CA Colmar, 3e ch. civ. A, 17 février 2014, n° 12/06000
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Meyer
Défendeur :
Schieber
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Litique
Conseillers :
Mmes Wolf, Fabreguette
Avocats :
Me Spieser, Selarl Arthus
Le 25 juillet 2008, l'entreprise Perfect Eau, exploitée par Monsieur Pierre Schieber, a installé chez Monsieur Thierry Meyer un dispositif de traitement de l'eau anticalcaire en remplacement d'un précédent système rendu défectueux à la suite d'un orage le 17 juillet 2008.
Monsieur Pierre Schieber a assigné Monsieur Meyer aux fins d'obtenir paiement de sa facture, ainsi que des dommages et intérêts.
Monsieur Meyer a résisté à la demande, indiquant qu'il avait été démarché à domicile ; que le contrat est nul ; que l'appareil installé n'a jamais fonctionné et a dû être démonté. Il a sollicité reconventionnellement le prononcé de la nullité du contrat ainsi que des dommages et intérêts.
Par jugement du 16 novembre 2012, le Tribunal d'instance de Mulhouse a rejeté l'exception de nullité du contrat de vente ainsi que l'exception d'inexécution et a condamné Monsieur Meyer à payer à Monsieur Schieber les sommes de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2009, la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a relevé que la relation contractuelle n'était pas contestée ; que la preuve que l'appareil facturé a été posé est rapportée ; que Monsieur Meyer, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas que le contrat a été signé dans le cadre d'un démarchage à domicile.
Monsieur Thierry Meyer a interjeté appel de ce jugement le 17 décembre 2012.
Par dernières conclusions du 17 juin 2013, il conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
Prononcer la nullité de la vente intervenue le 25 juillet 2008 en application de la loi sur le démarchage n° 896421 du 23 juin 1989 et des articles L. 211-21 à L. 121-28 du Code de la consommation,
En tout état de cause,
Condamner Monsieur Schieber Pierre à lui payer la somme de 6 300 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 31 janvier 2013,
Condamner Monsieur Schieber Pierre à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient que Monsieur Schieber a dans ses écrits et pièces fait l'aveu judiciaire de ce que le contrat a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile ; qu'il a signalé au demandeur qu'il avait un problème de débit d'eau, ne lui a cependant pas demandé de changer l'appareil, mais de rétablir le débit d'eau en retirant le système défectueux ; qu'il aurait ainsi pu bénéficier d'un délai de réflexion ; que c'est sur insistance de Monsieur Schieber qu'un nouvel appareil a été mis en place ; que cependant, le demandeur ne justifie pas de la nécessité urgente de ce remplacement ; que le nouvel appareil n'a jamais fonctionné, a été démonté et est à la disposition du demandeur. Il fait valoir que le bon de commande ne porte pas les mentions prévues par le Code de la consommation et ne comporte pas de formulaire détachable de rétractation, ce qui entraîne la nullité de la vente ; qu'il est fondé à obtenir remboursement de la somme de 6 300 euros qu'il a réglée.
Il fait valoir par ailleurs que l'appareil n'a pas fonctionné et a entartré tous ses appareils ; qu'il a été contraint de le retirer de son installation. Il demande la résolution du contrat soit en application de la garantie contractuelle, soit en application de la garantie légale conformément aux dispositions des articles L. 211-1 à L. 212-1 du Code de la consommation, soit en application de la garantie légale des vices cachés conformément aux articles 1641 à 1649 du Code civil. Il relève enfin qu'il n'était pas tenu de remplacer le matériel endommagé, le contrat d'assurance relatif à un bien étant un contrat d'indemnité.
Monsieur Pierre Schieber a conclu à la confirmation du jugement déféré et demande condamnation de Monsieur Meyer à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en plus du montant alloué en première instance.
Il fait valoir que Monsieur Meyer lui a fait un chèque de 5 000 euros pour paiement de l'appareil ; qu'il a sollicité un report pour l'encaissement afin que 3 chèques soient établis et encaissés ; que l'échange devait avoir lieu dans les locaux de son entreprise le 27 octobre 2008 ; qu'à cette date, Monsieur Meyer s'est emparé du chèque et du bon de commande et n'a pas remis les 3 chèques promis ; qu'il a déposé plainte pour vol.
Il fait valoir qu'il a respecté ses obligations ; que Monsieur Meyer a agi de la même manière que son beau-frère Monsieur Wicky, dont l'adoucisseur d'eau avait aussi été endommagé et qui a obtenu indemnisation de sa compagnie d'assurance. Il soutient que le défendeur n'établit pas avoir été démarché à son domicile ; qu'il est intervenu à la demande expresse de Monsieur Meyer dont l'adoucisseur avait été endommagé par un orage ; que l'initiative vient du défendeur ; que s'il n'avait pas changé l'appareil, Monsieur Meyer serait resté plusieurs jours, voire des semaines sans eau. Il soutient que le défendeur ne rapporte pas la preuve du dysfonctionnement de l'adoucisseur ; que les attestations versées aux débats émanent de membres de sa famille ; que les traces de calcaire dont il est fait état sont normales puisque l'appareil a été démonté par Monsieur Meyer. Il relève que le défendeur a obtenu le remboursement des frais occasionnés par la destruction de son précédent dispositif anticalcaire ; que son assureur Groupama a refusé de produire les documents concernant ce sinistre ; que Monsieur Meyer a commis une fraude à l'assurance et s'est enrichi à son détriment.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 septembre 2013.
MOTIFS
Vu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées par les parties ainsi que les pièces annexées, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige ;
En vertu des dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation, est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.
Il ressort des explications des parties que Monsieur Meyer a fait appel à Monsieur Schieber en raison d'un problème de pression d'eau. Il ressort en effet d'un résumé de l'affaire écrit par Monsieur Schieber que Monsieur Meyer lui a fait savoir le 25 juillet 2008 qu'il n'avait pratiquement pas de débit d'eau dans toute la maison, malgré l'intervention des établissements Habe le 23 juillet 2008 et bien que la mairie ait changé son compteur ; que sur place, il a constaté que le cylindre Perfect Eau de 8 ans s'était bouché suite à un court-circuit électrique ; que le dispositif était défectueux et irréparable ; que Monsieur Meyer lui a demandé de rétablir immédiatement le débit d'eau dans la maison en installant un nouveau dispositif Perfect Eau et en demandant de faire les papiers pour l'assurance.
La fiche de pose établie le 25 juillet 2008, soit le jour de l'intervention de Monsieur Schieber, fait état du remplacement du dispositif anticalcaire Perfect Eau irréparable à la suite d'un orage en juin 2008.
S'il appartient à Monsieur Meyer de rapporter la preuve que le contrat a été conclu à la suite d'un démarchage, il sera relevé qu'il n'est pas contesté que la vente du nouveau système anticalcaire a été effectuée sur place à son domicile, après que Monsieur Schieber ait constaté que l'ancien système était irréparable. Le fait qu'il ait lui-même fait appel à Monsieur Schieber n'est pas de nature à enlever à l'opération son caractère de démarchage à domicile.
Monsieur Schieber se contente par ailleurs d'affirmer sans en rapporter aucunement la preuve que la seule façon de remédier au problème de pression d'eau était de procéder à la mise en place d'un nouvel appareil Perfect Eau, alors que le démontage du système endommagé apparaissait de nature à remettre le système d'alimentation en eau de Monsieur Meyer dans son état antérieur, c'est-à-dire avec une pression d'eau normale, puisque la difficulté venait de ce que le dispositif anticalcaire implanté sur une canalisation avait été bouché à la suite d'une surcharge électrique due à l'orage. Monsieur Meyer produit à cet égard une lettre de l'entreprise Habe du 6 juin 2013 selon laquelle le rétablissement de l'alimentation correcte en eau ne nécessitait pas un changement d'appareil. Le caractère immédiatement nécessaire du remplacement de l'appareil anticalcaire n'est donc pas démontré.
Ainsi, la preuve de ce que Monsieur Meyer avait sollicité l'intervention de Monsieur Schieber pour remplacer l'appareil Perfect Eau et non seulement pour retrouver un débit d'eau normal n'est pas rapportée. Il appartenait à Monsieur Schieber, après identification de la panne du dispositif, de proposer à Monsieur Meyer un devis pour remplacement de l'appareil dans le cadre d'un démarchage à domicile et de le faire bénéficier d'un délai de réflexion quant au remplacement de son équipement d'adoucissement d'eau. L'initiative de l'achat d'un nouvel appareil étant le fait de Monsieur Schieber, qui n'avait pas été appelé sur place pour ce faire mais pour remédier à un problème de pression d'eau, la vente devait être soumise au formalisme du démarchage à domicile.
Il importe peu par ailleurs pour la régularité de l'opération que l'endommagement de l'appareil Perfect Eau ait fait l'objet d'une prise en charge par l'assureur de Monsieur Meyer.
Il convient donc d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a décidé que la preuve de la conclusion du contrat par démarchage à domicile n'était pas rapportée et de statuer à nouveau sur le litige.
Faute pour l'appelant d'avoir établi un contrat conforme aux dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, le contrat de vente sera annulé et Monsieur Schieber sera en conséquence débouté de toutes ses demandes.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en remboursement des sommes versées en exécution du jugement, qui est une conséquence nécessaire de l'infirmation de cette décision.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Meyer les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés pour cette instance. Monsieur Schieber sera condamné à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Pierre Schieber succombant en la procédure sera condamné aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.
Par ces motifs Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Prononce la nullité de la vente survenue le 25 juillet 2008 en application des articles L. 121-21 à L. 121-28 du Code de la consommation, Déboute Monsieur Pierre Schieber de toutes ses demandes, Condamne Monsieur Pierre Schieber à payer à Monsieur Thierry Meyer la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Pierre Schieber aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.