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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 5 avril 2013, n° 11-04579

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ticket Caisse Partners (SARL)

Défendeur :

Moreau (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin-Pigalle

Conseillers :

Mmes Contal, Salducci

Avocats :

SCP Tapon Michot, SCP Gallet Allerit, SCP Boisseau Roudet Leroy, Me Haas

T. com. Saintes, du 15 sept. 2011

15 septembre 2011

Faits et procédure :

Par contrat du 17 décembre 2009, l'EURL Moreau, exerçant sous l'enseigne Soliane Optique, et la SARL Ticket Caisse Partners ont conclu un ordre de publicité portant sur l'insertion d'une publicité sur l'envers des tickets de caisse des deux magasins Leclerc de Saintes pour une durée de douze mois, soit de février 2010 à février 2011, et moyennant le prix de 7 176 euro.

Conformément aux stipulations contractuelles, l'EURL Moreau s'est acquittée d'un acompte de 20 % lors de la commande, puis a mis en place un virement mensuel de 577,60 euro sur dix mois.

Faisant valoir qu'à la date du 15 juin 2010, alors qu'elle avait versé à la SARL Ticket Caisse Partners une somme de 3 710,40 euro, la campagne publicitaire n'avait toujours pas démarré, l'EURL Moreau a cessé ses virements mensuels et a notifié à la SARL Ticket Caisse Partners sa volonté de résilier le contrat de publicité.

Estimant au contraire que le contrat devait s'exécuter, la SARL Ticket Caisse Partners a déposé une requête en injonction de payer devant le tribunal de commerce de Saintes et par ordonnance du 20 septembre 2010, le président de cette juridiction a enjoint l'EURL Moreau d'avoir à payer à la demanderesse la somme principale de 3 465 euro au titre des mensualités restant dues, outre diverses indemnités, intérêts et dépens.

L'EURL Moreau a régulièrement fait opposition à cette ordonnance et par jugement du 15 septembre 2011, le tribunal de commerce de Saintes a prononcé la résolution du contrat du 17 décembre 2009 et a condamné la SARL Ticket Caisse Partners, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à restituer à l'EURL Moreau la somme de 3 710,40 euro et à lui payer la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La Cour :

Vu l'appel interjeté par la SARL Ticket Caisse Partners le 21 octobre 2011,

Vu les dernières conclusions déposées par l'appelante le 9 janvier 2012, suivant lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, elle réclame les sommes de 3.465,60 euro en principal, 519,84 euro au titre de la clause pénale, 233,28 au titre des frais bancaires, 800 euro à titre de dommages et intérêts, outre 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle fait valoir que les délais prévus pour mettre en œuvre la campagne publicitaire n'étaient pas impératifs, que l'EURL Moreau a accepté la clause permettant de différer le lancement de la campagne, qu'elle a été informée du report par un courrier du 18 mars 2010, et qu'elle n'avait en conséquence aucun motif valable pour suspendre ses paiements mensuels, de sorte que l'intégralité des sommes dues doivent être payées en application des clauses contractuelles.

Vu les dernières écritures de l'intimée déposées le 8 mars 2012 aux termes desquelles elle conclut à la confirmation du jugement et réclame 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle soutient que la SARL Ticket Caisse Partners interprète la clause de variation de manière extensive puisque la campagne publicitaire, qui devait débuter en février, n'avait toujours pas démarré au mois de juin, ce qui équivaut à une inexécution de ses obligations contractuelles, justifiant la suspension des paiements.

Motifs et décision :

Il ressort en l'espèce des stipulations contractuelles que les parties se sont accordées pour la mise en œuvre d'une campagne publicitaire d'une durée de 12 mois, soit trois campagnes de quatre mois devant s'exécuter entre le mois de février 2010 et le mois de février 2011.

L'article 12 des conditions générales du contrat prévoyant que la date de lancement de la promotion et sa durée peuvent être soumises à variation, la SARL Ticket Caisse Partners, qui ne conteste pas qu'au 1er juin 2010, aucun ticket comportant la publicité souhaitée n'avait été mis en circulation dans l'un des deux supermarchés visés par la campagne (le Centre Leclerc Abbaye), soutient que le retard n'est pas abusif et entre dans le cadre des prévisions contractuelles.

Quant au second supermarché, il ressort du constat d'huissier réalisé à la demande de l'EURL Moreau qu'à la date du 18 mai 2010, le ticket de caisse produit par le Centre Leclerc Parc Atlantiquene comportait pas davantage de publicité au dos dudit ticket.

C'est dans ces conditions que l'EURL Moreau, exerçant sous l'enseigne Soliane Optique, a fait connaître à la SARL Ticket Caisse Partners par courrier du 15 juin 2010 qu'elle n'entendait pas donner suite à "la publicité sur tickets de caisse qui devait avoir lieu de février 2010 à février 2011", et a suspendu ses paiements à compter du mois de juin.

Or bien qu'ayant accepté de souscrire les conditions du contrat prévoyant notamment une possibilité de report du début de la campagne et de sa durée, l'EURL Moreau a, sans avoir préalablement averti ou mis en demeure la SARL Ticket Caisse Partners d'avoir à exécuter ses obligations, suspendu ses propres obligations de paiement, sans fournir le moindre motif dans son courrier de résiliation du 15 juin 2010.

Dans ces conditions, quand bien même la SARL Ticket Caisse Partners n'a manifestement pas débuté la campagne publicitaire avant la lettre de résiliation du 15 juin 2010, il doit être considéré que l'EURL Moreau ne démontre pas en quoi la non exécution de la campagne au 15 juin juin présente un caractère fautif dès lors qu'elle s'est elle-même engagée à accepter la possibilité d'un différé, qu'elle n'a à aucun moment sollicité sa co-contractante pour l'interroger sur les raisons du report et ne lui a pas signifié son souhait de voir mettre en œuvre la campagne plus rapidement. Ainsi que la SARL Ticket Caisse Partners le fait observer dans son courriel du 15 juin 2010 faisant état du rejet du prélèvement du mois de juin, "tout sujet de contestation peut être exprimé par d'autres moyens que la suspension de vos paiements" ; or force est de constater que l'EURL Moreau s'est abstenue de rechercher toute explication avant de mettre fin à ses paiements mensuels.

Par ailleurs, L'EURL Moreau ne peut davantage reprocher à la SARL Ticket Caisse Partners de ne pas avoir effectué de publicité après le 15 juin 2010, date à laquelle elle lui avait en tout état de cause signifié sa volonté de ne plus poursuivre les relations contractuelles.

La faute alléguée n'étant pas caractérisée, l'EURL Moreau n'était pas fondée à suspendre son obligation de paiement, si bien qu'en application des articles 17 et 18 des conditions générales de vente, tout impayé rend exigible la globalité du montant total du contrat, l'article 3 stipulant par ailleurs qu'il n'est pas accepté d'annulation une fois l'ordre de publicité signé, sauf cas de force majeure.

Dans ces conditions, l'appel interjeté par la SARL Ticket Caisse Partners est bien fondé, et le jugement sera réformé en toutes ses dispositions. Il sera en conséquence fait droit à la demande en paiement de la somme restant due en principal soit 3 465,60 euro, outre 519,84 euro au titre de la clause pénale.

Les intérêts de retard applicables à la somme de 3 465,60 euro sont, aux termes du contrat, d'une fois et demi le taux d'intérêt légal.

Toutefois, l'article L. 441-6 du Code de Commerce, dont l'appelante sollicite l'application, prévoit que les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire, qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.

En l'espèce, le contrat n'ayant pas fait référence au taux appliqué par la Banque centrale européenne puisqu'il était expressément prévu un taux de une fois et demi le taux légal, la SARL Ticket Caisse Partners n'est pas fondée à réclamer la majoration prévue par cette disposition. Toutefois le texte prévoit que le taux d'intérêt ne peut être inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal. Dans ces conditions, la somme de 3 465,60 euro produira intérêt à un taux trois fois supérieur au taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure du 19 juillet 2010.

Enfin, la demande en paiement de la somme de 233,28 euro au titre des frais bancaires n'étant pas justifiée par la production du relevé bancaire correspondant, elle sera rejetée, ainsi que la demande en paiement de la somme de 800 euro réclamée à titre de dommages et intérêts, à partir du moment où la clause pénale permet de réparer suffisamment le préjudice causé par l'inexécution des obligations contractuelles, et qu'aucun préjudice distinct n'est par ailleurs démontré.

Par ces motifs La COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur appel en matière civile et en dernier ressort, Reforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Condamne l'EURL Moreau à payer à la SARL Ticket Caisse Partners les sommes de 3 465,60 euro au titre du contrat de publicité et de 519,84 euro au titre de la clause pénale, Dit que la somme de 3 465,60 euro produira intérêt à un taux trois fois supérieur au taux d'intérêt légal, à compter du 19 juillet 2010, Rejette toute plus ample demande, Condamne l'EURL Moreau à payer à la SARL Ticket Caisse Partners la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne l'EURL Moreau aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SCP Tapon-Michot, pour ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.