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Décisions

CA Pau, 1re ch., 15 septembre 2010, n° 09-03858

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Carvalho

Défendeur :

Le Meuble Contemporain (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Negre

Conseillers :

MM. Billaud, Augey

Avocats :

Me Durquety, SCP De Ginestet-Duale-Ligney

TGI Bayonne, du 19 oct. 2009

19 octobre 2009

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 21 mai 2007, Madame Gracie Bidegorry épouse Carvalho a passé commande à la société Le Meuble Contemporain à l'enseigne "Roche Bobois" de mobilier de salon en cuir pour un montant de 14 970 euro à livrer dans son appartement de Biarritz.

Elle a versé un acompte de 4 470 euro ; la livraison des meubles n'a eu lieu que le 1er août, une facture a été établie le jour-même, le solde ayant été réglé la veille.

Après avoir déballé les meubles, notamment les fauteuils et le canapé, Madame Carvalho s'est aperçue que ces derniers avaient des teintes différentes ne s'harmonisant pas entre elles ce qu'elle a fait constater par huissier le 2 août 2007.

Aucune solution amiable n'a pu être trouvée entre vendeur et acquéreur.

Par acte d'huissier en date du 17 janvier 2008, Madame Carvalho a fait assigner la société Le Meuble Contemporain devant le Tribunal de grande instance de Bayonne afin que soit prononcée la résolution de la vente intervenue entre eux, que soit ordonnée à son profit la restitution de la somme de 14 970 euro, outre le paiement de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts et de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 19 octobre 2009 le Tribunal de grande instance de Bayonne a débouté Madame Carvalho de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Le Meuble Contemporain la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, donnant acte à cette société de son offre de remise du matériel commandé, les dépens étant à la charge de Madame Carvalho.

Suivant acte enregistré au greffe de la cour le 4 novembre 2009, Madame Carvalho a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions déposées le 3 février 2010, Madame Carvalho demande à la cour de prononcer la résolution de la vente intervenue entre elle et la société Le Meuble Contemporain au visa de l'article 1184 et d'ordonner la restitution à son profit de la somme de 14 970 euro outre le paiement de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts et de 2 000 euro pour ces frais irrépétibles.

La société Le Meuble Contemporain n'a pas comparu.

Elle a été assignée devant la cour d'appel par acte huissier en date du 19 février 2010 portant signification de conclusions.

SUR QUOI :

Attendu que le seul document non contestable produit aux débats est le bon de commande n° 17 143 en date du 21 mai 2007 à l'entête ROCHE BOBOIS à Bidart selon lequel Madame Carvalho a commandé à la société Le Meuble Contemporain trois canapés modèles "calme blanc cuir" avec têtières, revêtement : cuir Bosphore vachette pleine fleur, une grande table en cuir couleur idem canapé, une grande vitre pour pouf, deux fauteuils "nuage" revêtement cuir tendresse coloris 730 cot 03 cuir de vachette minéral ou chrome fleur corrigé, grain imprimé, détail voir fiche technique" ;

Attendu que la société venderesse, dont les conclusions de première instance figurent au dossier, n'a notamment pas contesté ce bon de commande ni le fait que les fiches techniques dont il est fait état n'aient pas été communiquées avec la commande à Madame Carvalho, puisqu'elles l'ont été en cours de procédure devant la juridiction du premier degré ;

Attendu qu'il est constant que dès la livraison, soit le 1er et le 2 août 2007, Madame Carvalho s'est montrée mécontente de la qualité et du coloris de certains éléments du salon en cuir commandé et livré puisque suivant constat de Maître Ugolini, huissier de justice à Biarritz, en date de 2 août 2007, elle a fait établir que des meubles présentaient une différence de teinte importante, que les livreurs s'étaient aperçus de cette différence et n'avaient pas sorti du camion les autres meubles seul un fauteuil un canapé et une table basse ayant été livrés ;

Attendu que des différences de teintes affectaient les divers meubles qui ne s'harmonisaient plus entre eux ; qu'interpellé sur ce point, la société Le Meuble Contemporain répondait qu' "il y avait deux teintes car il y avait deux fournisseurs différents en toute connaissance de cause" ;

Attendu que la décision de la juridiction du premier degré défavorable à Madame Carvalho ne repose que sur la prise en considération de témoignages du personnel salarié du magasin ROCHE BOBOIS vendeur, lesquels témoignages ne sont d'ailleurs pas rédigés en la forme prévue par les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ;

Attendu que de tels témoignages inévitablement favorables au vendeur ne sauraient être pris en considération ;

Attendu en effet qu'il résulte des dispositions de l'article 1602 du Code civil que "le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige ; que tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur" ;

Attendu en droit qu'il est constant que le vendeur a l'obligation de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues, que seule une réception sans réserve de la chose vendue couvre les défauts apparents de conformité ;

Attendu qu'en l'espèce il y a eu des réserves de la part de l'acquéreur ;

Attendu en droit que pour l'appréciation de l'étendue de l'obligation de délivrance du vendeur d'une chose de genre, il doit être tenu compte des caractéristiques de cette chose en considération desquelles la vente a été conclue et qu'il peut être ainsi tenu compte d'une caractéristique d'ordre esthétique ainsi que cela a été régulièrement jugé et rappelé pour la bonne application des dispositions de l'article 1604 du Code civil (Civ. 1ère 1.12.1987) ;

Et attendu de plus, qu'il est établi que le vendeur n'avait pas produit les fiches techniques permettant à l'acquéreur au moment de la signature du bon de commande de savoir exactement la qualité esthétique du produit acheté, que par conséquent il était toujours possible à l'acquéreur de refuser la livraison d'un produit esthétiquement défectueux ne correspondant pas à ce qu'il avait commandé ;

Attendu en effet que la matérialité des différences de couleur des cuirs des meubles n'est pas contestable ;

Attendu que le fait de ne pas joindre les fiches techniques détaillées et descriptives des meubles rend la convention nécessairement "obscure" ou "ambiguë" au sens des dispositions de l'article 1602 du Code civil susvisé ; qu'ainsi en cas de doute, cette convention doit s'interpréter contre le vendeur ;

Attendu par conséquent qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et de faire droit aux conclusions d'appel de Madame Carvalho, d'ordonner la résolution de la vente et la remise des choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ceci en application des dispositions des articles 1183 et 1184 du Code civil ;

Attendu toutefois que Madame Carvalho ne rapporte pas la preuve d'un préjudice complémentaire quelconque et qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Le Meuble Contemporain qui succombe doit les entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire ; Rejetant toutes autres demandes, fins et conclusions des parties ; Infirme le jugement rendu le 19 octobre 2009 par le Tribunal de grande instance de Bayonne ; Prononce la résolution de la vente de mobilier passée entre Madame Gracie Bidegorry épouse Carvalho et la SAS Le Meuble Contemporain suivant commande en date du 21 mai 2007 et facture du 1er août 2007 ; Ordonne la révocation des obligations entre les parties et la remise des choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé ; Ordonne la restitution par La Société Le Meuble Contemporain à Madame Carvalho de la somme de quatorze mille neuf cent soixante-dix euros (14 970 euro) ; Ordonne la restitution des meubles objet de la vente à la société Le Meuble Contemporain ; Déboute Madame Carvalho de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne la société Le Meuble Contemporain à payer à Madame Carvalho la somme de mille cinq cents euros (1 500 euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP De Ginestet-Duale-Ligney, avoués à la cour, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roger Negre, Président, et par Madame Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier, Le President, Mireille Peyron Roger NEGRE.