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Décisions

CA Agen, 1re ch. civ., 28 mai 2013, n° 12-00926

AGEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sociéte de Dietrich Thermique (SAS)

Défendeur :

Fraisse (Epoux), Tortelli

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Richiardi

Conseillers :

Mmes Blum, Prache

Avocats :

Mes Vimont, Perrin, Moutou, Dauriac

TGI Agen, du 23 mars 2012

23 mars 2012

FAITS ET PROCÉDURE

Les époux Fraisse sont propriétaires d'une maison d'habitation d'une superficie de 250 m2 située à Barbaste.

Le chauffage de cette maison était assuré par un système de chauffage central par radiateurs alimentés par une chaudière de marque de Dietrich fonctionnant au fioul.

Désireux d'assurer le chauffage de leur maison au moyen d'une pompe à chaleur, les époux Fraisse se sont rapprochés courant mai 2008 de Denis Tortelli, artisan chauffagiste.

Après s'être rendu sur les lieux le 13 juin 2008 avec Olivier Stenuit, agent régional de la société de Dietrich Thermique, Denis Tortelli a établi le 23 juin 2008 un devis d'un montant TTC de 22 658,55 euros, portant notamment sur la fourniture d'une pompe à chaleur ainsi que les travaux nécessaires à son installation et aux divers raccordements, l'ancienne chaudière étant conservée.

Sur la base de ce devis, les époux Fraisse ont contracté avec Denis Tortelli.

Ce dernier a établi le 3 novembre 2008 une facture de 22 103,52 euros réglée par les époux Fraisse.

L'installation a été mise en service le 8 novembre 2008.

Dès le mois de décembre 2008, les époux Fraisse se sont plaints de ce que la pompe à chaleur ne permettait pas d'assurer le chauffage suffisant de leur maison d'habitation.

Après une expertise amiable réalisée par Jean-Pierre Sorbet du cabinet Polyexpert qui avait conclu à un dysfonctionnement de l'installation de chauffage par pompe à chaleur résultant du sous dimensionnement de ce matériel à la suite de l'étude erronée fournie par la société de Dietrich Thermique à Denis Tortelli, ils ont obtenu, par ordonnance de référé du 9 février 2010, la désignation d'un expert en la personne de Jean Guillot.

Après dépôt du rapport d'expertise en date du 3 juillet 2010, ils ont fait assigner au fond, les 9 et 21 septembre 2010, devant le Tribunal de grande instance d'Agen, Denis Tortelli et la société de Dietrich Thermique.

Par jugement du 23 mars 2012 non assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance d'Agen a :

- prononcé la résolution de la vente et d'installation d'une pompe à chaleur conclue entre les époux Fraisse et Denis Tortelli,

- condamné Denis Tortelli à procéder à la dépose et à la reprise du matériel vendu ainsi qu'à la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

- condamné in solidum Denis Tortelli et la société de Dietrich Thermique à payer aux époux Fraisse la somme de 22 103,52 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2010 et celle de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné la société de Dietrich Thermique à relever indemne Denis Tortelli de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- débouté les parties du surplus de leur demande,

- condamné in solidum Denis Tortelli et la société de Dietrich Thermique à payer aux époux Fraisse la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société de Dietrich Thermique à payer à Denis Tortelli la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum Denis Tortelli et la société de Dietrich Thermique aux entiers dépens en ce compris ceux du référé et les frais d'expertise.

La société de Dietrich Thermique a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 mai 2012.

Par arrêt du 23 janvier 2013, la cour a :

- révoqué l'ordonnance de clôture,

- invité les époux Fraisse et Denis Tortelli à présenter leurs observations sur la question de l'aveu judiciaire constitué par les déclarations contenues dans les dernières conclusions déposées par le conseil de ce dernier devant le Tribunal de grande instance d'Agen,

- invité les parties à s'expliquer sur l'incidence du crédit d'impôt dont ont bénéficié les époux Fraisse.

La société de Dietrich Thermique n'a pas conclu après l'arrêt du 23 janvier 2013, ses dernières conclusions étant en date du 2 octobre 2012.

Les époux Fraisse ont déposé leurs dernières conclusions le 4 mars 2013.

Denis Tortelli a déposé ses dernières conclusions le 20 mars 2013.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2013.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société de Dietrich Thermique demande à la cour, au visa des articles 1147 et suivants ainsi que 1184 et suivants du Code civil, de :

- réformer le jugement entrepris,

- juger les époux Fraisse irrecevables et en tout cas mal fondés à arguer d'une non-conformité contractuelle pour ne pas rapporter la preuve leur incombant,

- juger non fondée la demande en résolution de vente formée par les époux Fraisse à son encontre,

- débouter les époux Fraisse et Denis Tortelli de leurs demandes dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire :

- réduire à de plus justes proportions le montant des dommages intérêts,

En tout état de cause :

- condamner Denis Tortelli à la garantir de toute somme pouvant être mise à sa charge au profit des époux Fraisse,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Dans ses conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé du détail de son argumentation, elle soutient que :

- dès lors que la mise en service de la chaudière est intervenue sans réserve le 8 novembre 2008 et qu'à la date de réception, les époux Fraisse ont constaté que leur ancienne chaudière à fioul était toujours branchée et fonctionnait, ces derniers sont irrecevables à faire valoir quelque non-conformité que ce soit,

- l'installation, telle qu'elle a été mise en œuvre, non seulement fonctionne, la pompe à chaleur n'étant atteinte d'aucun vice de construction ni d'aucune anomalie de fonctionnement, mais également assure aux époux Fraisse un chauffage normal,

- les époux Fraisse, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontrent pas qu'ils ont voulu s'affranchir totalement de l'utilisation de leur ancienne chaudière à fioul,

- n'étant pas l'auteur du devis, elle ne peut se voir reprocher son imprécision,

- dans une installation avec pompe à chaleur, un appoint est toujours nécessaire afin de couvrir l'ensemble des besoins,

- elle a pleinement respecté ses obligations d'information et de conseil, ayant mis en place une information claire et précise, accessible à tous, sur son site Internet et aux termes des documents d'installation destinés aux installateurs,

- c'était à Denis Tortelli qu'incombait l'obligation d'informer ses clients sur les caractéristiques du matériel proposé et de les prévenir que leur installation de chauffage fonctionnerait avec un appoint,

- son commercial Olivier Stenuit a seulement montré à Denis Tortelli que le site Internet dispose d'un logiciel appelé Diematool permettant de calculer les besoins énergétiques d'une maison à partir de données, mesures et indications fournies par l'installateur,

- n'ayant pas perçu la somme de 22 103,52 euros acquittée par les époux Fraisse à l'installateur, elle ne peut être condamnée à restituer davantage que ce qu'elle a perçu, à supporter la dépose et à reprendre le matériel,

- le surcoût et le trouble de jouissance invoqués par les époux Fraisse ne sont pas justifiés.

Les époux Fraisse demandent à la cour, au visa des articles 1603 et suivants, 1147, 1184 et 1382 du Code civil, de :

- confirmer le jugement du 23 mars 2012 sauf sur le montant des dommages-intérêts devant être porté à la somme de 3 000 euros,

Y ajoutant :

- condamner Denis Tortelli et la société de Dietrich Thermique à procéder à la dépose et à la reprise de la pompe à chaleur ainsi qu'à la remise en état des lieux dans leur état initial, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, sous peine d'astreinte de 150 euros par jour passé ce délai,

- condamner in solidum Denis Tortelli et la société de Dietrich Thermique au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation, ils soutiennent que :

- selon le rapport d'expertise, la pompe à chaleur installée par Denis Tortelli, sur la base du calcul effectué par la société de Dietrich Thermique, est effectivement sous dimensionnée pour procurer un confort acceptable, équivalent à l'ancien système de chauffage au fioul, cette pompe à chaleur fournissant à elle seule un chauffage insuffisant lorsque les températures extérieures avoisinent les 3 ou 4°, ce qui nécessite de faire intervenir l'ancienne chaudière en complément,

- ils se prévalent du défaut de conformité de l'installation aux caractéristiques contractuellement convenues et de l'inexécution par le fournisseur/installateur de son obligation d'information et de conseil,

- la société de Dietrich Thermique invoque à tort une réception sans réserve qui serait de nature à couvrir les non-conformités apparentes dans la mesure où lors de la mise en service réalisée le 8 novembre 2008, la température extérieure était proche de 10° C, l'insuffisance de la pompe à chaleur ne s'étant révélée que par la suite, lorsque les températures ont baissé au mois de décembre,

- il incombe au vendeur professionnel de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue,

- la documentation technique des pompes ROE+TH disponible sur le site Internet de la société de Dietrich Thermique vante précisément qu'elles sont conçues pour venir en remplacement d'une chaudière existante,

- Denis Tortelli a reconnu dans ses écritures devant le tribunal que les parties étaient convenues que la pompe à chaleur était destinée à venir en remplacement et non en complément de la chaudière existante,

- le manquement commis par Denis Tortelli n'exonère pas la société de Dietrich Thermique de ses propres carences puisque, indépendamment du manque de clarté et de fiabilité de l'information dispensée au public par le biais de son site Internet, celle-ci a mandaté un technicien intervenu sur les lieux pour déterminer les besoins, lequel ne les a pas davantage informés convenablement sur les caractéristiques et limites du système de chauffage envisagé,

- en présence d'une chaîne de contrats, le sous acquéreur dispose d'une action directe en résolution contre le vendeur initial,

- la mise à néant de la vente étant notamment imputable à la faute du vendeur initial, il n'apparaît pas inéquitable que celui-ci, en guise de réparation, garantisse le paiement de leur créance de remboursement, à charge pour lui d'obtenir le remboursement de la différence entre le prix public et le prix distributeur auprès de Denis Tortelli et de récupérer la pompe à chaleur litigieuse après son démontage,

- le premier juge, s'il a condamné Denis Tortelli à procéder à la dépose et à la reprise du matériel vendu ainsi qu'à la remise en état des lieux dans le délai d'un mois, n'a pas toutefois assorti cette obligation d'une peine d'astreinte,

- ils justifient du préjudice subi qui résulte de l'inconfort pendant trois hivers, du surcoût engendré par la nécessité de faire intervenir la chaudière au fioul en relève ou en complément de la pompe à chaleur et du trouble de jouissance à subir lors des travaux d'enlèvement de la pompe et de remise en état de leur propriété.

Ils ajoutent, pour répondre à l'invitation de la cour, que :

- les conclusions déposées en première instance par Denis Tortelli contiennent un aveu judiciaire à rapprocher de l'absence de toute contestation manifestée pendant l'expertise lorsqu'ils ont expliqué à l'expert avoir demandé l'installation d'une pompe à chaleur devant remplacer totalement l'ancien système de chauffage au fuel trop coûteux,

- s'ils ont bénéficié d'un crédit d'impôt sur le revenu de 5 612 euros, il n'y a pas lieu toutefois de déduire ce montant de la condamnation prononcée, étant tenus de restituer cette aide publique à l'Administration fiscale et sous peine de transférer sur la tête du vendeur le bénéfice de ce crédit à raison d'une vente anéantie par sa faute.

Denis Tortelli demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement du 23 mars 2012,

- juger qu'il n'y a aucun dysfonctionnement de la pompe à chaleur justifiant la résolution de la vente,

- débouter les époux Fraisse de toutes leurs demandes au titre du préjudice subi et des frais irrépétibles exposés,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du 23 mars 2012 en ce qu'il a condamné la société de Dietrich Thermique à le relever de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- débouter les époux Fraisse de leur demande tendant à la dépose et à la reprise de la pompe à chaleur ainsi qu'à la remise en état des lieux dans leur état initial,

En tout état de cause :

- condamner la société de Dietrich Thermique au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Dans ses conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé du détail de son argumentation, il soutient que :

- les époux Fraisse arguent d'une non-conformité contractuelle en prétendant avoir voulu s'affranchir totalement de l'utilisation de leur ancienne chaudière fioul mais n'établissent pas cette volonté par un document contractuel,

- la demande de résolution de la vente est infondée alors même que la réparation est aisée et simple et surtout que l'installation fonctionne,

- il a effectué les travaux conformément aux règles de l'art et n'a pas manqué à son devoir de conseil, n'étant pas responsable du sous dimensionnement de la pompe à chaleur dès lors que n'étant pas un spécialiste de ce genre de matériel, il a pris la précaution de faire appel à la société de Dietrich Thermique et proposé un matériel provenant de la propre production de celle-ci sur la base de l'étude technique réalisée par son salarié Olivier Stenuit, commercial spécialisé et hautement qualifié pour conseiller sur les produits de la marque et qui a procédé aux calculs à l'aide de son logiciel de dimensionnement d'un système de pompe chaleur et expliqué les résultats aux époux Fraisse,

- la société de Dietrich Thermique est donc entièrement responsable de la situation,

- les époux Fraisse ne justifient pas d'un préjudice à l'appui de leur demande de dommages-intérêts.

Il ajoute, pour répondre à l'invitation de la cour, que :

- des conclusions déposées devant le Tribunal de grande instance d'Agen, il ne peut être tiré un quelconque aveu de reconnaissance de responsabilité puisqu'il sollicitait dans celles-ci à titre principal le débouté des époux Fraisse du fait de la négation d'un manquement à son devoir de conseil,

- le montant du crédit d'impôt doit être déduit des indemnisations éventuelles dans la mesure où le délai de reprise de trois ans prévu par les dispositions des articles L. 169 et suivants du Livre des procédures fiscales est expiré depuis le 31 décembre 2012 et où, à défaut, les époux Fraisse bénéficieraient indûment d'un enrichissement lié à un bien dont ils sollicitent la restitution.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action des époux Fraisse à l'encontre de Denis Tortelli

Dès l'abord de la discussion, il importe de relever que les époux Fraisse et Denis Tortelli s'accordent sur la nature juridique de leurs relations contractuelles à savoir l'existence d'un contrat de vente et non d'un contrat d'entreprise ; l'existence d'un tel contrat résulte d'ailleurs du fait non seulement qu'il porte sur une chose déterminée à l'avance à savoir une pompe à chaleur air/eau ROE+18TH de la marque de Dietrich mais encore qu'au vu du devis du 23 juin 2008 et de la facture du 3 novembre 2008, le travail fourni par Denis Tortelli constituait seulement l'accessoire selon le critère classique de distinction.

Pour fonder leur action en résolution de la vente, les époux Fraisse invoquent tant la délivrance d'une pompe à chaleur non conforme aux caractéristiques convenues c'est-à-dire un matériel susceptible d'assurer à lui seul le chauffage de leur maison d'habitation, sans nécessité de recourir à la chaudière conservée fonctionnant au fioul, qu'un manquement de son cocontractant à son obligation d'information et de conseil.

Et depuis l'origine du litige, ils soutiennent qu'ils sont convenus avec Denis Tortelli du chauffage de leur maison d'habitation exclusivement au moyen de la pompe à chaleur venant "en remplacement" de la chaudière fioul, conservée en cas de panne éventuelle du nouveau matériel, et ce pour des raisons d'économies d'énergie indépendamment des questions environnementales, faisant notamment observer que la documentation technique de la pompe à chaleur ROE+TH disponible sur Internet vante précisément le fait que celle-ci est conçue pour venir en remplacement d'une chaudière existante, par l'indication suivante :

"Idéale en rénovation ; la pompe à chaleur ROE+TH haute température est garantie hautes performances ; en effet, même si les températures battent des records de froid l'hiver, elle fonctionne jusqu'à -20° C et jusqu'à 65° C de température de départ ; la ROE+TH est tout à fait adaptée en remplacement d'une chaudière existante sans nécessité d'installer un plancher chauffant".

Il est constant ou ressort des pièces produites aux débats que :

- courant mai 2008, les époux Fraisse ont demandé à Denis Tortelli, artisan spécialisé en "chauffage-climatisation-sanitaire-zinguerie", d'effectuer une étude pour permettre le chauffage de leur maison d'habitation d'une superficie habitable de 250 m2, par le moyen d'une pompe à chaleur,

- le 13 juin 2008, Denis Tortelli s'est présenté au domicile des époux Fraisse, accompagné d'Olivier Stenuit, agent commercial régional de la société de Dietrich Thermique, pour effectuer l'étude de l'installation,

- à la suite de la visite des lieux, Olivier Stenuit a établi le jour même un document dénommé "Dimensionnement d'un système de PAC", adressé exclusivement à Denis Tortelli, dans lequel il était préconisé l'installation d'une pompe à chaleur de la marque De Dietrich, gamme ROE, modèle ROE+18TH, mentionné une "Energie d'appoint chauffage" de type fioul et un "Type de chaudière d'appoint" "Basse Température (93 %)" correspondant à l'installation existante, décrit tous les accessoires nécessaires ainsi que chiffré le prix de la pompe à chaleur (15 000 euros HT) et des accessoires (2 527,10 euros HT),

- sur la base de ce document, Denis Tortelli a établi le devis en date du 23 juin 2008 d'un montant TTC de 22 658,55 euros qui reprenait exactement les produits préconisés avec leurs prix (à l'exception d'une différence de 6 euros pour la commande à distance interactive CDI 2 : 156 euros HT au lieu de 150 euros HT) et indiquait : "fourniture d'une pompe à chaleur air/eau ROE+18TH haute température (65°) non réversible jusqu'à une température de -20 % C",

- les époux Fraisse et Denis Tortelli ont contracté sur la base de ce devis, après retrait de la "fourniture d'une platine vanne 3 voies" (135,10 euros HT) et de "MIT" (391 euros HT, module intérieur),

- Denis Tortelli a établi le 3 novembre 2008 une facture d'un montant TTC de 22 103,52 euros qui a été intégralement réglée,

- après la mise en service de l'installation intervenue le 8 novembre 2008, les époux Fraisse se sont plaints à compter du 30 décembre 2008, par des courriers adressés pour l'essentiel à la société de Dietrich Thermique, de ce que la pompe à chaleur ne parvenait pas à assurer seule le chauffage satisfaisant de leur habitation et qu'ils devaient recourir pour cela à l'utilisation de leur chaudière fonctionnant au fioul et de cheminées, situation contraire à leur commande et aux informations pouvant être recueillies sur le site Internet de la marque,

- il a été remis aux époux Fraisse le 20 janvier 2009 le document précité du 13 juin 2008, lors de la venue à leur domicile de S. SUIRE, attaché technique de la société de Dietrich Thermique, et d'Olivier Stenuit.

Concernant les caractéristiques convenues de la pompe à chaleur, Denis Tortelli a évolué dans sa position.

En effet, dans les conclusions déposées devant la cour, ce dernier prétend, en s'associant à l'argumentation développée par la société de Dietrich Thermique en première instance et reprise en cause d'appel, que les époux Fraisse ne rapportent pas la preuve, par un document contractuel, de leur volonté de s'affranchir totalement de l'utilisation de leur ancienne chaudière à fioul, ce qui doit se comprendre comme la négation de ce que serait entrée dans le champ contractuel la vente d'une pompe à chaleur permettant d'assurer seule le chauffage de la maison.

Mais dans le dispositif des dernières conclusions déposées devant le Tribunal de grande instance d'Agen, il demandait à celui-ci "de statuer ce que de droit sur la demande en résolution" et concluait au seul débouté des époux Fraisse de leurs demandes au titre du préjudice subi et des frais irrépétibles exposés, admettant donc implicitement le bien-fondé de l'action en résolution pour manquement à l'obligation de délivrance d'une chose conforme aux caractéristiques convenues puisqu'il recherchait par ailleurs la garantie de la société de Dietrich Thermique, en indiquant notamment dans ce dispositif que celle-ci avait "commis une faute dans l'étude technique réalisée et dans le dimensionnement de la pompe préconisée", moyen à rapprocher de ce qu'il soutenait de manière particulièrement claire dans les motifs : "si cette dernière ne s'était pas trompée dans ses calculs, elle aurait procédé à un dimensionnement correct de la pompe à chaleur et aurait préconisé une pompe à chaleur, conforme aux attentes des consorts Fraisse" ou encore "si cette dernière n'avait pas commis d'erreur, Monsieur Tortelli aurait bien évidemment posé une chaudière conforme" ; en outre, de même que les époux Fraisse, il rappelait "la documentation de Dietrich sur son site Internet" concernant la pompe à chaleur ROE+TH présentée comme "tout à fait adaptée en remplacement d'une chaudière existante sans nécessité d'installer un plancher chauffant" ; par ces écrits, il reconnaissait donc que les époux Fraisse lui avaient passé commande d'une pompe à chaleur présentant les caractéristiques par eux avancées ; étant observé qu'à la suite de la décision de réouverture des débats, il argumente sur une question étrangère à celle en cause, à savoir qu'il contestait bien devant le tribunal le manquement à son devoir de conseil, la position ci-avant rapportée constitue un aveu judiciaire puisqu'il s'agit de la reconnaissance, par le mandataire spécial qu'est son avocat, pour vrai d'un fait de nature à produire à son détriment des conséquences juridiques.

Ceci étant, dans son rapport en date du 3 juillet 2010 qui ne fait l'objet de la part des parties d'aucune contestation étayée sur le plan technique, l'expert Guillot a mis en évidence que la pompe à chaleur installée dans la maison d'habitation des époux Fraisse était insuffisante à assurer seule le chauffage de celle-ci à partir d'une température extérieure inférieure à 3 ou 4°, précisant que pour parvenir à ce résultat, il eût fallu installer une pompe à chaleur de la marque, modèle ROE+TH, d'un coût supérieur de 430 euros HT au jour de l'expertise, soit du reste un surcoût dérisoire de l'ordre de 2 % eu égard au montant de l'installation.

Dans ces conditions, le manquement de Denis Tortelli à son obligation de délivrance de la chose convenue, telle que prévue par les articles 1603 et 1604 du Code civil, est établi.

Il apparaît de plus utile de souligner que même s'il était considéré que la convention ne portait pas sur l'installation d'une pompe à chaleur suffisante à assurer seule le chauffage de la maison d'habitation, Denis Tortelli, outre qu'il était tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'obligeait en vertu des dispositions de l'article 1602 du Code civil, aurait alors manqué, en application de l'article 1615 de ce Code, à son obligation de renseignement dès lors qu'il lui incombait de s'enquérir des besoins précis de son client et de l'avertir de l'inadaptation, par nature, du système proposé ; de surcroît, le devis sur la base duquel le contrat a été conclu non seulement ne précisait pas que la chaudière conservée devait venir en relève ou en complément de la pompe à chaleur, mais au contraire, était de nature par sa rédaction à induire en erreur les époux Fraisse, profanes en la matière, dans la mesure où il leur permettait de penser à un chauffage assuré par cet unique moyen jusqu'à une température de -20° C, tous éléments de nature à engager la responsabilité contractuelle de Denis Tortelli.

Les époux Fraisse, qui ne pouvaient évidemment appréhender la non-conformité en cause que lors du fonctionnement de la pompe à chaleur par temps froid ce qui s'est produit au mois de décembre 2008, sont donc fondés en leur demande de résolution de la vente, non pour le motif retenu par le premier juge à la lecture duquel la cour renvoie, mais en raison du manquement de Denis Tortelli à son obligation de délivrance de la chose convenue et de la gravité de l'inexécution contractuelle.

Par suite de la résolution de la vente, ils doivent obtenir la restitution du prix payé, soit la somme de 22 103,52 euros, les intérêts au taux légal devant normalement courir à compter de la demande en justice c'est-à-dire de l'assignation du 9 septembre 2010 délivrée à leur cocontractant ; mais ils sollicitent la confirmation du jugement du 23 mars 2012 qui a retenu comme point de départ des intérêts la date du 21 septembre 2010 soit celle de l'assignation délivrée à la société de Dietrich Thermique et non à Denis Tortelli.

Par ailleurs, ce dernier doit être condamné à procéder à la dépose et à la reprise du matériel vendu ainsi qu'à la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte précisée au dispositif passé ce délai.

Les époux Fraisse doivent également se voir allouer la somme de 1 500 euros pour le surcoût engendré depuis cinq ans par la nécessité de faire intervenir ponctuellement la chaudière au fioul ainsi que pour le trouble de jouissance à subir durant les travaux de dépose de l'installation et de remise en état des lieux.

Enfin, malgré le caractère définitif, du fait de la prescription triennale prévue par l'article L. 169 du Livre des procédures fiscales, du crédit d'impôt de 5 612 euros dont ont bénéficié les époux Fraisse au titre des dépenses d'économie d'énergie exposées pour l'acquisition de la pompe à chaleur, ce crédit d'impôt ne peut être pris en compte pour minorer les restitution et indemnisation consécutives au manquement contractuel de Denis Tortelli.

Sur l'action des époux Fraisse à l'encontre de la société de Dietrich Thermique

La position juridique des époux Fraisse devant la cour ne ressort pas clairement de leurs conclusions ; il convient de rappeler que devant le Tribunal de grande instance d'Agen, ces derniers, sans préciser à quelle des deux parties mises en cause ces fondements juridiques s'appliquaient, avaient visé dans leur assignation les articles 1147 et 1184 du Code civil, avant d'invoquer également dans leurs dernières conclusions les articles 1603 et suivants de ce même Code ; ils formaient donc une action de nature contractuelle contre la société de Dietrich Thermique, laquelle objectait notamment l'absence de lien contractuel avec eux ; cependant, fondant sa décision sur un fondement juridique différent, sans ré ouvrir les débats en méconnaissance de l'article 16 du Code de procédure civile, le premier juge a considéré d'une part que les époux Fraisse, en l'absence de lien contractuel, étaient fondés à rechercher sa responsabilité délictuelle, d'autre part que cette dernière devait être retenue en raison du manquement de la société de Dietrich Thermique à "son obligation d'information et de mise en garde" à leur égard, aux motifs que "les documents accessibles (aux époux Fraisse) et notamment les caractéristiques de chauffage telles que résultant de la brochure Internet" étaient "diamétralement contraires aux performances relevées par l'expert et non contredites par la société de Dietrich Thermique" et que "cette différence" suffisait "à établir que la société de Dietrich Thermique" "pourtant intervenue sur les lieux" avait manqué à cette obligation.

Devant la cour, les époux Fraisse ajoutent aux fondements juridiques précités, l'article 1382 du Code civil, toujours sans préciser expressément à quel de leur adversaire les fondements avancés s'appliquent, ce qui amène d'ailleurs la société de Dietrich Thermique à conclure au rejet de la demande de résolution de vente qu'ils forment à son encontre.... alors que tel n'est pas le cas puisque ceux-ci sollicitent la confirmation du jugement qui a prononcé, conformément à leur demande, "la résolution de la vente et d'installation d'une pompe à chaleur" conclue entre eux et Denis Tortelli ; il est certes vrai que leurs conclusions en ce qu'elles sont relatives aux "conséquences de la résolution", dans lesquelles ils indiquent que "en présence d'une chaîne de contrat (vente de Dietrich-Tortelli suivie de vente Tortelli-Fraisse), le sous-acquéreur dispose d'une action directe en résolution contre le vendeur initial", était de nature à créer une confusion.

Il reste que vis-à-vis de la société de Dietrich Thermique, les époux Fraisse soutiennent, indépendamment du "manque de clarté et de fiabilité de l'information dispensée au public par le biais de son site Internet", qu'Olivier Stenuit ne les a pas davantage que Denis Tortelli "informés convenablement des caractéristiques et limites du système de chauffage envisagé", mais surtout se prévalent du bien-fondé sur le plan juridique du jugement du 23 mars 2012 dont ils sollicitent la confirmation ; ils recherchent donc sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Contrairement à l'appréciation du premier juge, leur action en responsabilité délictuelle est cependant infondée.

En premier lieu, concernant la documentation technique disponible sur Internet, non seulement les époux Fraisse ne démontrent pas qu'elle aurait été consultée par eux antérieurement à la conclusion du contrat de vente avec Denis Tortelli et les aurait donc déterminés dans leur décision d'achat mais encore et surtout la société de Dietrich Thermique fournit sur cette question toutes explications et justifications utiles qui contredisent la prétendue information défectueuse donnée sur le site.

En deuxième lieu, les développements juridiques ci-avant exposés concernant l'obligation de renseignement qui pesait sur Denis Tortelli sont inapplicables à la société de Dietrich Thermique, les époux Fraisse n'ayant pas contracté avec celle-ci.

En troisième lieu, il n'est pas prouvé que lors de la visite du 13 juin 2008, les époux Fraisse ou Denis Tortelli auraient exprimé à Olivier Stenuit le besoin d'une pompe à chaleur devant assurer seule le chauffage de la maison d'habitation et que ce dernier aurait induit en erreur les premiers nommés, le seul élément certain étant constitué par le document précité établi le jour même qui va en sens opposé et le salarié de la société de Dietrich Thermique affirmant le contraire dans son attestation du 6 décembre 2010 ("j'ai accompagné M. Tortelli, à sa demande, le 13 juin 2008 chez M. ET Mme Fraisse, ces derniers l'ayant sollicité en vue de l'installation d'une pompe à chaleur en relève de leur chaudière fioul.... Disposant de mon ordinateur portable, je me suis donc connecté et ai entré les données fournies par M. et Mme Fraisse dans l'outil de calcul ; j'ai ensuite expliqué à M. et Mme Fraisse les résultats obtenus à partir des données ainsi recueillies, ainsi que la consommation de fioul prévisible (environ 300 litres) avec la nouvelle installation... M. et Mme Fraisse ont ensuite demandé à Mr Tortelli de préparer un devis afin de connaître la somme totale correspondant au projet... J'ai transmis par mail à Mr Tortelli, le soir même, les 2 documents "dimensionnement d'un système de PAC" au format pdf, sur la base desquels ce dernier a établi son devis à ses clients").

Les demandes formées par les époux Fraisse à l'encontre de la société de Dietrich Thermique doivent être en conséquence rejetées.

Sur l'action récursoire de Denis Tortelli à l'encontre de la société de Dietrich Thermique

Contrairement encore à l'appréciation du premier juge qui n'a pas évoqué dans sa décision le document adressé le 13 juin 2008 par Olivier Stenuit à Denis Tortelli, ce dernier, qui connaissait pourtant l'attente de ses clients, ne pouvait que constater à la consultation du "Dimensionnement d'un système de PAC", compte tenu des éléments ci-avant mis en évidence, l'inadéquation de la pompe à chaleur préconisée avec le besoin exprimé, point n'étant même besoin d'être un professionnel comme l'intéressé pour appréhender, à la lecture de diverses indications, que la pompe ROE+ 18TH nécessitait, selon la température extérieure, un chauffage d'appoint assuré par la chaudière existante.

Dans ces conditions, il ne peut reporter sur la société de Dietrich Thermique les conséquences de son impéritie.

Sa demande de garantie pour les condamnations prononcées contre lui doit donc être rejetée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Les époux Fraisse doivent se voir allouer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge.

La société de Dietrich Thermique doit se voir allouer une somme identique, somme qui sera supportée par les époux Fraisse puisque ceux-ci ont attrait à tort cette partie.

Denis Tortelli, qui succombe, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, à l'exclusion de ceux afférents à la mise en cause de la société de Dietrich Thermique qui seront supportés par les époux Fraisse pour le motif précité.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue entre les époux Fraisse et Denis Tortelli mais par substitution de motifs et infirmé pour le surplus.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Confirme le jugement du 23 mars 2012 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue entre les époux Fraisse et Denis Tortelli, L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne Denis Tortelli à procéder à la dépose et à la reprise du matériel vendu ainsi qu'à la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, Condamne Denis Tortelli à payer aux époux Fraisse la somme de 22 103,52 euros en restitution du prix, avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2010, Condamne Denis Tortelli à payer aux époux Fraisse la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du surcoût de chauffage et du préjudice de jouissance, Déboute les époux Fraisse de leurs demandes à l'encontre de la société de Dietrich Thermique, Déboute Denis Tortelli de son appel en garantie à l'encontre de la société de Dietrich Thermique, Condamne Denis Tortelli à payer aux époux Fraisse la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , Condamne les époux Fraisse à payer à la société de Dietrich Thermique la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les époux Fraisse aux dépens afférents à la mise en cause de la société de Dietrich Thermique, Pour le surplus, condamne Denis Tortelli aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par Jacques Richiardi, Président de Chambre, et par Nathalie Cailheton, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier, Le Président, Nathalie Cailheton Jacques Richiardi