiées et soumises au contrôle de la société Axa Reim, mandataire de la société Imfra, et du Cabinet Ernst & Young, dans le cadre des rapports trimestriels établis en exécution du contrat de gestion ;
Qu'au demeurant, en application de l'article 1999 du Code civil, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, de sorte qu'en tout état de cause, la société Imfra est redevable à l'égard de la société Dauchez Administrateurs de Biens des salaires et charges résultant de l'exécution par cette société de la mission qui lui avait été confiée, peu important que les salariés n'aient pas été ses préposés mais ceux de sa filiale ; que la société Imfra admet d'ailleurs dans ses écritures que la société Dauchez Administrateurs de Biens "aurait dû facturer le coût des prestations de service d'entretien et de gardiennage facturés par Dauchez Services" à l'euro, ce qui a été le cas des salaires et charges tels que facturés depuis le mois de janvier 2003 ;
Considérant que la société Imfra conteste être redevable des salaires, 13e mois et congés payés, ainsi que des charges sociales et frais annexes, au titre du 3e trimestre 2006, au motif que le contrat de gestion avait pris fin au 30 juin 2006 ; qu'elle conteste également être redevable des indemnités de licenciement versées aux salariés en soulignant que les licenciements des salariés n'ont rien à voir avec la résiliation du mandat et que, si la société Dauchez Services avait respecté la loi, aucun licenciement ne serait intervenu ;
Mais que la cour observe que l'ensemble de ces sommes a été effectivement versé à raison des licenciements des salariés, s'agissant des indemnités de préavis, de la liquidation du 13e mois et des congés payés, ainsi que des indemnités légales et conventionnelles de licenciement, toutes sommes dues indépendamment du caractère réel et sérieux des licenciements ; que ces licenciements sont intervenus en raison de la suppression des postes d'entretien et de gardiennage par l'effet de la fin du mandat de gestion immobilière et technique de l'immeuble et par l'effet de la non-reprise des contrats de travail par le propriétaire de l'immeuble ou par le nouveau gestionnaire immobilier ou technique choisi par le propriétaire ; qu'ainsi les sommes versées aux salariés sont en lien direct et certain avec l'exécution du mandat confié à la société Dauchez Administrateurs de Biens ;
Que la société Imfra avait d'ailleurs parfaitement conscience des conséquences de la fin du mandat sur l'emploi du personnel embauché dans son immeuble puisqu'il était prévu dans le mandat de gestion initial que, dans le cas où elle ne renouvellerait pas le mandat, elle serait redevable des indemnités de licenciement versées au personnel spécialement embauché dans son immeuble ; que, certes, cette disposition n'a pas été reprise dans le nouveau mandat de gestion puisque la société Dauchez Administrateurs de Biens n'était plus directement l'employeur, mais que les conséquences de la fin du mandat sur le sort des contrats de travail sont restées les mêmes et doivent être supportées par le mandant, à tout le moins en application de l'article 1999 du Code civil ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Imfra à payer à la société Dauchez Administrateurs de Biens la somme de 69 474,48 euro correspondant à la facture du 26 décembre 2006 ;
Sur la demande de la société Dauchez Services au titre des indemnités versées à ses salariés :
Considérant que, si le mandataire substitué dispose d'une action directe et personnelle contre le mandant, cette action ne concerne que le paiement des avances et frais faits par lui dans l'exécution du mandat, conformément aux dispositions de l'article 1999 du Code civil et ne peut concerner les pertes essuyées pendant sa gestion à raison de son imprudence, en application de l'article 2000 ;
Qu'en l'espèce, la société Dauchez Services réclame la condamnation de la société Imfra à lui rembourser diverses indemnités qu'elle a dû verser à ses salariés, non pas en exécution des contrats de travail souscrits pour l'exécution du mandat technique d'entretien et de gardiennage de l'immeuble, mais au titre des procédures de licenciement engagées par elle contre ses salariés et ayant donné lieu à sa condamnation par le conseil de prud'hommes et par la cour d'appel statuant en matière sociale, en raison de l'absence de caractère réel et sérieux des licenciements prononcés ;
Que c'est en vain qu'elle prétend ne pas avoir commis de faute dans la gestion des licenciements en soutenant qu'elle pouvait légitimement croire que les contrats de travail seraient repris par la société Altys Gestion, successeur de la société Dauchez Administrateurs de Biens ; qu'en effet, même si la solution donnée par le conseil de prud'hommes dans l'affaire Habaddine est différente de celle donnée par la cour d'appel dans l'affaire Salami concernant la question de l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail et l'obligation pour la société Altys Gestion de reprendre les contrats de travail des salariés, ce qui pourrait justifier que l'employeur ait eu un doute sur la reprise du personnel, il n'en demeure pas moins que, dans les deux affaires, la société Dauchez Services a été sanctionnée en raison des erreurs procédurales commises dans la mise en œuvre des licenciements, pour M. Habaddine pour avoir conclu une convention de rupture amiable, jugée nulle, de sorte que la rupture a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour M. Salami pour avoir adressé au salarié une lettre de licenciement n'énonçant aucune des raisons économiques prévues par la loi, de sorte que, là aussi, la rupture devait être considérée, en application de l'article L. 1232-6 du Code du travail, comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que c'est également en vain qu'elle soutient qu'elle aurait été confrontée à l'urgence de la situation par la faute de la société Imfra qui ne l'aurait prévenue de la fin du mandat de gestion que le 7 juin 2006 ; qu'il apparaît en effet que la société Dauchez Services était informée bien avant le 7 juin 2006 de la fin du contrat de mandat puisque, dans ses courriers de licenciement au personnel, elle indiquait : "Le 6 avril 2006, nous avons été informés par AXA, le représentant du propriétaire de l'immeuble; qu'il était mis un terme au mandat de gestion que nous assurions depuis 25 ans. Nous vous avons immédiatement informé de cette décision, celle-ci devant prendre effet au 1er juillet 2006";
Que le moyen selon lequel sa faute devrait être appréciée moins rigoureusement en raison du caractère gratuit de son mandat n'est pas plus opérant ; qu'en effet, même si les tâches techniques d'entretien et de gardiennage donnaient lieu à une simple refacturation des dépenses de personnel augmentées de la TVA, le mandat de gestion confié par la société Imfra à la société Dauchez Administrateurs de Biens dans lequel s'inscrivait ce volet technique n'était pas un mandat à titre gratuit mais bien un mandat rémunéré ;
Qu'il convient en conséquence de retenir qu'il ne peut être demandé par la société Dauchez Services, sous mandataire, à la société Imfra, mandant, de supporter, en application de l'article 2000 du Code civil, les pertes essuyées par cette société à raison des fautes commises par elle dans la gestion des licenciements de son personnel ;
Sur la rupture brutale des relations contractuelles :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
Que la société Dauchez Administrateurs de Biens invoque ces dispositions et fait valoir que la relation commerciale entretenue avec la société Imfra depuis 1982 était régulière, significative et stable et que la rupture, intervenue sans préavis écrit à l'exception d'un simple courrier du 7 juin 2006 à effet du 30 juin suivant, est brutale, alors que le préavis aurait dû être au minimum de douze mois ;
Mais que force est constater que, si la relation commerciale était stable et suivie jusqu'en 2003 par l'effet du contrat de mandat d'un an renouvelable par tacite reconduction, la situation a été différente à partir de cette date et par l'effet du nouveau mandat qui prévoyait une durée fixe d'une année, sans tacite reconduction ; que ce n'est que par voie d'avenants successifs que le contrat a été renouvelé à deux reprises pour un an puis une troisième fois, mais pour six mois seulement, le dernier avenant mentionnant d'ailleurs de manière expresse que le contrat était renouvelé "pour une nouvelle durée de six mois commençant à courir le 1er janvier pour expirer irrévocablement le 30 juin 2006" ; qu'il ne peut être déduit, au regard de la signature d'un contrat à durée déterminée sans tacite reconduction et des conditions de la prorogation du contrat en décembre 2005, que la société Dauchez Administrateurs de Biens pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une continuité de sa relation avec son mandataire et n'était pas avisée, avant même la réception du courrier du 7 juin 2006, de la date à laquelle cette relation prendrait fin ;
Que le jugement du tribunal de commerce sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Dauchez Administrateurs de Biens de ce chef ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu l'article 696 du Code de procédure civile,
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Imfra à payer à la société Dauchez Services une somme de 23 379,65 euro correspondant à la moitié des pertes essuyées à la suite de la cessation du mandat de gestion ainsi qu'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et déboute la société Dauchez Services de toutes ses demandes ; Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Imfra à payer à la société Dauchez Administrateurs de Biens une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.