CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 20 décembre 2013, n° 12-15211
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Alex (SAS), Mijomo (SA), Ris Optique (SARL), Manin (SARL), Victoria (SARL), BVA (SAS), Optic Massy 2000 (SAS), Val Optic (SAS), Optical Budget (SARL)
Défendeur :
MGEN
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vidal
Conseillers :
Mmes Martini, Richard
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Haddad, Valentie, Benoit
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) a lancé, en septembre 2010, un appel à candidature afin de renouveler son réseau d'opticiens agréés permettant à ses adhérents de bénéficier de prestations optiques à un coût très négocié. Aucun des magasins à enseigne "Les Opticiens Conseils" qui avait candidaté n'a été agréé, la MGEN ayant déclaré leurs candidatures irrecevables.
Suivant acte d'huissier en date du 26 janvier 2011 et en l'état de leurs conclusions déposées en cours de procédure de première instance, neuf sociétés exploitant un ou plusieurs magasins d'optique sous l'enseigne "Les Opticiens conseils", à savoir la SA Mijomo, la SA Ris Optique, la SAS Manin, la SA Victoria, la SAS BVA, la SAS Alex, la SAS Optic Massy 2000, la société Val Optic et la SARL Optical Budget, ont fait assigner la MGEN devant le Tribunal de grande instance de Paris pour voir dire, au visa des articles 1382 du Code civil et L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, que leurs candidatures sont recevables, prononcer l'annulation du réseau d'opticiens agréés mis en place par la MGEN pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014 et enjoindre la MGEN de lancer un nouvel appel à candidatures pour l'obtention de l'agrément pour la période courant du prononcé du jugement au 31 décembre 2014, sous astreinte de 3 000 euro par jour. Elles demandaient subsidiairement au tribunal qu'il soit procédé, sous astreinte de 2 000 euro par jour, à l'examen comparatif du dossier d'agrément au réseau MGEN présenté par les magasins qu'elles exploitent avec l'ensemble des candidatures agréées relatives à la zone géographique à laquelle ces magasins appartiennent puis à l'affiliation immédiate au réseau constitué par la MGEN jusqu'au 31 décembre 2014 de chacun des magasins répondant aux critères fixés par celle-ci mieux que chacun de ses concurrents dans la zone géographique à laquelle il appartient. Elles réclamaient en tout état de cause chacune le versement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis et la publication de la décision à intervenir.
Par jugement en date du 21 juin 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté les sociétés demanderesses de toutes leurs prétentions, considérant que leurs candidatures avaient été estimées justement irrecevables par la MGEN au regard de leurs réponses aux questionnaires de candidature concernant les verres de marques en distribution libre, étant précisé que l'attention des candidats avait été appelée par la MGEN sur la question des marques "hors liste", qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre de la MGEN et qu'il n'y avait pas lieu de procéder à l'examen comparatif des dossiers d'agrément présentés par les divers candidats. Il a condamné les sociétés demanderesses à verser à la MGEN une somme de 500 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA Mijomo, la SA Ris Optique, la SAS Manin, la SA Victoria, la SAS BVA, la SAS Optic Massy 2000, la société Val Optic et la SARL Optical Budget ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 8 août 2012 à l'encontre de la MGEN et de la SAS Alex.
Les huit sociétés appelantes ainsi que la SAS Alex, suivant leurs dernières conclusions signifiées le 25 février 2013, demandent à la cour de réformer le jugement déféré et de :
Déclarer les candidatures présentées par chacun des magasins exploités par elles sous l'enseigne "Opticiens Conseils "recevables,
A titre principal, prononcer l'annulation du réseau d'opticiens agréés mis en place par la MGEN pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014 et enjoindre la MGEN, sous astreinte de 3 000 euro par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, de lancer un nouvel appel à candidature pour l'obtention de l'agrément pour la période restant à courir jusqu'au 31 décembre 2014,
Subsidiairement, si la cour ne faisait pas droit à la demande de nullité, ordonner :
- qu'il soit procédé par la MGEN, sous le contrôle d'un huissier de justice, sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, à l'examen comparatif du dossier d'agrément au réseau MGEN présenté par chacun des magasins exploités par les neuf sociétés demanderesses avec l'ensemble des candidatures agréées relatives à la zone géographique à laquelle il appartient, avec notamment comparaison des notes détaillées obtenues par chaque magasin des sociétés demanderesses pour chacun des critères fixés par la MGEN avec les notes détaillées obtenues par chacun de ses concurrents agréés sur le même secteur géographique, le tout avec la fourniture des justificatifs objectifs permettant d'apprécier les calculs et le détail de ladite zone géographique,
- qu'il soit procédé par la MGEN, à l'issue de cet examen comparatif, sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard et par magasin, à l'affiliation immédiate au réseau constitué MGEN jusqu'au 31 décembre 2014 de chacun des magasins répondant mieux aux critères fixés par la MGEN que chacun de ses concurrents agréés ressortant de la zone géographique à laquelle il appartient,
en tout état de cause, condamner la MGEN à leur payer les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices respectifs :
à la société Ris Optique, la somme de 1 065,345 euro,
à la société Manin, la somme de 1 420,460 euro,
à la société Victoria, la somme de 1 242 902,50 euro,
à la société Mijomo, la somme de 887 785,50 euro,
à la société BVA, la somme de 1 242 905,50 euro,
à la SAS Alex, la somme de 177 557,50 euro,
à la SAS VAL OPTIQUE, la somme de 532 672,50 euro,
à la SAS Optic Massy 2000, la somme de 177 557,50 euro,
à la société Optical Budget, la somme de 177 557,50 euro,
lesdites sommes étant majorées des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2011, date de l'assignation, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou publications professionnelles du choix des appelantes aux frais de la MGEN, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 4 600 euro HT, soit au total 13 800 euro HT, et sur la première page du site Internet de la MGEN (www.mgen.fr) pendant 30 jours,
condamner la MGEN à payer une somme de 5 000 euro à chacune des neuf sociétés appelantes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elles font valoir l'argumentation suivante : la MGEN a prétendu que leurs candidatures étaient irrecevables, mais le motif donné est fallacieux ; en effet tous les magasins ont, conformément au dossier de candidature, sélectionné, parmi les verres de marques, la marque BBGR, l'une des seize marques référencées par la MGEN - cet agrément ayant au demeurant été donné par la MGEN dans des conditions totalement anti-concurrentielles en ce que les verres Blue Eyes Optical (BEO) ont été écartés de manière discriminatoire - et ont choisi la marque BEO en sus au titre de verres d'enseigne, et non comme verres de marque, comme tente le faire croire la MGEN, ces verres étant par définition hors la liste des seize marques présélectionnées par la MGEN ; les candidatures sont donc parfaitement recevables.
Elles ajoutent que le refus opposé par la MGEN est arbitraire et ne repose que sur la volonté d'écarter les sociétés appelantes en raison du litige l'opposant à l'une des sociétés du groupe, notamment sur la question du référencement des verres d'enseigne BEO, la preuve en étant, d'une part, que la MGEN n'a pas contacté les différents magasins du groupe pour clarifier la situation, d'autre part, que la MGEN ne les a jamais interrogées sur l'accessibilité des verres BEO à tous les opticiens, alors qu'ils figurent dans la revue Bien Vu 2010, revue de référence des verres optiques existant sur le marché français, au même titre que les verres Essilor ou BBGR, enfin que deux magasins Optical Store ont été agréés, non pas en raison de l'absence de la prétendue erreur qui leur est opposée, mais en raison du fait que le référencement des verres BEO n'a pas été demandé dans le cadre des candidatures, mais l'a été postérieurement. Elles soutiennent que rien ne permet de démontrer que leurs dossiers n'auraient pas été agréés puisque les dossiers des deux magasins Optical Store qui ont été agréés sont les mêmes en termes de prix.
Elles prétendent que les règles de la concurrence ont été bafouées, de sorte que l'annulation du réseau mis en place en fraude de leurs droits doit être prononcée comme constituant l'une des réparations devant nécessairement intervenir ; qu'à défaut, l'examen de leurs candidatures devrait avoir lieu sous contrôle d'huissier ; que la MGEN a mis en place, de manière illégale, un remboursement différencié qui fausse le libre choix par ses adhérents de leur opticien et que le préjudice commercial subi du fait de leur mise à l'écart ressort, sur la base d'une fourchette de perte de chiffre d'affaires moyen par magasin de 7 102,30 euro par mois, à 177 557,50 euro par magasin sur 25 mois.
La Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN), en l'état de ses écritures signifiées le 31 décembre 2012, conclut à la confirmation du jugement déféré, au rejet des demandes des neuf sociétés appelantes, et à leur condamnation à lui payer la somme de 4 500 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle explique que le mécanisme de l'appel à candidature pour la constitution de réseaux d'opticiens agréés a été conforté par un avis de l'Autorité de la concurrence et n'est contraire, ni aux règles du droit de la concurrence, ni au fonctionnement concurrentiel des marchés dès lors qu'il est fait sur la base de critères transparents, objectifs et non-discriminatoires ; que c'est ainsi qu'elle a retenu sept critères portant sur les verres (comptant pour 85 % de la note) et sur les montures (pour 15 %), critères parfaitement objectifs et non-discriminatoires.
Elle rappelle la distinction entre les "verres de marque", c'est-à-dire en distribution libre, accessibles à tous les opticiens et les "verres en exclusivité et verres d'enseigne "ou "verres de distributeur", en distribution sélective, c'est-à-dire réservés à un groupe d'opticiens, selon leur groupement, leur enseigne ou leur centrale d'achat. Elle indique qu'il était expressément prévu que l'opticien agréé pouvait promouvoir des "verres de distributeur", mais s'engageait à promouvoir, au titre des "verres de marque", une ou deux marques de verres parmi les seize référencées par la mutuelle, apparaissant toutes dans le catalogue Bien Vu 2010, et qu'il pouvait proposer, toujours au titre des verres de marques, une marque hors liste, sous réserve de prouver que cette marque était en distribution libre ; or, les magasins des neuf sociétés appelantes ont proposé au titre des verres de marques, les verres BEO comme verres de marque "hors liste", bien qu'il ne s'agisse pas d'une marque en distribution libre ; qu'il suffit pour s'en convaincre d'examiner les candidatures déposées. Elle soutient que l'erreur commise par toutes les sociétés de la même manière a rendu leurs candidatures irrecevables, que leur erreur est impardonnable dans la mesure où elles ont dû informatiquement cocher une case qui montrait qu'elles avaient pris connaissance de l'avertissement qui était donné sur l'irrecevabilité des candidatures non conformes et qu'il ne peut être exclu que les sociétés appelantes aient tenté de tromper la mutuelle en faisant une fausse déclaration sur la distribution des verres BEO.
Elle ajoute qu'elle ne pouvait régulariser les erreurs commises, ayant reçu plus de 6 000 candidatures et ayant mis en place, pour traiter tous les dossiers, une procédure informatisée ; qu'elle n'avait pas à réclamer aux sociétés les pièces justifiant que la marque choisie était en libre distribution et qu'en tout état de cause, celles-ci auraient été dans l'impossibilité de les fournir, ce que la MGEN savait parfaitement ; que les verres BEO ont été agréés, pour certains magasins, comme verres en distribution sélective, notamment pour les deux magasins Optical Store qui ont été agréés.
Elle termine en soutenant qu'elle n'a commis aucune faute, que la nullité du réseau n'a pas à être prononcée et qu'il n'y a eu aucune entente anti-concurrentielle justifiant l'application des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce ; que la MGEN n'ayant commis aucune faute, les demandes d'indemnisation doivent être rejetées ; que les sociétés appelantes ne pourraient au demeurant que se prévaloir d'une perte de chance d'être présentées aux adhérents MGEN comme des professionnels de confiance proposant des produits à prix modéré dont le lien avec les faits de l'espèce n'est pas démontré et que leur chiffrage est parfaitement artificiel.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 octobre 2013.
Les sociétés appelantes ont communiqué, le 4 novembre 2013, une nouvelle pièce ayant le numéro 84. La MGEN a déposé des conclusions de procédure pour demander à la cour de déclarer la communication de cette pièce irrecevable comme intervenue après la clôture de la procédure et sans que la révocation de cette ordonnance ait été sollicitée.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de la pièce communiquée après clôture :
Considérant qu'aux termes de l'article 783 du Code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée et aucune pièce ne peut être produite aux débats après l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;
Qu'il n'est pas contestable que les sociétés appelantes ont communiqué une pièce numérotée 84 le 4 novembre 2013 alors que la clôture de la procédure avait été prononcée le 3 octobre précédent ;
Que force est en conséquence de dire, à défaut de toute demande de révocation de la clôture par les appelantes, que cette dernière pièce doit être déclarée irrecevable et écartée des débats ;
Sur les demandes des sociétés appelantes :
Considérant que la MGEN a décidé de renouveler son réseau d'opticiens agréés pour la période 2011 à 2014 en se fondant sur les principes suivants énoncés dans la convention proposée à ses co-contractants : assurer à ses adhérents et bénéficiaires l'accès, à proximité de leurs lieux de vie, à un opticien agréé s'engageant sur la promotion d'une offre agréée incluant une très large gamme de verres de qualité à des prix compétitifs, permettant un reste à charge maîtrisé, et faire bénéficier cet opticien d'une fréquentation et d'une notoriété significatives, en constituant un réseau prenant en compte leur lieu d'implantation, avec un objectif de 1 800 points de vente assurant un maillage territorial satisfaisant au regard de la répartition géographique de la population mutualiste ;
Qu'elle a lancé un appel à candidature ouvert du 6 septembre au 10 octobre 2010 et établi un règlement de cet appel présentant, d'une part les règles générales gouvernant les candidatures, d'autre part les modalités de navigation sur les différents écrans du questionnaire accessible sur son site Internet ;
Que le règlement énumérait et décrivait les sept critères retenus pour valoriser les candidatures, quatre critères correspondant à des engagements de prix sur les verres et trois correspondant à des engagements de prix sur les montures, chaque critère ayant un poids relatif, exprimé en pourcentage et calculé selon une formule mathématique expliquée en conclusion du document ;
Que le règlement énonçait en page 10, au titre de la règle n° 9 dénommée "une candidature dont la recevabilité est soumise à une exigence de cohérence tarifaire", que le candidat devait s'engager à promouvoir auprès des clients MGEN une, deux ou trois marques de "verres de marque" de son choix parmi les seize marques référencées par la MGEN, mais qu'il lui était possible également, s'il ne trouvait pas dans cette liste une marque de fournisseur qu'il souhaitait promouvoir, de proposer cette marque au référencement de la MGEN, sous réserve de justifier du respect du cahier des charges technique de référencement et de démontrer que la marque proposée était une marque de fournisseur en distribution libre assurant la diffusion de ses produits par l'édition d'un catalogue général accessible à tous les opticiens ; qu'il était expressément prévu qu'à défaut pour le candidat de pouvoir apporter une telle démonstration, sa "déclaration sera considérée comme une fausse déclaration et rendra (votre) candidature irrecevable" ; que le candidat pouvait en outre compléter son choix de verres en distribution libre en proposant une ou deux marques en distribution sélective, portant sur des verres en exclusivité ou verres d'enseigne, dès lors que ces marques en distribution sélective étaient référencées ;
Que les parties sont d'accord pour reconnaître que les "verres de marque" se définissent comme des verres en distribution libre, alors que les "verres d'enseigne ou de distributeur" ne sont distribués que de manière sélective, c'est-à-dire sont réservés à un groupe d'opticiens, selon leur groupement, leur enseigne ou leur centrale d'achat ;
Considérant que l'examen des dossiers de candidatures remplis par chacun des magasins d'optique exploités par les sociétés appelantes, dans des termes et des conditions strictement identiques, permet de constater que le candidat a répondu comme suit au chapitre "ma politique de marque":
Mon choix de verres de marques : BBGR,
Je propose une autre marque hors liste : Oui
Marque hors liste proposée : BEO
Je veux promouvoir des verres en exclusivité et/ou des verres d'enseigne : Oui
Ma sélection de marques en distribution sélective :
Je propose une autre marque : Oui
Verrier fournisseur : BEO
Marque proposée : BEO
Que c'est donc à tort que les appelantes prétendent, en pages 12 et 14 de leurs écritures, n'avoir positionné la marque BEO qu'au titre des verres d'enseigne et non comme verres de marque "hors liste";
Considérant que les premiers juges ont retenu que les demanderesses ne contestaient pas le fait que les verres BEO étaient en distribution sélective ; que, devant la cour, les appelantes prétendent que l'accessibilité des verres BEO à tous les opticiens serait avérée et que ceux-ci ne seraient donc pas en distribution sélective, la preuve en étant, disent-elles, qu'ils figurent dans la revue Bien Vu 2010, revue de référence des verres optiques, au même titre que les verres Essilor ou BBGR ; mais que la cour observe en premier lieu que, dans leur candidature, les sociétés ont reconnu elles-mêmes que les verres BEO étaient des verres en exclusivité ou verres d'enseigne et qu'elles les ont proposés au titre des marques en distribution sélective, en second lieu que le catalogue Bien Vu 2010 produit aux débats par les appelantes classe les verres BEO parmi les verres de distributeurs ; qu'il doit être ajouté que les verres BEO ne pouvaient dès lors faire partie de la liste des seize marques référencées par la MGEN comme "verres de marque" et que l'allégation de discrimination anti-concurrentielle soutenue par les appelantes est infondée ;
Considérant que le tribunal a relevé que la règle posée en page 10 du règlement sus-évoquée - énonçant la possibilité pour le candidat de valoriser une marque hors liste au titre des "verres de marque" et la sanction en cas de non-conformité de la réponse apportée - avait été expressément rappelée aux candidats au cours de leur navigation informatique sur les différents écrans du dossier de candidature puisqu'ils avaient dû, préalablement à leur réponse, cocher une case reconnaissant avoir lu l'avertissement suivant : "Je suis informé que si je ne suis pas en mesure de démontrer que la marque que je propose est une marque de fournisseur en distribution libre, assurant la diffusion de ses produits par l'édition d'un catalogue général accessible à tous les opticiens, ma déclaration sera considérée comme une fausse déclaration et rendra ma candidature irrecevable" ; qu'il en a justement déduit que les candidats avaient été mis en garde de manière claire sur l'attention à porter à leurs réponses et sur la nécessité, en cas de proposition d'une marque "hors liste", de n'y faire figurer qu'une marque en distribution libre ;
Que le tribunal a également à juste titre écarté le reproche fait par les sociétés demanderesses à la MGEN de n'avoir pas clarifié la situation et de ne pas leur avoir fait observer que leurs réponses n'étaient pas conformes, retenant pour ce faire que le traitement des candidatures avait été fait de manière automatisée par informatique, ce dont les appelantes ne peuvent sérieusement douter compte tenu des modalités de présentation et d'envoi des candidatures ; que la cour ajoute que toute démarche de la MGEN pour se rapprocher, en cours de dépouillement des candidatures, des candidats dont les dossiers n'étaient pas conformes aux prescriptions aurait été en contradiction avec les termes clairs et précis du règlement de l'appel à candidatures et aurait pu être considérée par les autres candidats comme portant atteinte à l'objectivité et l'impartialité de l'examen des candidatures ;
Considérant qu'il convient dans ces conditions de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que les candidatures des neuf sociétés appelantes, présentées dans les termes sus-rappelés, avaient été justement déclarées irrecevables par la MGEN et en ce qu'il a considéré qu'aucun reproche ne pouvait être fait à la MGEN, ni dans la mise en place de son règlement d'appel à candidature, ni dans le traitement des dossiers remplis et reçus informatiquement ; que les allégations des appelantes selon lesquelles la MGEN aurait agi de mauvaise foi, dans l'intention délibérée de les écarter à raison du contentieux existant avec l'une d'entre elles, sont totalement infondées et sont au demeurant démenties par le fait que d'autres magasins dépendant du même réseau de distribution ont été agréés pour distribuer les verres BEO en qualité de verres de distributeur ou d'enseigne ;
Que dès lors, l'ensemble des demandes des sociétés appelantes en annulation du réseau et en réexamen de leurs candidatures sera rejeté ; qu'il doit en être de même de la demande en paiement de dommages et intérêts, à défaut de toute faute de la MGEN justifiant qu'elle puisse être déclarée responsable d'un quelconque préjudice résultant du défaut d'agrément des magasins d'optique exploités par les appelantes ;
Considérant que la publication de la décision ne se justifie pas ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Déclare la pièce n° 84, communiquée par la SA Mijomo, la SA Ris Optique, la SAS Manin, la SA Victoria, la SAS BVA, la SAS Alex, la SAS Optic Massy 2000, la société Val Optic et la SARL Optical Budget 2000 après l'ordonnance de clôture, irrecevable ; Confirme la décision du tribunal de grande instance de Paris déférée en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la SA Mijomo, la SA Ris Optique, la SAS Manin, la SA Victoria, la SAS BVA, la SAS Alex, la SAS Optic Massy 2000, la société Val Optic et la SARL Optical Budget à payer, chacune, une somme de 800 euro à la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Les condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.