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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 19 novembre 2013, n° 11-03139

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Loic Etard (EURL)

Défendeur :

Jean-Baptiste

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maussion

Conseillers :

MM. Jaillet, Tessereau

TGI Coutance du, 21 juill. 2011 et 22 se…

21 juillet 2011

L'EURL Etard a fait passer une annonce proposant à la vente un véhicule Renault Vel Satis "de première main" et "comme neuf".

M. J.-B. est venu essayer le véhicule et l'a acquis le 1er juin 2007 pour 13 250 euros.

L'acheteur s'est plaint de dysfonctionnements et a constaté qu'il ne s'agissait pas d'un véhicule de première main, puisqu'il avait eu deux propriétaires antérieurs dont une société de leasing.

Il a déposé plainte et l'EURL Etard a été condamnée pénalement pour pratique commerciale trompeuse.

Il a sollicité la résolution de la vente devant le juge civil.

Par jugement du 21 juillet 2011, le Tribunal de grande instance de Coutances a :

- dit que l'EURL Etard avait vendu un véhicule non conforme à la commande ;

- ordonné la résolution de la vente ;

- condamné l'EURL Etard à payer à M. J.-B. les sommes de 13 250 euros, outre 1 279,84 euros en remboursement des frais engagés sur le véhicule, et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

L'EURL Etard est appelante de cette décision.

Elle soutient :

- que les défauts étaient parfaitement apparents et que l'acheteur a pu s'en rendre compte ;

- que l'expertise réalisée montre que le prix de vente était conforme aux caractéristiques et à l'état du véhicule, qui n'a jamais été accidenté ;

- que la mention erronée "première main" procède d'une simple erreur matérielle dont M. J.-B. avait connaissance du fait de la remise de la carte grise ;

- qu'il n'y a donc pas lieu à résolution de la vente ;

- subsidiairement que M. J.-B. est redevable d'une indemnité de dépréciation qui pourra être chiffrée après communication du relevé du compteur kilométrique du véhicule, et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ses demandes au titre du préjudice financier, s'agissant d'opérations d'entretien courant.

Elle réclame 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

M. J.-B. conclut à la confirmation du jugement, et à l'allocation d'une somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Il fait valoir que, contrairement aux mentions portées sur l'annonce, le véhicule n'était pas de première main et avait été la propriété d'une société de leasing. En outre, ce véhicule avait été accidenté et présentait de nombreux dysfonctionnements. De fait, l'EURL Etard a été condamnée pénalement pour ces faits, après enquête de la direction des fraudes.

Il en conclut que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance d'un bien conforme à la commande, et qu'il y a donc lieu à résolution de la vente soit sur le fondement de l'article 1604 du Code civil, soit sur le fondement de l'article L. 211-4 du Code de la consommation. Il invoque subsidiairement le dol dont il a été victime.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 1604 du Code civil impose au vendeur de livrer à l'acquéreur une chose présentant les caractéristiques convenues entre les parties.

L'article L. 211-4 du Code de la consommation énonce quant à lui que le vendeur professionnel est tenu de livrer au consommateur un bien conforme au contrat, et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Toutefois, la réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de conformité.

De surcroît, un défaut de conformité ne peut justifier la résolution du contrat de vente que si l'inexécution contractuelle est suffisamment grave. De même, la résolution du contrat ne peut être prononcée si elle porte sur des caractéristiques de la chose qui n'ont pas déterminé le consentement de l'acheteur.

En droit de la consommation, l'article L. 211-10 du Code de la consommation précise que la résolution de la vente ne peut être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

En l'espèce, il est établi que la société Etard, professionnelle de l'automobile, a fait paraître sur le site internet "Ouest France Auto" une annonce proposant la vente d'un véhicule Renault Vel Satis d'occasion totalisant 88 500 km, pour un prix de 13 500 euros.

Il était notamment précisé que la voiture était 'comme neuve', de 'première main', et était équipée d'un attelage.

Il est constant que c'est en considération de cette annonce que M. J.-B., non professionnel de l'automobile, s'est rendu au garage Etard, a pu examiner le véhicule, et a finalement acquis celui-ci pour un prix de 13 250 euros avec une garantie contractuelle d'un an, selon bon de commande signé le 1er juin 2007. La seule observation figurant au bon de commande était "pneu arrière mort".

Il est également constant que le véhicule n'était finalement pas équipé d'un attelage, avait connu deux propriétaires précédents, dont une société de location, et avait fait l'objet de travaux de carrosserie et peinture.

M. J.-B. s'est par la suite plaint de diverses anomalies : usure importante des pneus arrière, glace de rétroviseur cassée, échappement bruyant, non fonctionnement de la climatisation, non fonctionnement du GPS, absence d'attelage.

Il a saisi sa compagnie d'assurance qui a mandaté un expert, lequel a confirmé en octobre 2008 l'existence de ces anomalies, mais a conclu que tous ces désordres étaient apparents lors de la vente et que le prix d'acquisition était "tout à fait acceptable" compte tenu de l'état et de l'équipement du véhicule.

En considération des éléments erronés figurant sur l'annonce, la société Etard a été condamnée pour pratique commerciale trompeuse par la juridiction correctionnelle, dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité validée le 9 février 2009.

Ce n'est qu'en mai 2009 que M. J.-B. a saisi le juge civil d'une action en résolution de la vente. Il ne conteste pas utiliser le véhicule depuis l'acquisition du 1er juin 2007.

M. J.-B. a pu avant la vente se rendre compte de l'état exact du véhicule qu'il envisageait d'acquérir. Il a pu notamment se rendre compte de l'absence d'attelage, de l'état des pneumatiques (mentionné au bon de commande) et de l'ensemble des anomalies dont il a fait état auprès de l'expert, lesquelles étaient parfaitement apparentes.

Il pouvait aisément se rendre compte que le véhicule n'était pas de "première main", puisque le précédent certificat d'immatriculation qui lui a été remis, au nom du précédent propriétaire, était daté du 1er mars 2007, et mentionnait comme date de première immatriculation le 5 décembre 2002, ce qui supposait nécessairement l'existence d'au moins deux propriétaires précédents.

M. J.-B. ne démontre pas que le fait que le véhicule soit de seconde main, et que le propriétaire initial ait été une société de location, ait pu influer sur sa décision d'acquérir ou non le véhicule, étant précisé que le propriétaire initial était une société de leasing et non un loueur de véhicules à des particuliers.

Quant au fait que le véhicule ait été accidenté, ceci ne résulte d'aucune pièce. Certes, l'EURL Etard a fait réaliser des travaux sur la carrosserie du véhicule, mais le peintre automobile qui a réalisé ces travaux (qui n'est pas un salarié de la société Etard) atteste qu'il s'agissait de travaux de reprise de peinture sur divers éléments du fait de l'existence de rayures, et précise que le véhicule n'était pas accidenté.

L'expert qui a examiné le véhicule n'a pas plus relevé de trace d'accident.

Dans ces conditions, il faut considérer que la réception sans réserves du véhicule par M. J.-B. a couvert les défauts qui étaient apparents, et que le véhicule livré était conforme à la commande.

Au surplus, il n'est pas établi que la mention erronée figurant sur l'annonce, relative au nombre et à la qualité des propriétaires précédents, ait été déterminante du consentement de l'acquéreur, de telle sorte que la demande en résolution du contrat de vente ne saurait aboutir.

De la même manière, même si les mentions erronées de l'annonce, stigmatisées par la décision pénale, sont susceptibles de constituer des manœuvres frauduleuses au sens de l'article 1116 du Code civil , ces manœuvres n'ont pas eu pour effet de vicier le consentement de l'acquéreur, puisqu'aucun élément ne permet d'affirmer que M. J.-B. n'aurait pas contracté s'il avait connu la fausseté de ces mentions.

La demande de M. J.-B. ne peut donc aboutir tant sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance conforme que sur le fondement du dol, et le jugement sera infirmé.

Il est équitable d'allouer à l'EURL Etard une indemnité de 2 000 euros en remboursement des frais engagés.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement ; Déboute M. J.-B. de l'intégralité de ses demandes ; Condamne M. J.-B. à payer à l'EURL Etard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. J.-B. aux dépens de première instance et d'appel, et dit que Maître T. bénéficiera des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.