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Décisions

ADLC, 20 novembre 2013, n° 13-DCC-169

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs de la société Ledun Pêcheurs d'Islande par la société Maïsadour

ADLC n° 13-DCC-169

20 novembre 2013

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 7 août 2013 et déclaré complet le 30 octobre 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Maïsadour de certains actifs de la société Ledun Pêcheurs d'Islande, formalisée par une offre de reprise en date des 2 et 20 août 2013 et un jugement du tribunal de commerce du Havre du 30 août 2013 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Maïsadour est une coopérative agricole dont le capital est détenu par environ 8 000 agriculteurs adhérents. Elle est présente, par le biais de plusieurs filiales, parmi lesquelles la société Delpeyrat, dans les secteurs des semences, des céréales, de l'agrofourniture, des légumes, de la nutrition animale, de l'élevage et de la production animale, de la transformation et commercialisation de produits du terroir ainsi que de la distribution d'articles de jardinage, bricolage et aménagements extérieurs. En septembre 2012, Maïsadour a acquis la société Saumonerie St Ferréol, exerçant une activité de filetage, de fumage et de conditionnement de saumon. Maïsadour a en outre récemment repris certains actifs de transformation et de commercialisation de poissons de différentes espèces (saumon, truites et poissons à chair blanche) des sociétés Norway Seafoods SAS et Norway Seafoods Boulogne SAS, filiales du groupe norvégien Norway Seafoods Group AS (1).

2. Ledun Pêcheurs d'Islande (ci-après "LPI") est une société par actions simplifiée entièrement détenue par la société à responsabilité limitée Shamrock Investment, elle-même détenue à 65,82 % par M. Vincent Durozey et à 34,18 % par M. Alain Lepreux. Les actifs repris par Maïsadour concernent les activités de transformation, préparation et distribution de poissons (saumon fumé quasi-exclusivement) et de produits élaborés à base de saumon, ainsi que de préparation et de commercialisation de crevettes crues ou cuites (2).

3. Par jugement en date du 21 juin 2013, le tribunal de commerce du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de Ledun Pêcheurs d'Islande. Une procédure de reprise par voie de cession a été engagée. Les 2 et 20 août 2013, la société Delpeyrat a présenté puis précisé une offre de reprise des actifs portant sur les activités saumon et crevettes de Ledun Pêcheurs d'Islande. Le 30 août 2013, le tribunal de commerce du Havre a arrêté un plan de cession de LPI au profit de Delpeyrat.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de certains actifs de LPI par Maïsadour, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Maïsadour : (...) d'euros au cours de l'exercice clos le 30 juin 2012 ; actifs cibles : (...) d'euros au cours de l'exercice clos au 31 mars 2013). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Maïsadour : (...) d'euros au cours de l'exercice clos le 30 juin 2012 ; actifs cibles : (...) d'euros au cours de l'exercice clos le 31 mars 2013). Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés à l'article L. 430-2-I du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les actifs cibles interviennent sur les marchés de transformation de saumon fumé, de produits traiteur à base de produits de la mer et de crevettes. Maïsadour est, quand à lui, actif sur les marchés de transformation de saumon fumé, de saumon frais, de produits traiteur à base de produits de la mer et de foie gras. L'opération entraîne donc un chevauchement d'activité en matière de transformation de saumon fumé et des produits traiteur à base de produits de la mer. Les autres secteurs du saumon frais, des crevettes et du foie gras, sur lesquels Maïsadour et les actifs cibles sont respectivement actifs, seront pris en compte au titre de l'analyse des effets verticaux et congloméraux.

A. LE MARCHÉ DU SAUMON FUMÉ

1. MARCHÉ DE PRODUITS

7. La pratique décisionnelle nationale a retenu l'existence d'un marché du saumon fumé distinct de celui du saumon frais et de celui d'autres poissons fumés, compte tenu de son image, de son positionnement, de ses qualités gustatives et de sa forte saisonnalité (3).

8. Des segmentations cumulatives ont été retenues par la pratique décisionnelle, entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage d'une part, et le saumon d'Atlantique et le saumon du Pacifique d'autre part (4).

9. De plus, des segmentations supplémentaires ont été envisagées selon (i) l'origine géographique du saumon (notamment Norvège, Ecosse, Irlande) et (ii) le positionnement commercial du produit (existence d'un segment haut de gamme).

10. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de la présente analyse concurrentielle resteront inchangées.

11. Au cas d'espèce, Maïsadour et les actifs cibles sont quasi-exclusivement actifs sur le marché du saumon fumé d'élevage d'Atlantique. Les parties exercent également, mais de manière marginale, une activité de fumage de saumon sauvage du Pacifique.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

12. La pratique décisionnelle nationale a considéré que, par analogie avec les marchés de la commercialisation des produits de détail alimentaires, le marché du saumon fumé revêtait une dimension nationale, notamment en raison de l'existence de différences dans les préférences des consommateurs, dans les prix, de la forte présence de marques nationales et du faible volume des importations. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération.

B. LE MARCHÉ DES PRODUITS TRAITEUR

1. MARCHÉ DE PRODUITS

13. Dans le secteur des produits traiteur, la pratique décisionnelle tant européenne que nationale (5) a segmenté les marchés en fonction de la technologie de fabrication employée (produits appertisés, surgelés et frais). Une distinction a également été faite entre les canaux de distribution (grandes et moyennes surfaces (ci-après "GMS"), restauration hors foyer (ci-après "RHF") et industries agro-alimentaires. Une distinction additionnelle a ensuite été opérée en fonction des catégories de produits (entrées, plats, tartes salées, pâtes ménagères, pâtes et sauces, salades, panés, snacks et autres). Enfin, la question a aussi été soulevée de l'éventuelle subdivision de ces marchés en fonction de leur positionnement commercial (marques de fabricants (ci-après "MDF") ou marques de distributeurs (ci-après "MDD")), des modes de distribution (libre-service ou à la coupe) et de l'origine des recettes proposées (traditionnelles, régionales, étrangères, exotiques, etc.) (6).

14. La question de la définition exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.

15. Au cas d'espèce, Maïsadour commercialise des produits à base de saumon (notamment carpaccios et saumon mariné) ainsi que, de manière très marginale, des truites fumées. Depuis l'acquisition des sociétés Norway Seafoods SAS et Norway Seafoods Boulogne SAS, Maïsadour commercialise également des sushis. Les actifs cibles exercent quant à eux une activité de commercialisation de saumon cru en tartare.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

16. Les autorités de concurrence ont constaté à diverses reprises la dimension nationale des marchés des produits traiteur. En effet, les préférences, les goûts et les habitudes de consommation diffèrent fortement d'un pays à l'autre et les échanges intra-européens de ces produits restent limités (7). Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération.

C. LE MARCHÉ DU SAUMON (HORS SAUMON FUMÉ)

1. MARCHÉ DE PRODUITS

17. La pratique décisionnelle nationale a retenu l'existence d'un marché du saumon distinct de celui des autres poissons, tant du point de vue des acheteurs que de celui des consommateurs, compte tenu de son goût, de son image, des volumes disponibles, de la régularité de l'approvisionnement, de son rendement et de sa part de marché (8). La pratique décisionnelle a également fait une distinction entre (i) le saumon sauvage et le saumon d'élevage et (ii) le saumon d'Atlantique et le saumon du Pacifique compte tenu des caractéristiques de ces produits et de la demande.

18. En outre, des segmentations supplémentaires ont été envisagées (i) entre le saumon frais et le saumon surgelé et (ii) en fonction de l'origine du saumon (Norvège, Ecosse, Irlande, Chili, autres). En revanche, la pratique décisionnelle a considéré que le saumon entier et le saumon découpé appartenaient au même marché pertinent (9)

19. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de la présente analyse concurrentielle resteront inchangées.

20. Au cas d'espèce, seule Maïsadour est active sur le marché du saumon frais d'élevage d'Atlantique.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

21. La pratique décisionnelle a considéré que le marché de la vente de saumon était de dimension européenne, en l'absence d'obstacle réglementaire restreignant les échanges, ainsi qu'en raison de coûts de transport peu élevés et de prix de ventes similaires d'un Etat membre à l'autre. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération.

D. LE MARCHÉ DE LA CREVETTE

1. MARCHÉ DE PRODUITS

22. La pratique décisionnelle européenne a envisagé, sans toutefois trancher la question de manière définitive, l'existence d'un marché de la pêche et de la commercialisation de crevettes, en envisageant de distinguer la distribution en gros de crevettes (10). Elle a en outre envisagé de segmenter le marché de la distribution en gros des crevettes selon leur origine : crevettes des eaux chaudes (tropicales) et crevettes des eaux froides. Au sein du marché des crevettes des eaux froides, une segmentation supplémentaire a été envisagée entre les crevettes de la Mer du Nord et les crevettes de l'Atlantique du Nord (11).

23. La partie notifiante considère qu'un marché de la crevette est susceptible d'être distingué des marchés de poissons et du marché des fruits de mers, en raison notamment de ses particularités physiques et gustatives ainsi que la variété de dégustations et de préparations culinaires qu'elle permet. La partie notifiante indique en outre que, du côté de l'offre, la production de crevettes est spécifique car très abondante sur la plupart des océans et fortement disponible sous élevage.

24. La question de l'existence d'un marché spécifique de la pêche et de la commercialisation de crevettes et de ses différents niveaux de segmentations peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de la présente analyse concurrentielle resteront inchangées. Les activités de la nouvelle entité liées à la transformation et à la commercialisation de crevettes seront analysées au titre des effets verticaux et congloméraux.

25. Au cas d'espèce, les actifs cibles sont actifs dans la transformation et la commercialisation de crevettes.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

26. La pratique décisionnelle européenne a laissé ouverte la question de la délimitation géographique du marché de la crevette (12).

27. La partie notifiante indique que les coûts de transport sur ce marché sont modérés par rapport aux autres crustacés plus rares et généralement issus de la pêche. Elle indique les parts de marché de LPI au niveau national.

28. La question de la délimitation géographique du marché de la crevette peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la délimitation envisagée.

E. LE MARCHÉ DU FOIE GRAS

1. MARCHÉ DE PRODUITS

29. L'Autorité de la concurrence (13) a envisagé de segmenter les marchés aval de la commercialisation des produits issus de palmipèdes gras en fonction :

- des caractéristiques des produits : produits à base de foie gras, d'une part, et produits à base de viande de palmipèdes à foie gras, d'autre part. Pour les produits à base de foie gras, une sous-segmentation plus fine a été envisagée entre (i) les produits à base de foie gras cru et (ii) les produits à base de foie gras cuits ou mi-cuits avec une possible distinction au sein de ce segment entre le foie gras entier et les autres produits à base de foie gras. Pour les produits à base de viande de palmipèdes gras, une sous-segmentation plus fine a été envisagée entre (i) les produits découpés crus comprenant les magrets et filets, (ii) les produits élaborés et (iii) le confit de canard ;

- du circuit de distribution : GMS et RHD ;

- du positionnement commercial des produits : MDF et MDD.

30. La pratique décisionnelle a cependant laissé ouverte la délimitation précise de ces marchés. Cette délimitation peut également être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de la présente analyse demeureront inchangées.

31. Au cas d'espèce, Maïsadour est active sur le marché du foie gras.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

32. La pratique décisionnelle a considéré que les marchés du foie gras revêtaient une dimension nationale, dans la mesure où les produits à base de foie gras et la viande de palmipèdes à foie gras constituent des produits traditionnels de terroir essentiellement fabriqués et consommés de manière uniforme en France. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation dans le cadre de l'analyse de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX (14)

1. SUR LE MARCHÉ DU SAUMON FUMÉ

33. Sur le marché global du saumon fumé d'élevage d'Atlantique, la partie notifiante estime que la part de marché en valeur de la nouvelle entité sera de l'ordre de (10-20) %. Elle donne également une estimation de la position des parties selon une segmentation par canaux de distribution (GMS, freezer center, RHF et industrie agroalimentaire) qui montre que leurs parts de marché cumulées sont inférieures à (10-20) %, quel que soit le canal de distribution étudié.

34. La partie notifiante n'est pas en mesure d'estimer les parts de marché des concurrents de la nouvelle entité sur le marché du saumon fumé d'élevage d'Atlantique. Toutefois, elle indique qu'elle fera face à la concurrence de grands groupes internationaux tels que Labeyrie, Marine Harvest et Meralliance, disposant, sur le marché global de saumon fumé, de parts de marché en valeur de l'ordre de (30-40) %, (20-30) % et (5-10) % respectivement (15). Sur le marché du saumon fumé sauvage du Pacifique, la part de marché en valeur de la nouvelle entité est très limitée, de l'ordre de (0-5) %.

35. En conséquence, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché du saumon fumé.

2. SUR LE MARCHÉ DES PRODUITS TRAITEUR

36. La partie notifiante n'est pas en mesure d'estimer les parts des marchés des parties concernées à l'opération sur le marché des produits traiteur, ni sur les différentes segmentations retenues ou envisagées par la pratique décisionnelle. Toutefois, elle produit des estimations des parts de marché pour les produits que les parties commercialisent en France, à savoir les sushis en rayon traiteur des GMS, commercialisés par Maïsadour, et les produits traiteur à base de saumon et de truites fumées commercialisés par les deux parties concernées. Selon ces estimations, Maïsadour représente moins de (10-20) % des ventes nationales de sushis commercialisés en GMS (16). En outre, la nouvelle entité représentera moins de (0-5) % des ventes nationales de produits traiteur à base de saumon et de truites fumées. En conséquence, la partie notifiante estime que la part de marché de la nouvelle entité sur le marché global des produits traiteur restera très largement inférieure à (0-5) %, quelle que soit la segmentation retenue.

37. En conséquence, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché des produits traiteurs.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

38. Les activités des parties présentent plusieurs liens verticaux. En effet, Maïsadour exerce une activité de transformation de saumon frais qui peut entrer dans le processus de production de saumon fumé, marché sur lequel sont actives les deux parties concernées, ainsi que dans le processus de production de saumon cru en tartare, activité exercée par les actifs cibles. En outre, les actifs cibles sont actifs dans la transformation de crevettes, pouvant entrer dans le processus de production de sushis de Maïsadour.

39. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

40. La partie notifiante n'a pas été en mesure d'évaluer la part de marché de Maïsadour sur le marché amont du saumon frais au niveau européen. Toutefois, au niveau français, elle estime la part de marché de Maïsadour à (10-20) % environ, ordre de grandeur également valable sur le seul segment du saumon frais d'élevage d'Atlantique (17). Sur le marché aval du saumon fumé d'Atlantique, la part de marché de la nouvelle entité est, comme indiqué précédemment, de l'ordre de (10-20) %. En outre, les ventes de saumon cru en tartare par LPI sont très limitées (18).

41. Sur le marché français des crevettes, la part de marché de LPI est inférieure à (5-10) %, quelle que soit la segmentation éventuellement retenue. A l'aval, Maïsadour représente moins de (10-20) % des ventes totales de sushis commercialisés en GMS en France.

42. Compte tenu de ces éléments, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX

43. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché. Il est toutefois peu probable que la détention d'une gamme de produits ou d'un portefeuille de produits porte atteinte à la concurrence sur un ou plusieurs marchés si la nouvelle entité ne bénéficie pas d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier.

44. La présente opération va permettre à Maïsadour d'élargir sa gamme de produits au sein du secteur des produits de la mer en incluant la commercialisation de crevettes crues et cuites. En outre, des synergies entre les offres de saumon fumé, commercialisé par les deux parties, et de foie gras, marché sur lequel Maïsadour dispose de parts de marché importantes, pourraient être envisagées.

45. L'Autorité de la concurrence a déjà été amenée à analyser l'existence de complémentarités entre les offres groupées de saumon et celles de foie gras surgelés. Dans sa décision du 4 août 2010 relative à la prise de contrôle de l'activité surgelé du groupe Brossard par le groupe Alfesca, elle a toutefois exclu l'existence d'effets congloméraux compte tenu de l'existence d'opérateurs concurrents, eux-mêmes capables de développer des produits à base de foie gras et de saumon, du faible intérêt commercial d'éventuelles ventes liées de foie gras et de saumon surgelé et, enfin, compte tenu du fait que la nouvelle entité ferait face à des clients distributeurs, GMS et magasins spécialisés dans les ventes de produits surgelés, disposant d'un pouvoir de négociation important.

46. En l'espèce, la nouvelle entité disposera d'une faible part du marché du saumon fumé d'élevage d'Atlantique, de l'ordre de (10-20) %, ce qui limite tout risque d'effet de levier. En outre, elle fera face à la concurrence d'opérateurs simultanément présents sur les différents marchés concernés, en particulier Labeyrie, qui dispose de parts de marché supérieures à celle de la nouvelle entité sur les marchés du saumon fumé et comparables sur les marchés du foie gras. De plus, la nouvelle entité commercialise ses produits auprès d'enseignes importantes de la grande distribution qui disposent d'un fort pouvoir de négociation. Ce pouvoir de négociation est d'autant plus fort que les produits de foie gras et de saumon fumé de la nouvelle entité sont, pour une large part, commercialisés sous marques de distributeurs, dans le cadre d'appels d'offres organisés par les GMS.

47. En outre, les ventes de crevettes de la nouvelle entité représentent, comme indiqué précédemment, moins de (5-10) % de l'ensemble des ventes nationales, quel que soit l'éventuel segment de marché concerné.

48. Par conséquent, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effet congloméraux.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-116 est autorisée.

Notes :

1 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-157 du 31 octobre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs des sociétés Norway Seafoods SAS et Norway Seafoods Boulogne SAS par la société Maïsadour.

2 L'activité "Saurisserie" de Ledun Pêcheur d'Islande, portant sur les activités de production de harengs, morues et autres produits divers fumés (à l'exclusion du saumon) a fait l'objet d'une cession au profit de la société Delabli en avril 2013. Elle est donc exclue du périmètre d'analyse de la présente décision.

3 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-20 du 20 octobre 2006 relatif à l'acquisition de la société Marine Harvest NV par la société Pan Fish ASA. Voir également la décision de la Commission européenne COMP-M. 6850 du 30 septembre 2013.

4 Id.

5 Voir par exemple la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-48 du 22 septembre 2009 relative à l'acquisition par la société LDC Traiteur de la société Marie.

6 Id.

7 Voir par exemple la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-48, précitée.

8 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-20 du 20 octobre 2006 relatif à l'acquisition de la société Marine Harvest NV par la société Pan Fish ASA.

9 Id.

10 Décision de la Commission européenne COMP-M.2078 du 21 août 2000.

11 Décisions de la Commission européenne COMP-M.4089 du 31 janvier 2006 et COMP-M.6638 du 23 août 2012.

12 Id.

13 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-190 du 16 décembre 2011 relative à l'acquisition du contrôle conjoint de Financière de Kiel par LBO France Gestion et Lur Berri et n° 09-DCC-31 du 29 juillet 2009 relative à la prise de contrôle conjoint de certains actifs du Groupe Alfesca par les sociétés Lur Berri Holding SAS et Kjalar Invest BV.

14 La présente analyse tient compte de l'acquisition par Maïsadour des principaux actifs des sociétés Norway Seafoods SAS et Norway Seafoods Boulogne SAS, autorisée par l'Autorité de la concurrence le 31 octobre 2013.

15 La partie notifiante est toutefois en mesure d'estimer que le groupe Labeyrie et le groupe Marine Harvest représentent environ [60-70] % et [5-10] % respectivement du chiffre d'affaires tirés des ventes en GMS de saumon fumé d'Atlantique en France sous marque propre, contre [0-5] % environ pour la nouvelle entité.

16 La partie notifiante précise que ses ventes de sushis auprès de la RHD sont nulles et non significatives auprès des IAA-grossistes.

17 Le saumon frais d'élevage d'Atlantique représente environ les trois quarts du saumon frais consommé en France.

18 Les ventes de saumon cru en tartare représentent moins de 1 % du chiffre d'affaires total de LPI.