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Décisions

ADLC, 30 décembre 2013, n° 13-D-23

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion par voie électronique des informations économiques et juridiques sur les entreprises

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Monique Rouzaud, rapporteure, , l'intervention de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, Mme Reine-Claude Mader-Saussaye, , M. Noël Diricq, membres.

ADLC n° 13-D-23

30 décembre 2013

L'Autorité de la concurrence (section II),

Vu la saisine enregistrée le 5 mars 2008 sous le numéro 08-0027 F, par laquelle la société Centre d'Affaires Mercure a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupement d'intérêt économique Infogreffe dans le secteur de la mise en ligne de la dématérialisation des formalités de création d'entreprise ; Vu la saisine enregistrée le 21 mars 2008 sous le numéro 08-0031 F, par laquelle les sociétés Coface-Services et Altares-D&B Holding ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les greffiers et le groupement d'intérêt économique Infogreffe dans le secteur de la diffusion par voie électronique des informations économiques et juridiques sur les entreprises ; Vu la décision du rapporteur général en date du 9 juillet 2008 prise en application de l'article R. 463-3 du Code de commerce, et procédant à la jonction des affaires 08-0027 F et 08-0031 F ; Vu les observations complémentaires des sociétés Coface-Services et Altares-D&B Holding en date du 29 juillet 2009 concernant la réorganisation du Registre National du Commerce et des Sociétés ; Vu la décision n° 11-SO-03 en date du 10 février 2011 enregistrée sous le numéro 11-0019 F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion électronique des informations économiques et juridiques sur les entreprises ; Vu la décision de la rapporteure générale adjointe en date du 14 février 2011 prise en application de l'article R. 463-3 du Code de commerce, et procédant à la jonction des affaires 08-0027 F, 08-0031 F et 11-0019 F ; Vu le livre IV du code de commerce ; Vu les décisions liées à la protection du secret des affaires n° 08-DSA-94 du 4 juillet 2008 ; n° 10-DSA-55, n° 10-DSA-56, n° 10-DSA-57, n° 10-DSA-58, n° 10-DSA-59, n° 10-DSA-60, n° 10-DSA-61 et n° 10-DSA-62 du 10 mars 2010 ; n° 10-DSA-67 du 23 mars 2010 ; n° 10-DSA-77 du 26 avril 2010 ; n° 11-DSA-115 du 2 mai 2011 ; n° 12-DSA-120 du 13 mars 2012 ; Vu les décisions de déclassement n° 11-DEC-18 du 2 mai 2011 ; n° 11-DECR-10 du 1er juin 2011 ; n° 11-DEC-53 du 25 novembre 2011 ; n° 12-DECR-08 du 13 avril 2012 ; Vu les observations présentées par le groupement d'intérêt économique Infogreffe, par l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), par la société Centre d'Affaires Mercure, conjointement par les sociétés Coface-Services et Altares-D&B Holding, par le Ministère de la Justice et par le commissaire du Gouvernement ; Vu la note en délibéré présentée par les sociétés Coface-Services et Altares-D&B Holding le 19 septembre 2013 ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale, le commissaire du Gouvernement, les représentants du GIE Infogreffe, de l'INPI et des sociétés Coface-Services et Altares-D&B Holding, entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 25 juillet 2013 ; Les représentants de la société Société SAS entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7, deuxième alinéa, du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. Seront successivement abordés ci-après :

- les saisines (A) ;

- le secteur d'activité (B) ;

- les parties concernées (C) ;

- les pratiques dénoncées (D) ;

- les griefs notifiés (E).

A. LES SAISINES

2. Le 5 mars 2008, la société Mercure (ci-après "Mercure") a saisi le Conseil de la concurrence devenu, le 2 mars 2009, l'Autorité de la concurrence (ci-après "l'Autorité"), d'une plainte relative à l'existence de pratiques mises en œuvre par le GIE Infogreffe (ci-après "Infogreffe"), qui seraient constitutives d'un abus de position dominante et d'une exploitation abusive de son état de dépendance économique, l'empêchant d'offrir à sa clientèle, pour les formalités d'immatriculation des sociétés, les avantages de dématérialisation proposés par Infogreffe.

3. Le 21 mars 2008, les sociétés Coface-Services (ci-après "Coface") et Altares-D&B Holding (ci-après "Altares") ont dénoncé l'existence d'une entente entre les greffiers des tribunaux de commerce (ci-après les "greffiers") se traduisant par la création d'Infogreffe au profit duquel ils auraient transféré leurs missions de collecte des données portées aux registres de publicité légale et de diffusion des copies, extraits et renseignements. Selon la plainte, Infogreffe disposerait de ces informations gratuitement et en temps réel, ainsi que de l'exclusivité d'accès à des informations que les plaignantes considèrent être une ressource essentielle, et ce sans qu'il soit contraint d'obtenir une licence, contrairement à elles (cote 41).

4. Par ailleurs, Coface et Altares ont fait valoir que cette entente entre les greffiers permet à Infogreffe d'abuser de sa situation de fournisseur exclusif sur un marché amont de la fourniture en gros des informations légales en favorisant son offre sur un marché aval. Elles font état d'un refus d'accès direct aux informations publiques des registres (cote 44), les contraignant à s'adresser à l'Institut national de la propriété industrielle (ci-après "INPI") pour la délivrance d'une licence ; de l'existence de barrières indirectes découlant de la moindre qualité des informations obtenues auprès de l'INPI en raison de la lenteur du transfert des données des greffiers vers celui-ci ; et enfin d'une politique tarifaire d'Infogreffe qui se caractériserait par des prix excessifs, ce dernier appliquant une grille tarifaire réglementaire prévue pour l'activité exercée dans le cadre du monopole légal des greffiers, alors même qu'il disposerait d'une liberté tarifaire pour une activité hors monopole (cote 46).

5. Ainsi les sociétés saisissantes, qui interviennent sur le marché de la diffusion par voie électronique des informations économiques et juridiques sur les entreprises, s'estiment victimes de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Infogreffe, qui ne garantirait qu'un accès partiel et tardif aux informations dont les greffiers ont l'exclusivité et qui pratiquerait des prix supérieurs à ceux qui résulteraient du libre jeu de la concurrence.

6. Les saisines initiales, jointes par décision du 9 juillet 2008, ont été ultérieurement complétées, par des observations complémentaires déposées par les sociétés Coface et Altares le 29 juillet 2009 (cotes 591 à 606) portant à la connaissance des services d'instruction la conclusion d'un accord souscrit entre l'INPI et Infogreffe le 3 avril 2009, relatif à la rationalisation du système de production et de diffusion des informations légales sur les entreprises. L'Autorité a procédé, par décision du 10 février 2011, à une saisine d'office couvrant les faits et les pratiques dénoncés par ces observations complémentaires.

B. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ

7. Le secteur d'activité concerné par la présente affaire est celui de la diffusion par voie électronique de l'information légale sur la vie des entreprises. Le Conseil de la concurrence, dans un avis n° 99-A-08 du 28 avril 1999 a relevé l'importance des activités de services électroniques d'information sur la vie économique utilisant notamment comme sources les informations issues des registres de publicité légale.

8. En effet, des intermédiaires professionnels, tels les saisissantes, retraitent les informations issues des registres de publicité légale en y incluant une valeur ajoutée qui peut consister en la fourniture d'analyses, ratios et scores permettant de connaître l'état financier et la solvabilité des entreprises.

9. Il convient dès lors de rappeler ce que recouvrent les registres de publicité légale en France (1), avant de présenter le rôle des greffiers des tribunaux de commerce (2).

1. LES REGISTRES DE PUBLICITÉ LÉGALE

a) Le registre du commerce et des sociétés (ci-après "RCS")

10. L'article L. 123-1 du code de commerce dispose : "qu'il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration :

1° les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont tenues à immatriculation au registre des métiers ;

2° les sociétés et groupements d'intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale conformément à l'article 1842 du Code civil ou à l'article L. 257-4 ;

3° les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d'un département français et qui ont un établissement dans l'un de ces départements ;

4° les établissements publics français à caractère industriel et commercial ;

5° les autres personnes morales dont l'immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires ;

6° les représentations commerciales ou agences commerciales des États, collectivités ou établissements publics étrangers établis dans un département français".

11. Selon le II de ce même article : "figurent au registre, pour être portés à la connaissance du public, les inscriptions et actes ou pièces déposés prévus par décret en Conseil d'État".

12. Ainsi, le RCS comporte l'ensemble des déclarations relatives aux immatriculations, modifications et radiations d'entreprises visées au titre I de l'article L. 123-1 du Code de commerce, ainsi que les actes liés à la vie économique et sociale des entreprises.

13. En particulier, l'article R. 123-82 du Code de commerce, dans sa version modifiée par le décret n° 2007-750 du 9 mai 2007, dispose que : "[l]e registre du commerce et des sociétés comprend : 1° un fichier alphabétique des personnes immatriculées ; 2° le dossier individuel constitué par la demande d'immatriculation, complétée, le cas échéant, par les inscriptions subséquentes ; 3° un dossier annexe où figurent les actes et pièces qui doivent être déposés au registre du commerce et des sociétés, en vertu du présent Code et de toutes autres dispositions législatives ou réglementaires".

14. Le RCS local est tenu par le greffier du tribunal de commerce du lieu du siège de l'entreprise ou de l'établissement, sous la surveillance d'un juge chargé du registre.

15. Toute société soumise à l'obligation d'inscription au RCS doit effectuer cette formalité procédurale auprès du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance compétent, et acquitter diverses redevances ou émoluments auprès du greffe du tribunal, qui varient en fonction de sa forme juridique et de l'acte concerné. Ceux-ci s'élèvent, par exemple, à 83,96 euro pour l'immatriculation d'une SARL ou d'une SA (y compris le dépôt des actes). Les sommes perçues par le greffe lors de cette formalité comprennent une part pour l'INPI (voir le paragraphe 65 ci-dessous), une part pour les journaux d'annonces légales, et enfin une part pour le greffe.

16. Il convient de préciser que les informations concernant les entreprises immatriculées au RCS auprès d'autres juridictions que les tribunaux de commerce (tribunal de grande instance à compétence commerciale en Alsace-Moselle et tribunaux mixtes de commerce dans les départements et régions d'outre-mer) sont directement transmises à l'INPI (voir le paragraphe 60 ci-dessous).

17. En outre, l'article R. 123-152-1 du Code de commerce, inséré par le décret n° 2009-1150 du 25 septembre 2009 relatif aux informations figurant au registre du commerce et des sociétés, autorise à ce que "les copies, extraits ou certificats [puissent] être délivrés par les greffiers par voie électronique dans les conditions prévues à l'article R. 741-5".

b) Le registre national du commerce et des sociétés (ci-après "RNCS")

18. L'article R. 123-80 du Code de commerce, tel que modifié par l'article 4 du décret n° 2012-928 du 31 juillet 2012 relatif au registre du commerce et des sociétés, dispose que : "un registre national tenu par l'Institut national de la propriété industrielle centralise les documents valant originaux des registres du commerce et des sociétés tenus dans chaque greffe. Le greffier lui transmet à cet effet, le cas échéant par voie électronique, un exemplaire des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y ont été déposés dans les délais et conditions fixés par l'arrêté prévu à l'article R. 123-166".

19. Ce rôle ultérieur dans la tenue et la gestion du RNCS est valorisé par une "redevance de procédure" versée par le déclarant au moment de son inscription au greffe, qui la transfère à l'INPI. Son montant est fixé par un arrêté du 24 avril 2008. À ce titre, les greffes des tribunaux de commerce ont reversé en 2008 environ 13 millions d'euro à l'INPI (cotes 2579 et 2583).

c) Les autres registres de publicité légale

20. Selon des modalités comparables à celles décrites ci-dessus pour le RCS, les greffiers sont également seuls chargés de la tenue d'autres registres de publicité légale afférents à l'état d'endettement des entreprises et aux droits et garanties des créanciers (privilège du Trésor Public en matière fiscale, privilège de la Sécurité Sociale et des régimes complémentaires, vente et nantissement des fonds de commerce, nantissement d'un fond agricole ou artisanal, nantissement judiciaire, gage des stocks, nantissement de l'outillage et du matériel, gage sur meubles corporels, warrants, nantissement de parts sociales ou de meubles incorporels, crédit-bail, contrat de location, inscription sur le registre spécial des prêts et délais, clause de réserve de propriété, clause d'inaliénabilité, protêts, etc.).

21. À la différence des informations contenues dans les RCS locaux, les informations de ces registres de publicité légale ne sont pas centralisées par l'INPI au niveau national. Par ailleurs, la réglementation applicable à ces registres prévoit une publicité plus restreinte dans la mesure où ces données sont relatives à l'état d'endettement des personnes. Les ouvertures de procédures collectives (la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires) sont également des informations collationnées uniquement par les greffiers et font l'objet d'une mention d'office au RCS (article R. 123-122 du Code de commerce).

22. Ces registres sont informatisés et la délivrance de copies par voie électronique est également autorisée par voie réglementaire.

23. Les informations figurant sur ces registres intéressent particulièrement les intermédiaires professionnels du renseignement sur les entreprises (renseignement financier et notation), et plus généralement les opérateurs des marchés du crédit et de l'assurance pour la couverture de leur risque-crédit.

2. LES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

a) Statut général et organisation

24. Les tribunaux de commerce sont des juridictions de premier degré composées de juges élus et d'un greffier (article. L. 721-1 du Code de commerce). Ils sont compétents pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants, établissements de crédit, sociétés commerciales, et celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (article L. 721-3 du Code de commerce).

25. En 2012, on comptait 135 tribunaux de commerce répartis sur le territoire national, contre 227 en 1999. Cette importante diminution résulte essentiellement de la réforme de la carte judiciaire menée en 2009.

26. En vertu de l'article L. 741-1 du Code de commerce, les greffiers des tribunaux de commerce sont des officiers publics et ministériels. En tant qu'officier public, le greffier est délégataire de la puissance publique, qui confère l'authenticité aux actes relevant de sa compétence. La qualité d'officier ministériel l'habilite à prêter son ministère aux particuliers pour l'exécution de certains actes ainsi qu'aux magistrats pour la préparation et l'exécution de leurs décisions de justice.

27. Les greffiers sont régis par les textes portant dispositions communes à plusieurs catégories d'officiers publics et ministériels, d'une part, et par les lois et règlements qui leur sont spécifiquement applicables, d'autre part. À cet égard, l'article L. 742-1 du Code de commerce dispose que "les règles d'accès à la profession (...) sont fixées par décret en Conseil d'État".

Actuellement, ces règles sont déterminées par le décret n° 2006-957 du 31 juillet 2006 relatif aux conditions d'accès à la profession de greffier de tribunal de commerce, qui a modifié les dispositions des précédents décrets n° 87-601 du 29 juillet 1987 et n° 77-828 du 20 juillet 1977 relatif aux greffiers des tribunaux de commerce.

28. Les greffiers relèvent du régime des professions libérales. L'article L. 743-12 du Code de commerce dispose que : "les greffiers des tribunaux de commerce peuvent exercer leur profession à titre individuel, "en qualité de salarié d'une personne physique ou morale titulaire d'un greffe de tribunal de commerce," sous forme de sociétés civiles professionnelles ou sous forme de sociétés d'exercice libéral (...). Ils peuvent aussi être membres d'un groupement d'intérêt économique (...)".

b) Attributions

29. Les missions dont les greffiers ont la charge sont diverses et figurent aux articles R. 741-1 à R. 741-5 du Code de commerce. Ils assistent les juges consulaires à l'audience et dans tous les cas prévus par la loi. Ils assistent également le président du tribunal de commerce dans l'ensemble des tâches administratives qui lui sont propres et assurent son secrétariat.

30. En particulier, l'article R. 741-2 du Code de commerce prévoit que le greffier "assure la tenue des différents registres prévus par les textes en vigueur et tient à jour les dossiers du tribunal. Il met en forme les décisions prises et motivées par les juges. Il est dépositaire des minutes et archives dont il assure la conservation. (...) Il dresse les actes de greffe et procède aux formalités pour lesquelles compétence lui est attribuée. Il prépare les réunions du tribunal, dont il rédige et archives les procès-verbaux. (...) Il assure l'accueil du public".

31. Le législateur a ainsi confié aux greffiers la mission de tenir le RCS de leur ressort respectif (article L. 123-6 du Code de commerce) et de contrôler la régularité des actes et inscriptions qui doivent y figurer avant de procéder à l'immatriculation ou à la modification des statuts d'une société (articles L. 210-7 et R. 123-92 à R. 123-101-1 du Code de commerce). L'immatriculation au RCS confère la personnalité morale aux sociétés commerciales (article L. 210-6 du Code de commerce).

32. En tant que dépositaire du RCS, le greffier est au cœur des procédures administratives relatives à l'immatriculation des entreprises. En amont, se trouvent les centres de formalités des entreprises (CFE) créés pour recevoir le dossier unique et transmettre les éléments constitutifs aux diverses administrations compétentes. En aval, le greffier est en relation avec l'INPI qui centralise les RCS locaux, avec le Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC) qui publie les immatriculations et des avis sur certains évènements répertoriés au RCS (articles R. 123-155 à R. 123-162 et R. 123-209 à R. 123-219 du Code de commerce), et enfin avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui attribue à tout nouvel immatriculé au RCS un identifiant conservé au répertoire SIRENE des entreprises et des établissements (articles R. 123-220 et R. 123-221 du Code de commerce).

33. Dans ce cadre, l'article R. 741-4 du Code de commerce prévoit qu'en matière d'immatriculation des sociétés au RCS, le greffier peut être autorisé, après arrêté du garde des Sceaux, à exercer tout ou partie des activités dévolues aux CFE conformément aux articles R. 123-1 et suivants du Code de commerce. À titre d'exemple, les greffes de tribunaux de commerce sont des CFE compétents pour les sociétés civiles, les EPIC et les agents commerciaux (article R. 123-3, 4° du Code de commerce).

34. Il résulte de ces dispositions législatives et réglementaires que les greffiers ont le monopole légal de la collecte des informations devant figurer aux registres de publicité légale, et en sont les principaux opérateurs. À la suite de l'adoption du décret n° 2009-1150 du 25 septembre 2009 relatif aux informations figurant au registre du commerce et des sociétés, le nouvel article R. 123-101-1 du Code de commerce autorise désormais à ce que : "le greffier certifie l'identité des informations enregistrées sur support électronique pour la tenue du registre avec celles reçues conformément aux articles R. 123-92 à R. 123-98".

35. Enfin, les greffiers assurent une mission de publicité de l'information légale sur les entreprises auprès du public (articles L. 123-1-II et R. 123-150 à 123-152-2 du Code de commerce), laquelle sera présentée plus en détail aux paragraphes 70 à 78 ci-après dans la mesure où cette mission fait l'objet de la présente affaire.

c) Conditions de rémunération

36. La rémunération des missions confiées aux officiers publics et ministériels fait l'objet d'une tarification fixée par les pouvoirs publics, en application de l'article 1er de l'acte dit loi n° 145 du 29 mars 1944 relatif aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels, validé et complété par l'ordonnance n° 45-2048 du 8 septembre 1945, qui dispose que : "tous droits ou émoluments au profit des officiers publics ou ministériels peuvent être créés par règlement d'administration publique ; ils peuvent être, dans la même forme, modifiés ou supprimés, même s'ils ont fait l'objet de dispositions législatives".

37. À cet égard, l'article L. 743-13 du Code de commerce prévoit que : "[l]es émoluments des greffiers des tribunaux de commerce sont fixés par décret en Conseil d'État". Actuellement, la tarification des greffiers résulte de l'article 1er du décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 relatif au tarif des greffiers des tribunaux de commerce et modifiant le Code de commerce, tel que transposé à l'article R. 743-140 du Code de commerce. Cet article dispose que :

"Les émoluments dus aux greffiers des tribunaux de commerce pour l'établissement et le contrôle de conformité des actes de leur ministère sont déterminés et fixés conformément aux dispositions qui suivent et aux tableaux de l'annexe 7-5 du présent livre.

Ils comprennent la rémunération de tous travaux, soins, diligences et formalités afférents à l'acte ou à la procédure considérée.

La rémunération des diligences de chaque transmission d'acte, décision ou document, par remise en main propre contre récépissé ou par voie électronique sécurisée s'élève à un taux de base et demi. Lorsque la transmission se fait sous une autre forme, les débours, y compris les frais de poste et de téléphone, sont remboursés au greffier pour leur montant réel, sauf si un forfait de transmission a été prévu dans les tableaux de l'annexe 7-5 précitée".

38. Il résulte des articles R. 743-140, alinéa 3 et R. 743-142 du Code de commerce, que le tarif pour la diligence de chaque transmission d'acte par remise en mains propres ou par voie électronique est fixé à un taux de base et demi, soit actuellement 1,95 euro HT ou 2,33 euro TTC (1).

39. En outre, l'article R. 743-154 du Code de commerce interdit aux greffiers "de réclamer ou de percevoir des émoluments plus élevés que ceux qui sont prévus, sous peine de restitution de la somme indûment perçue et de poursuites disciplinaires".

40. L'article R. 743-155 du même Code autorise toutefois les greffiers à "percevoir des honoraires particuliers pour les travaux, formalités, diligences ou missions relevant de leurs fonctions qui ne sont pas prévus par les articles R. 743-140 à R. 743-155 lors de la délivrance (...), de renseignements et de statistiques sous une autre forme que les certificats, copies ou extraits des inscriptions portées sur les registres tenus dans les greffes et actes déposés en annexe, du registre du commerce et des sociétés". L'article R. 743-155, alinéa 3, dudit Code précise cependant que, "les honoraires particuliers sont, à défaut d'accord entre le greffier et celui qui doit en supporter définitivement la charge, fixés judiciairement dans les formes du droit commun" (voir l'article 725-1 du nouveau Code de procédure civile).

41. La tarification des frais de greffe répond ainsi aux principes directeurs suivants : une rémunération forfaitaire à l'acte (articles R. 743-140 et R. 743-142 précités), un caractère d'ordre public des tarifs (article R. 743-154 précité), la gratuité de certaines diligences (articles R. 743-143 et R. 743-145 du Code de commerce) et enfin un droit exceptionnel aux honoraires libres conventionnellement fixés entre le greffier et celui qui en supporte la charge (article R. 743-155 précité).

42. Selon les informations diffusées par le Congrès national des greffiers des tribunaux de commerce, fin 2010 et au terme de la refonte de la carte judiciaire, les 135 greffes emploient 2 000 salariés et gèrent environ 5 millions d'actes par an (cote 3160) avec un chiffre d'affaires national de l'ordre de 206 millions d'euro (cotes 2614 à 2661). Ces données apparaissent stables, le greffe du tribunal de commerce de Paris, par exemple, ayant réalisé un chiffre d'affaires de 25 millions d'euro en 1996 (cote 581) et de 26 millions d'euro en 2008 (cote 1728).

C. LES PARTIES CONCERNEES

1. LE GIE Infogreffe

a) Fonctionnement

43. Les greffiers peuvent être membres d'un groupement d'intérêt économique. L'article R. 741-5 du Code de commerce précise en effet que "[l]es informations sont diffusées directement par le greffe compétent. Toutefois, les greffiers peuvent s'associer au sein d'un groupement ayant soit l'une des formes autorisées par l'article L. 743-12, soit sous une forme associative. Ce groupement est chargé de centraliser les appels et les orienter vers le greffe concerné".

44. Le GIE Infogreffe n'est pas le seul groupement ayant été constitué par les greffes des tribunaux de commerce pour développer les outils informatiques de gestion et de diffusion de l'information légale. Par exemple, 17 greffes dont les greffes de Beauvais, Nantes, Valenciennes et Meaux font partie du Groupement pour l'Automatisation des Greffes par l'Informatique (GAGI) créé en 1977. De même, le groupement Intergreffe, créé en 1991, regroupe une quinzaine de greffes, dont ceux de Nîmes, Mâcon, Lyon et Toulouse. Toutefois, l'activité de diffusion de l'information légale de ces greffes est aujourd'hui assurée par Infogreffe.

45. En effet, depuis 2004, les 135 greffes des tribunaux de commerce de France métropolitaine sont individuellement membres d'Infogreffe. Sa forme juridique de groupement d'intérêt économique autorise l'absence de publication de ses comptes sociaux au registre du commerce. Infogreffe est également une marque déposée. Son siège social se trouve à Vincennes dans le département du Val-de-Marne.

46. Selon l'article 1er de ses statuts, Infogreffe jouit de la personnalité morale et de la pleine capacité (cote 1302). Il est également précisé à l'article 2, alinéa 3, de ces mêmes statuts, qu'il peut agir soit pour son propre compte, soit comme mandataire de ses membres. Ses statuts l'autorisent à prendre toute participation dans toute personne morale ayant le même objet social ou un objet connexe.

47. Infogreffe est administré par un conseil d'administration composé de 10 administrateurs (article 11§1 des statuts, cote 1305) qui désigne un bureau composé d'un président et d'un secrétaire. La composition actuelle du conseil d'administration reflète l'extension progressive du groupement à l'ensemble des greffes des tribunaux de commerce préalablement membres d'autres groupements, à savoir deux administrateurs du GAGI, deux administrateurs d'Infogreffe-Informatique, deux administrateurs d'Intergreffe, deux administrateurs du groupement Agora et un administrateur du greffe de Paris. Par ailleurs, le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le président d'honneur et co-fondateur du GIE disposent chacun d'une voix consultative.

48. Enfin, l'assemblée générale se compose de tous les membres du groupement. En vertu de l'article 14 des statuts, chaque membre (personne physique ou morale) se voit attribuer une voix ainsi qu'une portion des 335 voix réparties au prorata du chiffre d'affaires de l'année civile précédente rétrocédé réalisé par chaque greffe (cote 1308).

b) Attributions

49. L'article 2 des statuts du GIE dispose que : "en vue de faciliter et de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité, le Groupement a notamment pour objet la mise en commun par ses membres de tous moyens techniques, notamment électroniques, informatiques, télématiques, bureautiques, permettant d'améliorer le service rendu par les Greffes des tribunaux de Commerce (...) et notamment dans le domaine de la diffusion auprès des tiers des renseignements qu'ils détiennent, par le développement de tout vecteur de diffusion, et de celui de la certification électronique" (cote 1302).

50. L'article 11§4 desdits statuts précise notamment que le conseil d'administration définit l'évolution de ses produits, la politique de développement du groupement et détermine l'emploi des sommes ne pouvant être affectées aux membres (cotes 1306 et 1307).

51. En pratique, Infogreffe agit, conformément à l'article R. 741-5 du Code de commerce, pour le compte de l'ensemble des greffes des tribunaux de commerce de France métropolitaine sur tout aspect ayant trait à la mise à disposition des services de formalités en ligne et permet la centralisation de la diffusion de l'information juridique et économique sur les entreprises pour le compte des greffes.

52. Il assure ainsi les immatriculations, modifications et radiations (ci-après les "IMR") par voie électronique. Il diffuse les informations issues des registres légaux de chaque greffe, soit à des intermédiaires tels que les entreprises saisissantes ou des établissements financiers, soit à l'usager final, conformément aux dispositions de l'article L. 123-152-1 du Code de commerce qui prévoit que "les copies, extraits ou certificats peuvent être délivrés par les greffiers par voie électronique dans les conditions prévues par l'article R. 741-5".

c) Recettes

53. En 2008, le chiffre d'affaires d'Infogreffe était de 53,9 millions d'euro (cotes 1213 et suivantes), principalement redistribué aux greffiers sous la forme comptable "d'autres achats et charges externes", et plus accessoirement sous la forme de distribution de bénéfices. En 2011, le chiffre d'affaires s'élevait à 63,459 millions d'euro (cote 6223).

54. Infogreffe explique que ce chiffre d'affaires se compose d'une partie des recettes directement afférentes à la vente d'informations, perçues directement par lui pour le compte des greffiers, ainsi que d'une contribution des greffiers aux frais de fonctionnement et d'autres contributions aux coûts de refonte informatique, de stockage et de mise à jour (cotes 1180 et suivantes).

55. Infogreffe précise que les bénéfices et les rétrocessions de recettes sont redistribués aux greffiers proportionnellement à leur contribution. De fait, en 2013, l'assemblée générale d'Infogreffe a décidé de se conformer aux préconisations du contrôleur des comptes pour que l'intégralité des recettes générées par la diffusion de l'information issue des RCS et celles liées aux contrats Web Client Serveur ("WCS") ne figurent plus dans le chiffre d'affaires d'Infogreffe puisqu'il s'agit, en réalité, de recettes réparties selon l'activité individuelle des greffes et reversées vers eux. Les éléments comptables et financiers transmis par Infogreffe font ainsi apparaître, selon la nouvelle norme comptable, un chiffre d'affaires pour 2012 de 17,478 millions d'euro (cote 6223).

2. L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE

a) Statut et organisation

56. L'INPI est un établissement public créé par la loi n° 51-444 du 19 avril 1951, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Il est actuellement placé sous la tutelle du ministère du Redressement productif et de la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Économie numérique. Il a succédé à l'Office national de la propriété industrielle (ONPI), qui avait lui-même remplacé l'Office des brevets. Le décret n° 51-1469 du 22 décembre 1951 précise son organisation.

b) Attributions

57. L'article L. 411-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'INPI a pour mission : "[d]e centraliser et diffuser toute information nécessaire pour la protection des innovations et pour l'enregistrement des entreprises (...) ; d'appliquer les lois et règlements en matière de propriété industrielle et de registre du commerce et des sociétés (...) ; il centralise le registre du commerce et des sociétés et le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ; il assure la diffusion des informations techniques, commerciales et financières contenues dans les titres de propriété industrielle et instruments centralisés de publicité légale".

58. L'INPI est essentiellement en charge de l'enregistrement, de la conservation et de la diffusion des brevets, marques, dessins et modèles ainsi que des actes afférents (transmission, licence, renonciation, etc.). Par ailleurs, en ce qui concerne le registre du commerce et des sociétés, il assure la centralisation au niveau national des informations et actes provenant des registres tenus dans leur ressort respectif par chacun des greffes des tribunaux de commerce et des greffes des tribunaux civils à compétence commerciale (voir le paragraphe 15 ci-dessus).

59. À cet égard, par convention en date du 20 juillet 1993, l'INPI a confié à la société OR-Télématique (devenue Coface-services) une concession, régulièrement renouvelée, de service public portant sur la saisie, la numérisation, le stockage et la diffusion des données du RNCS ; le concessionnaire signant et exécutant les licences consenties par l'INPI d'un point de vue technique, commercial et financier (cote 2432). Le 14 avril 2009, le directeur de l'INPI a toutefois informé Coface-services qu'en raison de la réorganisation du RNCS, la procédure d'appel d'offres ouverte était déclarée sans suite. De fait, le marché confié antérieurement à Coface-services a légalement pris fin en octobre 2009.

60. En outre, il convient de rappeler que les tribunaux civils à compétence commerciale fournissent à l'INPI un original des inscriptions effectuées auprès de leur greffe, et contribuent eux aussi à alimenter le RNCS. Cependant, si ces tribunaux civils, du point de vue du RNCS, ont un rôle strictement équivalent à celui des greffes de tribunaux de commerce, leur contribution est relativement faible et en diminution depuis la réforme de la carte judiciaire, puisque leur activité "RCS" ne représente plus que 5 % des informations transmises contre environ 15 % auparavant.

c) Ressources

61. L'article 1er de la loi du 19 avril 1951 précitée, tel que transposé à l'article L. 411-2 du Code de la propriété intellectuelle, dispose que : "[l]es recettes de l'Institut se composent de toutes redevances établies dans les conditions prévues à l'article 5 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et perçues en matière de propriété industrielle et en matière du registre du commerce et des métiers et de dépôt des actes de sociétés, ainsi que des recettes accessoires. Ces recettes doivent obligatoirement équilibrer toutes les charges de l'établissement".

62. L'article R. 411-18 du même Code précise que : "[l]es recettes accessoires que l'Institut national de la propriété industrielle peut percevoir à l'occasion de la communication des pièces et actes dont il assure la conservation, de l'exploitation de son fonds documentaire et de la vente de ses publications sont instituées par des délibérations du conseil d'administration qui en fixent les modalités de perception et le montant".

63. Les recettes accessoires mentionnées aux articles L. 411-2 et R. 411-18 du Code de la propriété intellectuelle renvoient aux recettes que l'INPI tire de son activité de diffusion des données publiques qu'il détient et met à disposition des opérateurs privés depuis 1996 sous forme de licences, d'une part, et de consultations individuelles, d'autre part.

64. Les licences accordées par l'INPI donnent lieu au paiement d'une redevance par le preneur de licence. Celles-ci s'inscrivent dans le cadre défini par les articles 15 et 16 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

65. Enfin, comme il a été indiqué précédemment, l'article R. 123-163, alinéa 2, du Code de commerce dispose que : "[e]n sus de leurs émoluments réglementés par les articles R. 743-140 et suivants, les greffiers perçoivent, pour le compte de l'Institut national de la propriété industrielle, les taxes instituées en faveur de cet établissement. Ils envoient à l'institut les fonds perçus par eux à ce titre dans les délais fixés par l'arrêté prévu à l'article R. 123-166".

3. LES ENTREPRISES SAISISSANTES

a) Centre d'affaires Mercure

66. Mercure est une société en nom collectif créée en 1991. Son siège social est fixé à Montpellier dans le département de l'Hérault. En 2000, son dirigeant a développé un progiciel de dématérialisation des formalités de création d'entreprises dénommé "statutsonline.com". Ce service représente désormais la quasi-totalité de l'activité de cette société, laquelle est davantage un prestataire en formalités de création d'entreprises en ligne qu'un opérateur spécialisé dans la diffusion d'informations issues des registres de publicité légale.

b) Coface-services et Altares-D&B Holding

67. Coface-services est une société anonyme dont le siège social se situe à Rueil-Malmaison dans le département des Hauts-de-Seine. Cette société est une filiale à 100 % de Coface SA, elle-même filiale à 100 % de Natexis depuis 2004. Elle a pour activité principale l'offre d'informations sur la solvabilité des entreprises, d'une part, et la gestion de créances, d'autre part (cote 693).

68. Altares est une société par actions simplifiée dont le siège social se situe à Nanterre dans le département des Hauts-de-Seine. Elle est issue de la fusion en octobre 2005 des sociétés Base d'Informations Légales (BIL), filiale de Fininfo, et de Dun & Bradstreet France. Elle est majoritairement détenue par le fonds AXA Private Equity depuis octobre 2008. Cette société a pour activité principale la collecte d'informations légales et financières sur les sociétés en vue d'être enrichies pour le compte d'une clientèle demandeuse d'informations marketing et d'informations sur la solvabilité des sociétés (cote 693).

D. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

69. Après avoir présenté le cadre juridique applicable à la diffusion par voie électronique des informations figurant aux registres de publicité légale (1), seront présentées les offres des opérateurs du secteur (2), puis l'accord intervenu entre Infogreffe et l'INPI (3).

1. CADRE JURIDIQUE

70. L'article R. 123-150 du Code de commerce dispose que "les greffiers et l'Institut national de la propriété industrielle sont astreints et seuls habilités à délivrer à toute personne qui en fait la demande des certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au registre et actes déposés en annexe, sauf en ce qui concerne les inscriptions radiées et les documents comptables (...)".

71. L'alinéa 1 de l'article R. 123-151 du Code de commerce précise que les demandes présentées aux greffiers ou à l'INPI peuvent porter "sur des dossiers individuels ou un ensemble de dossiers ; elles correspondent dans le second cas aux critères de recherche définis par l'arrêté prévu à l'article R. 123-166". En vertu de l'alinéa 2 de l'article R. 123-151 précité, ces demandes peuvent également porter "sur des inscriptions et des actes déposés, ou sur l'état futur des dossiers ; elles donnent lieu dans ce second cas à délivrance de renseignements selon une périodicité définie par l'arrêté précité".

72. Pour sa part, l'article R. 123-152-1 du même Code, inséré par le décret n° 2009-1150 précité, autorise à ce que "les copies, extraits ou certificats [puissent] être délivrés par les greffiers par voie électronique dans les conditions prévues à l'article R. 741-5".

73. A cet égard, l'article R. 741-5 du Code de commerce précise les conditions dans lesquelles les copies des inscriptions portées aux registres de publicité légale peuvent être diffusées par voie électronique :

"a) Les informations sont diffusées directement par le greffe compétent. Toutefois, les greffiers peuvent s'associer au sein d'un groupement ayant soit l'une des formes autorisées par l'article L. 743-12, soit une forme associative. Ce groupement est chargé de centraliser les appels et de les orienter vers le greffe concerné. Les greffiers peuvent, dans les mêmes conditions, conclure aux mêmes fins des accords avec l'Institut national de la propriété industrielle pour les attributions de celui-ci ;

b) Les informations ne portent que sur les inscriptions figurant, en application des textes législatifs et réglementaires, aux registres dont les greffiers assurent la tenue ;

c) Les informations sont délivrées telles qu'inscrites aux registres ou sur les actes annexés, sans subir de traitement quelconque, sous réserve des dispositions prévues par l'acte réglementaire pris en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés".

74. Ainsi, la diffusion par voie électronique des informations issues des registres de publicité légale obéit à trois principes que le Conseil de la concurrence avait déjà relevés dans son avis n° 99-A-08 du 28 avril 1999 précité :

"en premier lieu que les greffiers sont rendus destinataires des interrogations par le GIE ; en second lieu qu'ils fournissent exclusivement des informations portant sur les inscriptions aux registres de publicité légale ; en troisième lieu, que ces informations sont délivrées sans subir de traitement quelconque" (page 13).

75. Les greffiers peuvent donc se regrouper au sein d'un GIE, à l'instar d'Infogreffe, pour centraliser les demandes au détail ou en masse de certificats, copies ou extraits des registres de publicité légale pour une diffusion par voie électronique, mais ils ne peuvent diffuser que des "informations brutes", c'est-à-dire sans traitement ou enrichissement des données.

76. Selon l'article R. 743-140, alinéa 3, du Code de commerce : "la rémunération des diligences de chaque transmission d'acte, décision ou document, par remise en main propre contre récépissé ou par voie électronique sécurisée s'élève à un taux de base et demi. Lorsque la transmission se fait sous une autre forme, les débours, y compris les frais de poste et de téléphone, sont remboursés au greffier pour leur montant réel, sauf si un forfait de transmission a été prévu dans les tableaux de l'annexe 7-5 précitée".

77. Infogreffe, pour la diffusion des certificats, copies ou extraits des registres applique le tarif réglementaire. La transmission par voie électronique est tarifée à 1,5 taux de base, soit 1,95 euro hors taxe ou 2,33 euro TTC (voir le paragraphe 38 ci-dessus).

78. Quant à l'INPI, l'article R. 123-153 du Code de commerce précise qu'il "satisfait moyennant le paiement de redevances aux demandes mentionnées à l'article R. 123-150 par certificat, copie ou communication des renseignements figurant au registre national. Des copies telles que figurant au registre peuvent être diffusées à tire de renseignement par voie électronique".

2. LES OFFRES DE DIFFUSION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE DES INFORMATIONS ISSUES DES REGISTRES DE PUBLICITÉ LÉGALE

79. Seront présentées ci-après l'offre d'Infogreffe (a), puis l'offre de l'INPI (b), et enfin celle des intermédiaires professionnels privés (c).

a) L'offre d'Infogreffe

80. Infogreffe centralise, pour le compte des greffiers, les demandes au détail ou en masse par voie électronique de certificats, copies ou extraits figurant aux registres de publicité légale. Il ne peut cependant diffuser que des informations "brutes", c'est-à-dire sans traitement ou enrichissement des données (voir le paragraphe 73 ci-dessus).

81. Toute personne privée ou morale peut obtenir l'information légale à l'acte sur le site Infogreffe.fr aux tarifs fixés par le décret n° 2007-812 précité, tel que codifié dans les tableaux de l'annexe 7-5 de l'article R. 743-140 du Code de commerce. Le tableau ci-dessous récapitule le tarif facturé pour certains types d'informations (2), auquel doit être ajouté le coût de chaque transmission électronique fixé à 2,33 euro TTC et appliqué directement par Infogreffe qui dispose d'un mandat de chaque greffe en ce sens :

<Emplacement tableau>

82. Il est également possible d'avoir accès à ces informations au travers de comptes, et ce sans incidence sur les tarifs indiqués ci-dessus. Par ce biais, un client identifié au préalable peut accéder électroniquement au serveur Infogreffe pour obtenir une information, à la seule différence par rapport à un utilisateur occasionnel qu'il peut régler ses commandes mensuellement par prélèvement automatique moyennant une cotisation (90 euro TTC par an et par utilisateur en 2013). L'abonnement permet, outre cette facilité de paiement, certaines recherches sur le serveur qui ne sont pas possibles pour un client occasionnel, telles que l'accès au service de surveillance des inscriptions de nantissements et de privilèges, aux informations relatives aux procédures collectives ou aux fonctionnalités de recherches multicritères d'entreprises. La clientèle abonnée est principalement constituée de professionnels du monde juridique et judiciaire, de banques et de sociétés de recouvrement.

83. Les acheteurs en informations légales sur la vie des entreprises auprès du GIE Infogreffe se répartissent en quatre groupes :

- une première clientèle constituée de banques et d'établissements d'assurance ou de crédit ;

- une deuxième clientèle constituée d'intermédiaires professionnels du renseignement économique et financier (dont les sociétés Coface et Altares) ;

- une troisième clientèle constituée de professions juridiques et judiciaires (experts-comptables, avocats, avoués, notaires et magistrats) ayant besoin d'un extrait ou d'une copie d'acte dans l'exercice de leur activité ;

- et une quatrième clientèle très atomisée, constituée de particuliers et d'entreprises.

84. Pour les entreprises présentes sur le marché du crédit, c'est-à-dire les deux premiers types de clientèle, une information fiable et immédiate constitue un prérequis essentiel. Pour ces catégories de clients, Infogreffe offre la possibilité de conclure des contrats de cession en masse des informations brutes, principalement issues des registres autres que le RCS (les registres des sûretés et privilèges mobiliers).

85. Interrogé à cet égard par les services d'instruction, le 16 novembre 2009, le président d'Infogreffe a précisé que : "le dernier contrat de mise à disposition du 31 octobre 2008 de services passé avec Altares prévoit un prix de 4,25 euro HT par SIREN surveillé (privilèges et sûretés). Sur ce service, on n'applique pas le tarif exact du décret (de 5,20 euro pour la délivrance d'un état des privilèges inscrits par la sécurité sociale et le Trésor Public). (...) Le GIE ne peut pas octroyer de licences, et n'en a pas la capacité juridique. (...) Il s'agit d'un domaine relevant du décret, mais les greffiers du conseil d'administration d'Infogreffe ont été d'accord pour fournir ces informations à un tarif inférieur, et ce au vu du volume" (cote 1185).

86. Il ressort du dossier d'instruction qu'Infogreffe a également conclu un contrat triennal de mise à disposition du service Infogreffe-Prévention avec Altares en septembre 2005 relatif à la surveillance d'une liste d'entreprises fournie par le GIE. Les informations transmises portaient sur des inscriptions de privilèges de la Sécurité Sociale et du Trésor Public (cotes 363 à 370). Des contrats similaires intitulés "surveillance-inscriptions Trésor-Sécurité Sociale" d'une durée de deux ans ont aussi été conclus avec Coface en 1997 puis en 2001 (cotes 359 à 361).

87. La diffusion des données en masse par Infogreffe à ce type d'opérateurs s'effectue, selon son président, non pas via le serveur éponyme, comme c'est le cas pour un consommateur final, mais par un "flux direct établi entre le serveur d'Infogreffe et le serveur du client pour une fourniture massive et automatique des données" (cote 4148). Le président d'Infogreffe a également précisé que les contrats de fourniture massive d'actes, tels que les comptes annuels, "prévoient une transmission non pas uniquement sous format PDF mais aussi et surtout sous la forme de données électroniques sous format xml" (cote 4148).

88. Il convient de relever que le Code de commerce ne comporte aucune précision quant à la tarification de la diffusion en masse des actes visés à l'annexe 7-5 de l'article R. 743-140, cette disposition énumérant uniquement les émoluments dus aux greffiers pour des actes transmis à l'unité.

89. Il ressort de ces éléments qu'Infogreffe propose des contrats de cession en masse des informations brutes issues des registres de publicité légale à des prix forfaitaires différents de ceux prévus par le décret n° 2007-812 précité. Au contraire, il applique le décret tarifaire lorsqu'une personne morale ou privée souhaite obtenir l'information légale à l'acte à partir du site Infogreffe.fr, et notamment la diligence de transmission électronique facturée 2,33 euro TTC.

b) L'offre de l'INPI

90. Le premier canal de diffusion par l'INPI passait par le site Euridile.fr créé en 1988, basé à l'origine sur la technologie du minitel, qui proposait un accès au détail à l'ensemble des données du RNCS pour des clients finals, publics ou privés. Ce service télématique d'informations figurait dans la convention en date du 20 juillet 1993 signée entre l'INPI et la société OR-Télématique, devenue Coface ORT puis Coface-services évoquée au paragraphe 59 ci-dessus.

91. À partir de son site Euridile.fr opérationnel jusqu'en septembre 2009, l'INPI proposait quatre types de produits auxquels correspondait un tarif propre : les informations clés (fiche d'identité de la société, éléments financiers, comptes annuels), le certificat d'identité d'entreprise, la copie des pièces officielles numérisées (comptes annuels complets, bilans, comptes de résultat, rapport général du commissaire aux comptes, rapport de gestion, actes et statuts) et le patrimoine mobilier.

92. Ci-dessous figure les tarifs pratiqués par l'INPI via Euridile.fr pour la consultation au détail de certains produits issus des données du RNCS :

Type de produit - Prix HT (en euro)

Certificat d'identité d'entreprise - 2,50

Copie immatriculation ou des statuts - 7

Copie des comptes annuels complets - 11

Copie du bilan-compte de résultat - 5

Copie des éléments financiers - 1,5

Fiche d'identité de la société (3) - 1,5

93. Par ailleurs, l'INPI a introduit une politique de licences dès 1993 par le biais de la convention de concession conclue avec ORT permettant une vente en gros des données du RNCS (cote 2419). Ces licences s'inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne n° 2003-98-CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public, transposée en droit interne par l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs qui a modifié la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée.

94. L'INPI a transmis aux services d'instruction les documents relatifs aux modalités d'octroi de ces licences (cotes 2419 à 2420). Il en ressort qu'un contrat de licence est consenti pour une année. Toute demande doit être adressée au directeur général de l'INPI qui doit consulter un comité des licences pour avis. Cette instance examine les demandes de licences qui sont approuvées par le conseil d'administration de l'INPI sur proposition du directeur général.

95. L'INPI propose trois licences :

- La licence "IMR" (immatriculations, modifications, radiations) recouvrant les informations issues du RNCS transmises sur support magnétique ou par voie électronique ;

- La licence "comptes annuels des sociétés" qui confère au licencié l'usage d'informations relatives aux comptes sociaux des entreprises sur la base de requêtes dont les critères de sélection sont le Code d'activité, la zone géographique et la taille des entreprises ;

- La licence "Protocole client-serveur" (ci-après "PCS") qui confère au licencié une possibilité électronique d'accès "à la carte" aux informations issues du RNCS mais également de commander des pièces numérisées (actes, bilans, etc.).

96. Les tarifs des licences sont fixés par l'INPI "sur la base d'une grille tarifaire, en prenant en compte la valeur économique des données et le fort potentiel du marché de diffusion de l'information. Ces tarifs varient en fonction du type de licence (usage interne ou de distribution), et de la nature des données, du volume" (cote 2420).

97. Pour ces trois licences, l'INPI propose deux types de tarifs selon que les licences sont à "usage interne et personnel", conférant au licencié le droit non exclusif d'utilisation personnelle des informations sans activité de distribution ou à "usage de distribution", donnant au licencié le droit non exclusif de commercialiser des informations auxquelles il aura apporté une valeur ajoutée.

98. L'instruction a permis d'établir que les clients licenciés auprès de l'INPI sont principalement des opérateurs privés intermédiaires professionnels de l'information sur la solvabilité des entreprises et du renseignement financier, mais également au moins un établissement financier.

c) L'offre des intermédiaires professionnels

99. En règle générale, les opérateurs privés retraitent les informations issues des registres de publicité légale en y ajoutant une valeur ajoutée qui peut consister en la fourniture d'analyses, ratios et scores permettant de connaître l'état financier et la solvabilité des entreprises ou en reconstituant eux-mêmes des informations obtenues également à partir d'autres sources que les différents RCS ou le RNCS.

100. Coface propose notamment aux professionnels un produit "Score@Rating", à valeur ajoutée résultat d'un calcul de risque spécifique à partir des données de l'information officielle et d'information privée (cote 24), leur permettant de renseigner leur poste-clients (cote 746).

101. Ces opérateurs peuvent également proposer l'accès à certaines informations brutes à titre gratuit, telle que la fiche d'identité d'entreprise (cote 53) ou à des prix proches de ceux pratiqués par Infogreffe, telle que la copie intégrale numérisée des comptes sociaux (cote 69). Toutefois, les sociétés Coface et Altares vendent surtout des informations enrichies issues des RCS et des autres registres (sûretés et privilèges, procédures collectives), complétées d'informations en provenance d'autres sources, tels l'INSEE et les journaux officiels (cote 848). Ces deux sociétés occupent une place prépondérante sur le segment de l'information de solvabilité.

102. Il ressort du dossier d'instruction que Coface a acquis des données auprès d'Infogreffe pour environ 1,7 million d'euro en 2008, dont 1,5 million d'euro portant sur les inscriptions de privilèges et de procédures collectives. Les informations relatives aux RCS (extrait K bis compris) acquises par Coface sont donc résiduelles. Pour sa part, Altares a expliqué se fournir à 89 % auprès d'Infogreffe pour des informations autres que celles relatives aux RCS, à savoir essentiellement celles portant sur la surveillance des inscriptions des privilèges et procédures collectives, pour environ 0,57 million d'euro par an (cotes 2049 et 2050).

103. Ces deux sociétés se fournissent ainsi essentiellement auprès d'Infogreffe pour les informations issues des registres autres que les RCS, et essentiellement auprès de l'INPI pour les informations figurant au RNCS. L'instruction a également pu établir qu'outre ces deux sociétés, d'autres opérateurs interviennent sur ce secteur, telles que Pouey International, Société SAS, Scores & Decisions, CreditSafe, Bureau Vandyck et Les Échos.

104. Les représentants de la société Solvabilité Entreprises (CreditSafe) entendus par les services d'instruction, le 7 mars 2011, ont ainsi déclaré : "être une entreprise d'informations commerciales et financières en B-to-B, qui achète ses informations auprès de sources diverses, publiques (INSEE, INPI, BODACC....) ou privées (Infogreffe, ACXIOM) pour les redistribuer après traitement à des TPE-PME et Grands comptes dans le but de les aider à gérer leur risque client. (...) Coface-Services et Altares sont nos plus gros concurrents. (...) Je ne considère pas le GIE Infogreffe comme un réel concurrent, dans la mesure où il n'est pas sur le créneau de l'analyse de solvabilité. Toutefois, il est vrai que ses systèmes d'alertes nous font relativement concurrence, et que l'institution de l'extrait K bis peut paraître "bizarre" par rapport à d'autres pays européens. En tout état de cause le coût d'accès aux informations publiques est par exemple assez supérieur en France à celui observé au Royaume-Uni" (cotes 3497 et 3498).

105. Pour sa part, l'entreprise Société SAS (enseigne commerciale "Société.com", ci-après "Société.com") rediffuse des "informations brutes" issues du RNCS (comptes annuels), pour certaines à titre gratuit. Son modèle économique repose sur un partenariat noué avec la société Google pour la diffusion de certaines informations gratuites assorties de publicité à partir de mots-clés générant un certain flux de connexions d'internautes, lui-même déterminant les recettes publicitaires. Auditionné par les services d'instruction, le 26 avril 2012, le directeur général de Société.com a déclaré : "je considère également Infogreffe comme un concurrent. (...) Toutefois concernant Infogreffe, je considère sa concurrence faussée, en particulier l'extrait K bis, comme les inscriptions de privilèges, qui ne sont pas disponibles : le GIE Infogreffe interdit de revendre des extraits K bis. Quant aux inscriptions de privilèges, à supposer que je puisse les acheter peu important le prix, elles sont interdites de reventes en l'état sauf si ces informations sont incorporées dans un produit de rating. Et ce à la différence d'autres informations comme les comptes et bilans, qui eux, peuvent être revendus" (cote 5013).

106. Les "informations brutes" vendues par ces opérateurs sont avant tout des produits d'appel, comme l'a confirmé le président de la société Pouey International, dont l'activité s'inscrit dans la gestion du risque client. Interrogé par les services d'instruction, le 10 mars 2011, ce dernier s'est exprimé en ces termes : "Notre site internet (...) offre certes quelques informations d'identité d'entreprise gratuites pour la plupart, mais il s'agit d'un simple produit d'appel pour diriger le client vers nos services à réelle plus-value. (...) Je ne considère pas exactement Infogreffe comme un concurrent, car il n'a aucune activité à ma connaissance dans le recouvrement ou l'assurance-gestion. Certes nous offrons gratuitement ou vendons sur notre site internet des informations relatives aux entreprises, mais il s'agit plus de produits d'appel que de notre vrai métier. Il demeure néanmoins un prestataire stratégique pour nous" (cote 3428).

107. Coface et Altares, s'agissant de l'offre d'Infogreffe, dénoncent le maintien des prix fixés en se référant exclusivement à la grille tarifaire prévue par le décret n° 2007-812 précité (cote 44).

3. L'ACCORD INTERVENU ENTRE INFOGREFFE ET L'INPI

a) Objectifs de l'accord

108. Les tâches de saisie et de numérisation des bilans assurées par Coface représentaient en moyenne 10 millions d'euro par an à la charge de l'INPI, soit le plus gros poste de dépense dans la gestion du RNCS selon l'INPI (cote 2413). En 2005, cette concession a été remplacée par un marché à bon de commande toujours avec le même opérateur.

109. Par ailleurs, en pratique, les délais de transmission par certains greffes des informations contenues dans les RCS à l'INPI excédaient le délai légal de 15 jours prévu à l'article 24 de l'arrêté du 9 février 1988. Interrogés à cet égard par les services d'instruction, les représentants de l'INPI ont souligné que sur 185 greffes de tribunaux de commerce en 2008, 38 avaient de 10 à 20 jours de retard. En conséquence, le délai d'accessibilité au public de l'information légale centralisée dans le RCNS variait d'un mois à un mois et demi selon le type d'actes. La base Euridile de l'INPI ne s'avérait ainsi à jour qu'en moyenne à J+30 contre J+1 pour la base Infogreffe.

110. Dès lors, au cours des années 2000, les greffiers et les autorités de tutelle ont mené une réflexion pour rationaliser ce processus, qui s'est traduite par des projets avortés de rapprochement entre 2005 et 2009.

111. La dématérialisation des registres de publicité légale a relancé la nécessité de mettre en place une plateforme électronique commune et de mettre un terme à la duplication des tâches. Les représentants de l'INPI ont en effet indiqué que "les négociations ont vraiment démarré, à partir du décret dit CFE [décret n° 2006-679 du 6 juin 2006] qui reconnaît depuis 2007 aux greffiers la qualité de CFE, et c'est à partir de cette réglementation qu'est devenue nécessaire la création d'une plateforme de téléchargement électronique" (cote 2414).

112. Deux autres éléments de contexte expliquent ces nouvelles discussions : la réforme de la carte judiciaire mise en œuvre en 2009 (les greffes des TGI à compétence commerciale ne représentant plus que 5 % des RCS collectés par l'INPI), d'une part, et le fait que les greffes se sont progressivement organisés à partir de 2006 pour saisir et numériser les bilans eux-mêmes, si bien que les paiements d'Infogreffe à l'INPI ont décliné de 2005 à 2008 pour s'éteindre en 2009, d'autre part.

113. Par conséquent en 2009, l'INPI, légalement tenu à un strict équilibre budgétaire et ne pouvant plus tabler sur la participation financière des greffes pour la saisie et la numérisation des comptes annuels, s'exposait en conduisant seul cette mission, par l'intermédiaire de Coface, à poursuivre une activité déficitaire.

114. Dans ce contexte, un accord a été conclu entre l'INPI et Infogreffe le 3 avril 2009, complété par une annexe du 21 septembre 2009 (l'ensemble contractuel ci-après désigné "l'accord"). Sur ce point, lors de leur audition par les services d'instruction, le 9 mars 2010, les dirigeants de l'INPI ont souligné que : "cet accord passé avec Infogreffe l'a été après approbation du conseil d'administration de l'INPI (12 membres, parmi lesquels un représentant du Ministère de la Justice, 2 du Ministère de l'Économie et 1 du Budget)" (cote 2418).

b) Contenu de l'accord

115. Le préambule de l'accord stipule que, dans le cadre de l'article R. 741-5 du Code de commerce, les parties souhaitent rénover le dispositif permettant aux entreprises de remplir leurs obligations et d'accéder aux informations légales. L'accord poursuit trois objectifs principaux :

éviter les doublons d'activité, mettre en place un système adapté au développement de l'e-administration et mettre en place des modalités nouvelles de dépôts électroniques et de transfert d'information.

116. À cette fin, l'article 1 de l'accord prévoit que : "la gestion de l'accès à l'ensemble de ces informations [informations des RCS] est assurée par le GIE Infogreffe ; Pour ce faire la marque EURIDILE et le nom de domaine Euridile.fr seront cédés au GIE Infogreffe au plus tard le 3 octobre 2009" (cote 1713).

117. L'article 2 traduit la fin du dédoublement des tâches en précisant que : "l'INPI, quand la demande lui est faite directement, communique des copies de document : soit via le GIE Infogreffe sous forme numérisée ou électronique ; soit lui-même directement sous forme papier lorsque les originaux ne sont disponibles que sous forme papier" (cote 1713).

118. L'article 3 de l'accord dispose que : "les licences du RNCS sont délivrées par l'INPI. La gestion de ces licences (IMR, comptes annuels, cadastre sirenné) est placée sous la responsabilité juridique de l'INPI. La diffusion électronique des informations sur lesquelles portent ces licences est assurée techniquement par le GIE Infogreffe selon des modalités techniques et financières à définir. Trois représentants du GIE Infogreffe sont nommés au comité des licences afin de participer à la gestion commune des licences du RNCS en matière de tarification et d'octroi. (...) Les recettes nettes provenant de cette activité sont réparties entre l'INPI et le GIE Infogreffe selon des modalités juridiques et financières à définir d'un commun accord" (cotes 1713 et 1714).

119. Enfin l'article 4 de l'accord prévoit, notamment, que : "le GIE Infogreffe intègre les données en provenance de l'INPI dont il ne dispose pas (fonds d'actes numérisés par exemple). Les modalités de ce transfert seront fixées d'un commun accord" (cote 1714).

120. En vertu de cet accord, l'INPI continue de diffuser l'information disponible au RNCS, soit en la communiquant directement au demandeur sous format papier ou par courrier, soit sous forme électronique et numérisée via Infogreffe. Par ailleurs, l'INPI continue de délivrer les licences "IMR" et "comptes annuels" mais la diffusion électronique de ces licences est techniquement assurée par le GIE.

121. Cet accord a été complété par une annexe en date du 21 septembre 2009, par laquelle les parties ont fixé les modalités techniques et financières de mise en œuvre de l'accord qui avaient été laissées en suspens lors de sa conclusion (cotes 1715 à 1717).

122. Il en ressort que concernant les licences "IMR" et "comptes annuels", l'INPI perçoit désormais 45,5 % des recettes et le GIE 54,5 %, que la cession des actifs de l'INPI (marque Euridile, noms de domaine et documents numérisés) a été valorisée à hauteur de 640 000 euro, et enfin que dans le même temps l'INPI a participé aux coûts de mise en œuvre de la nouvelle organisation à hauteur de 640 000 euro.

123. L'article 5 de l'annexe aborde la question de la gestion des licences "PCS" non traitées dans l'accord du 3 avril 2009. Il est précisé que : "le GIE Infogreffe reprenant en direct au 1-10-2009 la gestion contractuelle, financière et technique, des contrats Web service clients serveur, il convient de préciser les règles pour les remises de l'année 2009" (cote 1716). À compter de cette date, Infogreffe a donc repris en direct les ex-licences "PCS" qui sont devenues des contrats Web Client Serveur ("WCS").

c) Conséquences de l'accord

124. En raison de la mise en œuvre de l'accord, l'INPI n'a pas reconduit avec Coface la concession de service public, devenue entre-temps un marché à bons de commande, et confie désormais la saisie et la numérisation du RNCS à Infogreffe (en réalité à chaque greffe concerné).

125. De fait, ainsi que l'explique l'INPI dans ses observations : "[d]epuis septembre 2009, les achats en ligne de documents bruts issus du RNCS se font directement sur le site "INPI-La Boutique", à partir du nom et du numéro SIRENE de la société. Les achats sous forme électronique se font par renvoi sur le site Infogreffe" (cote 4482).

126. Infogreffe a ainsi repris à son compte la diffusion des informations accessibles via le site Euridile.fr, à l'exception du "certificat d'identité des entreprises" et de la "copie des éléments financiers". Toutefois, Infogreffe indique que le "certificat d'identité d'entreprise" de l'INPI, remplaçable par l'extrait Kbis, l'est également "par la fiche d'identité disponible sur Infogreffe qui est gratuite" (cote 2962).

127. L'accord de 2009 a également abouti à confier la gestion des licences "IMR" et "comptes annuels" à Infogreffe avec un partage presque paritaire des recettes correspondantes et une réduction du coût budgétaire supporté par l'INPI.

128. En outre, des représentants d'Infogreffe siègent désormais au comité des licences de l'INPI, bien que l'INPI demeure le dépositaire légal de ces licences. Pour toute demande de licence, le candidat doit faire parvenir à l'INPI des éléments d'information nécessaires pour lui permettre de vérifier que les critères d'attribution sont satisfaits. Parmi ces éléments doivent obligatoirement figurer les caractéristiques de la licence demandée (licence "à usage interne" ou de "distribution"), la présentation de la société, les comptes annuels de la société durant les trois dernières années, la description des services utilisant la licence et enfin des précisions sur l'apport qualitatif des produits et services proposés à partir d'une licence de distribution si celle-ci est sollicitée (cote 2419).

129. Les responsables de l'INPI ont expliqué, lors de leur audition par les services d'instruction, le 9 mars 2010, que : "à la suite de l'accord avec Infogreffe, l'INPI lui a proposé de participer à ce comité des licences en désignant 2 représentants, et sans changement des attributions de ce comité. (...) Ils ont le même rôle consultatif que les autres membres du comité des licences. Il n'y a donc pas de codécision sur les tarifs, ni de droit de veto qui leur soit reconnu" (cotes 2417 et 2418).

130. Interrogé par les services d'instruction, le 24 février 2011, sur le fonctionnement du comité des licences depuis l'entrée du GIE, le directeur général de l'INPI a précisé que : "il fonctionne comme dans la période antérieure. Il s'est réuni en réalité à deux reprises, une première fois fin 2009 et une seconde en 2010" (cote 2924). Les comptes-rendus des deux réunions du comité des licences en date du 20 octobre 2009 et du 19 octobre 2010 ont été transmis par l'INPI et attestent que le comité a, en effet, émis un avis favorable aux demandes des sociétés Scores & Décisions pour une licence de distribution "IMR" (cote 2936) et une licence "comptes annuels" à usage interne (cotes 2934), qu'il a accepté la modification des licences de distribution "IMR" et "comptes annuels" de CreditSafe (cote 2934) et enfin qu'il a consenti à la transformation de la licence "IMR" à usage interne en licence de distribution de la société Européenne de Données (cote 2934).

131. Concernant la licence "PCS", les responsables de l'INPI ont précisé, lors de leur audition par les services d'instruction, le 9 mars 2010, que : "c'est (...) pour des raisons techniques qu'elle a été transférée par l'INPI à Infogreffe, sous sa responsabilité contractuelle. Actuellement et à ma connaissance, Infogreffe continue d'appliquer les conditions et tarifs de la licence

PCS" (cote 2416). Toutefois, alors que les licences "PCS" prévoyaient deux niveaux de tarif, selon que la licence était à "usage interne" ou de "distribution", le tarif pour "usage interne" a dorénavant disparu des nouveaux contrats "WCS" proposés par le GIE, de même que l'obligation d'enrichissement dans le cadre d'une licence de "distribution".

132. Par ailleurs, la licence "PCS" de l'INPI, devenue contrat "WCS" sous l'égide d'Infogreffe, ne fait l'objet d'aucune publicité sur le site Internet de l'INPI ou sur celui d'Infogreffe, puisque l'accord transfère non seulement la gestion de cette licence mais encore la propriété complète du "fonds d'acte numérisés" de l'INPI à Infogreffe, 50 % des informations consultées dans le cadre des contrats "WCS" étant issu de ce fonds. Ce "fonds d'actes numérisés" constitue en effet le "stock" des ex-licences "PCS" dont les informations accessibles "à la carte" renvoient aux actes et statuts des sociétés (rapports de gestion, rapports du commissaire aux comptes, etc.).

133. Aussi, le dossier d'instruction fait-il état de deux contrats "WCS", l'un conclu le 1er décembre 2009 entre Infogreffe et Altares (cotes 3004 à 3013), l'autre le 1er octobre 2009 avec Coface (cotes 3015 à 3025). Le préambule de ces contrats expose que : "suite à la reprise par Infogreffe de ce service, les Parties ont conclu le présent contrat afin de permettre aux anciens clients de l'INPI, licenciés jusqu'au 30-09-2009 du service protocole client-serveur et revendeurs de données entreprises, de continuer à accéder aux documents". L'article 2 intitulé "objet du contrat" précise que : "ce service est destiné exclusivement aux anciens clients de l'INPI, et revendeurs de données entreprises" (cote 3016).

134. Or, les conventions de licence de distribution "PCS" proposées par l'INPI ne faisaient pas mention d'une quelconque restriction du nombre de preneurs de licence dans la mesure où tout opérateur intéressé pouvait, sous réserve du respect des conditions d'obtention, obtenir une licence en déposant une demande en ce sens auprès de l'INPI.

135. Au cours de l'instruction, Infogreffe a toutefois produit un autre modèle de contrat "WCS" conclu avec la société Les Échos en 2011 (cotes 4272 à 4284) qui dispose, en son article 1er modifié : "[s]uite à la reprise par Infogreffe de ce service, les Parties ont conclu le présent contrat afin de permettre aux anciens clients de l'INPI, licenciés jusqu'au 30-09-2009 du service protocole client-serveur, ainsi qu'aux revendeurs de données entreprises le demandant, de continuer à accéder aux documents". L'article 2 intitulé "objet du contrat" a été modifié comme suit : "ce service est destiné exclusivement aux anciens clients de l'INPI, et revendeurs de données entreprises le demandant".

136. Il ressort par ailleurs du dossier d'instruction que deux sociétés non licenciées précédemment auprès de l'INPI, les sociétés INFOLEGALE SAS et Assistance génie logiciel, ont également conclu des contrats "WCS" avec Infogreffe.

137. Selon Coface et Altares, cet accord les obligerait à s'adresser à l'INPI pour l'obtention de licences ou par voie d'abonnement à Infogreffe à un coût manifestement excessif.

E. LES GRIEFS NOTIFIÉS

138. Le 28 décembre 2011, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié les griefs suivants :

"(...) est notifié à l'encontre du GIE Infogreffe, le grief suivant :

d'avoir, depuis le 10 mai 2007, sur tout le territoire national, abusé de sa position dominante sur le marché amont de la diffusion électronique des informations juridiques et économiques relatives aux entreprises, en pratiquant des tarifs manifestement excessifs au regard de la valeur du service rendu et de ses coûts, en tarifant notamment un service de transmission par voie électronique à 2,33 euro TTC, le décret tarifaire n'instaurant qu'un prix maximum, ces pratiques ayant eu pour effet de renchérir le coût d'acquisition de certaines informations pour certains intermédiaires professionnels du renseignement sur les entreprises, ainsi que sur le marché aval connexe vu les circonstances particulières de l'espèce, cette pratique ayant des effets à l'aval en faussant la concurrence entre opérateurs agissant sur ce marché, en violation de l'article L. 420-2 du Code de commerce

Est notifié à l'encontre de l'INPI et du GIE Infogreffe le grief suivant :

De s'être, depuis le 3 avril 2009, sur tout le territoire national , concertés par convention du 3 avril 2009 complétée le 21 septembre 2009, sur le marché amont de la diffusion électronique des informations juridiques et économiques relatives aux entreprises, pour d'une part attribuer une entrée au comité des licences de l'INPI au GIE Infogreffe (s'agissant des licences IMR et comptes annuels), et d'autre part pour modifier le régime juridique de la gestion des licences WCS (ex PCS), de licence issue d'une délégation de service public, en un contrat de droit privé, avec les effets potentiels suivants :

De restreindre la concurrence à l'amont par le renchérissement potentiel du coût d'accès à certaines informations pour les intermédiaires professionnels du renseignement sur les entreprises et anciennement licenciés de l'INPI, avec une suppression de produits (qui pouvaient bénéficier de prix de gros) qui s'est accompagnée d'une suppression de tarif (empêchant donc que le produit restant puisse être acquis à un prix de gros), étant observé que pour les produits non supprimés la reconduction des remises par paliers reste incertaine,

De restreindre la concurrence à l'amont, avec le non accès à un nouvel entrant potentiel au marché de gros de l'information "à la carte" (accès au contrat WCS), ainsi relégué au marché de détail,

De fausser la concurrence avec l'accès d'Infogreffe au Comité des licences de l'INPI, accès lui conférant un avantage injustifié dans la connaissance des ratios financiers et des projets de ses futurs clients à l'amont et nouveaux concurrents à l'aval, et ce en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce".

II. Discussion

139. Conformément à l'article L. 464-6 du Code de commerce, "lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, l'Autorité de la concurrence peut décider (...), qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure. Cette décision est motivée".

A. SUR LES GRIEFS NOTIFIÉS

140. Il se déduit des dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 463-11 du Code de commerce, selon lesquelles "le rapport soumet à la décision de l'Autorité de la concurrence une analyse des faits et de l'ensemble des griefs notifiés", que le collège de l'Autorité, qui n'est pas lié par les appréciations du rapporteur, doit se prononcer sur tous les griefs notifiés, y compris ceux que ce dernier propose éventuellement d'abandonner dans son rapport.

1. SUR LE PREMIER GRIEF

a) Arguments des parties

141. Infogreffe soutient, tout d'abord, que l'application par les greffiers des tribunaux de commerce et leur groupement d'intérêt économique de la tarification établie par les dispositions législatives et réglementaires rappelées aux paragraphes 76 et 77 ci-dessus échappe aux règles du droit de la concurrence. Il estime ensuite que l'Autorité ne serait pas compétente dans la mesure où cette tarification serait mise en œuvre dans l'exercice d'une mission de service public relevant de la compétence exclusive de la juridiction administrative. Il fait enfin valoir qu'en tout état de cause, si l'Autorité est compétente, la pratique poursuivie bénéficie de l'exemption prévue au 1° du titre I de l'article L. 420-4 du Code de commerce puisqu'elle résulte d'un texte réglementaire pris pour son application.

142. Coface et Altares prétendent, de leur côté, qu'Infogreffe ne pourrait exercer la mission dévolue au greffier et que les dispositions légales et réglementaires applicables à celui-ci ne s'appliqueraient pas au GIE, lequel exerce une activité économique de diffusion de l'information légale autonome. Elles en déduisent qu'une telle activité relève des règles de concurrence et de la compétence de l'Autorité.

b) Appréciation de l'Autorité

143. Aux termes du I de l'article L. 420-4 du Code de commerce, "ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce les pratiques :

1° qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application (...)".

144. La mise en œuvre de cet article implique la réunion de conditions tenant, d'une part, au texte susceptible d'être invoqué et, d'autre part, au lien de causalité existant entre le comportement en cause et le texte invoqué.

145. En ce qui concerne les textes relatifs aux tarifs pratiqués par les greffiers, il convient de relever que, dans son avis n° 99-A-08 précité, le Conseil de la concurrence avait souligné que : "les greffiers des tribunaux de commerce sont seuls autorisés, à diffuser au public sur papier ou par voie électronique des copies des inscriptions portées aux registres de publicité légale dont ils ont la charge. Les émoluments correspondant à cette activité, exercée dans le cadre d'un monopole légal, peuvent être fixés sur le seul fondement de l'ordonnance n° 45-2048 du 8 septembre 1945" (page 19).

146. En premier lieu, il convient de rappeler que selon l'article L. 743-13 du Code de commerce : "les émoluments des greffiers des tribunaux de commerce sont fixés par décret en Conseil d'État". Conformément à cette disposition, l'article R. 743-140 du Code de commerce, issu de l'article 1er du décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 relatif au tarif des greffiers des tribunaux de commerce et modifiant le Code de commerce, détermine et fixe, par renvoi à une annexe, les émoluments dus aux greffiers pour l'établissement et le contrôle de conformité des actes de leur ministère. Cette disposition précise par ailleurs que la rémunération des diligences de chaque transmission d'acte, décision ou document, par remise en main propre contre récépissé ou par voie électronique sécurisée s'élève à un taux de base et demi.

147. Ainsi, un texte réglementaire pris pour l'application d'un texte législatif fixe les émoluments dus aux greffiers ainsi que la rémunération des diligences de chaque transmission d'acte, décision ou document par voie électronique sécurisée.

148. En deuxième lieu, les dispositions du I de l'article L. 420-4 du Code de commerce ne trouvent à s'appliquer que pour autant que les pratiques constatées "résultent" des textes en cause. Selon la pratique décisionnelle, seules les pratiques qui résultent directement et nécessairement de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application peuvent bénéficier de l'exemption prévue au 1° du titre I de l'article L. 420-4 du Code de commerce (voir, notamment, la décision n° 03-D-03 du 16 janvier 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par le barreau des avocats de Marseille en matière d'assurances, paragraphe 46).

149. Il ressort également de la pratique décisionnelle qu'une pratique résulte d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application lorsque ces textes imposent un comportement déterminé à des opérateurs (décision n° 04-D-49 du 28 octobre 2004 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l'insémination artificielle bovine, paragraphes 191 à 194).

150. En l'espèce, il convient de constater que selon les termes clairs de l'article L. 743-13 du Code de commerce, les émoluments dus aux greffiers sont "fixés" par décret en Conseil d'État. L'article R. 743-140 du Code de commerce précise que les émoluments dus aux greffiers sont "déterminés et fixés" conformément aux dispositions suivantes dudit Code et à des tableaux figurant en annexe.

151. Cette unicité du tarif est nécessaire pour assurer à toute personne, quel que soit le lieu où elle réside, de bénéficier des mêmes prestations au même prix, ce qui ne serait pas possible si les greffiers avaient la possibilité de moduler le tarif applicable dans la limite de ce plafond.

152. En outre, si le pouvoir réglementaire n'avait fait que fixer un plafond, en laissant aux greffiers la possibilité d'une modulation, il aurait entaché sa décision d'incompétence négative, dès lors que le législateur lui a assigné la tâche de fixer le tarif.

153. Ainsi, les émoluments dus aux greffiers ne sont pas libres et ces officiers publics et ministériels doivent pratiquer la tarification prévue par les dispositions susvisées sous peine de s'exposer à des sanctions disciplinaires.

154. Il résulte de ce qui précède que les missions des greffiers sont rémunérées par des tarifs fixés par un texte réglementaire pris pour l'application d'un texte législatif auxquels ceux-ci ne peuvent déroger. Les prix pratiqués par les greffiers sont donc la conséquence directe et nécessaire des textes qui régissent leurs activités.

155. En troisième lieu, la circonstance que la transmission par voie électronique est effectuée par Infogreffe ne saurait remettre en cause une telle appréciation.

156. En effet, il convient de rappeler que les greffiers (et l'INPI), qui sont, selon l'article R. 123-150 du Code de commerce, "astreints et seuls habilités à délivrer à toute personne qui en fait la demande des certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au registre et actes déposés en annexe", ont la possibilité d'être membres d'un groupement d'intérêt économique (article L. 743-12 du Code de commerce), et que, par ailleurs, selon l'article R. 741-5, alinéa a, du même Code, les copies délivrées par les greffiers, relatives aux inscriptions portées aux registres de publicité légale dont ils ont la charge peuvent être diffusées par voie électronique par l'intermédiaire d'un groupement ayant soit l'une des formes autorisées par l'article L. 743-12 du Code de commerce, soit une forme associative.

157. Conformément à ces dispositions, les greffiers sont membres d'Infogreffe dont l'objet social consiste à prolonger leur activité par la mise en commun de tous moyens techniques, notamment électroniques, informatiques, télématiques, bureautiques, permettant d'améliorer le service rendu par les greffes des tribunaux de commerce (p. 1 du règlement intérieur du GIE, cotes 1302 et suivantes).

158. Dès lors, s'agissant de la transmission par voie électronique des informations portées aux registres de publicité légale, Infogreffe, qui remplit la mission légale confiée aux greffiers, est tenu d'appliquer la tarification imposée à ses membres.

159. En conséquence, les tarifs pratiqués par Infogreffe ne peuvent être que les tarifs pratiqués par les greffiers eux-mêmes en application d'une disposition réglementaire impérative prise pour l'application d'un texte législatif.

160. Il résulte de ce qui précède que, les tarifs pratiqués par Infogreffe, pour la transmission par voie électronique des informations juridiques et économiques relatives aux entreprises figurant sur les registres légaux dont les greffiers des tribunaux de commerce ont la charge, doivent être considérés comme n'étant pas soumis aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce par application de l'article L. 420-4-I, 1° de ce même Code.

2. SUR LE SECOND GRIEF

161. À titre liminaire, il convient de souligner que les pratiques poursuivies au titre de ce grief ne sont pas reprochées en raison de leur objet anticoncurrentiel, mais d'effets potentiels restrictifs de concurrence découlant de deux aspects "détachables" du contrat conclu entre l'INPI et le GIE Infogreffe en 2009, à savoir la participation de représentants d'Infogreffe au comité des licences de l'INPI, d'une part (a), et les conséquences liées à la substitution des contrats "WCS" conclus avec le GIE Infogreffe aux licences "PCS" concédées par l'INPI, d'autre part (b).

a) Sur l'entrée d'Infogreffe au Comité des Licences de l'INPI

162. Le grief notifié reproche la présence de représentants d'Infogreffe au comité des licences de l'INPI. En substance, celle-ci serait de nature à engendrer des effets restrictifs de concurrence en conférant à Infogreffe un accès injustifié à des informations commerciales sensibles sur les intermédiaires professionnels du renseignement sur la vie des entreprises, lesquels seraient des concurrents.

Arguments des parties

163. Dans ses observations, Infogreffe fait valoir que le comité des licences de l'INPI est un organe purement consultatif et que les informations commerciales auxquelles il a accès par sa présence au comité ne sont en réalité ni sensibles dans leur contenu, ni stratégiques dans leur contexte.

164. Pour sa part, l'INPI estime que la notification des griefs ne fournit aucune analyse concrète des informations auxquelles Infogreffe aurait un accès injustifié par sa présence au comité, ni de leur caractère sensible ou stratégique dans le cadre de la négociation commerciale entre un éventuel opérateur privé et Infogreffe, ni enfin de l'avantage que ce dernier pourrait en retirer compte tenu de l'absence de situation de concurrence entre Infogreffe et les opérateurs privés sur un quelconque marché amont ou aval.

165. Enfin, Coface et Altares, dans leur note en délibéré, que l'Autorité a estimé recevable, soutiennent que l'activité économique exercée dans le cadre du service public de la diffusion des informations contenues dans le RNCS relève de la compétence de l'Autorité et, en conséquence, que l'accord passé en 2009 entre l'INPI et Infogreffe doit être analysé au regard des règles de la concurrence.

Appréciation de l'Autorité

166. En premier lieu, les éléments portés à la connaissance de l'Autorité sur le fonctionnement du comité des licences appelé à évaluer les projets commerciaux des opérateurs privés souhaitant obtenir une licence auprès de l'INPI confirment que les informations en question ont uniquement pour but de déterminer si le futur preneur de licence souhaite acquérir une licence à usage "interne" ou de "distribution".

167. En effet, aucun des éléments du dossier d'instruction ne vient contredire les explications fournies par l'INPI, lesquelles font ressortir que, en réunion de comité des licences, seule une présentation rapide et générale de son activité est faite par le candidat, n'ayant pas pour objet d'examiner dans le détail ses projets commerciaux, mais seulement de vérifier si les informations sont acquises à des fins de traitement pour rediffusion ou de "consommation interne".

168. En second lieu, il convient de relever qu'Infogreffe a, par hypothèse, accès aux informations prétendument stratégiques sur les opérateurs privés intermédiaires du renseignement sur la vie des entreprises dans la mesure où il en assure la diffusion au public, celles-ci figurant dans les registres de publicité légale dont les greffiers des tribunaux de commerce ont la charge, notamment celles relatives aux inscriptions de privilèges ou aux procédures collectives.

169. Dès lors, l'affirmation selon laquelle les futurs preneurs de licence de l'INPI seraient amenés à exposer devant le comité des licences des informations commerciales sensibles, telles que le détail de leur projet commercial et leurs ratios de solvabilité, conférant à Infogreffe un avantage concurrentiel injustifié, n'est pas démontrée en l'espèce.

170. Par ailleurs, l'existence d'effets restrictifs de concurrence réels ou potentiels n'est pas confortée par l'analyse du secteur concerné.

171. D'une part, seuls les greffiers et Infogreffe ainsi que l'INPI sont autorisés à diffuser au public les données brutes issues des registres de publicité légale, d'autre part, l'INPI et Infogreffe ne commercialisent aucune information enrichie, c'est-à-dire complétée de données tierces ou analysées, de sorte qu'il n'existe pas de réelle relation de concurrence directe entre eux et leurs acheteurs professionnels pour ce type de données.

172. Enfin, il n'est pas contesté qu'au cours des deux seules réunions organisées depuis 2009, aucune des six demandes d'attribution de licence examinées n'a été rejetée. Aucun élément relatif à ces réunions ne vient corroborer la révélation, pendant leur tenue, d'informations commerciales sensibles dont Infogreffe aurait pu tirer un quelconque avantage.

173. Il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l'espèce, la présence de représentants du GIE Infogreffe au comité des licences de l'INPI n'a, en soi, ni objet ni effets anticoncurrentiels contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce. Dès lors, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce.

b) Sur les conséquences de la substitution des contrats "WCS" aux licences "PCS"

174. En substance, le grief notifié critique le choix de substituer les contrats "WCS" conclus avec Infogreffe aux licences "PCS" précédemment concédées par l'INPI, lequel choix emporterait des effets anticoncurrentiels potentiels sous la forme d'un renchérissement de l'acquisition des informations cédées en masse. Ce renchérissement résulterait, en particulier, de la disparition des tarifs à "usage interne" et de la suppression de certains produits accessibles à un prix de gros, d'une part, et du verrouillage de l'accès aux contrats "WCS" à de potentiels nouveaux entrants comme cela ressortirait du contenu des contrats "WCS" déjà conclus entre Infogreffe et les sociétés Coface et Altares, d'autre part.

Arguments des parties

175. Infogreffe réfute l'effet potentiel de verrouillage qui résulterait des termes du contrat-type "WCS", soulignant qu'une telle affirmation est démentie par les faits. À cette fin, il rappelle avoir conclu depuis le 1er octobre 2009 des contrats "WCS" avec des sociétés qui n'étaient pas précédemment preneuses de licence "PCS" auprès de l'INPI.

176. Quant au renchérissement potentiel du coût d'accès à certaines informations au regard de la teneur du contrat-type "WCS", Infogreffe ne conteste pas les suppressions du produit "certificat d'identité d'entreprise" et du tarif à "usage interne" mais indique que cela résulte d'une absence de demande de ce produit et de cette tarification sous le régime des licences "PCS" justifiant leur suppression.

177. Pour sa part, l'INPI estime que les effets anticoncurrentiels allégués sont, en réalité, purement hypothétiques et que, à les supposer avérés, ils sont sans lien avec l'accord de 2009 en vertu duquel la responsabilité de l'INPI pourrait être engagée. En effet, les effets restrictifs allégués porteraient exclusivement sur les conséquences des contrats conclus entre le GIE Infogreffe et ses clients, ou plus précisément sur des risques de comportements unilatéraux du GIE en lien avec ces contrats.

178. Coface et Altares, dans leur note en délibéré, soutiennent que l'accord de 2009 a modifié les modalités de la vente des informations légales relatives aux entreprises.

Appréciation de l'Autorité

179. À titre liminaire, il convient de rappeler que, en droit de la concurrence, l'Autorité appréhende les relations contractuelles des entreprises au regard de leur finalité économique et de la perturbation éventuelle qu'elles suscitent envers la concurrence sur un secteur ou un marché donné, et non sur leur seule typologie juridique.

180. Dès lors, en principe, la modification du régime contractuel de l'usage à la carte des informations "Web service", objet des licences "PCS" et dorénavant des contrats "WCS", ne peut, en soi, être constitutive d'une restriction de la concurrence par objet ou par effets contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

181. En tout état de cause, la qualification d'entente au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce est subordonnée à la démonstration de l'existence d'un concours de volontés ainsi que l'a rappelé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 2 juillet 2003, SA GAN Eurocourtage, dont il ressort que : "le comportement unilatéral d'un opérateur économique n'entre pas dans les prévisions du texte précité [article L. 420-1 du Code de commerce] lequel implique que soit constatée l'expression de la volonté commune des entreprises en cause de se comporter d'une manière déterminée sur le marché considéré" (BOCCRF n° 10 du 29 septembre 2003).

182. En l'espèce, les différentes restrictions alléguées dans la notification des griefs portent exclusivement sur les contrats offerts par Infogreffe seul à ses clients actuels ou potentiels.

183. Or il ressort des termes de l'accord signé le 3 avril 2009 que celui-ci ne prévoit aucune disposition relative aux conditions tarifaires et non tarifaires des contrats qui seront proposés par Infogreffe à des tiers, et les services d'instruction n'ont fait référence à aucun élément factuel propre à établir que l'INPI était en mesure d'exercer, en droit comme en fait, une influence sur le contenu des contrats "WCS" proposés aux entreprises intéressées.

184. En outre, l'effet potentiel de verrouillage qui résulterait des termes du contrat-type "WCS" est démenti par les faits, dès lors qu'Infogreffe a communiqué aux services d'instruction, en réponse à la notification de griefs, la copie de quatre contrats conclus avec de nouveaux entrants, de sorte que le risque d'un refus de conclusion d'un tel contrat, motif pris qu'il serait réservé exclusivement aux anciens clients de l'INPI, apparaît purement hypothétique.

185. S'agissant du renchérissement potentiel du coût d'accès à certaines informations pour les intermédiaires professionnels anciennement licenciés de l'INPI, Infogreffe a reconnu que les contrats "WCS" avaient supprimé un produit (le certificat d'identité d'entreprise) et une tarification (à usage interne) par rapport à l'offre des anciennes licences "PCS" de l'INPI.

186. Infogreffe a toutefois expliqué cette suppression par le fait que les titulaires des anciennes licences n'achetaient jamais le certificat d'identité d'entreprise et ne recouraient jamais à la tarification pour usage interne, dans la mesure où ils sont des intermédiaires professionnels qui réutilisent les données, ce qui a été confirmé pendant l'instruction par l'ensemble des opérateurs interrogés (cotes 3497, 3428 et 3533).

187. Ainsi, là encore, l'effet potentiel restrictif de concurrence de la pratique reprochée n'est pas démontré.

188. Il résulte de ce qui précède qu'aucun grief d'entente contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce ne peut être retenu à l'encontre du GIE Infogreffe et de l'INPI. Dès lors, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce.

B. SUR LES AUTRES PRATIQUES DÉNONCÉES

1. SUR LES DIFFICULTÉS D'ACCÈS DE MERCURE AU SERVEUR D'INFOGREFFE POUR LES IMMATRICULATIONS EN LIGNE

189. Mercure dénonce le refus qu'aurait opposé Infogreffe, en octobre 2007, à sa demande d'accès au serveur Infogreffe pour l'immatriculation en ligne de ses sociétés clientes à partir de son serveur "StatutsOnline". Cette fin de non-recevoir serait intervenue peu avant le lancement commercial par Infogreffe de son outil d'immatriculation en ligne sur le site Internet greffe.formalités.fr.

190. Lors de son audition par les services d'instruction, le 25 septembre 2008, le dirigeant de Mercure a en effet expliqué que sa demande d'accès au format de la base de données d'Infogreffe, ainsi que la porte d'accès à cette base, avait pour but de pouvoir transmettre directement par voie électronique les éléments nécessaires à la création et l'immatriculation de sociétés que sa société se propose d'effectuer pour le compte de clients (cote 471).

191. Interrogé à cet égard par les services d'instruction, le 16 novembre 2009, le président d'Infogreffe a expliqué que : "la société Mercure peut accéder au serveur Infogreffe, les liaisons ayant été mises en place pour lui permettre ces formalités. Cette question est réglée depuis quelques semaines. En aucun cas Infogreffe n'a mis d'entrave à cette société pour effectuer des liaisons avec Infogreffe" (cote 1183).

192. Le dirigeant de Mercure a confirmé par courriel, en date du 26 janvier 2012, que : "suite à notre plainte et votre intervention auprès du GIE, les données techniques nous ont été transmises ainsi que l'accès à la plateforme. Il ne nous a fallu que quelques mois pour mettre en place le rattachement qui fonctionne depuis très bien et en bonne collaboration depuis le 1er juillet de l'année suivant notre dépôt de plainte" (cote 3992). Cependant, Mercure a maintenu que le litige ne résultait pas d'un problème technique mais d'une intention délibérée de la part du GIE.

193. En l'espèce, il convient de constater que la survenance de ce problème technique ne saurait constituer un comportement anticoncurrentiel mis en œuvre par Infogreffe dans la mesure où les faits dénoncés dans la saisine ne sont étayés d'aucun élément probant de nature à caractériser un abus de position dominante ou de dépendance économique.

194. En conséquence, il n'y a pas non plus lieu de poursuivre la procédure au titre de ces pratiques.

2. SUR LES PRATIQUES ALLÉGUÉES PAR COFACE ET ALTARES

195. Les saisissantes ont dénoncé l'existence d'une entente entre les greffiers des tribunaux de commerce sous la forme du GIE Infogreffe "au profit duquel les membres fondateurs ont transféré leurs pouvoirs de décision, en sorte que ce groupement constitue une entreprise unique relevant de l'article L. 420-2 du Code de commerce" (cote 40).

196. Elles ont également fait état de retards dans la transmission des informations issues des RCS tenus par les greffiers à l'INPI, ce qui aurait eu pour effet de pénaliser le site de l'INPI en favorisant la base d'Infogreffe.

197. En premier lieu, il convient de souligner que la constitution du GIE Infogreffe ne saurait, en soi, recevoir la qualification d'entente au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans la mesure où la possibilité pour les greffiers des tribunaux de commerce de se regrouper au sein d'un groupement d'intérêt économique pour exercer leurs missions est expressément prévue par la loi, conformément à l'article L. 743-12 du Code de commerce (voir le paragraphe 28 ci-dessus).

198. En second lieu, les retards de transmission constatés pouvant résulter d'une simple négligence organisationnelle de certains greffes, aucun élément du dossier ne permet de caractériser à ce titre une pratique anticoncurrentielle d'Infogreffe.

199. En outre, il convient d'observer qu'un délai maximum de transmission de 15 jours était prévu par la loi, ce qui mécaniquement rendait les informations fournies à l'INPI moins performantes que celles détenues par les greffiers ou Infogreffe.

200. Enfin, aucun effet précis, même potentiel, sur le marché n'a été identifié.

201. En conséquence, les pratiques visées plus haut ne justifient pas non plus la poursuite de la procédure.

DÉCISION

Article 1er : En application du 1° du titre I de l'article L. 420-4 du Code de commerce, les pratiques tarifaires du GIE Infogreffe visées dans la présente affaire ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 2 : Il n'est pas établi que le GIE Infogreffe et l'INPI ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce au titre des autres pratiques dénoncées par les saisines.

Notes:

1 Le taux de base étant de 1,30 euro, un taux de base et demi équivaut à 1,95 euro HT + TVA de 0,38 euro = 2,33 euro TTC.

2 Source : Autorité de la concurrence.

3 Cette fiche comprend l'identité de la société, les procédures collectives éventuelles, les noms des dirigeants et administrateurs.