CA Rouen, ch. corr., 4 septembre 2013, n° 12-01313
ROUEN
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aubry
Conseillers :
Mme Martin, M. Balayn
Avocats :
Mes Godard, Capitaine, Lescène
Rappel de la procédure :
Sur requête du Ministère public, Laurent X a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel d'Evreux en vertu de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Rouen en date du 17 février 2011, par acte d'huissier de justice en date du 14 décembre 2011, à son audience du 2 février 2012.
Il était prévenu d'avoir :
- à Thiberville les 31 août 2004, 9 septembre 2004, 5 octobre 2004 et 19 octobre 2004, frauduleusement abusé de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse de Romuald Chossaroux né le 7 février 1920 - aujourd'hui décédé - et de Jacqueline Chossaroux née le 15 août 1923, personnes majeures qu'il savait particulièrement vulnérables en raison de leur âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique, faits prévus et réprimés par les articles 223-15-2 et 223-15-3 du Code pénal, L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation.
- à Thiberville le 31 août 2004, ayant démarché Romuald Chossaroux et Jacqueline Chossaroux, à leur domicile afin de leur proposer l'achat d'un bien ou la fourniture de services, en l'espèce du matériel incendie, obtenu ou exigé de ses clients, directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme, un paiement, une contrepartie quelconque ou un engagement, en l'espèce la remise d'un chèque de 715,63 euros à l'ordre de Securit 3 I, le 31 août 2004, avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours suivant la commande ou l'engagement, faits prévus et réprimés par les articles L. 121-21, L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation ;
Le jugement :
Par jugement contradictoire en date du 16 février 2012, après délibéré, le Tribunal correctionnel d'Evreux a :
- sur l'action publique, renvoyé Laurent X des fins de la poursuite,
- sur l'action civile, déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Jacqueline Chossaroux.
Les appels :
Le 22 février 2012, Maître Vigier substituant Maître Lescène, conseil de la partie civile a interjeté appel principal des dispositions civiles du jugement.
La décision :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme :
L'appel interjeté dans les formes et délais de la loi est régulier et recevable.
A la demande du procureur général, Laurent X, prévenu intimé, a été cité à étude par acte d'huissier de justice en date du 15 janvier 2013 pour l'audience du 19 juin 2013 (la lettre recommandée avec avis de réception a été retournée revêtue de la signature du prévenu le 23 janvier 2013).
La partie civile Jacqueline Chossaroux a été citée à sa personne par acte d'huissier de justice en date du 23 janvier 2013.
A l'audience, le prévenu et la partie civile n'ont pas comparu mais ont été représentés par leur conseil devant la cour et il sera statué par arrêt contradictoire à signifier à leur égard.
Au fond :
Le 20 mars 2006, Romuald Chossaroux né en 1920 (et décédé en cours de la procédure d'instruction) et son épouse Jacqueline Chossaroux née en 1923 demeurant à Thiberville déposaient une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de Laurent X devant le doyen des juges d'instruction de Bernay pour abus de faiblesse et infraction à la loi sur le démarchage à domicile ; cette plainte faisait suite à une précédente plainte adressée au procureur de la République de Bernay en date du 20 décembre 2004, qui avait fait l'objet d'un classement sans suite le 28 février 2005 au motif que les infractions dénoncées étaient insuffisamment caractérisées.
Les parties civiles que Laurent X, dans le cadre d'un démarchage à domicile pour le compte de la société Securit 3 I leur avait fait signer les contrats suivants :
- une commande n° 0006789 datée du 31 août 2004 portant sur du matériel incendie pour un montant de 715,63 euros avec l'établissement le même jour d'un chèque du même montant, encaissé postérieurement le 8 septembre 2004,
- une commande n° 0006790 datée du 31 août 2004 portant sur du matériel de surveillance pour un montant de 3669,53 euros,
- une commande n° 0007030 datée du 9 septembre 2004 portant sur des piles et une batterie pour un montant de 404,01 euros.
- une commande n° 0006301 datée du 5 octobre 2004 portant sur le terminal d'assistance Biotel et le PC de raccordement pour un montant de 1 686,95 euros, un contrat d'abonnement télé-alarme Santé Service avec l'établissement le même jour d'un chèque d'acompte d'un montant de 686,95 euros.
L'ensemble des contrats avait été signé par la seule Jacqueline Chossaroux.
Dans leur plainte, les parties civiles indiquaient que la visite de Laurent X à leur domicile faisait suite à une demande de résiliation d'un précédent contrat portant sur des extincteurs conclu le 19 juin 1986 avec la société CRPI pour laquelle ce dernier avait travaillé ; qu'ils avaient constaté que le service de télé-alarme Santé Service pour lequel ils avaient souscrit un abonnement et l'achat d'un terminal d'assistance Biotel avec un PC de raccordement ne fonctionnait pas et que le président de l'association Santé Service leur avait indiqué que l'appareil Biotel était normalement loué pour 19 euros par mois.
Ils expliquaient aussi que Laurent X avait abusé de leur faiblesse pour obtenir de leur part la signature d'un compromis de vente en date du 19 octobre 2004 d'un appartement qu'ils possédaient à Cabourg pour la somme de 27 441 euros alors qu'après renseignement, ils avaient constaté que ce bien valait entre 45 735 euros et 60 979 euros ; expliquant qu'à cette époque ils avaient appris que leur fille était atteinte d'un cancer et que Romuald Chossaroux avait fait une embolie pulmonaire, Jacqueline Chossaroux reconnaissait lors de son audition par le juge d'instruction qu'elle avait évoqué avec Laurent X son souhait de vendre cet appartement pour une somme qu'elle estimait à cette époque à 38 000 euros ; que c'était le prévenu qui après une estimation par une agence immobilière locale avait proposé la somme de 30 000 euros et que le compromis avait été signé à son domicile en présence d'un notaire. Que par la suite elle avait confié son inquiétude à une personne de son entourage André Picton qui lui avait indiqué qu'elle avait été escroquée pour cette vente mais aussi pour l'achat du matériel d'incendie, de surveillance et de téléalarme ; qu'elle avait alors décidé de ne pas donner suite au compromis de vente malgré une sommation interpellative par huissier de justice demandée par les époux X le 23 août 2005.
Les parties civiles produisaient un certificat de leur médecin généraliste daté du 24 mars 2005 indiquant que Jacqueline Chossaroux présentait un état d'anxiété majeur depuis le mois d'octobre 2004 du fait d'une part de la découverte d'un cancer du sein chez sa fille Nicole et d'autre part de ce que son mari était très malade du fait d'une complication pulmonaire embolique, que cet ensemble d'évènements avait provoqué chez elle une fragilisation physique et psychique pouvant la rendre influençable dans les décisions à prendre et un résultat d'analyse d'un scanner de la tête daté du 3 novembre 2005 relevant chez Romuald Chossaroux des troubles de la mémoire et l'apparition progressive de signes cliniques compatibles avec une maladie d'Alzheimer débutante.
Mis en examen lors de son interrogatoire de première comparution le 6 mars 2007, Laurent X contestait les faits reprochés par les époux Chossaroux ; ils reconnaissait qu'il avait fait la connaissance de ceux-ci en 1994 pour l'entretien des extincteurs acquis auprès de la société Isogard (anciennement CRPI) ; qu'il avait fait l'objet d'un licenciement économique en 2002 et qu'il avait été recruté par la suite par la société Securit 3 I, étant directeur général de 2002 à novembre 2004, date à laquelle la société avait été mise en liquidation judiciaire et qu'ensuite il avait travaillé pour le compte de la société Securit Système ; qu'en passant par Thiberville il avait revu Jacqueline Chossaroux et il avait alors conclu les contrats d'achat des extincteurs et de la commande d'alarme avec elle.
Il indiquait que c'était Madame Chossaroux qui avait proposé d'avoir un médaillon d'alarme pour son mari qui était malade ; qu'il avait déjà vendu ce type d'appareil à d'autres personnes ; que le système s'appelait Biotel et que Securit 3 I achetait l'appareil auprès de la société PAP 3 ; que les médaillons vendus auparavant étaient reliés à la société CDTS alors que celui vendu à la partie civile était relié à Santé Service ; il précisait que c'était la société PAP 3 de mettre en route cette assistance et que celle-ci avait fait le nécessaire ultérieurement, versant à l'appui de ses déclarations copie d'un courrier daté du 11 décembre 2004 de la société PAP 3 adressé à Romuald Chossaroux, dans laquelle la société expliquait qu'une erreur de traitement commise par la société avait été découverte et que la société s'engageait à relier le terminal à la société CDTS dès l'accord du client ; il produisait aussi deux attestations de personnes ayant acquis le même matériel pour le compte de membres de leur famille dans lesquelles celles-ci indiquaient leur satisfaction.
En ce qui concernait la vente de l'appartement de Cabourg, il maintenait que Jacqueline Chossaroux lui avait demandé s'il connaissait une personne intéressée par cet achat ; qu'il s'était proposé de l'acheter ; qu'il avait contacté l'agence Blacher pour estimer le bien et qu'à la suite de sa proposition, celle-ci avait été acceptée par les époux Chossaroux et leur fille.
Il ne contestait pas que Romuald Chossaroux avait des problèmes de santé mais précisait qu'il était présent à chaque commande ou lors du compromis de vente ; que leur fille demeurait à leur domicile en attendant la construction de sa maison ; qu'en aucun cas il n'avait remarqué une vulnérabilité particulière des époux Chossaroux en raison de leur âge ou de leur état de santé.
S'il contestait avoir exigé un acompte lors de la conclusion de la commande du terminal d'assistance, il ne s'expliquait pas sur le chèque de 715,63 euros émis le 31 août 2004 lors de la commande pour le même montant du matériel d'incendie.
Dans le cadre de l'instruction préparatoire, les enquêteurs procédaient à des vérifications auprès de l'étude de Maître Spoor, notaire chargé de la résidence plein sud où était situé l'appartement des époux Chossaroux ; le collaborateur du notaire indiquait que le prix de l'appartement pouvait varier selon son implantation géographique, les plus recherchés étant ceux situés à l'est ou face à l'hippodrome alors que le bien litigieux était situé au nord-ouest le long de l'avenue de la divette avec vue sur la cour ; qu'il était muni d'un parking extérieur et non pas situé au sous-sol avec un box et que l'évaluation possible se situait entre 40 000 et 45 000 euros net vendeur mais qu'il devait l'affiner par une visite des lieux ; que les gendarmes procédaient aussi à d'autres évaluations auprès de six agences immobilières de la région de Cabourg qui évaluaient la valeur du bien entre 29 000 et 60 000 euros ; qu'enfin Lydia Garzon-Jamois, mandataire chez Blacher confirmait l'estimation faite au profit des époux X.
André Picton était aussi entendu : il expliquait qu'en 2004 il proposait lors de la distribution de prospectus, ses services aux personnes qu'il rencontrait et qu'il avait ainsi fait la connaissance de Jacqueline Chossaroux ; qu'un jour cette dernière lui avait montré un premier compromis de vente pour son appartement de Cabourg et qu'il lui avait fait remarquer que le prix d'achat était très bas et qu'il lui avait appris qu'elle avait re-signé un autre compromis de vente devant un notaire. Il avait alors pris l'initiative de téléphoner au notaire et avait fait part à Jacqueline Chossaroux de l'impossibilité de faire annuler cet acte, celle-ci étant en pleurs selon lui ; que ce jour-là, elle lui avait montré les contrats signés avec Laurent X ; qu'il avait vérifié les sociétés mises en causes ; qu'il s'était aperçu que certaines avaient déposé le bilan et qu'il soupçonnait le prévenu d'utiliser des prêtes-noms pour créer de nouvelles sociétés ; qu'il avait pris ensuite contact avec Laurent X pour faire annuler le compromis mais que celui-ci n'était pas inquiet de la suite de la procédure ; finalement Jacqueline Chossaroux lui indiquait qu'elle avait reçu une sommation interpellative pour conclure la vente de son appartement et il lui avait conseillé de ne pas s'y rendre et de prendre attache avec un avocat qu'il connaissait ; il précisait aussi qu'il s'était renseigné sur la validité du système d'assistance médicale que Laurent X lui avait vendu et qu'il s'était aperçu que l'abonnement n'était pas valide, que le prix demandé était excessif et que la société Santé Service ne voulait plus travailler avec le prévenu ; enfin, il indiquait qu'effectivement il avait convenu avec Jacqueline Chossaroux qu'elle prenait en charge tous ses frais de transport et de téléphone pour les démarches accomplies et qu'il devait toucher 10 % du prix de vente dans le cas de l'annulation de la transaction sur l'appartement de Cabourg.
Les investigations portaient aussi sur le système Biotel vendu aux époux Chossaroux ; les enquêteurs prenant attache auprès du docteur Refrais, dirigeant de l'association Santé Service qui délivrait un système de télé-assistance relié à un transmetteur de la marque Biotel ; celui-ci indiquait qu'il n'était pas le seul sur le marché, qu'une autre société assurait le même service ; que l'association avait eu des contacts avec les sociétés Securit 3 I et PAP 3, leur fournissant un contrat vierge pour connaître les modalités de l'abonnement, mais qu'aucun contrat n'avait été conclu ; qu'une personne les avait contactés pour les époux Chossaroux (vraisemblablement André Picton) ; qu'il avait été surpris par le prix fixé pour l'appareil (1 686,95 euros) alors que, selon lui, la valeur d'achat était de 250 euros ou, en location, de 20 euros par mois durant deux ans et qu'il avait décidé de raccorder gratuitement ce couple sans exiger les frais de location, de maintenance et de service ; il était à noter que dans la demande d'abonnement téléalarme Santé Service conservée par Santé Service, il était indiqué que l'intervenant n° 1 du comité de parrainage en cas de problème était Nicole Chossaroux demeurant <adresse>.
Le juge d'instruction avait aussi diligenté des investigations sur les sociétés Securit S 31, Securit 3 I et Securit Système mais celles-ci ne permettaient pas de mettre en cause Laurent X dans la gestion de ces entreprises et dans leur liquidation.
Cependant, Laurent X avait été condamné par la Cour d'appel de Douai le 22 mai 2007 à 3 000 euros d'amende dont 1 500 euros avec sursis pour des faist de remise d'un contrat non conforme au client lors d'un démarchage à domicile et demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion commis courant 2002 et 2003 et les époux Chossaroux avait reçu un avis à victime dans le cadre de cette procédure.
Lors des débats, la partie civile a déposé des conclusions datées du 19 juin 2013 dans lesquelles elle sollicite la déclaration de culpabilité de Laurent X pour les faits pour lesquelles il a été renvoyé par la chambre de l'instruction et sa condamnation à payer la somme de 10 000 euros pour les préjudices financiers et économiques subis par Jacqueline Chossaroux et la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que celle de 4 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Le Ministère public a été entendu en ses réquisitions et s'en est rapporté ;
Le prévenu a déposé des conclusions datées du 19 juin 2013 dans lesquelles il sollicite le rejet de l'appel de la partie civile, la confirmation du jugement attaqué et a condamnation de Jacqueline Chossaroux au paiement d'une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur ce :
Sur le fond :
Attendu que si les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu, définitivement relaxé, ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale et de se prononcer en conséquence sur la demande en réparation de la partie civile ;
Attendu que selon les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation, avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de service de quelque nature que ce soit ;
Que selon les dispositions de l'article L. 121-31 du Code de la consommation, à l'occasion de poursuites pénales exercées contre le vendeur, le prestataire de service ou le démarcheur, le client qui s'est constitué partie civile est recevable à demander devant la juridiction répressive une somme égale au montant des paiements effectués ou des effets souscrits, sans préjudice de tous dommages-intérêts ;
Attendu qu'il est constant que la partie civile peut demander le remboursement de la somme perçue en infraction à la législation sur le démarchage à domicile, peu important que le chèque d'acompte ou du montant de la vente n'ait pas été encaissé avant l'expiration du délai prévu par la loi durant lequel la partie civile ne s'est pas rétractée ; qu'il suffit qu'il soit émis au jour de l'engagement ;
Qu'en l'espèce, contrairement à la motivation des premiers juges, il résulte de la procédure que Laurent X s'est vue remettre un chèque de 715,63 euros à l'ordre de Securit 3 I, le 31 août 2004, avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours suivant commande n° 0006789 datée du 31 août 2004 portant sur du matériel incendie pour un montant de 715,63 euros, peu important que le chèque ait été encaissé postérieurement le 8 septembre 2004, qu'ainsi Laurent X a commis une infraction pénale et qu'il convient de statuer sur la demande en réparation de la partie civile ;
Attendu que selon les dispositions de l'article L. 122-8 du Code de la consommation, l'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit est caractérisé lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre d'y souscrire ou font paraître qu'elle a été soumise à une contrainte ;
Attendu qu'il résulte de la procédure que Jacqueline Chossaroux, âgée de 81 ans, a fait parvenir à la société Isogard (successeur de la société CRPI pour laquelle Laurent X avait travaillé) un courrier en date du 29 juin 2004 dans lequel elle a manifesté son souhait de mettre fin au contrat d'entretien conclu en 1986 pour du matériel incendie ; que dès le 31 août 2004, date de la fin du contrat précédent, elle est démarchée par Laurent X au titre de la société Sécurité 3 I pour souscrire un nouveau contrat portant sur le même type de matériel ; que le même jour ce dernier a fait souscrire un autre contrat portant sur du matériel de surveillance pour un montant de 3 669,53 euros alors que la partie civile a indiqué lors de son audition par le juge d'instruction qu'elle possédait déjà une centrale d'alarme à son domicile ; que les deux contrats ont été signés par la seule partie civile, que son époux Romuald Chossaroux, âgé de 84 ans, n'intervenait pas ; qu'il résulte du certificat médical du 24 mars 2005 du docteur Bereni que cet homme a été très malade en octobre 2004 du fait d'une complication pulmonaire embolique et qu'en novembre 2005, il a présenté des signes cliniques compatibles avec une maladie d'Alzheimer débutante, caractérisant ainsi une personne déjà très fragile sur le plan physique et psychique en août et septembre 2004, laissant seule Jacqueline Chossaroux pour faire face au quotidien du couple ;
Attendu qu'il est constant que si l'état de faiblesse ne peut pas résulter du seul âge de la victime, la cour doit tenir compte des circonstances dans lesquelles la partie civile a été amenée à contracter ; qu'il résulte des éléments exposés que manifestement Laurent X a profité du fait que Jacqueline Chossaroux devait seule assurer la gestion au quotidien du couple, avec un époux physiquement affaibli et une fille malade, au cours du mois d'octobre 204 ; que la partie civile s'est trouvée ainsi dans un état de contrainte qui ne lui permettait plus d'apprécier la portée des engagements qu'elle avait pris et de déceler les artifices déployés pour la convaincre de contracter pour du matériel d'incendie, de télésurveillance et de téléasssitance (renouvelant un contrat achat et d'entretien de matériel incendie qu'elle venait de rompre, achetant un système de surveillance alors qu'elle en bénéficiait déjà et dont l'utilité parait obscure pour un village du type de Thibervile et un système de téléalarme pour son époux alors qu'il n'est pas seul) ; qu'au surplus il résulte de la procédure le fait que la mise en œuvre de la demande d'abonnement téléalarme Santé Service n'a été opérationnelle que le 9 décembre 2004, à la suite de l'intervention d'André Picton auprès de Santé Service et non pas du fait de celle de la société PAP 3 comme elle semble l'indiquer dans son courrier du 11 décembre 2004 ; que d'ailleurs la société Biotel a cessé toute relation commerciale avec cette dernière compte tenu du non-respect par leur démarcheur d'une certaine déontologie ; qu'en conséquence Laurent X a commis une infraction pénale et qu'il convient de statuer sur la demande en réparation de la partie civile ;
Attendu que selon les dispositions de l'article 223-15-2 du Code pénal constitue une infraction, l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, est apparente ou connue de son auteur, pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ;
Attendu qu'il résulte de la procédure que la signature le 19 octobre 2004 d'un compromis de venet entre époux Chossaroux et les époux X devant notaire, d'un appartement de 24 m2 situé à Cabourg pour la somme de 27 441 euros se situe dans une période où Jacqueline Chossaroux était particulièrement vulnérable en raison de son âge et de son état psychologique, caractérisé par le certificat médical précité ; que la valeur du bien cédé a été manifestement sous-évaluée par la seule agence immobilière contactée par l'acheteur ; que la production des autres évaluations par la partie civile ainsi que les investigations menées par la gendarmerie attestent que la valeur de ce bien se situait dans une moyenne basse de 40 000 euros ; que le prévenu ne pouvait ignorer cet état de faiblesse, ayant auparavant fait contracter des commandes inutiles dans le cadre d'un démarchage à domicile auprès de personnes qu'il connaissait depuis de nombreuses années ; que cette vente n'a pas pu être réalisée uniquement par l'intervention d'André Picton, alerté par Jacqueline Chossaroux qui avait émis des doutes sur la valeur de vente de son appartement ; qu'ainsi Laurent X a commis une infraction pénale et qu'il convient de statuer sur la demande en réparation de la partie civile ;
Sur l'action civile ;
Attendu que la partie civile sollicite au titre de son préjudice matériel la somme de 10 000 euros ; qu'au vu des pièces versées à la procédure à savoir le quatre commandes litigieuses au titre du démarchage à domicile d'un montant respectif de 715,63 euros, de 3 669,53 euros, de 404,01 euros et de 1 686,95 euros, il y a lieu de condamner Laurent X à verser à celle-ci la somme de 6 476,12 euros au titre de son préjudice matériel, qu'il y a lieu de la débouter pour le surplus, la partie civile ne justifiant pas avoir versé la somme de 2 744,10 euros dû au titre de l'indemnisation forfaitaire dans le cadre de la sommation interpellative pour la réitération du compromis de vente ;
Attendu que la partie civile sollicite au titre de son préjudice matériel la somme de 10 000 euros ; qu'au vu des circonstances de la commission des infractions pénales reprochées au prévenu et à l'âge de Jacqueline Chossaroux au moment de l'abus de faiblesse, il y a lieu de condamner Laurent X à verser à celle-ci la somme de 3 500 euros à ce titre et de débouter la partie civile pour le surplus ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les frais non compris dans les dépens ; qu'il convient de condamner Laurent X à verser sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 2 000 euros à la partie civile et de la débouter pour le surplus ;
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, en la forme : Reçoit l'appel de la partie civile ; Statuant à nouveau ; Reçoit la constitution de partie civile de Jacqueline Chossaroux et la déclare recevable ; Déclare Laurent X entièrement responsable du préjudice subi par la partie civile ; Condamne Laurent X à payer à la partie civile la somme de 6 476,12 euros au titre de son préjudice matériel, la somme de 3 500 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.