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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 9 mai 2014, n° 13-16155

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ash Distributions (SARL)

Défendeur :

André (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Herscovici, Belain, Teboul-Astruc, Varet

TGI Paris, du 11 juill. 2013

11 juillet 2013

La société Ash Distributions expose qu'elle a débuté son activité en 2005, qu'elle appartient au groupe Ash, qu'elle commercialise sur le territoire français des chaussures créées par Monsieur François Paquet pour le compte de la société de droit italien Ash Italia qui lui en a cédé les droits, ceci sous les marques "Ash" dont est titulaire la société Ash International Group Limited et sur lesquelles elle détient une licence et que, dans le cadre de ses activités, elle commercialise les modèles de chaussures référencés "Titan" et "Trash" respectivement créés les 02 et 03 novembre 2009 par Monsieur Paquet pour lesquels elle présente un reçu d'horodatage par huissier du 12 février 2010, précisant que la chaussure "Titan" qui se présente comme une botte "bikers" mi-haute en cuir noir clouté a été livrée à son réseau de revendeurs en août 2010 pour être revendue, sous son nom, lors de la saison d'hiver suivante et qu'hormis sa hauteur, la chaussure "Trash" présente les mêmes caractéristiques que la chaussure "Titan".

Ayant appris que la société André, créée en 1904 et agissant dans le même secteur d'activité, commercialisait sous la marque éponyme des chaussures référencées "Francine" (n° 32 115 10 4005) et "Fox" (n° 32 115 10 30010), elle en a fait l'acquisition les 15 février et 10 mars 2012 dans deux magasins parisiens à l'enseigne "André" puis, dûment autorisée, a fait pratiquer des saisies-contrefaçon dans l'un de ces magasins ainsi qu'au siège social de la société André, le 22 mars 2012, avant de l'assigner en contrefaçon de droits d'auteur ainsi qu'au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, selon acte du 20 avril 2012.

Par jugement rendu le 11 juillet 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a :

En substance et sans ordonner l'exécution provisoire,

- déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL Ash Distributions ;

- débouté la requérante de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale ;

- débouté la société André de sa demande reconventionnelle en condamnant la société Ash Distributions à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 26 février 2014, la société à responsabilité limitée Ash Distributions demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants et L. 332-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et :

- de considérer que la vente, par la société André, des chaussures "Fox" et "Frangine" constitue la contrefaçon des droits d'auteur qu'elle détient et qu'il existe également des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;

- d'interdire, en conséquence, ceci sous astreinte dont la cour se réservera la liquidation, à la société André de détenir, d'offrir et de vendre lesdites chaussures, d'ordonner la destruction des stocks sous contrôle d'huissier ;

- d'ordonner la production de divers documents comptables et financiers ;

- de condamner la société André à lui verser la somme de :

- 350 000 euros, sauf à parfaire, en réparation des actes de contrefaçon ;

- 200 000 euros au titre des faits de concurrence déloyale et parasitaire,

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, en ordonnant la publication de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions signifiées le 21 février 2014, la société anonyme André prie en substance la cour, au visa des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle et des articles 1382 et 1383 du Code civil :

- de considérer que la société Ash Distributions n'établit pas qu'elle est titulaire de droits d'auteur afférents au modèle de chaussures "Titan" dont elle revendique la protection et qu'elle est, par suite, irrecevable en ses demandes formées à ce titre ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'originalité de ce modèle n'était pas établie et qu'elle était irrecevable en cette demande ;

- de considérer que les chaussures "Fox" et "Frangine" qu'elle commercialise ne sont pas la contrefaçon du modèle "Titan" dont la société Ash Distributions revendique la protection et de la débouter en conséquence de son action en contrefaçon ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de son action au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

subsidiairement,

- de considérer que les différents préjudices allégués ne sont établis ni dans leur principe ni dans leur quantum et de débouter l'appelante de ses demandes ;

reconventionnellement,

- d'infirmer le jugement et de condamner l'appelante à lui verser la somme indemnitaire de 172 129 euros en réparation du préjudice consistant en la perte de chance de réaliser sa marge sur la vente des modèles "Fox" et "Frangine" en raison de la cessation de leur commercialisation du fait de l'action fautive de la société Ash Distributions ;

- en tout état de cause, de débouter la société Ash de l'intégralité de ses prétentions en la condamnant à lui verser la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Motif de la décision

Considérant qu'il convient, à titre liminaire, d'observer, d'une part, que si la société Ash Distributions évoque la titularité de droits d'auteurs et la commercialisation sous son nom des chaussures référencées "Titan" et "Trash", elle n'en débat qu'au titre des chaussures "Titan" comme elle ne débat que de la seule originalité de ce dernier modèle et, d'autre part, que bien que le tribunal ait été saisi de demandes tendant à contester la titularité des droits d'auteur de la société Ash Distributions et, par ailleurs, l'originalité de la chaussure "Titan", il ne s'est prononcé que sur son originalité, concluant à l'irrecevabilité de la requérante en son action au titre de la contrefaçon du seul fait de son absence d'originalité, alors, au surplus, que l'originalité est une condition de fond ;

Sur la titularité des droits d'auteur

Considérant qu'au soutien de sa contestation à ce titre, la société André fait d'abord valoir que la chaîne de droits invoquée par l'appelante pour démontrer qu'elle est régulièrement cessionnaire des droits d'auteur n'est pas établie dès lors que le premier maillon constitué par un croquis versé aux débats sur lequel ont été ajoutées des mentions manuscrites n'est pas probant et que les cessions invoquées, sans date certaine, ne répondent pas aux exigences de l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Que la société Ash Distributions ne peut bénéficier de la présomption de "paternité" par ailleurs invoquée, dans la mesure où elle ne rapporte la preuve ni de la date de création de l'œuvre, ni de la date de sa première commercialisation, les pièces produites ne permettant pas d'établir l'exploitation paisible et non équivoque de la chaussure référencée "Titan" ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il est constant que la personne morale qui commercialise de façon paisible et non équivoque une œuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;

Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'œuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'œuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Qu'enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption simple s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie de droits patrimoniaux de l'auteur ;

Qu'en l'espèce, la société Ash Distributions identifie le modèle de chaussures sur lequel elle entend voir juger qu'elle est titulaire de droits d'auteur comme étant la chaussure référencée "Titan" et, agissant à l'encontre d'une société tierce recherchée pour contrefaçon sans que le créateur de cette chaussure, qu'elle identifie, ne revendique de droits d'auteur, elle se doit de démontrer qu'elle en assure la commercialisation de façon non équivoque à la date à laquelle elle prétend que celle-ci a débuté ;

Que, pour ce faire et s'agissant des événements ayant précédé cette commercialisation, elle verse aux débats un croquis de la chaussure dont elle indique qu'il est l'œuvre de Monsieur Paquet (pièce 6) ainsi que des factures d'une société mexicaine Botas Jaca datées du 24 août et du 28 octobre 2011 (pièce 36) correspondant à une commande proforma datée du 07 septembre 2011 qui comporte la référence "Titan" (pièce 32 et 36) établissant qu'à cette date la société Sodilog a passé commande de 240 paires de chaussures ; que cette société Sodilog atteste, quant à elle, que, prestataire logistique de la société Ash Distributions, elle lui a facturé des paires de chaussures du modèle "Titan" (pièce 35) ; que si la société André relève que différents modèles "Titan" figurent sur la facture de fabrication du prototype du 24 août 2011, cet élément est indifférent dans la mesure où l'appelante expose que cela correspond à divers coloris de cette chaussure et qu'y figure bien le modèle revendiqué désigné par la société mexicaine comme le modèle "Titan" "nickel viejo studs" ; qu'elle produit également un reçu d'horodatage Fidealis daté du 21 septembre 2011 qui, s'il n'est pas créateur de droit, permet de donner date certaine (pièce 4) ;

Que, s'agissant de la preuve de la commercialisation de cette chaussure "Titan" dont la protection est seule revendiquée (de sorte que l'argumentation de l'appelante sur la commercialisation du modèle "Trash" se révèle inopérante, ainsi que soutenu par l'intimée), il résulte des pièces versées aux débats que ces chaussures ont été facturées pour son compte par la société Sodilog en exécution d'un contrat de commission daté du 1er juillet 2005 (pièce 26) comme l'établit la pièces 33 attestant de la livraison et de la facturation, par la société Sodilog, de ce modèle "Titan" à un magasin parisien le 19 janvier 2012, et que la société Sodilog certifie, quant à elle, selon une attestation datée du 26 février 2014 (pièce 40) qu'elle a facturé pour le compte de la société Ash Distributions, son commettant, de 2011 à 2013, respectivement pour chacune de ces années 526 paires, 11 519 paires et 16 853 paires des chaussures référencées "Titan";

Que l'appelante verse, de plus, des revues permettant de démontrer que la chaussure "Titan" présentée sous la marque "Ash" avec l'indication du magasin du 13 de la rue du Marché Saint Honoré, dans le 1er arrondissement de Paris, a fait l'objet de publications dans la presse et, plus précisément, dans les magazines "Jalouse" daté de septembre 2011 et "Marie-Claire" d'octobre 2011 (pièce 10) ;

Que ces divers éléments suffisent à démontrer que la société Ash Distributions commercialise sous son nom depuis septembre 2011 la chaussure référencée "Titan", qu'elle est donc fondée à se prévaloir de la présomption de titularité des droits bénéficiant à la personne morale, si bien que, sans qu'il soit utile de se prononcer sur les conditions dans lesquelles elle est devenue cessionnaire des droits qu'elle revendique, il convient de la déclarer recevable en son action ;

Que, par motifs substitués, la disposition du jugement qui la déclare irrecevable à agir doit être infirmée ;

Sur l'originalité de la chaussure référencée "Titan"

Considérant que l'appelante poursuit l'infirmation du jugement à ce titre et présente comme suit les caractéristiques dont la combinaison est au fondement de l'originalité de cette chaussure :

- botte bikers mi-haute à bout rond et semelle épaisse et relevée, petit talon carré et épais,

- en cuir noir mat,

- cloutée sur la partie haute de la chaussure. Les clous sont de forme pyramidale - base carrée en relief pointu. Les clous sont également d'aspect mat.

- comportant une lanière fermée par une large boucle de forme rectangulaire, entourant l'avant de la chaussure au niveau de la cheville, et un soufflet maintenu par une lanière fermée par une boucle, en partie extérieure haute ;

Qu'elle réfute les arguments qui lui sont opposés en affirmant qu'elle ne revendique pas la protection de caractéristiques isolées dès lors que l'originalité doit être appréciée au regard de toutes les caractéristiques "dont la combinaison et l'impression visuelle d'ensemble qui s'en dégage démontre l'originalité", que le modèle revendiqué n'a pas varié en cours de procédure, pas plus que son argumentation qui a seulement pu évoluer en fonction de l'argumentation adverse ;

Qu'affirmant qu'il ne lui appartient pas de prouver l'originalité de cette chaussure mais qu'il incombe à son adversaire de prouver qu'elle en est dénuée, elle soutient, néanmoins, que cette chaussure est un modèle biker retravaillé par un créateur qui a opéré des choix arbitraires et esthétiques sans qu'ils soient dictés par des contraintes d'ordre fonctionnel et qui a adapté à un public féminin une forme résolument marquée comme étant une chaussure masculine ;

Qu'à tort, ajoute-t-elle, le tribunal s'est reporté aux tendances de la mode et a suivi la société André qui produisait une revue "Numero" d'août 2009 donnant à voir une création antécédente en considérant qu'elle présentait la même combinaison de caractéristiques ; qu'en lui opposant des modèles d'"engineer boots" qui sont destinés à des motards masculins, trouvés dans des ouvrages rédigés en anglais, l'intimée occulte, selon elle, le travail du créateur ; que le modèle "Bess" figurant dans la revue "Numero" présenté non point physiquement mais au moyen d'une photographie ne permet pas d'apprécier de manière certaine la forme de la chaussure opposée qui "impactent" considérablement son aspect visuel ; que le rapprochement des photographies opéré par l'intimée ne crée, au demeurant, pas "la même impression visuelle d'ensemble" et qu'il s'agit, sur cette photographie, d'un modèle "customisé" différent du modèle effectivement vendu qui se présente comme une botte cirée ; qu'enfin, les autres bottes qui lui sont opposées (Louboutin, Jimmy Choo) ne présentent, quant à elles, aucune des caractéristiques revendiquées de sorte que la société André qui ne revendique aucune originalité de ses propres chaussures, n'est pas fondée en sa contestation ;

Considérant, ceci exposé, qu'il convient d'abord de rappeler que "l'impression d'ensemble" est une notion étrangère au droit d'auteur et que l'originalité résulte de la combinaison des caractéristiques telles que revendiquées qui révèlent l'empreinte de la personnalité de son auteur, la touche personnelle qui lui est propre, à travers les choix arbitrairement opérés ; qu'il appartient à celui qui s'en prévaut, dans chaque cas d'espèce où l'originalité est contestée, de préciser en quoi l'œuvre sur laquelle elle réclame un monopole exprime la personnalité de son auteur, étant ajouté que l'argument selon lequel le créateur de la chaussure "Titan" a fait œuvre créatrice en décidant de féminiser une chaussure masculine relève du domaine des idées qui ne donnent pas prise au droit d'auteur ;

Que les ouvrages produits par la société intimée (pièces 20-1, 20-2, 20-3 et 21) sont de nature à démontrer, non point que la chaussure revendiquée reproduit, selon la même combinaison, le modèle dit "biker" largement popularisé dans les années quarante et cinquante mais qu'elle appartient à un fonds commun des bottes de ce type qui comportaient déjà certaines des caractéristiques revendiquées, prises isolément ; qu'à cet égard, l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que le droit d'auteur protège "toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite et la destination" de sorte que l'appartenance à un genre n'est pas suffisante, en soi, pour dénier à une œuvre son originalité;

Que l'œuvre préexistante opposée dénommée "modèle Bess" et qui figurait dans la revue "Numero" d'août 2009, est largement représentée puisqu'outre sa reproduction dans ce magazine, elle figure dans un constat d'huissier sur internet dressé le 25 juillet 2012 à la requête de la société André ainsi que sur une revue de presse relative aux modèles de la marque Bess des années 2008 à 2011 (pièces 1 à 3 de l'intimée) ; que l'argumentation de l'appelante selon laquelle une simple photographie de cette botte Bess ne permet pas d'en apprécier les caractéristiques ou qu'il ne s'agirait pas du modèle effectivement commercialisé se révèlent, par conséquent, inopérants ;

Qu'à l'examen de ces différentes pièces, il y a lieu de considérer qu'à juste titre, la société André en présente de la sorte les caractéristiques :

- "une botte de style "biker" mi-haute à bout rond et semelle épaisse relevée,

- en cuir noir mat,

- cloutée sur la partie haute de la chaussure, dont les clous sont de forme pyramidale,

- un talon "petit, carré et épais",

- comportant une lanière fermée par une boucle entourant l'avant de la chaussure au niveau de la cheville" ;

Que dans la mesure où les différences relevées par la société Ash et qui tiennent au "style militaire" de la botte Bess, à la présence d'une semelle plus fine non relevée, à la couleur dorée des clous, à son aspect ciré ou verni ou à sa commercialisation hors du territoire français ne concernent que l'idée d'introduire dans la mode le "style militaire" ou que des éléments secondaires, pour partie contestables, de certaines des caractéristiques, prises isolément, de cette botte "Bess" qui a fait l'objet d'une publication dans une revue destinée au public français, mais qu'en revanche il apparaît que cette botte adoptait déjà, dès l'année 2009, dans la même combinaison, les caractéristiques essentielles de la botte "Titan" telle que revendiquée, c'est de manière pertinente que les premiers juges ont conclu que cette dernière, qui a fait l'objet d'une commercialisation à la fin de l'année 2011, n'était pas éligible à la protection instaurée par les Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle;

Qu'il s'en déduit que la société Ash Distributions qui ne peut se prévaloir de cette protection n'est pas fondée en son action en contrefaçon dirigée à l'encontre de la société André ; qu'il sera ajouté au jugement dans ce sens ;

Sur l'action en concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que l'appelante se prévaut, par ailleurs et à titre principal, de faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire et incrimine, pour ce faire, la commercialisation de copies quasi serviles qui lui ont permis de réaliser des économies injustifiées et sont à l'origine d'un risque de confusion, de la pratique de prix inférieurs pour ses modèles référencés "Fox" et "Frangine" (commercialisés 119 euros TTC et 149 euros TTC tandis que le prix public de ses chaussures s'établit à 299 euros TTC) lui permettant de s'attribuer le prestige de ses modèles de bottes et de détourner sa clientèle - en particulier celle de jeunes consommateurs optant pour des produits moins coûteux - et de la création d'un effet de gamme puisqu'elle offre à la vente deux modèles de bottes ;

Considérant, ceci rappelé, que s'il ne peut être nié que la chaussure commercialisée par la société André présente des ressemblances avec la chaussure référencée "Titan", il est constant que, sauf à reconstituer sur le fondement de l'article 1382 du Code civil un droit privatif, le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par un droit de propriété intellectuelle ne constitue pas, en soi, un acte de concurrence déloyale et que la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas, en tant que telle, fautive mais procède du principe de la liberté du commerce et du libre jeu de la concurrence ;

Que les prix pratiqués par la société André sont, certes, inférieurs à ceux auxquels la société Ash commercialise ses propres produits ; que, pour autant, la pratique de prix inférieurs, s'ils ne sont point à perte, participe du même libre jeu de la concurrence et ne peut être constitutif d'une faute;

Qu'il n'est, par ailleurs, pas démontré que la société André ait décliné ses modèles "Fox" et "Frangine" comme a pu le faire la société Ash Distributions dans le cadre de la commercialisation du modèle "Titan" et que le fait de commercialiser deux types de bottes qui ne se différencient que par la hauteur de leurs tiges, ne peut être considéré comme un "effet de gamme" ;

Qu'enfin, si la société Ash Distributions justifie de ses investissements liés à sa communication s'élevant à la somme de 243 781,10 euros en 2013, il s'agit d'investissements globaux qui n'individualisent pas les frais de promotion afférents aux chaussures litigieuses dont le "prestige" n'est que prétendu et qui, en toute hypothèse, ont été exposés postérieurement aux faits de la présente espèce, étant relevé qu'en 2011, les investissements liés à la communication promotionnelle de l'ensemble de ses produits ne s'élevait qu'à la somme de 75 215,10 euros ;

Qu'il suit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Ash Distributions de sa demande à ce titre ;

Sur la demande indemnitaire formée à titre reconventionnel

Considérant que la société André qui précise qu'elle n'entend pas voir sanctionner une procédure abusive poursuit l'indemnisation du préjudice qu'elle déclare avoir subi et qui résulte de la perte de chance de réaliser une marge sur la vente des modèles "Fox" et "Frangine" à raison de l'arrêt temporaire de leur commercialisation ;

Qu'elle expose que, n'eût été l'engagement de cette procédure que la société appelante aurait pu s'épargner en contemplation du modèle Bess qu'en sa qualité de professionnelle elle aurait dû connaître, elle aurait pu réaliser des profits sur la vente des modèles "Fox" et "Frangine" au cours de la saison 2012-2013 mais qu'elle a été contrainte de cesser à compter du 22 mars 2012 ;

Que sur la base des ventes réalisées en février et mars 2012 pour ses deux modèles, soit 2.442 paires au prix de 119 euros sur lesquelles elle réalise une marge de 69,80 euros et 526 paires au prix de 149 euros sur lesquelles elle réalise une marge de 85 euros, et à raison d'une perte de chance qu'elle évalue à 80 %, elle chiffre son préjudice à la somme de 172 129 euros ;

Considérant, ceci exposé, que l'appelante stigmatise à juste titre la contradiction dans les affirmations de l'intimée qui, tout en soulignant qu'elle n'entend pas voir sanctionner un abus de procédure, considère cependant que la société Ash Distributions aurait dû vérifier avant d'agir "l'absence d'antériorités de toutes pièces" et qu'à défaut de ce faire, un professionnel engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1383 du Code de procédure civile et se doit de réparer le dommage causé par sa négligence ;

Qu'eu égard à ce moyen, il y a lieu de considérer qu'en dépit de la solution donnée au présent litige, la société Ash Distributions a pu, sans faute, ester en justice pour faire reconnaître des droits dont elle a pu se croire investie et voir sanctionner des agissements y contrevenant ;

Qu'en outre, si la société André invoque une mesure de retrait à laquelle elle a procédé à titre conservatoire, il convient de relever que cette mesure, résultant de son libre arbitre, n'est justifiée que par la seule production (en pièce 22) d' un courriel adressé par la direction approvisionnements/logistique de la société André à une vingtaine de destinataires dont le nom de domaine se termine par <andre.fr>, sans plus d'éléments, et que cette pièce ne démontre pas à suffisance que l'ensemble des distributeurs à l'enseigne "André" des chaussures "Fox" et "Frangine" a été ainsi invité à retirer ces deux modèles de la vente, ni que cette demande a été suivie d'effet, la société Ash Distributions observant justement que ne sont versés ni accusés de réception (pas plus, d'ailleurs, que de compte-rendu de l'exécution de cette mesure) ni éléments comptables permettant d'attester de l'arrêt de leur commercialisation ;

Que la demande ne pouvant, dès lors, prospérer, le jugement doit être confirmé de ce chef;

Sur les autres demandes

Considérant que l'équité conduit à allouer à la société André la somme complémentaire de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Ash Distributions supportera les dépens d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré la société Ash Distributions irrecevable à agir en raison du défaut d'originalité du modèle revendiqué ; statuant à nouveau en y ajoutant ; Déclare la société à responsabilité limitée Ash Distributions recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur ; Déboute la société Ash Distributions de son action en contrefaçon de la chaussure référencée "Titan" qui ne donne pas prise au droit d'auteur du fait de son défaut d'originalité ; Rejette le surplus des prétentions des parties ; Condamne la société Ash Distributions à verser à la société anonyme André la somme complémentaire de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile Condamne la société Ash Distributions à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.