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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 4 décembre 2013, n° 11-06419

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roussel

Conseillers :

MM. Lippmann, Franco

TI Libourne, du 7 sept. 2011

7 septembre 2011

Par acte authentique en date du 3 novembre 2010 Mme Marie C. veuve D., représentée par sa tutrice Mme Corinne D., Mme Marie-Claude D. épouse F. et Mme Marie-France D. épouse D. ont vendu à M. Jean-Yves S. au prix de 95 000 euro une maison à usage d'habitation située à Castillon la Bataille, 16 avenue des frères Bureau; réitérant ainsi un acte sous seing privé en date du 21 juillet 2010 de vente sous conditions suspensives.

Après avoir constaté que l'immeuble n'était pas branché au réseau communal d'assainissement collectif, M. S. a, par acte signifié le 26 avril 2011, fait assigner Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. devant le Tribunal d'instance de Libourne afin d'obtenir avec exécution provisoire leur condamnation solidaire au paiement des frais nécessaires à la remise en état de l'installation.

Par jugement en date du 7 septembre 2011, le Tribunal d'instance de Libourne a fait droit aux demandes, en condamnant Mme D. et Mme F., sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme, à lui verser les sommes de 6 399,83 euros, celle de 137,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2011.

Dans des conditions de régularité non contestée, Mmes Marie-Claude F. et Marie-France D. ont relevé appel de ce jugement le 17 octobre 2011.

Par ordonnance en date du 9 mai 2012, le conseiller de la mise en état a désigné M. Jean-Pierre D. en qualité d'expert; celui-ci a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 30 novembre 2012.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 5 février 2013, Mmes D. et F. demandent à la cour :

- de déclarer leur appel recevable et bien fondé,

- de débouter en conséquence M. Yves S. de toutes ses demandes et de le condamner à leur payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP T.-J..

Elles font principalement valoir que même si l'évacuation ne fonctionne pas, l'expertise a mis en évidence l'existence d'un plot de tout à l'égout et de tuyaux d'évacuation; que les factures de la Lyonnaise des Eaux des années 2006 à 2007 et 2008 confirment que l'immeuble était bien raccordé au réseau public d'assainissement ; et que les entreprises intervenantes n'ont jamais formulé la moindre observation quant au système d'assainissement ni au tout-à-l'égout.

Elles soutiennent que l'évacuation était conforme et fonctionnait de manière satisfaisante jusqu'à la vente du bien ; et que selon toute vraisemblance une détérioration

des tuyaux s'est produite après la vente et avant la vérification de l'installation par la Lyonnaise des Eaux.

Elles estiment en conséquence qu'il n'existe aucune preuve d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme.

Par dernières conclusions déposées signifiées le 19 juin 2013, M. Jean-Yves S., appelant incident, demande à la cour, au visa des articles 1604 et 1615 du Code civil, 1382 du Code civil, L. 1331 1 et suivants du Code de la santé publique :

- de confirmer le jugement entrepris, concernant les condamnations in solidum de Mme Marie-Claude F. et de Mme Marie-France D. à lui payer la somme de 137,75 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2011, et celle de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ,

- de réformer le jugement pour le surplus,

- de condamner in solidum les appelantes à lui payer la somme de 7 930,84 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, au titre des frais de remise en état de l'installation d'évacuation, outre celle de 4 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ,

- de débouter Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. de l'ensemble de leurs demandes.

Il souligne que le défaut de raccordement de la maison au réseau public d'assainissement a été clairement démontré par le rapport d'intervention de la société Lyonnaise des Eaux le 17 février 2011, par le rapport de M. L., expert en bâtiment, en date du 30 mars 2011, et enfin par le rapport d'expertise judiciaire de M. D..

Il ajoute que les fosses n'ont jamais été mises hors d'état de servir ; et que les vendeurs n'ont donc pas respecté leur engagement de délivrer l'immeuble vendu avec l'ensemble de ses accessoires, tels qu'ils étaient mentionnés dans les documents contractuels.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1-l'appel sera déclaré recevable en l'absence de toute contestation sur ce point

2- sur le fond

Selon les dispositions de l'article 1615 du Code civil , l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

Par ailleurs, il résulte de l'article 1611 du Code civil le vendeur doit dans tous les cas être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.

L'obligation de délivrance conforme, qui est une obligation de résultat à la charge du vendeur, doit être appréciée au moment du transfert de propriété, à moins que la caractéristique convenue ne soit pas apparente et ne puisse être vérifiée que par l'usage de la chose.

En l'espèce, en page 10 de l'acte sous seing privé du 21 juillet 2010 portant vente sous conditions suspensives, les vendeurs avaient déclaré que l'immeuble était raccordé au réseau d'assainissement collectif ("tout-à-l'égout").

L'acte authentique du 3 novembre 2010 rappelle en page 15, à la rubrique Assainissement, cette indication donnée par les vendeurs lors de la vente sous conditions suspensives.

Dès le 14 décembre 2010, l'agence de la compagnie Lyonnaise des Eaux a signalé à M. Yves S. les anomalies suivantes :

- absence de branchement et le pot de branchement : ceux-ci sont à créer ou à localiser,

-l'écoulement des eaux usées provenant des WC n'a pu être localisé : celui-ci doit être dirigé vers un pot de branchement,

-les eaux ménagères s'écoulent dans le sol par infiltration via un regard à décantation : celles-ci doivent être dirigées vers un pot de branchement.'

Par courrier adressé le 17 février 2011 à M. Yves S., le chef d'agence de la Lyonnaise des Eaux a indiqué que l'écoulement des eaux usées de l'habitation (eaux vannes et aux ménagères) n'avait pu être localisé lors du second passage. Il précisait clairement que ces eaux usées ne s'écoulaient pas dans le pot de branchement, de sorte que l'installation était non conforme.

En conclusion de son rapport du 30 mars 2011, l'expert amiable M. Francis L. mentionnait : "après avoir fait plusieurs essais de saturation, nous sommes en mesure d'affirmer que les collectes des eaux usées et des eaux vannes ne sont pas reliées au réseau public du tout-à-l'égout".

L'expert avait notamment procédé à une surveillance régulière de la tuyauterie arrivant au pot de branchement du tout-à-l'égout, qui ne lui avait pas permis d'entrevoir le moindre petit filet d'eau (page cinq du rapport).

Dans son rapport en date du 30 novembre 2012, l'expert judiciaire a indiqué après des investigations approfondies en présence des parties le 27 juillet 2012 que les évacuations des eaux vannes et des eaux usées n'étaient pas raccordées au tout-à-l'égout, qu'un plot de tout-à-l'égout existait bien dans l'angle est de la limite de la propriété en façade rue, mais qu'aucun tuyau d'évacuation n'était apparent dans ce plot existant, qui est inutilisé.

Pour s'opposer à ces constatations techniques concordantes, les appelantes produisent trois factures de la compagnie Lyonnaise des Eaux pour les années 2006, 2007 et 2008, qui comportent une prestation au titre de la collecte et traitement.

Or, dans sa réponse apportée le 20 mars 2013 à M. S., l'agence de la Lyonnaise des Eaux précise que cette redevance est appliquée d'office que l'immeuble soit raccordé ou non.

Cette réponse est pertinente puisque selon les dispositions de l'article R. 2224-19-2 du Code général des collectivités territoriales, la partie variable de la redevance d'assainissement collectif est déterminée en fonction du volume d'eau prélevée.

Elles soutiennent en outre que les entreprises étant intervenues sur les lieux n'avaient jamais formulé la moindre observation quant au système d'assainissement et au tout-à-l'égout.

Mais elles ne produisent aucune facture relative à l'entretien de leur réseau, et l'expert judiciaire a simplement pu obtenir auprès de la SARL Vidanges Castillonaises une confirmation d'intervention sur place en 2005 ou 2006, avec une fosse septique inaccessible car située sous la maison; seul le bac de décantation extérieure ayant pu être nettoyé.

Il est donc clairement établi, sans contestation technique possible, que les vendeurs n'ont pas délivré une maison d'habitation raccordée au réseau public d'assainissement, contrairement à leur engagement contractuel; et il importe peu qu'au moment de la vente, la réglementation n'exigeait pas de certificat de conformité en ce qui concerne le fonctionnement de cette installation.

L'acquéreur est donc fondé à réclamer des dommages-intérêts correspondant à la réparation du préjudice subi.

Il ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que les travaux nécessaires à la mise en conformité du raccordement au tout-à-l'égout s'élèvent à la somme de 7 930,84 euros TTC, conformément aux prestations détaillées dans le devis de l'entreprise ISBAT-MARCOS.

Les frais d'intervention de la compagnie Lyonnaise des Eaux se sont élevés à 137,75 euros, à la charge de M. Yves S.; qui est donc fondé à solliciter le remboursement auprès des vendeurs à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Mme Marie-France D. et Mme Marie-Claude F. avaient manqué à leur obligation de délivrance conforme mais de le réformer en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts ; et de condamner in solidum Mmes F. et D. à payer à M. Yves S. la somme de 7 930,84 euros + 137,75 euros = 8 068,59 euros.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a condamné Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. in solidum à payer à M. S. la somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

Il est équitable d'allouer en outre à ce titre à l'intimé une indemnité de 1 200 euros au titre des frais de procédure irrépétibles exposés en cause d'appel.

Les appelantes doivent en équité être déboutées de la demande formée sur ce même fondement.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Déclare l'appel recevable mais mal fondé, Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a dit que Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. ont manqué à leur obligation de délivrance conforme, et en ce qu'il a condamné Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. à payer à M. Yves S. la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens de première instance; Le réforme pour le surplus, Statuant à nouveau, Condamne in solidum Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. à payer à M. Yves S. la somme de 8 068,59 euros à titre de dommages-intérêts; avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; Y ajoutant, Condamne in solidum Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. à payer à M. Yves S. à la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes Condamne in solidum Mme Marie-Claude F. et Mme Marie-France D. aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP G.-F., en application de l'article 699 du Code de procédure civile

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