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Décisions

Cass. 3e civ., 2 octobre 2013, n° 12-13.302

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Marc Lévis

Aix-en-Provence, du 2 déc. 2011

2 décembre 2011

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 2011), que la SCI Delfimmo, propriétaire, dans un centre commercial, d'un local n° 41, précédemment occupé par la société Sephora, l'a donné à bail par acte du 29 septembre 2010, à compter du 1er octobre 2010, à la société Marionnaud Lafayette (la société Marionnaud) ; qu'à cette date, il est apparu que la société Sephora, exploitant la même activité de parfumerie, cosmétiques et produits de beauté s'installait dans le local mitoyen n° 42 ; que la société Marionnaud, invoquant l'erreur sur les qualités substantielles, a assigné la SCI Delfimmo en nullité du bail ;

Attendu que la SCI Delfimmo fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du bail, alors, selon le moyen : 1°/ que l'erreur n'est cause de nullité que si elle porte sur les qualités substantielles de la chose ou de la personne de sorte qu'elle est sans effet sur la validité du contrat lorsqu'elle n'a pour objet que les motifs du contractant ; qu'en énonçant que l'erreur de la société locataire résultait de "la démonstration d'un consentement donné dans la croyance, contraire à la réalité, que le bail des locaux permettait l'exercice de son activité sans concurrence dans le centre commercial" et que "cette erreur a porté sur une qualité substantielle de la chose louée, comprise dans le champ contractuel et exempte d'aléa", la cour d'appel a retenu une erreur sur les motifs de la société Marionnaud et a ainsi violé l'article 1110 du Code civil ; 2°/ que l'erreur n'est cause de nullité que si elle porte sur les qualités substantielles de la chose ou de la personne, de sorte qu'elle est sans effet sur la validité du contrat lorsqu'elle n'a pour objet que la valeur de la chose ; qu'en retenant en l'espèce que "la situation de non-concurrence" était une "qualité substantielle" "tacitement convenue entre les deux parties" après s'être fondée sur "le niveau des prix de négociation et de conclusion du contrat", la cour d'appel a porté une appréciation d'ordre économique sur la rentabilité de l'opération sans nullement relever une erreur sur les qualités substantielles de la chose ; qu'en conséquence, elle a ainsi derechef violé l'article 1110 du Code civil ; 3°/ que (subsidiaire) l'erreur sur les motifs n'est concevable que lorsque les motifs erronés sont entrés dans le champ contractuel ; que seul le motif déterminant partagé par les parties et érigé par elles au rang de condition de l'expression de leur volonté peut être considéré comme une qualité substantielle ; qu'en l'espèce, la SCI Delfimmo faisait valoir que Marionnaud ne pouvait pas justifier d'une mention expresse du contrat liée à l'absence d'environnement concurrentiel ; qu'en retenant dès lors que la situation de non-concurrence était "tacitement convenue entre les parties" quand ce motif, pour être cause d'erreur annulable, aurait dû faire l'objet d'une stipulation expresse, la cour d'appel a encore violé l'article 1110 du Code civil ; 4°/ que (subsidiaire) l'erreur sur les qualités substantielles n'est cause de nullité de la convention que si l'errans démontre l'absence de tout aléa ; qu'une qualité affectée d'un aléa connu lors de la conclusion du contrat ne peut être tenue pour substantielle dès lors qu'en contractant néanmoins les parties ont accepté que cette qualité puisse ne pas se rencontrer ; qu'en l'espèce, la SCI Delfimmo faisait valoir que la condition alléguée était affectée d'un aléa lié notamment au fait que n'étant pas propriétaire de la galerie marchande, le bailleur ne pouvait consentir aucune exclusivité; que pour retenir que la qualité substantielle liée à un environnement commercial non concurrentiel était exclusive de tout aléa, la cour d'appel a énoncé que l'absence de concurrence à la date de conclusion du bail était certaine, "était-ce de fait et non juridiquement" ; qu'en statuant par un motif inopérant impropre à exclure l'aléa affectant la condition alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Marionnaud justifiait de la matérialité de son erreur en démontrant avoir conclu le bail dans la croyance erronée qu'il permettait l'exercice de son activité sans concurrence dans le centre commercial et que la perspective d'une situation avantageuse, qui avait été prise en compte dans la détermination du prix du bail constituait une qualité substantielle de la chose louée, comprise dans le champ contractuel et exempte d'aléa, la cour d'appel en a justement déduit qu'il y avait lieu de prononcer la nullité du bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.