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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 11 septembre 2007, n° 06-01522

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Monsieur le Procureur Général

Défendeur :

Gueydon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fournier

Conseillers :

Mmes Bourgeois, Vilde

Avocat :

Me Guieu

T. corr. Grenoble, du 27 mars 2006

27 mars 2006

LE JUGEMENT :

Philippe Gueydon est poursuivi pour avoir à Trégueux et Voiron, courant septembre et octobre 2004, trompé sur les qualités substantielles d'une marchandise vendue, en l'espèce en mettant en vente des jouets non conformes et dangereux, sans s'être suffisamment assuré de leur conformité à la réglementation,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

le tribunal correctionnel, par jugement contradictoire, l'a relaxé.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

La cause appelée à l'audience publique du 12 juin 2007,

Madame Marie-Josèphe Bourgeois, Conseiller a fait le rapport et le Président a interrogé le prévenu qui a fourni ses réponses,

Monsieur Meffre, Substitut Général, a résumé l'affaire et a été entendu en ses réquisitions,

Philippe Gueydon a été entendu en ses moyens de défense,

Maître Guieu Philippe, avocat, a déposé des conclusions et les a développées dans sa plaidoirie, pour la défense de Philippe Gueydon,

Philippe Gueydon a eu la parole en dernier,

Sur quoi la cour a mis l'affaire en délibéré, après en avoir avisé les parties présentes, elle a renvoyé le prononcé de son arrêt à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats les faits suivants :

Le 22 septembre 2004, des agents habilités de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF) des Côtes d'Armor effectuaient un contrôle dans le magasin de jouets King Jouet à Trégueux. Ils prélevaient trois échantillons de jouets en bois peints dont l'analyse dans le laboratoire interrégional de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes (URE) à Marseille révélait qu'ils étaient non formes à la réglementation et dangereux pour la santé, exposant les enfants à un risque d'intoxication, en ce qu'ils présentaient une teneur en chrome et en plomb supérieure à la valeur autorisée.

Des saisies d'autres jouets en rayon étaient opérées les 21 octobre et 2 décembre 2004 qui présentaient la même anomalie.

La DGCCRF saisissait le parquet de Saint-Brieuc, préalablement informé de ses diligences, suivant procès-verbal du 11 février 2005, transmis le 22 février 2005.

Les jouets litigieux étaient des circuits de train en bois de 45 ou 89 pièces de la gamme Okoia portant la marque Logitoys, fabriqués en Chine, importés en France par la société Gueydon à Voiron. SAS dont le PDG est Philippe Gueydon, et revendus aux détaillants King Jouet et Joupi.

Une enquête était diligentée par la DGCCRF dans l'Isère, 11 était constaté, le 25 octobre 2004, que des jouets semblables étaient offerts à la vente dans le magasin King Jouet d'Echirolles.

Entendue le 29 octobre 2004, Sylvie Gallin-Frandaz, responsable des achats en Asie de la société Gueydon indiquait que :

- la SAS Gueydon achetait les jouets de la gamme Okola à la société Logitoys Asia à Hong-Kong, son bureau d'achat en Asie,

- ces jouets étaient fabriqués par différentes firmes chinoises ; le circuit train bois 45 pièces provenait de Huânoyan Honji Arts and Crafts Factory,

- pour leur contrôle de conformité, la société Gueydon procédait par sondage au stade de la production; elle produisait les résultats d'un test effectué par le laboratoire TÜV Rheinaland à Shangaï le 7 juin 2002 concluant à leur conformité.

La société Gueydon faisait immédiatement suspendre la vente des jouets litigieux et les faisait analyser par le laboratoire Pourquery à Lyon qui concluait, provisoirement le 9 novembre2004 et définitivement le 15 novembre 2005, au caractère non conforme des trains en bois 45 et 89 pièces et du coffret trois encastrements dc la marque Okoia, au regard de la norme NF EN 71-3 relative à la migration de certains éléments qui fixe la limite de la teneur en plomb et en chrome. Sur quoi la société Gueydon faisait retirer ces jouets de la vente et rappelait ceux vendus.

Elle produisait des résultats d'analyses du laboratoire TÜV Rheinaland à Shangaï en date du 26 avril 2004 concluant à la conformité du jouet coffret trois puzzles à la norme EN 71-3.

Attendu que sur les poursuites exercées à raison de ces faits, le Tribunal de grande instance de Grenoble a statué par jugement contradictoire, dans les termes ci-dessus reproduits, par le jugement prononcé le 22 mars 2006 dont il a été régulièrement relevé appel par le procureur de la République;

Attendu que le ministère public requiert l'infirmation du jugement déféré et la condamnation du prévenu ;

Attendu que, par conclusions déposées à l'audience, le prévenu conclut à sa relaxe; qu'il allègue l'absence d'élément matériel de l'infraction au sens de l'article L. 213-1 du Code de la consommation et d'élément moral, en l'état du respect des normes européennes issues de la directive 88/378 CEE portant sur la sécurité des jouets et le marquage CE transposée dans le droit français par le décret du 15 septembre 1989 et, subsidiairement, de la force majeure constituée par le changement inopiné de peinture par le fabricant chinois après les contrôles de conformité effectués ;

MOTIFS :

Attendu que l'article L. 212-1 du Code de la consommation dispose que :

"Dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs.

Le responsable de la première mise sur le marché d'un produit est donc tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur.

A la demande des agents habilités... il est tenu de justifier les vérifications et contrôles effectués".

Que ces dispositions sont sanctionnées par l'article L. 213-1 du même Code qui réprime le fait de tromper son cocontractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, sur, notamment, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;

Qu'il s'infère de ces textes, d'une part, que l'élément matériel de l'infraction est constitué par la mise sur le marché d'un produit non conforme à la réglementation qui en fixe la composition, d'autre part, que l'élément intentionnel se déduit de l'absence des vérifications nécessaires par le professionnel responsable de la première mise sur le marché ;

Attendu, en l'espèce, s'agissant de l'élément matériel, qu'il est établi par l'enquête de la DGCCRF et reconnu par le prévenu, que la société Gueydon a importé de Chine et mis sur le marché des jouets en bois, circuits train 45 pièces et 89 pièces et coffret de 3 encastrements (ou puzzles) référencés respectivement HJD 93664, HJD 93662 et Eu) 93576 suivant la facture de Logitoys Asia du 11 septembre 2004, non conformes au regard de la norme NF EN 71 -3, dont le caractère obligatoire n'est pas contesté, en raison de leur teneur excessive en plomb et en chrome, les rendant dangereux pour la santé des enfants utilisateurs ;

Qu'il s'ensuit que l'élément matériel de l'infraction est constitué ;

Attendu sur l'élément intentionnel, que suivant les déclarations de Sylvie Gallin-Frandaz, la société Gueydon procédait de façon générale à un contrôle de conformité de certains jouets à risque, par sondage, au stage de la production, trois échantillons prélevés à cette fin étant confiés pour analyse au laboratoire agréé d'origine allemande, TUV Rheinaland à Shangaï et, pour un nouveau test, concernant les exigences essentielles de conformité aux normes NF EN 71-1-2 et 3, au laboratoire agréé français Pourquery à Hong-Kong ;

Que, s'agissant des jouets incriminés, importés de Chine et mis sur le marché en septembre 2004, la société Gueydon a communiqué à la DGCCRF un résultat de test satisfaisant émanant du laboratoire TÜV Rheinaland à Shangaï réalisé les 3 et 5 juin 2002, portant sur un train en bois ("wonden train set"), fabriqué par Hon, correspondant à la référence HJD 93664, ainsi qu'une attestation de contrôle K 06014 du laboratoire Pourquery à Hong-Kong, datée du 10 juin 2004, indiquant la non-conformité à la norme NF EN 71-3 de la peinture brune d'une pièce en bois soumise à son analyse ;

Que le test du laboratoire TÜV Rheinaland à Shangaï réalisé en avril et mai 2004, produit par le prévenu, ne concerne, parmi les jouets visés, que la référence HJD 93576 correspondant au coffret de 3 encastrements fou puzzles);

Que, par ces éléments, relativement anciens ou parcellaires, le prévenu, importateur professionnel, ne justifie pas de l'exécution de l'obligation qui lui incombait de faire procéder aux contrôles de conformité nécessaires de l'ensemble des jouets incriminés au moment de leur première mise sur le marché, en septembre 2004.

Que l'élément intentionnel de l'infraction est ainsi établi ;

Attendu que le changement de peinture par le fabricant, après le contrôle de conformité et à l'insu de l'importateur, ne saurait constituer pour ce dernier un élément justificatif de l'infraction, étant observé que l'exigence réglementaire d'un contrôle à la date de la mise sur le marché tend précisément à prévenir un tel avatar ;

Qu'en conséquence, le jugement sera infirmé et Philippe Gueydon, dirigeant de la société Gueydon, sera déclaré coupable du délit qui lui est reproché ;

Attendu, s'agissant de la peine, qu'il convient de prendre en considération l'attitude coopérative de la société Gueydon dans l'enquête ainsi que sa réaction adaptée consistant à faire retirer rapidement de la vente puis à rappeler les jouets non conformes ;

que le prévenu sera condamné à 15 000 € d'amende dont 10 000 € avec sursis ;

Par ces motifs : La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirmant le jugement déféré, déclare le prévenu coupable de l'infraction qui lui est reprochée, En répression, le condamne à 15.000 € d'amende dont 10.000 € avec sursis, Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 alinéa 2 du Code pénal a été donné au prévenu dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt n été rendu, Constate que l'avertissement prévu à l'article 707-3 du Code de procédure pénale sur le paiement des amendes sans sursis a été donné au condamné dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt a été rendu, Dit le condamné tenu au paiement du droit fixe de procédure, Le tout par application des dispositions des articles susvisés,