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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 9 mai 2014, n° 13-08620

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kikkerland Design INC (Sté)

Défendeur :

Pylones (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Pasquier, Bettinger, Giudicelli

TGI Paris, du 31 janv. 2013

31 janvier 2013

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 31 janvier 2013 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 1re section),

Vu l'appel interjeté le 26 avril 2013 par la société Kikkerland Design Inc,

Vu les dernières conclusions de la société Kikkerland Design appelante en date du 13 février 2014

Vu les dernières conclusions de la SAS Pylones, intimée et incidemment appelante en date du 24 février 2014

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 février 2014,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société de droit américain Kikkerland Design Inc a pour activité la création, la fabrication et la vente de gadgets.

Elle est titulaire des modèles communautaires de "lampes torches" (servant de porte-clés, aux fonctions lumineuses et sonore) suivants :

- n° 000822390-0001 en forme de canard déposé le 1 novembre 2007,

- n° 000825450-0001 en forme de grenouille le 13 novembre 2007,

- n° 000825450-0003 en forme de fantôme déposé le 13 novembre 2007,

- n° 001537531 en forme d'appareil photographique déposé le 5 juin 2009.

Elle commercialise depuis ces dates ces modèles de "lampes torches" notamment en tant que porte-clés, aux fonctions lumineuse et sonore dans le monde entier et notamment en France par le biais de son distributeur, la société Manta Design.

La SAS Pylones est une société française créée en 1985 qui a pour activité la fabrication d'ouvrages en caoutchouc conception-fabrication-éditions-vente-importation-exportation d'objets et d'accessoires et de confection contemporain.

Elle dispose de plusieurs établissements de vente au détail et notamment à Paris au 99 rue de Rivoli dans le 1er arrondissement.

La société Kikkerland Design a constaté que la société Pylones proposait à la vente dans ses magasins de vente au détail plusieurs modèles de ces lampes torches, servant de porte-clés, aux fonctions lumineuse et sonore et notamment des modèles en forme de grenouille, de fantôme, de canard et d'appareil photographique dont les caractéristiques lui semblent identiques à celles de ses modèles déposés.

Elle a fait procéder en vertu d'une autorisation présidentielle, le 6 avril 2011, à des opérations de saisie-contrefaçon au sein du magasin situé à Paris 99 rue de Rivoli, 75 001.

Le 11 avril 2011 la société Pylones a adressé à maître Albou, l'huissier instrumentaire, un courriel dans lequel elle a joint la facture en date du 13 décembre 2010 de son fournisseur aux termes de laquelle il apparaît que le fournisseur est une société chinoise Wenzhou Juma Import & Export Co LTD. Cette facture concerne 12 000 pièces de porte-clés litigieux.

C'est dans ces circonstances que la société Kikkerland a fait assigner la société Pylones selon acte d'huissier du 5 mai 2011 en contrefaçon de ses modèles communautaires et de ses droits d'auteur et en concurrence déloyale.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- rejeté la demande de la société Kikkerland Design tendant à voir écarter les pièces 10 et 11, 25 à 38 de la société Pylones comme mal fondée ;

- constaté que la société Pylones a abandonné ses demandes reconventionnelles de nullité des modèles communautaires de porte-clés LED enregistrés sous les numéros 000898630-0001 (dauphin), 000822390-0002 (cochon) et 000822390-0003 (vache) dont la société Kikkerland Design est titulaire ;

en conséquence,

- déclaré la fin de non-recevoir soulevée par la société Kikkerland Design à l'encontre de ces demandes de nullité, sans objet ;

- déclaré la société Kikkerland Design irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d'auteur;

- prononcé la nullité des dessins ou modèles communautaires sous les numéros n° 000822390-0001 ( canard), n° 000825450-0001 (grenouille), n° 000825450-0003 (fantôme) n° 001537531 (appareil photographique) ;

- dit que la décision, une fois devenue définitive, serait transmise au secrétariat de l'OMHI pour inscription, par la partie la plus diligente ;

- en conséquence,

- déclaré la société Kikkerland Design irrecevable en ses demandes de contrefaçon ;

- déclaré la société Kikkerland Design irrecevable en ses demandes de concurrence déloyale ;

- dit sans objet l'ensemble des demandes subséquentes de la société Kikkerland Design;

- débouté la société Pylones de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle fondée sur l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Kikkerland Design à payer à la société Pylones la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civiles ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

En cause d'appel la société Kikkerland Design appelante demande essentiellement dans ses dernières écritures du 13 février 2014 :

- d'infirmer le jugement ;

statuant à nouveau,

- d'écarter les pièces adverses n° 10, 11, 14, 17, 18, 20; 39, 40, 41, 42, 43, 48, 52, 53, 64, 68, et 69 ;

- dire et juger que les modèles communautaires numéros n° 000822390-0001 (canard), n° 000825450-0001 (grenouille), n° 000825450-0003 (fantôme) n° 001537531 (appareil photographique), sont valides ;

- de dire est juger que les modèles communautaires numéros n° 000822390-0001 (canard), n° 000825450-0001 (grenouille), n° 000825450-0003 (fantôme) n° 001537531 (appareil photographique), sont également couverts par le droit d'auteur et que la société Kikkerland est investie des droits d'auteur ;

- de dire et juger que la société Pylones a commis des actes de contrefaçon de ses modèles communautaires et de ses droits d'auteur et des actes de concurrence déloyale et de parasitisme;

- d'ordonner la communication des pièces comptables permettant d'établir la masse contrefaisante ;

- d'ordonner, sous astreinte des mesures d'interdiction en France et sur l'ensemble du territoire de l'union européenne ;

- d'ordonner sous astreinte des mesures de destruction ;

- d'ordonner une mesure de publication ;

- de condamner la société Pylones à lui payer :

la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice économique subi du fait de la contrefaçon,

la somme de 80 000 euros au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de confirmer le jugement pour le surplus.

La société Pylones, intimée s'oppose aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel demande dans ses dernières écritures du 24 février 2014 :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions (sic) et y ajoutant ;

- de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes de la société Kikkerland ;

- de condamner la société Kikkerland à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à payer une amende civile de 3 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

- de condamner la société Kikkerland à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande tendant à voir écarter des pièces

La société Kikkerland Design demande de voir écarter des débats les pièces n° 10, 11, 14, 17, 18, 20 ; 39, 40, 41, 42, 43, 48, 52, 53, 64, 68,et 69 communiquées par son adversaire au motif qu'elles ne sont pas probantes.

Cependant, la cour ayant pour mission d'apprécier la pertinence de ces pièces régulièrement communiquées au soutien des demandes, il n'y a pas lieu de les "écarter" mais au contraire d'en apprécier la valeur probante.

Cette demande non fondée doit être rejetée.

Sur la titularité des droits d'auteur de la société Kikkerland Design

La société Pylones soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Kikkerland Design au titre du droit d'auteur au motif qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une création déterminée à une date déterminée des quatre modèles en cause.

Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une œuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;

Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'œuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'œuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;

En l'espèce, la société Kikkerland Design justifie avoir commercialisé sous son nom les porte-clés dont s'agit, par la communication d'un extrait du catalogue Kikkerland de 2007 sur lequel apparaissent les porte-clés en forme de canard, de grenouille et de fantôme, par des photographies de ces trois porte-clés présentés lors du Salon Maison & Objets qui s'est déroulé à Paris du 7 au 11 septembre 2007 et par la photographie du porte-clé en forme d'appareil photographique présenté lors du même Salon tenu à Paris du 4 au 8 septembre 2009.

De plus leur dépôt au nom de la société Kikkerland Design constitue également une divulgation non équivoque.

Le fait, concernant le porte-clé en forme d'appareil photographique que le catalogue de la société Kikkerland Design mentionne "Designed by Kazumasa Kawasami" qui en est l'auteur, et que concernant la grenouille celle-ci a été divulguée antérieurement en 2005 aux Etats-Unis, sont sans incidence dès lors qu'en l'absence de revendication des auteurs, l'exploitation mondiale de ces modèles par la société Kikkerland Design, sous son nom, celle-ci est présumée titulaire des droits patrimoniaux sur ceux-ci, sans que la société Pylones ait qualité à en contester les cessions intervenues.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les modèles litigieux ont été divulgués en France via son distributeur français la société Manta Design en 2007 pour les trois premiers en 2009 pour le quatrième.

De plus, l'article 96.2 du règlement (CE) n° 6-2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que : un dessin ou modèle protégé par un dessin ou un modèle communautaire bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d'auteur des Etats membres à partir de la date à laquelle il a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d'obtention de cette protection, y compris le degré d'originalité requis, sont déterminées par chaque Etat membre.

La société Kikkerland Design est en conséquence recevable à agir à ce titre.

Sur la protection au titre du droit d'auteur

L'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L. 112-1 du même Code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Il s'en déduit le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.

La société Kikkerland Design, titulaire des droits d'auteur est donc tenue de démontrer le caractère original des quatre modèles pour lesquels elle revendique cette protection et la société Pylones dénie tout caractère original à ces représentations.

Porte-clé en forme de canard

La société Kikkerland caractérise l'originalité de ce modèle comme suit : "ce modèle combine de manière originale une tête grosse et ronde, posée sur un corps ramassé dont la queue remonte en pointe jusqu'à se rapprocher de la nuque, un bec très largement ouvert qui de face ne laisse dépasser que les yeux, et de petites ailes en forme d'amande, l'intention de l'auteur ayant été de lui conférer une apparence inhabituellement ronde et ramassée" et précise ses dimensions. Hauteur : 3,9 cm, Largeur face : 3 cm, Longueur : 3,8 cm, Tête : 1,9 cm.

La société Pylones communique aux débats un modèle de canard Lanco Toys datant de 1988 dont l'impression visuelle d'ensemble est identique à celui de la société Kikkerland car il s'agit également d'un canard jaune en caoutchouc sans ornementation qui comporte également une tête grosse et ronde posée sur un corps ramassé dont la queue remonte en pointe, un bec ouvert et donne une apparence ronde et ramassée.

Il n'en ressort aucun travail créatif susceptible de porter l'empreinte de la personnalité de son auteur.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la protection à ce titre de ce modèle.

Porte clé en forme de grenouille

La société Kikkerland caractérise l'originalité de cette représentation comme suit : "modèle de grenouille représentée assise sur arrière train les pattes avant coincées à l'intérieur des pattes arrière, posées sur la même ligne et une tache blanche figure sur le haut du torse, les yeux globuleux sont fixés en protubérance".

Elle poursuit en indiquant que l'originalité de ce modèle réside dans sa forme massive et compacte, la quasi-absence de membre apparent et des courbes rectilignes, l'intention de l'auteur ayant été de lui conférer une silhouette statuaire et hiératique. Il s'agit d'une reproduction de grenouille plus robotisée et précise ses dimensions : Hauteur : 3,7 cm, hauteur : 3,4 cm, largeur : 3,8 cm, Longueur : 3, 2 cm,

Cependant cette représentation de grenouille a déjà été divulguée au public par le dépôt américain US patent le 14 novembre 2005, publié le 1er mai 2007 par Monsieur Peter Chen qui montre une grenouille dans la même posture avec une forme générale ramassée sur elle-même, les mêmes pattes épaisses, la même position des yeux globuleux, le même poitrail blanc, la même bouche large figurée par un long trait ascendant sur les côtés de sorte que l'impression d'ensemble entre les deux modèles est identique et que le modèle litigieux ne revêt aucun caractère original manifestant la personnalité de son auteur.

Il est par ailleurs justifié que la société la Chaise Longue éditait en 2006 des porte-clés en forme de grenouille et que le 24 décembre a été déposé aux Etats-Unis sous le n° US Patent D467, D415S, un porte-clé en forme de grenouille.

C'est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté la protection invoquée à ce titre.

Porte clé en forme de fantôme

La société Kikkerland caractérise l'originalité de ce modèle comme suit :

"Forme très géométrique s'évasant sur le bas, une dentelure douce, régulière et géométrique et des yeux ronds et vides. Il présente une face arrière verticale et une face avant inclinée, ce qui lui confère une certaine asymétrie; il présente une base plus large et octogonale".

Il combine, selon elle, de manière originale les caractéristiques d'un fantôme et celles d'un robot, l'intention de l'auteur ayant été de lui conférer une apparence résolument moderne, en insufflant une dimension technologique à un personnage dont l'iconographie est traditionnelle et conventionnelle. et précise ses dimensions. Hauteur : 3,1 cm, Largeur : 3,5 cm, profondeur : 1,9 cm, profondeur : 2,5 cm.

Cependant il ressort du jeu "Pacman" qui a été créé en 1979 dont la représentation est communiquée par la société Pylones que les fantômes mangés par Pacman ont une forme constituée d'un simple drap avec des yeux ronds figurés par des trous et une partie basse dentelée.

La combinaison d'une forme de fantôme illustrée par un drap ou une cape avec des yeux ronds figurés par des trous ne revêt aucun caractère originale et ne manifeste aucune création intellectuelle propre à son auteur et la société Kikkerland Design ne définit pas les caractéristiques de cette représentation qui donnerait un caractère de "robot" à celle-ci.

Faute d'expression de la personnalité de l'auteur dans cette représentation, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la protection de ce modèle à ce titre.

Modèle n° 00011537531-0001 en forme d'appareil photographique

La société Kikkerland Design fait valoir pour invoquer la protection de ce modèle que celui-ci, loin de constituer la simple miniaturisation d'un appareil photographique, stylise cet objet, c'est à dire le simplifie dans un but décoratif. Le modèle qui en résulte exprime des choix du créateur, et porte ainsi l'empreinte de ce dernier.

Cependant la société Pylones communique la photographie du modèle d'appareil photographique Kiev produit antérieurement dès 1985 qui est quasi identique à celui du modèle déposé à l'exception d'un bouton placée sur la partie supérieure gauche de l'appareil Kiev de sorte que cette représentation ne manifeste pas la personnalité de son auteur, marquant son empreinte, la simple réduction en taille de celle-ci n'étant pas de nature à lui conférer une quelconque originalité.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de protection à ce titre.

Sur la validité des dessins et modèles communautaires

Sont protégeables les dessins ou modèles communautaires conformément aux termes du règlement communautaire n° 6-2002 du 12 décembre 2001 pendant une durée de trois ans à compter de leur divulgation au public et s'ils sont nouveaux et présentent un caractère individuel.

Un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s'il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la communauté.

Le dessin et le modèle sont nouveaux en ce qu'aucun modèle identique n'a été divulgué au public antérieurement à la première divulgation au public.

Ils présentent un caractère individuel en ce que l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur les consommateurs différent de celle que produisent des modèles divulgués au public avant leur première date de commercialisation.

La société Pylones soutient que les quatre modèles opposés par la société kikkerland au soutien de sa demande en contrefaçon sont nuls car dépourvus de caractère propre.

Modèle n° 000822390-0001 déposé le 1er novembre 2007, en forme de canard

La société Pylones communique le canard jaune de la société Lanco Toys créé et commercialisé à partir de 1988 et le canard Chicco daté de 1991.

La société Pylones soutient que son modèle donne une impression d'ensemble différente par rapport à représentations opposées car il diffère en ce que son modèle a :

- une tête du canard arrondie,

- un positionnement des yeux illustrés par deux billes noires,

- un bec placé au milieu de la tête très largement ouvert et dirigé vers le haut,

- une absence de cou,

- une queue courte qui remonte en pointe,

- des ailes visibles,

Cependant il est justifié que la société Lanco Toys qui fabrique des jouets et cadeaux en caoutchouc a commercialisé un canard jaune en caoutchouc dès 1988 qui présente également une tête arrondie, un bec orangé ouvert, une queue relevée, des ailes figurées en surmoulage qui donne une impression globale pour le consommateur averti identique, les quelques différences de détails concernant les yeux et l'ouverture du bec étant sans incidence sur cette impression d'ensemble qui ne les différencient pas.

Il est d'ailleurs rappelé dans un article rédigé en 2008 par la conservatrice chargée du département des jouets au Musée des Arts Décoratifs de Paris, à l'occasion de l'exposition "jeux d'eau" "petite histoire des matières plastiques", que dans les années 1970 les jouets de bain envahissent les baignoires et ont pour "icône" le "petit canard jaune", réflexion reprise dans un ouvrage réalisé lors de l'exposition "quand j'étais bébé.. 1945-2005 le baby-boom des jouets d'éveil' présentée au Musée des jouets de la ville de Poissy.

La société Chicco a d'ailleurs également commercialisé en 1991 un canard jaune au bec orangé ouvert, la queue relevée et les ailes apparentes sur le côté.

Il s'en évince que le modèle de petit canard déposé par la société Kikkerland Design ne présente aucun caractère individuel susceptible de se différencier des autres modèles de cet iconique canard jaune qui a d'ailleurs fait l'objet en 1988 d'un rapport de la commission européenne sur les dangers des matériaux en PVC inclus dans ces canards, mais revêt au contraire un caractère banal insusceptible de donner une impression globale différente de ceux existants sur l'utilisateur averti.

C'est donc à bon droit que le tribunal a annulé de dépôt de modèle.

Les autres pièces communiquées sont postérieures

Modèle n° 00082540-0001 déposé le 13 novembre 2007 en forme de grenouille

La société Pylones communique un modèle de grenouille déposé aux Etats-Unis en 2005 par Monsieur Chen et un dépôt de lampe grenouille US patent effectué à l'USPTO le 29 octobre 2002.

La société Kikkerland Design soutient que son modèle diffère de ceux opposés car il présente :

- un regard droit,

- une bouche ouverte,

- un nez surplombant la bouche,

- un modèle massif,

- une ligne dorsale courbe, linéaire et inclinée vers l'avant,

- une ligne ventrale inclinée vers l'arrière,

- un ventre imposant qui forme un plastron cerné d'une surpiqûre,

- des pattes arrière arrondies et pattes avant cachées derrière le plastron.

Cependant le modèle de grenouille américain de 2005 a, comme mentionné ci-dessus, la même posture avec une forme générale ramassée sur elle-même, les mêmes pattes épaisses, la même position des yeux globuleux, le même poitrail blanc, la même bouche large figurée par un long trait ascendant sur les côtés de sorte que l'impression d'ensemble entre les deux modèles est identique pour l'utilisateur averti, les quelques différences de détail ne les différenciant pas et alors que la taille est indifférente, tout comme le modèle de 2002, de sorte que dépourvu de caractère individuel, c'est à bon droit que le tribunal a annulé ce dépôt.

Les autres pièces sont soit postérieures soit trop éloignées du modèle contesté.

Modèle n° 000825450-0003 déposé le 13 novembre 2007 en forme de fantôme La société Pylones communique une pièce relative au jeu "Pacman" créé en 1979 qui montre que les fantômes mangés par Pacman ont une forme constituée d'un simple drap avec deux yeux ronds figurés par des trous et une partie basse dentelée et le livre de Jacques Duquennoy publié en 2002 sur lequel sont représentés des fantômes constitués d'un simple drap avec des yeux ronds illustrés par des trous et une partie basse dentelée.

Elle soutient que ce modèle diffère de ceux opposés car il s'apparente à un robot-fantôme et présente :

- des lignes pures et géométriques s'évasant sur le bas,

- une dentelure douce, régulière et géométrique,

- des yeux ronds et vides,

- une face arrière verticale et une face avant inclinée, ce qui lui confère une asymétrie vu de profil,

- les vues plongeantes et du dessus révèlent une base plus large et octogonale.

Cependant la société Pylones communique outre les deux antériorités ci-dessus mentionnés des représentations de fantômes antérieures au dépôt du modèle litigieux qui comportent des yeux ronds et vides, avec des "robe" évasées soit vers l'avant ou l'arrière comme dans le livre "petits fantômes" de Jacques Duquennoy et des lampes fantômes.

Les autres pièces communiquées sont soit non datées ou portent une date incertaine ou sont postérieures.

Il s'en évince que le modèle de fantôme déposé par la société Kikkerland Design ne présente aucun caractère individuel par rapport à ce fonds commun de représentation et les quelques différences de détail ne sont pas de nature à donner une impression globale différente à l'utilisateur averti et c'est donc à bon droit que le tribunal a annulé ce dépôt de modèle dépourvu de caractère individuel.

Modèle n° 00011537531-0001 déposé le 5 juin 2009 en forme d'appareil photographique

La société Pylones oppose le modèle antérieur d'appareil photographique Kiev.

La société Kikkerland Design soutient que son modèle diffère de ceux opposés par son adversaire car :

- le corps de l'appareil vu de face à des proportions différentes : corps en forme de rectangle allongé, absence de flash,

- la partie supérieure de l'appareil présente de nombreuses différences : forme oblongue, capot central de forme pyramidale, boutons placés sur la même ligne,

- le capot central positionné sur la partie supérieure est également de forme très différente Vue de profil : de forme pyramidal à section supérieure coupée et descendant le long de la partie frontale de sa section inférieure,

- couleur unie noire.

Cependant la miniaturisation de l'appareil photographique et l'absence de bouton, ne permet pas comme mentionné ci-dessus, de différencier les deux modèles d'appareils qui donne une impression globale identique pour l'utilisateur averti de sorte que faute de caractère individuel c'est à bon droit que le tribunal a annulé ce modèle.

Les autres pièces produites sont trop éloignées du modèle litigieux.

Sur la demande de contrefaçon

A défaut de justifier de droits opposables à la société Pylones, la société Kikkerland Design est irrecevable en cette demande.

Sur la demande en concurrence déloyale et parasitaire

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Ainsi le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence.

Pour que la vente d'un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale il convient de démontrer que cette reproduction est fautive.

Le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie la valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

En l'espèce la société Kikkerland Design reproche à la société Pylones d'avoir reproduit servilement, sans nécessité, les caractéristiques graphiques de ses produits porte-clés alors que les modèles déposés visent une torche, y compris la nuance de vert de la grenouille et sa forme. Elle ajoute que les vis pour maintenir les dessous des objets sont en même nombre et placées au même endroit.

Elle précise que ces éléments traduisent manifestement la volonté de la société Pylones d'induire le public en erreur sur l'origine des produits et de créer une confusion sur l'activité des deux sociétés et réalise ainsi d'importantes économies en tirant profit de ses efforts, ayant investi la somme de 37 148,67 euros pour la création, le développement, la promotion de ces porte-clés.

Cependant la reproduction de porte-clés en forme d'animaux, de fantôme ou d'appareil photographique n'est pas en soit répréhensible alors que concernant ce dernier modèle, celui commercialisé par la société Pylones revêtu de rayures blanches se distingue nettement de celui de la société Kikkerland.

Il ne peut par ailleurs lui reprocher de reproduire des canards de couleur jaune et des grenouilles de couleur verte usuellement représentés ainsi.

A défaut de justifier d'actes distincts fautifs de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, la société Kikkerland Design est infondée en sa demande à ce titre et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

La présente procédure ne revêtant aucun caractère manifestement abusif, la société appelante qui disposait de titre ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, mais ne constituant que l'exercice normal de ceux-ci, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de l'intimée tendant à être indemnisée à ce titre et à prononcer une amende civile.

L'équité commande d'allouer à la société intimée la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.

Les dépens resteront à la charge de l'appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs Rejette la demande de la société appelante tendant à voir écarter des débats les pièces n° 10, 11, 14, 17, 18, 20; 39, 40, 41, 42, 43, 48, 52, 53, 64, 68,et 69 communiquées par son adversaire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; En conséquence, Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante ; Rejette les demandes reconventionnelles pour procédure abusive formée par la société intimée ; Y ajoutant, Condamne la société appelante à payer à la société intimée la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.