ADLC, 20 novembre 2013, n° 13-DCC-170
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 14 octobre 2013, relatif à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Agralys est une coopérative agricole qui compte 6 000 agriculteurs associés implantés principalement au sud-ouest du bassin parisien. Elle est issue de la fusion de trois coopératives agricoles situées dans le Loiret, le Loir-et-Cher, l'Indre-et-Loire, l'Eure-et-Loir, l'Orne, les Yvelines et l'Essonne. Son activité est largement dominée par les métiers du grain (collecte de céréales, protéagineux et oléagineux, l'approvisionnement en produits d'agrofourniture, production et commercialisation de semences). Elle exerce également des activités de diversification consistant en la distribution de produits pour le vignoble et la production et commercialisation de légumes. Enfin, elle détient des participations non contrôlantes dans des sociétés actives dans la production animale, la production d'engrais et la transformation de blé dur.
2. Epis-Centre est une coopérative agricole qui compte 7 000 agriculteurs associés implantés principalement au sud du bassin parisien. Elle est issue de la fusion de six coopératives agricoles situées dans l'Indre, le Cher et la Nièvre. Son activité est concentrée dans les métiers du grain, à savoir la collecte de grains (blé, orge, avoine maïs notamment), l'approvisionnement en produits d'agrofourniture et la multiplication des semences. Elle diversifie par ailleurs ses activités avec la distribution de produits pour le vignoble, la production et commercialisation de légumes (lentilles vertes) et, de manière marginale, la distribution de fioul domestique.
3. Agralys et Epis-Centre ont formé en 2009 une union de coopératives agricoles à capital variable, dénommée Axereal, qui a réuni leurs activités de commercialisation de céréales, protéagineux et oléagineux, de transformation du grain, de négoce international et de logistique. En revanche, Agralys et Epis-Centre ont continué à assurer elles-mêmes la collecte des produits auprès de leurs adhérents. Axéréal exerce également des activités de diversification consistant en la distribution de produits et matériels de jardinerie pour les particuliers, laboratoires d'analyse, agrofourniture et enfin diverses prestations de services de travaux agricoles et de recyclage et granulation. Elle est présente dans les départements du Loiret, Eure-et-Loir, Orne, Yvelines, Essonne, Loir-et-Cher, Indre, Cher et Nièvre, regroupe au total 13 000 agriculteurs adhérents et emploie 3 225 salariés en France et à l'international au travers du groupe qu'elle constitue avec ses filiales directes et indirectes. La création d'Axéréal a été autorisée par une décision du ministre de l'économie du 2 janvier 2009 (1).
4. La Société Coopérative de Production et de Distribution de Semences (ci-après "Epis-Sem") est une société coopérative agricole à capital variable réparti entre ses adhérents agriculteurs ([...] %), Epis-Centre ([...] %) et Axereal ([...] %). Les parties y ont logé leurs activités de production, multiplication et vente de semences, principalement de céréales, exclusivement en France.
5. L'opération, formalisée par un traité de fusion signé le [confidentiel], consiste en la fusion-absorption par Axereal des coopératives agricoles Epis-Centre, Agralys et Epis-Sem et l'apport consécutif de leurs actifs à Axereal. A l'issue de l'opération, Axereal actuellement constituée sous forme d'union de coopératives agricoles, sera transformée en société coopérative agricole. En ce qu'elle se traduit par la fusion d'entreprises antérieurement indépendantes (Agralys, Epis-Centre et Epis-Sem) dans le capital d'Axereal, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.
6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Agralys : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2012 ; Epis-Centre : [...] d'euros pour la même période, Epis-Sem : [...] d'euros pour la même période). Deux aux moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Agralys : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2012 ; Epis-Centre : [...] d'euros pour la même période, Epis-Sem : [...] d'euros pour la même période). Les seuils de notification de l'article 1 paragraphe 1 du règlement (CE) 139-2004 sont franchis mais chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l'Union en France, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. Axéréal est présente depuis sa création sur de nombreux marchés aval de l'industrie céréalière. L'opération réunit désormais les activités amont d'Agralys et Epis-Centre telles que la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux (A) et la distribution de produits d'agrofourniture (B) ainsi que les activités de multiplication et commercialisation de semences d'Agralys et Epis-SEM (C). Agralys et Epis-Centre sont également actives plus marginalement dans le secteur de la commercialisation de légumes (D).
A. LE SECTEUR DES CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX
8. La pratique décisionnelle nationale récente distingue un marché amont de la collecte des céréales, protéagineux et oléagineux par les organismes collecteurs auprès des agriculteurs d'un marché aval de la commercialisation au niveau national et international par les organismes collecteurs.
1. LE MARCHÉ AMONT DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX
9. La pratique décisionnelle nationale récente retient l'existence d'un marché unique de la collecte englobant à la fois les oléagineux, les protéagineux et les céréales (2), dans la mesure où les silos de collecte peuvent indifféremment stocker tous types de grains (céréales, protéagineux et oléagineux), certains produits nécessitant seulement des infrastructures spécifiques, tels que des séchoirs pour le maïs ou des outils de triage pour les pois. Le test de marché réalisé dans le cadre de la présente opération a confirmé que la plupart des organismes collecteurs disposent de l'ensemble des infrastructures adaptées à chaque type de grain, ce qui leur permet de stocker aussi bien des céréales, des oléagineux que des protéagineux.
10. S'agissant de la délimitation géographique, il a récemment été confirmé que la collecte de récoltes est un marché local (3), l'analyse concurrentielle ayant d'abord été menée, compte tenu notamment des données fournies par FranceAgriMer, au niveau départemental, complétée ensuite par une analyse sur des zones de 45 kilomètres autour des points de collecte des entreprises concernées. Le test de marché a confirmé le caractère localisé des prestations de collecte de céréales, oléagineux et protéagineux.
11. En l'espèce, Agralys et Epis-Centre sont simultanément actives sur le marché de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux dans les départements de l'Indre, de l'Indre-et-Loire, du Cher et du Loiret.
2. LE MARCHÉ AVAL DE LA COMMERCIALISATION DE CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX
12. La pratique décisionnelle nationale (4), tout en laissant la question ouverte, considère qu'il existe un marché de commercialisation segmenté par type de céréales, oléagineux et protéagineux. Elle distingue par ailleurs le blé dur du blé tendre au motif que les usages de ces deux céréales sont différents : le blé dur est utilisé en semoulerie tandis que le blé tendre sert essentiellement en meunerie et en alimentation animale. En outre, les autorités de concurrence (5) ont considéré qu'il pouvait être envisagé de distinguer des segments incluant uniquement les céréales, oléagineux ou protéagineux d'origine biologique.
13. S'agissant de la délimitation géographique, la pratique décisionnelle nationale, tout en laissant la question ouverte, considère que ces marchés sont de dimension nationale, voire européenne. Il a ainsi été envisagé (6) de distinguer, dans le cas du blé dur, un marché de la commercialisation auprès des industriels de dimension nationale, et un marché de la commercialisation auprès de négociants de dimension au moins nationale. Toutefois, en l'espèce, la question de la délimitation géographique exacte du marché peut rester ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée.
14. En l'espèce, seule Axereal est active sur les marchés avals de la commercialisation de céréales, protéagineux et oléagineux.
B. LE SECTEUR DE L'AGROFOURNITURE
1. LE COMMERCE DE GROS DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE
15. La pratique décisionnelle nationale s'est interrogée sur l'existence d'une segmentation du marché du commerce de gros en fonction des grandes catégories de produits, à savoir (i) les semences, (ii) les engrais et (iii) les produits phytosanitaires (7). En revanche, s'agissant d'une activité de commerce de gros, elle considère qu'une segmentation plus fine par type de semences, d'engrais ou de produits phytosanitaires n'est pas pertinente, les grossistes distribuant tous types de produits au sein d'une même catégorie (8).
16. La pratique décisionnelle (9) a confirmé qu'en ce qui concerne les engrais, l'analyse concurrentielle pouvait être menée sur un marché global du commerce de gros auprès des distributeurs-détaillants, une telle pratique pouvant être éventuellement étendue aux autres catégories de produits.
17. Au cas d'espèce, seule Axereal est active sur le marché de la distribution en gros de produits d'agrofourniture.
18. S'agissant de la délimitation géographique de ce marché, la pratique décisionnelle nationale a retenu une dimension nationale, tout en s'interrogeant sur l'existence de marchés de dimension supranationale (10). La Commission européenne avait retenu, pour le marché du commerce de gros des engrais, une dimension nationale.
19. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.
2. LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE
a) Les produits d'agrofournitures destinés à la culture de terres
20. En matière d'agrofourniture, la pratique décisionnelle nationale (11) a retenu une segmentation en fonction du type de cultures, en distinguant notamment le maraîchage de la polyculture, et a envisagé l'existence d'un marché distinct de la distribution de produits pour le vignoble.
21. En ce qui concerne la distribution de produits d'agrofourniture destinés à la polyculture, les autorités nationales de concurrence (12) distinguent la distribution de semences, la distribution d'engrais, la distribution de produits phytosanitaires, la distribution d'autres matériels agricoles, voire la distribution d'amendements, tout en soulignant l'existence d'une forte substituabilité du côté de l'offre dans la mesure où la très grande majorité des distributeurs propose aux agriculteurs ces différentes catégories de produits (13). S'agissant plus spécifiquement de la distribution de semences, il a été envisagé l'existence d'un segment particulier constitué des semences destinées à l'agriculture biologique.
22. En ce qui concerne la distribution de produits d'agrofourniture destinés au vignoble, il a été envisagé de segmenter le matériel de palissage des vignes, le matériel d'oenologie, le matériel de conditionnement, les engrais et les produits phytosanitaires (14).
23. Enfin, l'Autorité de la concurrence a estimé qu'il n'y avait pas lieu de segmenter le marché par canal de distribution, les négociants et les coopératives fournissant aux agriculteurs une offre similaire (15). En effet, même si des différences importantes entre ces deux types d'acteurs (statuts, fiscalité, nature des relations contractuelles avec l'agriculteur) peuvent subsister, celles-ci ne suffisent pas à retenir l'existence de deux marchés de produits distincts.
24. S'agissant de la délimitation géographique de ces marchés, la pratique décisionnelle (16) antérieure a retenu une dimension locale pour les marchés de la commercialisation de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, l'analyse étant effectuée au niveau départemental. L'Autorité de la concurrence a considéré qu'en dépit de la recherche d'une certaine rationalisation dans la livraison des marchandises à partir de plateformes et lieux de stockage moins nombreux, le marché conservait une dimension locale.
Dans ces conditions, et au vu des données disponibles pour le calcul des parts de marché, une première analyse sera menée à l'échelon du département (17). Dans la mesure où le périmètre d'activité des entreprises du secteur ne tient pas forcément compte de cette délimitation administrative, une analyse complémentaire sera menée en fonction de la répartition des points de vente des parties et de leur zone de chevauchement sur les départements affectés.
25. Au cas d'espèce, il existe des chevauchements d'activité entre Agralys, Epis-Centre et Axereal (au travers de ses filiales Echivard et Coolen) sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture destinés à la polyculture dans les départements du Cher, de l'Indre, du Loiret, de l'Eure-et-Loir, des Yvelines et de l'Essonne. En outre, Agralys et Epis-Centre sont simultanément actives sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture destinés au vignoble dans les départements de l'Indre et du Loiret.
b) Les produits d'agrofourniture destinés à l'élevage
26. La pratique décisionnelle nationale a envisagé l'existence d'un marché d'agrofourniture de matériel d'élevage (abreuvoirs, auges, clôtures, etc.), toutes espèces animales confondues (18). Au cas d'espèce, en l'absence de toute difficulté dans l'analyse concurrentielle, la question de l'existence de ce marché et de sa segmentation peut être laissée ouverte.
27. S'agissant de la délimitation géographique de ce marché, la pratique décisionnelle a envisagé une dimension départementale, tout en laissant la question ouverte. Il n'y a pas lieu au cas d'espèce de remettre en cause cette définition, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
28. Au cas d'espèce, Agralys et Epis-Centre sont simultanément actives sur le marché de la distribution de produits d'agrofourniture destinés à l'élevage dans le département du Loiret. Agralys et Axereal sont également simultanément actives sur ce marché dans les départements de l'Eure-et-Loir et des Yvelines.
C. LE SECTEUR DES SEMENCES
1. LES MARCHÉS DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION DE SEMENCE
a) Marché de produits
Segmentation entre obtention et production-commercialisation
29. L'Autorité de la concurrence a envisagé une segmentation (19) du secteur des semences selon les étapes du processus d'obtention (20) de la semence de base d'une part, et de production (21) et de commercialisation de semences commerciales, d'autre part.
30. Elle a cependant indiqué que la pertinence de cette segmentation dépendait étroitement du type de semences. S'agissant des semences autogames, l'Autorité a souligné que des opérateurs différents assuraient généralement les activités d'obtention, d'une part, et les activités de production et de commercialisation, d'autre part. Ainsi, les obtenteurs donnent, dans le cadre de contrats de licence, l'autorisation à des établissements producteurs de produire et commercialiser pour leur propre compte une quantité déterminée de semences (définie par semence) en contrepartie du versement d'une redevance (22). S'agissant des semences allogames ou hybrides, les activités d'obtention, de production et de commercialisation de semences sont la plupart du temps assurées par le même opérateur (23).
31. La production-commercialisation de semences correspond à la commercialisation en "circuit long" auprès de coopératives ou négociants, par opposition au circuit court (marché de l'agrofourniture) par lequel les coopératives approvisionnent directement leurs agriculteurs adhérents en semences (24).
32. Agralys et Epis-Sem exercent une activité de production-commercialisation de semences commerciales en France.
Segmentation par espèce
33. Tout en laissant la question ouverte, les autorités de concurrence distinguent autant de marchés pertinents qu'il existe d'espèces de semences, ces dernières n'étant pas mutuellement substituables (25).
34. Pour autant, la question de la pertinence d'une segmentation par type d'espèces en ce qui concerne les semences autogames s'est posée, dans la mesure où du point de vue des producteurs non-obtenteurs, les usines de production de semences peuvent être indifféremment utilisées pour la production de toutes les espèces de semences autogames. L'Autorité de la concurrence a cependant relevé que la capacité réelle d'une coopérative à produire des semences variées était étroitement liée à la capacité de son réseau d'agriculteurs à modifier un certain nombre de contraintes techniques qui limitent la rotation des cultures. En outre, du point de vue de la demande, il ne peut être soutenu que les différentes espèces de semences autogames sont substituables (26).
35. Toutefois, en l'espèce, la question de la délimitation du marché peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition envisagée, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.
36. En l'espèce, Agralys et Epis-Sem exercent une activité de production et commercialisation de semences de blé tendre, de blé dur, d'orge hiver, d'orge printemps, de triticale, de seigle, d'avoine hiver, d'avoine printemps et de pois.
b) Marchés géographiques
37. La pratique décisionnelle communautaire et nationale (27) estime que le marché de la production et commercialisation de semences est de dimension nationale. La Commission a, en effet, relevé que les prix et les conditions d'approvisionnement des clients différaient d'un Etat membre à l'autre. Par ailleurs, elle a noté que les semences commercialisées étaient développées en fonction des conditions de culture des zones géographiques auxquelles elles étaient destinées. La Commission et les autorités françaises en ont conclu que les clients achètent en principe les semences adaptées aux exigences liées à leurs sols et à leurs conditions climatiques auprès de producteurs implantés dans leur propre état membre (28) Néanmoins, la Commission a aussi relevé une certaine "européanisation" du secteur des semences en soulignant que la certification délivrée par un Etat membre entraînait l'inscription au catalogue européen et permettait la libre commercialisation des semences en Europe.
38. En l'espèce, l'analyse sera menée au niveau national, la question de la délimitation géographique exacte des marchés de la production et commercialisation de semences pouvant demeurer ouverte en l'absence de problèmes concurrentiels.
2. LES MARCHÉS DE LA MULTIPLICATION DES SEMENCES
a) Marchés de produits
39. La pratique décisionnelle, aussi bien communautaire que nationale (29), envisage l'existence d'un marché de la multiplication des semences, distinct du (ou des) marché(s) de l'obtention, de la production et commercialisation de semences. La multiplication de semences correspond à la phase au cours de laquelle des établissements producteurs transmettent les semences de base à des agriculteurs en vue de leur multiplication afin d'obtenir des semences commerciales. L'Autorité de la concurrence a ainsi expliqué que sont présents sur ce marché, du côté de l'offre, les coopératives ainsi que les agriculteurs multiplicateurs
40. Cependant, comme l'organisation du secteur des semences varie en fonction du type de semence considéré, il convient de préciser que dans le cas des semences hybrides, ce sont les obtenteurs qui confient à des coopératives ou directement à des agriculteurs multiplicateurs dans le cadre de contrats de sous-traitance la multiplication des semences de base pour obtenir des semences commerciales. Dans le cas des semences autogames, en revanche, les obtenteurs accordent à des coopératives agréées en tant qu'établissement de production une licence de production pour une semence donnée qui leur permet de multiplier pour leur propre compte la semence en question. Ainsi, dans le cas autogame, l'Autorité a relevé qu'il pouvait être considéré que l'activité de multiplication découle directement de l'octroi de la licence de production et ne donne pas lieu à une relation économique spécifique entre obtenteur et producteur autre que celle qui est examinée dans le cadre du marché de l'obtention (30).
41. La partie notifiante considère effectivement que l'activité de multiplication de semences autogames est une activité intégrée à celle de production et commercialisation de semences. Elle indique à cet égard qu'Agralys et Epis-Centre n'exercent pas, pour ces activités, une activité détachable et indépendante de la multiplication des semences. Ainsi, toutes les semences autogames sont multipliées, produites et commercialisées dans le cadre d'une même activité. A l'inverse, pour les semences hybrides, de maïs et de légumineuses, Agralys et Epis-Centre interviennent en qualité de sous-traitants, uniquement pour la multiplication des semences. En revanche, elles ne sont pas actives sur le marché de la production et commercialisation de ce type de semences.
42. En l'espèce, la question de l'existence d'un marché spécifique de la multiplication des semences autogames peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où l'activité des parties dans ce secteur est limitée.
43. Par ailleurs, les autorités de concurrence ont envisagé une segmentation du marché de la multiplication selon le type de semences.
44. La question de la délimitation exacte du marché de la multiplication des semences peut rester ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit l'hypothèse considérée.
45. Agralys et Epis-Centre sont actives sur le marché de la multiplication de semences hybrides, de maïs et de légumineuses.
b) Marchés géographiques
46. Les autorités de concurrence, tant communautaire que nationale (31), ont délimité les marchés de la multiplication de semences en fonction de critères climatiques, les zones ainsi définies couvrant parfois plusieurs États membres. La Commission a par ailleurs considéré que les marchés ainsi délimités devaient inclure la totalité des zones climatiques mondiales similaires.
47. En effet, dans le cas des semences hybrides, les obtenteurs qui souhaitent faire multiplier leurs semences par des agriculteurs (ou indirectement par des coopératives) dans le cadre de contrats de sous-traitance peuvent arbitrer entre l'ensemble des agriculteurs (ou coopératives) implantés dans les zones climatiques adaptées.
48. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette définition dans le cadre de la présente affaire.
D. LA COMMERCIALISATION DE LÉGUMES
49. S'agissant de produits alimentaires, la Commission européenne (32) et les autorités nationales (33) ont retenu à plusieurs reprises l'existence de marchés distincts par canal de distribution, à savoir : la grande distribution et les commerces à dominante alimentaire (ci-après "GMS", hard discount compris), la restauration hors foyer (ci-après "RHF") et l'industrie agroalimentaire (ci-après "IAA").
50. La pratique décisionnelle nationale (34) a considéré qu'il était pertinent d'opérer une segmentation selon la technologie utilisée (ou gamme de produits) pour le traitement des fruits et légumes. Elle a ainsi identifié les cinq marchés suivants : les fruits et légumes frais (1ère gamme), les fruits et légumes appertisés (2ème gamme), les fruits et légumes surgelés (3ème gamme), les fruits et légumes frais, crus, lavés et épluchés (4ème gamme) ainsi que les fruits et légumes stérilisés et pasteurisés sous vide (5ème gamme).
51. Les autorités nationales ont indiqué, s'agissant de la commercialisation des fruits et légumes, que les différences significatives dans les prix, les caractéristiques, et l'utilisation des fruits d'une part et des légumes, d'autre part, ne permettaient pas d'établir la substituabilité de ces deux catégories de produits. Une segmentation entre différents légumes de 4ème gamme a déjà été envisagée pour certains légumes présentant des spécificités en termes d'usage ou de structure de l'offre (35), notamment les champignons (36), la pomme de terre (37) et la salade (38).
52. La question de l'appartenance des lentilles au marché des légumes frais n'a jamais été analysée par la pratique décisionnelle. Cependant, en raison de l'absence de tout problème concurrentiel, cette question peut être laissée ouverte.
53. Au cas d'espèce, Agralys commercialise des légumes frais et pommes de terre auprès des GMS. Epis-Centre, au travers de sa filiale Cibèle, commercialise des lentilles auprès des GMS, des IAA et de la RHF.
54. S'agissant de la délimitation géographique de ce marché, les autorités de concurrence française et communautaire (39) ont retenu une dimension nationale des marchés de référence dans le domaine des produits alimentaires, en raison notamment des différences de prix et des modalités d'approvisionnement entre Etats membres. En effet, l'approvisionnement des produits frais peut se faire de manière journalière grâce à l'organisation d'un réseau logistique de dimension nationale. Il n'est pas nécessaire de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX DE L'OPÉRATION
1. LES MARCHÉS DES SEMENCES
a) Les marchés de la production - commercialisation de semences commerciales
55. Agralys et Epis-Sem sont simultanément actives sur le marché de la production- commercialisation de semences commerciales.
56. Les parts de marché en volume de la nouvelle entité sur le marché de la production-commercialisation de semences, segmenté par espèces, au niveau national, sont présentées ci-après (40).
<Emplacement tableau>
57. Il ressort de ce tableau que le cumul de part de marché des parties n'excède 25 % sur aucun des marchés en cause. La nouvelle entité fera face à la concurrence de plusieurs opérateurs tels que le GIE Actisem, qui dispose de huit sites de production et qui propose une variété importante de semences, Vivescia, Limarain, Semences de France ou Soufflet.
58. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la production - commercialisation de semences.
b) Les marchés de la multiplication des semences
59. Agralys et Epis-Centre (par l'intermédiaire de sa filiale Ferti-Berry) sont simultanément actives sur le marché de la multiplication de semences hybrides, de maïs et fourragères. Toutefois, Agralys est spécialisée dans le blé hybride, l'orge hybride et le maïs alors qu'Epis-Centre est active sur les légumineuses.
60. En outre, la partie notifiante indique qu'il existe un grand nombre d'opérateurs présents sur ce marché et que les donneurs d'ordre sont de grands groupes tels que Monsanto, Limagrain, Pionner, Euralis ou Syngenta pouvant aisément faire jouer la concurrence entre les différents multiplicateurs.
61. S'agissant d'un éventuel marché de la multiplication de semences autogames, la partie notifiante n'a pas été en mesure de communiquer ses parts de marché, mais indique que la part de marché cumulée des parties restera, en toute hypothèse, inférieure à 25 %, au niveau national comme sur un marché de dimension européenne
62. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la multiplication des semences.
2. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES, OLÉAGINEUX ET PROTÉAGINEUX
63. Agralys et Epis-Centre sont simultanément actives dans les départements de l'Indre, de l'Indre-et-Loire, du Cher et du Loiret. Toutefois, le test de marché réalisé dans le cadre de la présente opération a confirmé qu'Agralys et Epis-Centre étaient peu en situation de concurrence directe au niveau départemental, dans la mesure où Agralys est principalement active dans les départements des Yvelines, de l'Essonne, de l'Eure-et-Loir, du Loiret et du Loir-et-Cher, tandis que l'essentiel de l'activité d'Epis-Centre se concentre dans des départements situés plus au sud, à savoir principalement l'Indre, le Cher, la Nièvre et la Creuse.
64. Au niveau départemental, les parts de marchés d'Agralys et d'Epis-Centre, calculées sur la base des volumes collectés durant la campagne 2011-2012, montrent que même si la nouvelle entité disposera de parts de marché élevées, en particulier dans les départements de l'Indre et du Cher, le chevauchement d'activité est toujours très limité (moins de [0-5] % d'incrément) :
- en Indre-et-Loire (37), le cumul de parts de marché des parties sera inférieur à [10-20] % avec un incrément très faible de [0-5] % pour Epis-Centre ;
- dans le Loiret (45), le cumul de parts de marché des parties sera de [20-30] %, avec un incrément faible de [0-5] % pour Epis-Centre. La nouvelle entité sera en outre confrontée à la concurrence d'autres coopératives agricoles telle que Caproga, ([20-30] %), et des sociétés de négoces, telles que Soufflet ([20-30] %) ;
- dans l'Indre (36), le cumul de parts de marché des parties sera de [50-60] %, avec un incrément faible de [0-5] % pour Agralys. La nouvelle entité sera confrontée à la concurrence d'autres coopératives agricoles, telle la Coopérative Centre Ouest Céréales (ci-après "COC" - [5-10] %) mais aussi Agrial et Terrena, et des sociétés de négoces, telle que Villemont ([10-20] %) mais aussi Soufflet, Terragro et Dupré Lardeau ;
- dans le Cher (18), le cumul de parts de marché des parties sera de [70-80] % avec un incrément faible de [0-5] % pour Agralys. La nouvelle entité sera confrontée à la concurrence d'autres sociétés de négoces, telles que Soufflet ([10-20] %) et Ets Villemont ([5-10] %) mais aussi Terragro, Axiome, Ets Martignon, Ets Jeudi, Caproga et Suplisson.
65. Au niveau local, il existe deux zones de chevauchements entre les points de collecte d'Agralys et d'Epis-Centre :
- sur une zone de 45 kilomètres autour du site d'Agralys de Nouans les Fontaines (37), qui se situe au point de croisement des départements de l'Indre-et-Loire, du Loir-et-Cher et de l'Indre, la nouvelle entité disposera de [...] sites de collecte ([...] sites appartenant à Agralys et [...] sites appartenant à Epis-Centre), soit [40-50] % de l'ensemble des silos de la zone. Elle fera face à la concurrence de plusieurs organismes collecteurs, tels qu'Agrial ([10-20] %), Ets Villemont ([10-20] %), ou Centre Ouest Céréales ([5-10] %). Sur cette zone au total, les concurrents disposent collectivement de [...] points de collecte, répartis de manière relativement homogène ([...] sites en Indre-et-Loire, [...] sites dans l'Indre et [...] sites à l'est du Cher et [...] site dans le Loir-et-Cher). En outre, environ une [...] de points de collecte concurrents sont situés en périphérie de la zone étudiée ;
- sur une zone de 45 kilomètres autour du site d'Agralys de Cernoy en Berry (45), au sud du département du Loiret, la nouvelle entité dispose de [...] sites ([...] sites appartenant à Agralys et [...] sites appartenant à Epis-Centre), soit [70-80] % de l'ensemble des sites de la zone. Elle fera face à la concurrence de plusieurs organismes collecteurs, tels que Soufflet ([10-20] % des points de collecte), Caproga ([5-10] %) ou Ets Martignon ([0-5] %). Sur la zone de Cernoy en Berry au total, les concurrents disposent collectivement de [...] points de collecte, répartis de manière relativement homogène dans la zone concernée ([...] sites dans le Loiret, [...] sites dans le Cher et [...] site dans la Nièvre).
66. Plusieurs éléments doivent être pris en considération pour relativiser les parts de marché détenues par la nouvelle entité à l'issue de l'opération, tant au niveau départemental que sur les zones locales.
67. En premier lieu, il convient de noter que les agriculteurs adhérents conserveront la possibilité de vendre une part substantielle de leurs récoltes à des organismes concurrents.
68. En effet, les statuts d'Agralys prévoient que les quantités à livrer par les agriculteurs à la coopérative sont déterminés contractuellement lors de chaque campagne des produits de leur exploitation. La partie notifiante indique qu'en pratique, les engagements de livraison annuels sont de [...] %. Les statuts d'Epis-Centre prévoient un engagement d'apport des produits issus de la collecte de grains à hauteur de 55 % au moins.
69. Le projet de statut communiqué par la partie notifiante indique qu'à l'issue de l'opération, les engagements des agriculteurs adhérents d'Axereal devraient être de 55 %, soit le niveau actuellement prévu pour Epis-Centre. La partie notifiante rappelle à cet égard qu'en vertu de l'article L. 526-5 du code rural et de la pêche, une fusion entre coopératives agricoles ne peut entraîner sur le plan juridique un accroissement des engagements contractés par les sociétaires dans leur coopérative d'origine, sauf accord de leur part. Afin de respecter les dispositions de cet article en ce qui concerne Agralys, la partie notifiante indique que la modification des engagements (passage d'un engagement à [...] % pour Agralys à un engagement à 55 % pour Axereal) prendra effet à la date de renouvellement de l'engagement statutaire de chaque adhérent, comme l'article L. 526-5 du code rural et de la pêche en prévoit la possibilité.
70. En deuxième lieu, la partie notifiante indique que les agriculteurs disposent d'une liberté dans le choix du moment auquel vendre leur production, ce qui leur permettrait, dans une certaine mesure, de mettre en concurrence davantage d'organismes collecteurs. Une fois la moisson intervenue, les agriculteurs peuvent ainsi choisir de la livrer le jour même aux collecteurs ou de différer la vente de leurs produits, notamment si une hausse des prix des grains est attendue. Les grains sont dans ce cas stockés dans les silos d'un organisme stockeur (coopérative ou négociant, en vue de la vente ultérieure auprès d'un acheteur tiers, l'organisme stockeur facturant le coût de stockage à l'agriculteur) ou dans les propres silos des agriculteurs qui en disposent.
71. Il ressort du test de marché qu'une majorité des agriculteurs ayant répondu pratiquent le stockage à la ferme, afin de profiter de meilleurs prix en vendant de façon retardée, même si une minorité le fait afin de mettre en concurrence plus d'acheteurs potentiels.
72. Enfin, l'Autorité de la concurrence a eu l'occasion de rappeler (41) que la collecte de céréales, oléagineux et protéagineux sur une zone donnée peut être assurée à partir de deux types de points de collecte : soit une simple plateforme de collecte pendant la période de moisson ; soit un silo de stockage performant, avec des infrastructures adaptées au traitement et à la conservation du grain. Elle a également souligné que le développement d'une simple plateforme de collecte provisoire pour un nouvel entrant sur une zone locale donnée ne constitue pas en tant que tel une barrière à l'entrée, compte tenu des faibles investissements requis, si cet opérateur dispose par ailleurs d'un silo de stockage plus performant à une distance raisonnable.
73. Or en l'espèce, plusieurs organismes collecteurs importants se trouvent à une distance raisonnable :
- sur la zone de Cernoy en Berry, Capogra, Soufflet, Ets Martignon et SCAEL notamment disposent de silos situés à proximité des silos de la nouvelle entité. En outre, l'intégralité des concurrents de la nouvelle entité dans cette zone ont répondu être en mesure d'accueillir les agriculteurs adhérents d'Agralys et Epis-Centre qui manifesteraient leur intention de quitter ces coopératives, sous réserve toutefois de leur localisation. Enfin, au moins deux organismes collecteurs importants ont affirmé être capables d'investir dans la construction de silos de stockage supplémentaires, adaptés au traitement et à la conservation de tout type de grains ;
- sur la zone de Nouans les Fontaines, Ets Villemont, Agrial et Centre Ouest Céréales notamment détiennent des silos situés à proximité de ceux de la nouvelle entité. Ces concurrents se sont déclarés en mesure d'accueillir les agriculteurs adhérents d'Agralys et Epis-Centre souhaitant quitter ces coopératives. Deux d'entre eux ont en outre affirmé être en mesure d'investir dans la construction de silos de stockage supplémentaires.
74. La partie notifiante indique en outre qu'un certain nombre de sociétés de négoce concurrentes d'Agralys et Epis-Centre sur les zones concernées sont membres du syndicat professionnel Négoce Agricole Centre Atlantique. Ce syndicat offre à ses membres un certain nombre de services et de conseils dans les domaines social, fiscal, juridique, de contrôle des céréales, de mise à disposition de matériel de transport et d'emballage, etc, pouvant permettre aux sociétés de négoce membres d'améliorer l'offre faite aux agriculteurs. Le test de marché a confirmé que l'adhésion à ce syndicat constituait un avantage concurrentiel pour ses membres.
75. En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux.
3. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE
a) Les produits d'agrofourniture pour la polyculture
76. Agralys, Epis-Centre et Axereal sont simultanément présentes sur le marché de la distribution au détail de produits d'agrofourniture destinés à la polyculture. Les départements du Cher, de l'Indre, du Loiret, de l'Eure-et-Loir, des Yvelines et de l'Essonne sont concernés par des cumuls d'activités.
77. Les parts de marché communiquées par les parties sont les suivantes (42) :
<Emplacement tableau>
78. Dans le Cher et l'Indre, seules Agralys et Epis-Centre sont présentes et le chevauchement d'activité est marginal ([0-5] % pour le Cher et [0-5] % pour l'Indre) sur le marché de la distribution au détail d'engrais.
79. Dans le Loiret, le cumul de parts de marché n'excède pas [20-30] % environ. De plus, l'incrément résultant de l'opération est très limité. La nouvelle entité fera en outre face à la concurrence des groupes coopératifs et des sociétés de négoce tels qu'Ets Suplisson, Pissier SA, Agri Négoce, Phyto Services, Lepatre, Agridis, et le groupe Soufflet.
80. Dans les Yvelines, le cumul de parts de marché n'excède pas [20-30] % environ. L'incrément de parts de marché est très limité. La nouvelle entité restera en outre en concurrence avec plusieurs opérateurs importants, à la fois des groupes coopératifs ou industriels (Soufflet, SCAEL, Coop IDF Sud) et des sociétés de négoce (Agri Alternative, Coisnon, Comagrain).
81. Dans l'Essonne, le cumul de parts de marché est compris entre [10-20] % (pour les semences) et [20-30] % (pour les engrais). L'incrément de part de marché est limité, notamment pour les engrais ([0-5] %). La nouvelle entité fera face à la concurrence des mêmes opérateurs que ceux actifs dans le département des Yvelines.
82. En Eure-et-Loir, seule Agralys et Axereal sont présentes. Le cumul de parts de marché est compris entre [20-30] % (pour les engrais) et [30-40] % (pour les produits phytosanitaires) avec un incrément compris entre [0-5] % et [10-20] % environ. Cependant, cet incrément est à relativiser dans la mesure où Agralys contrôlait déjà Axereal avant l'opération. De plus, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence d'opérateurs importants, tels que SCAEL ([30-40] % tous produits confondus). Sont également présents SCAB, Soufflet et CABEP, qui disposent chacun d'une part de marché sur le département comprise entre [10-20] % et [5-10] % environ.
83. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture.
b) Les produits pour le vignoble
84. Epis-Centre (via sa filiale Espace Vigne) et Agralys (via sa filiale Vitivini Val de Loire) sont simultanément actives sur le marché de la distribution de produits pour le vignoble dans les départements de l'Indre et du Loiret. Les parts de marché communiquées par les parties sont les suivantes :
<Emplacement tableau>
85. Il ressort de ces tableaux que l'opération projetée aboutit à des parts de marché excédant 25 % sur la plupart des segments de marchés, avec des incréments plus significatifs dans le département de l'Indre. Ces parts de marché départementales ne reflètent cependant pas la réalité de l'interaction concurrentielle existante entre les parties avant l'opération.
86. En effet, la demande qui émane des viticulteurs est étroitement localisée, liée aux zones de production des AOC. Or, Agralys concentre ses ventes autour de Blois, Tours, Châteauroux et Orléans et Epis-Centre, autour de Bourges et de Sancerre. L'absence de chevauchement territorial est confirmée par le fait que les deux coopératives n'ont que [...] clients en commun, soit moins de 1 % du nombre total des clients et du chiffre d'affaires de chacune de ces sociétés dans la zone.
87. Sur chacune de leur zone d'intervention, les parties font face à la concurrence d'acteurs significatifs :
- sur la zone autour de Bourges et de Sancerre, Epis-Centre (part de marché estimée à [30-40] % tous produits confondus) fait face à la concurrence de Vitagri ([40-50] %), et Soufflet Vigne ([10-20] %) ;
- sur la zone autour de Blois, Tours, Châteauroux et Orléans, Agralys (part de marché estimée à [50-60] % tous produits confondus) fait face à la concurrence de Vitinégoce ([10-20] %), Saboc ([10-20] %), Renaud SA ([5-10] %), Phytoservice ([5-10] %) et LVVD ([5-10] %).
88. Les réponses au test de marché montrent par ailleurs que les clients ne s'approvisionnent en général pas exclusivement auprès d'une des parties, mais auprès de plusieurs distributeurs concurrents, en fonction notamment du type de produits recherché. A cet égard, il apparaît que la plupart des concurrents d'Espace Vigne et Vitivini sont en mesure d'offrir une gamme complète de produits d'agrofourniture pour le vignoble.
89. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution au détail de produits d'agrofourniture pour le vignoble par le biais d'effets horizontaux.
c) Les produits d'agrofourniture pour l'élevage
90. Les parties notifiantes ont estimé leur cumul de parts de marché à moins de 5 % dans les départements du Loiret, de l'Eure-et-Loir et des Yvelines.
91. Dès lors, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture destinés à l'élevage.
4. LES MARCHÉS DE LA COMMERCIALISATION DE LÉGUMES FRAIS, DE POMMES DE TERRE ET DE LENTILLES
92. Les parties notifiantes ont estimé leur cumul de parts de marché à moins de 5 % quelle que soit la segmentation retenue.
93. Dès lors, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l'approvisionnement en légumes frais.
B. LES EFFETS VERTICAUX
94. Depuis la création d'Axéréal, autorisée par le ministre de l'économie le 2 janvier 2009 (43), Agralys, Epis-Centre et Epis-Sem entretiennent des relations d'achat et de vente avec l'union de coopérative, chargée de la commercialisation de leur collecte et de la centralisation des achats de produits d'agrofourniture destinés aux adhérents des coopératives. Agralys et Epis-Centre cèdent en effet l'intégralité de la collecte de leurs adhérents à Axereal qui est chargée de leur commercialisation. Il en est de même pour les semences commerciales qui sont cédées à Axereal par Agralys et Epis-Centre pour être revendues ensuite en circuit court, via Agralys et Epis-Centre, ou en circuit long.
95. En conséquence, l'opération projetée n'aura pas d'impact, en termes d'intégration verticale, sur les activités exercées par Axereal sur les marchés situés en aval de l'activité de commercialisation de céréales et de semences, ni sur les activités exercées par Agralys et Epis-Centre sur les marchés amont.
96. La partie notifiante indique qu'Axereal a développé, depuis sa création, une activité de distribution de gros de produits d'agrofourniture. Axereal exerce en effet une activité de centrale d'achat en matière de produits d'agrofourniture (engrais, phytosanitaires, autres matériels agricoles) qu'elle achète en tant que grossiste et cède à Agralys et Epis-Centre en vue de leur revente à leurs adhérents. Dans la limite de 20 % fixée par ses statuts, Axereal approvisionne également des tiers non adhérents en produits d'agrofourniture. L'opération projetée pourrait en conséquence avoir un impact sur les marchés de l'agrofourniture.
97. Sur le marché français de la distribution de gros de produits d'agrofourniture, les parts de marché d'Axereal sont inférieures à 10 % quels que soient les produits concernés, sauf pour les engrais où elle est de [10-20] %. La partie notifiante précise que ces parts de marché sont surestimées, dans la mesure où elles sont calculées à partir des chiffres d'affaires réalisés par les principales sociétés concurrentes d'Axereal exerçant une activité de grossiste en produits d'agrofourniture et non à partir du montant total des ventes de produits d'agrofourniture réalisées en France sur le marché de gros.
98. En outre, Axereal fait face à la concurrence de nombreux acteurs significatifs disposant de parts de marché comparables ou supérieures à celles d'Axereal sur les segments du marché de la distribution en gros de produits d'agrofourniture. Certains de ces concurrents sont issus de la concentration progressive de distributeurs, sociétés de négoce privées et coopératives agricoles, constitués afin d'accroître leur pouvoir de négociation vis-à-vis des producteurs de produits d'agrofourniture. Il s'agit par exemple des groupements Symphonie, Agridis ou le syndicat professionnel Négoce Agricole Centre Atlantique. D'autres concurrents résultent de la réunion de coopératives au sein d'unions de coopératives jouant le rôle de centrales d'achat en matière de produits d'agrofourniture. Il s'agit par exemple d'Agrihub, Alliance Régionale Est Appro, Alliance Atlantique Agro ou l'Union Terres de France.
99. Il ressort de ce qui précède que la nouvelle entité ne disposera pas des moyens de verrouiller l'accès des coopératives agricoles et des distributeurs aux marchés des intrants. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-155 est autorisée.
Notes :
1 Cf. la lettre du ministre de l'économie n° C2008-94 du 2 janvier 2009.
2 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-42 du 26 mars 2012, n° 12-DCC-49 du 10 avril 2012 et n° 13-DCC-11 précitée.
3 Id.
4 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-42, n° 12-DCC-49 et n° 13-DCC-11 précitées, et les décisions n° 09-DCC-90 du 29 décembre 2009 et n° 10-DCC-107 du 9 septembre 2010.
5 Voir la lettre du ministre de l'économie C2008-94 précitée et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-38, n° 12-DCC-42 du 26 mars 2012, n° 12-DCC-49 et n° 13-DCC-11 précitées.
6 Voir la décision n° 13-DCC-11 précitée.
7 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-75 du 18 juin 2012.
8 Id.
9 Voir la décision de la Commission européenne M. 4730 du 21 septembre 2007 et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-75 précitées.
10 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-75 précitée.
11 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-90 précitée, n° 10-DCC-84 du 16 août 2010 et n° 12-DCC-104 du 31 juillet 2012.
12 Voir la lettre du ministre de l'économie C2008-112 et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-66, n° 10-DCC-41 du 10 mai 2010 et n° 12-DCC-104 précitée.
13 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150 du 10 octobre 2011.
14 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-90 précitée.
15 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150 précitée.
16 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-41, n° 12-DCC-49 et n° 12-DCC-104 précitées.
17 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150 et 12-DCC-49 précitées.
18 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-32 du 29 juillet 2009, n° 10-DCC-137 du 18 octobre 2010 et n° 12-DCC-49 précitée.
19 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-66 du 28 juin 2010 et 13-DCC-11 du 1er février 2013.
20 L'activité d'obtention de semences de base correspond à la phase de recherche et développement et de sélection variétale visant à obtenir des nouvelles variétés de semences.
21 La production de semences commerciale peut être définie comme la phase au cours de laquelle des établissements producteurs de semences trient, traitent et contrôlent les semences de base multipliées par les agriculteurs (cf. marché de la multiplication). Les semences commerciales ainsi obtenues seront ensuite certifiées au titre des variétés végétales inscrites au catalogue européen.
22 Voir la décision n° 13-DCC-11 précitée.
23 Voir la décision n° 10-DCC-66 précitée.
24 Voir la décision n° 13-DCC-11 précitée.
25 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-11 précitée et les décisions de la Commission européenne IV-M.1497 du 30 juin 1999 et M.3506 du 20 août 2004.
26 Voir la décision n° 13-DCC-11 précitée.
27 Voir la décision M.3506, précitée et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-37 du 13 août 2009, n° 09-DCC-38 du 4 septembre 2009, n° 09-DCC-90 du 29 décembre 2009, n° 10-DCC-66 et n° 13-DCC-11 précitées.
28 Voir la décision M.3506.
29 Voir la décision de la Commission européenne IV-M.1497 précitée, ainsi que la décision du ministre de l'économie C2008-112 et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-37, n° 09-DCC-38, n° 09-DCC-90 et n° 13-DCC-11 précitées.
30 Voir par exemple les décisions n° 10-DCC-66 et n° 13-DCC-11 précitées.
31 Voir la décision de la Commission européenne M.737 du 17 juillet 1996, la décision du ministre de l'économie, C2008-112, précitée.
32 Voir notamment la décision de la Commission COMP-M.1990 du 28 septembre 2000.
33 Voir par exemple l'avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-09 du 29 juillet 1998 ; les lettres du ministre de l'économie C2005-17 du 2 août 2001 et C2008-24 du 23 avril 2008.
34 Notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-23 du 28 février 2013.
35 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-106 précitée ainsi que les décisions de la Commission M.4216 du 30 mai 2006 et M.5199 du 11 août 2008.
36 Décisions n° 10-DCC-21 du 14 mars 2010.
37 Décision n° 10-DCC-107 précitée.
38 Lettre du ministre C 2003-19 du 31 mars 2003 relative à une concentration dans le secteur des salades préparées et décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-23 du 28 février 2013.
39 Voir les décisions du ministre de l'économie des finances et de l'industrie C2005-19 du 14 avril 2005 et C2008-27 du 19 mai 2008, précitées et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-42 du 16 septembre 2009.
40 La partie notifiante précise que les parts de marchés qu'elle présente sont calculées sur la base des quantités de semences certifiées au GNIS pour la campagne 2011-2012 et correspondent aux semences produites.
41 Notamment décision n° 12-DCC-42 et n° 13-DCC-11 précitées.
42 Les parts de marchés présentées dans cette analyse concurrentielle ne tiennent pas compte de l'activité réalisée par Centre Bio, filiale d'Axereal, qui commercialise auprès des adhérents des coopératives et de distributeurs des produits d'agrofourniture labellisés bio produites par Agralys. Ni Agralys ni Epis-Centre ne sont actives sur ce marché.
43 Lettre du ministre de l'économie C2008-94 précitée.