CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 23 mai 2014, n° 13-09772
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gaillard Rondino (SA)
Défendeur :
Solosar (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes De Maria, Liens, Lallement, Albert, Coumes
La société Gaillard Rondino immatriculée au registre du commerce le 6 août 1994 est spécialisée dans la réalisation de mobiliers urbains en bois, notamment d'équipements pour la voirie tels des séparateurs de voie.
Elle est titulaire d'un modèle français de séparateur de voie en bois n° 011592, déposé le 8 mars 2001 et publié le 17 août 2001et se prévaut de droits d'auteur sur les séparateurs de voie qu'elle commercialise sous les références 638 164, 666 036 et 638 160.
Ayant découvert que la société Solosar, qui a pour activité depuis 1978 la commercialisation de séparateurs modulaires de voie de circulation, fabriquait et commercialisait un séparateur de voie reproduisant les caractéristiques de son modèle et de ses séparateurs de voie, la société Gaillard Rondino, après l'envoi le 6 avril 2010 d'une mise en demeure, a fait dresser un procès-verbal de constat le 26 avril 2011.
Autorisée par ordonnance sur requête rendue le 11 mai 2011 par le Président du Tribunal de grande instance de Nancy, la société Gaillard Rondino a ensuite fait procéder le 9 juin 2011 à une saisie- contrefaçon dans les locaux de la société Solosar situé à Sarreguemines (57).
C'est dans ces conditions que la société Gaillard Rondino a fait assigner selon acte du 6 juillet 2011 société Solosar devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur, de dessins et modèles ainsi qu'en concurrence déloyale.
Par jugement en date du 28 mars 2013, le Tribunal de Grande Instance de Paris (3ème chambre 1ère section) a :
- rejeté la demande de la société Gaillard Rondino de voir écarter les pièces n° 1 et 2 de la société Solosar ;
- déclarer la société Gaillard Rondino irrecevable à agir en contrefaçon de droits au titre du dessin et modèle n° 01 1592 déposé le 8 mars 2001 et publié le l7 août 2001 ;
- déclaré la société Gaillard Rondino irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur les séparateurs de voies référencés 666 036 et 638 164 ;
- débouté la société Gaillard Rondino au titre de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ;
- débouté la société Solosar de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et pour atteinte à son image ;
- débouté la société Solosar de sa demande de publication judiciaire ;
- condamné la société Gaillard Rondino à verser à la société Solosar la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;
- condamné la société Gaillard Rondino aux dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 février 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Gaillard Rondino demande à la cour, au visa des livres I et V du Code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du Code civil :
- d'infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 28 mars 2013 en ce qu'il :
a déclaré que l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 était applicable au modèle n° 0111592 déposé le 8 mars 2001, est irrecevable à agir en contrefaçon de droits au titre du modèle n° 0111592 déposé le 8 mars 2001,
a déclaré la société irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur les séparateurs de voie référencés sous les n° 638 164 et 666 036, et l'a déboutée de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire,
- de dire et juger qu'elle est titulaire de droits valables sur le modèle n° 0111592 et que la société Solosar s'est rendue coupable de contrefaçon de ses droits sur ce modèle en commercialisant ses séparateurs de voie référencés SN-48 01 10 ;
- de dire et juger qu'elle est titulaire de droits d'auteur valables sur les séparateurs de voie référencés sous les n° 638 164 et 666 036 et que la société Solosar s'est rendue coupable de contrefaçon de ses droits d'auteur en commercialisant ses séparateurs de voie référencés SN-48 01 10 ;
à titre subsidiaire,
- de dire et juger que la commercialisation par la société Solosar des séparateurs de voie référencés SN-48 01 10 constitue un acte de concurrence déloyale ;
- de dire et juger que la société Solosar s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en reproduisant cinq produits de sa gamme et de parasitisme en profitant de sa notoriété et de ses investissements pour la création et la commercialisation de ces produits ;
- de condamner la société Solosar à lui verser la somme de 205 032 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice commercial subi du fait de la commercialisation des séparateurs de voie SN-48 01 10 ;
- condamner la société Solosar à lui verser la somme de 200 000 euros de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;
- d'interdire à la société Solosar de fabriquer, offrir à la vente, commercialiser directement ou indirectement les séparateurs de voie référencés SN-48 01 10 ou tout séparateur identique ou similaire à ceux protégés par elle, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée et de 500 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- d'interdire à la société Solosar de fabriquer, offrir à la vente, commercialiser directement ou indirectement des extrémités pour séparateurs (SN-48 02 10), séparateurs avec banc (SN-48 02 10), séparateurs avec jardinière, et garde-corps (SN-S103) identiques ou similaires à ceux commercialisés par elle, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée et de 500 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
-d'ordonner la destruction par la société Solosar des stocks de séparateurs de voie référencés SN-48 01 10" et de tout support commercial imprimé par elle ou mis en ligne sur son site Internet portant la reproduction de ces séparateurs, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- d'ordonner la destruction par la société Solosar des stocks d'extrémités pour séparateurs (SN-48 02 10), séparateurs avec banc (SN-48 02 10), séparateurs avec jardinière, et garde-corps (SN-S103) et de tout support commercial imprimé par elle ou mis en ligne sur son site Internet portant la reproduction de ces produits, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- d'ordonner la publication de la décision à intervenir sur le site Internet de la société Solosar, ainsi que dans 5 journaux ou revues de son choix et aux frais de la société Solosar, le coût global de ces publications ne pouvant excéder la somme de 20 000 euros HT ;
- de condamner la société Solosar à lui verser à la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner la société Solosar aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 janvier 2014, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société Solosar entend voir :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS le 28 mars 2013, au besoin par substitution de motifs, en ce qu'il :
a déclaré que faute d'établir le caractère propre du modèle n° 01 1592, la société Gaillard Rondino est irrecevable à agir au titre du dessin et modèle précité ;
a déclaré la société Gaillard Rondino irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur les séparateurs de voie référencés n° 638 164 (modèle n° 01 1592) et n° 666 036, et déclaré que la société Gaillard Rondino ne peut rechercher sa responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale ;
- d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 28 mars 2013 en ce qu'il a considéré que le caractère nouveau du modèle n° 01 1592 de la société Gaillard Rondino était établi et a l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles En conséquence et en statuant à nouveau,
A titre principal,
- de dire et juger que la société Gaillard Rondino ne détient aucun droit sur les modèles de séparateurs de voie n° 638 160, 638 164 et 666 036, que ce soit au titre de la législation sur les dessins et modèles ou au titre de la législation sur les droits d'auteur ;
A titre subsidiaire,
- de dire et juger qu'aucun acte de contrefaçon ne peut lui être imputé , y compris concernant le séparateur de voie n° 638 160 ;
- de dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut lui être imputé, y compris concernant le séparateur de voie n° 638 160 ;
A titre très subsidiaire,
- de dire et juger que le préjudice allégué par la société Gaillard Rondino n'est pas justifié ;
En tout état de cause,
- de débouter la société Gaillard Rondino de l'intégralité de ses demandes ;
- de condamner la société Gaillard Rondino à lui verser une somme de 50 000 euros au titre de l'atteinte à l'image subie par cette dernière ;
- de condamner la société Gaillard Rondino à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile et de l'article 1382 du Code civil ;
- de se voir autoriser à faire procéder à la publication du jugement à intervenir (sic) dans 5 journaux ou revues de son choix aux frais de la société Gaillard Rondino, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 20 000 euros HT, ;
- de condamner la Société Gaillard Rondino à lui verser une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner la société Gaillard Rondino aux frais et dépens qui seront recouvrés par son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2014.
Sur ce, La Cour
Sur le modèle n° 011592
Considérant qu'il a été dit que la société Gaillard Rondino a déposé le 8 mars 2001 un modèle français de séparateur de voie en bois enregistré sous le n° 01 1592, et publié le 17 août 2001 ;
Qu'elle n'agit sur le fondement des modèles déposés qu'en vertu de ce titre de sorte que les arguments et demandes de la société Solosar tendant à voir titre que l'appelante "induit la cour en erreur en produisant des pièces qui semblent être des dessins et modèles alors qu'ils ne font l'objet d'aucune protection en tant que tels" sont inopérantes ; qu'en tout état de cause la demande de rejet de ces pièces n'est pas reprise dans le dispositif des dernières écritures de la société intimée de sorte qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile la cour n'est pas tenue d'y répondre ;
Que le modèle en cause a donc été déposé avant le 30 juillet 2001, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance 2001-670 du 25 juillet 2001, et publié après cette date ;
Que la validité du droit attaché au modèle doit toutefois s'apprécier à la date à laquelle est né ce droit soit à la date du dépôt, ce que les partie s'accordent à considérer, la loi nouvelle ne régissant que les faits de contrefaçon commis après son entrée en vigueur ;
Que le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré que l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 était applicable au modèle n° 0111592 déposé le 8 mars 2001 ;
Considérant que la société Gaillard Rondino qui se prévaut de la représentation 1-1 du modèle dont elle est propriétaire, décrit ainsi celui-ci :
- "le socle de la structure principale est composé d'un empilement de deux rondins horizontaux,
- la partie supérieure est quant à elle composée de deux demi-rondins de bois reliés par une planche positionnée horizontalement entre les demi-rondins,
- les deux parties sont séparées par trois poteaux de forme carrée placés verticalement et par une paire de deux poteaux de forme carrée placés en croix (croisillons),
- des bouchons viennent recouvrir la visserie apparente" ;
Qu'elle poursuit l'infirmation du jugement qui l'a déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de droits au titre du modèle n° 01 1592 faute pour elle d'établir le caractère propre de celui-ci, et soutient que la société intimée n'est pas recevable à contester la titularité de ses droits sur le modèle enregistré et qu'en tout état de cause l'attestation qu'elle produit à cet effet est mensongère ou à tout le moins dénuée de toute force probante, que le modèle n° 011592 répond à la condition de nouveauté, la société Solosar ne produisant aucune antériorité pertinente, l'auto-divulgation, qu'elle ne conteste pas, ne détruisant pas la nouveauté en application de la loi ancienne et aucun tiers ne l'ayant divulgué à sa place, et enfin que ledit modèle présente également un caractère propre ;
Que l'intimée conteste en effet le caractère nouveau du modèle n° 011592, et non pas la recevabilité à agir de la société Gaillard Rondino, ainsi que son caractère propre, pour conclure, non pas à la nullité dudit modèle, mais au rejet de l'intégralité des demandes que forme l'appelante à son encontre ;
Considérant ceci exposé que selon l'ancien article L. 511-3 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, "les dispositions du livre V sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle" ;
Sur la nouveauté
Considérant en l'espèce, que pour contester la nouveauté du modèle n° 011592 et conclure à l'infirmation du jugement de ce chef, la société Solosar se prévaut d'une attestation de Monsieur Nicolas Chapuis, d'un plan dessiné par cette personne, d'une commande de la mairie de Saint Bon Courchevel du 1 er octobre 1999 et d'un courrier du 26 novembre 2004 produit par l'appelante elle-même, pour soutenir que cette dernière n'est pas 'le créateur du modèle revendiqué" ; qu'elle ajoute que le modèle en cause n'a pas été divulgué par la société Gaillard Rondino mais par un tiers, la société Gallien Bois Impregnes qui a vendu le produit à la mairie de Courchevel en octobre 1999 ;
Que s'agissant du caractère propre, elle fait valoir que seule la partie centrale des séparateurs de voie présente un caractère "purement" esthétique et indique commercialiser un modèle Vario-Guard depuis le début des années 1980 qui présente les mêmes fonctions techniques que le modèle 011592 ; qu'elle ajoute qu'elle produit, comme en première instance, des documents commerciaux émanant d'autres sociétés (Tertu, Nature Bois, Canjaere, Avenir Bois, Sotrabois ou Bernard Bois) "vendant également des séparateurs de voie en bois" ;
Considérant ceci exposé que Monsieur Nicolas Chapuis indique dans son attestation dactylographiée du 14 septembre 2011 (pièce Solosar n° 1), laquelle ne remplit pas les conditions posées par l'article 202 du Code procédure civile, puisqu'elle ne contient ni les mentions obligatoires prévues par cet article, ni la copie d'un justificatif permettant de vérifier l'identité du signataire, que :
"En cette qualité (Directeur des services techniques de la commune de Courchevel Saint-Bon (73120) de janvier 1998 à mai 2005, j'ai créé en juin 1998 le séparateur de voirie conformément aux plans ci-joints de ma propre initiative, à la demande du Conseil Municipal en poste.
Le but était de remplacer les blocs béton installés dans la commune pour canaliser le stationnement sauvage sur la voirie, le choix d'un produit bois répondant à des exigences d'esthétique. J'ai rencontré le représentant de la société Gaillard-Rondino (M. Pastore) afin de développer le produit que j'avais imaginé. En septembre 1998, j'ai passé une première commande à la société
Gaillard-Rondino (')"
Que force est de constater toutefois :
- qu'aucun plan n'est joint à cette attestation mais que la société Solosar a produit en pièce n° 2 un "plan dessiné par Monsieur Chapuis" censé correspondre aux "plans ci-joints" annoncé dans par Monsieur Chapuis dans son attestation qui est cependant établi sur une feuille volante ne comportant ni date, ni signature, ni référence, ni aucun élément d'identification autre que la mention "Séparateur en 4 rondins '' 180 (....) 250 kg" ;
- que Monsieur Chapuis indique avoir créé le séparateur "de (sa) propre initiative", mais en même temps "à la demande du Conseil Municipal", tout en ayant rencontré le représentant de Gaillard-Rondino "afin de développer le produit qu' (il) avait imaginé";
- que surtout, il indique avoir créé le séparateur en juin 1998 et avoir passé une première commande à la société Gaillard-Rondino en septembre 1998 alors que Monsieur Michel Pastore indique quant à lui, dans une attestation du 10 octobre 2012 produite également par la société Solosar, avoir rencontré Monsieur Chapuis au début de l'été 1999 et que la mairie de Courchevel a passé sa première commande à Gaillard-Rondino à l'automne 1999 ;
Que l'erreur de plume commise par Monsieur Chapuis qu'allègue l'intimée du fait de l'ancienneté des faits, ôte ainsi toute crédibilité à l'attestation de Monsieur Chapuis qui est au surplus est contredite par la lettre de la mairie de Courchevel du 1er octobre 1999 qui est accompagnée du même croquis que celui censé avoir été créé par Monsieur Chapuis comportant cette fois la date de la télécopie du 1er octobre 1999, ainsi que par une lettre de la mairie de Courchevel du 26 novembre 2004, laquelle indique à propos des séparateurs de voie, et certes dans des termes impropres , que "Gaillard -Rondino a autorisé la commune à utiliser le descriptif technique du modèle" ;
Considérant dès lors que l'attestation de Monsieur Chapuis de par sa forme et sa teneur ne saurait donc détruire la nouveauté du modèle opposé ;
Considérant par ailleurs que selon l'article L. 511-6 ancien du Code de la propriété intellectuelle "la publicité donnée à un dessin ou modèle, antérieurement à son dépôt par une mise en vente ou par tout autre moyen, n'entraîne la déchéance ni du droit de propriété ni de la protection spéciale accordée par le présent livre" ;
Qu'en l'espèce, si le devis du 30 septembre 1999, qui a été suivi de la commande du 1er octobre 1999, a été adressé à la Mairie de Courchevel par la société Gallien Bois Impregnes, l'appelante communique la commande du séparateur pour ladite mairie que lui a passée la Gallien Bois Impregnes le 1er octobre 1999 ainsi que la facture correspondante émise par elle le 22 octobre 1999 pour paiement de la somme correspondante par Gallien Bois Impregnes, les deux documents mentionnant d'ailleurs les noms de Michel Pastore, salarié de la société Gaillard-Rondino et de Monsieur Chapuis, salarié de la mairie ;
Qu'il en résulte que la société Gaillard-Rondino est bien à l'initiative de la divulgation du séparateur de voie en cause par sa commercialisation à la société Gallien Bois Impregnes, qui l'a elle-même revendu à la mairie de Courchevel, et qu'en application des dispositions susvisées la publicité ainsi donnée au modèle est inopérante ;
Que le modèle n° 01 1592 présente donc un caractère de nouveauté et le jugement sera, par substitution de motifs, confirmé de ce chef ;
Sur le caractère propre
Considérant que pour contester le caractère propre du séparateur de voie n° 01 1592, la société Solosar oppose son produit dénommé Vario-Guard commercialisé "depuis le début des années 1980 et affirme que l'aspect extérieur des deux produits est directement dicté par leurs fonctions techniques ;
Qu'étant relevé qu'il n'est nullement démontré que le socle, la main-courante et les poteaux verticaux qui relient ces deux éléments et tels que revendiqués, présentent un caractère purement technique, le séparateur de voie objet de l'enregistrement de modèle se différencie du séparateur de voie Vario-Guard par ses effets extérieurs (empilement de deux rondins horizontaux, demi-rondins de bois reliés par une planche, poteaux de forme carrée placés verticalement, poteaux de forme carrée placés en croisillons, et bouchons recouvrant la visserie) lui donnant ainsi une physionomie totalement différente qui lui est propre ;
Qu'enfin, comme la société Solosar l'indique elle-même dans ses dernières écritures, elle ne fait que soutenir que les sociétés Tertu, Nature Bois, Canjaere, Avenir Bois, Sotrabois ou Bernard Bois vendent également des séparateurs de voie en bois sans identifier, examiner ni comparer aucun de ces produits avec le modèle opposé ;
Qu'en tout état de cause et à supposer que lesdits produits soient invoqués comme destructeur du caractère propre du modèle n° 01 1592, le seul document à considérer serait la brochure de la société Tertu de juillet 2001, les autres documents n'ayant de date certaine que celle de leur impression sur Internet, et ladite brochure comporte, en l'état de la copie produite devant la cour, des photographies dont la qualité de permet pas de voir qu'elles montrent des séparateurs de voie et en tous cas l'ensemble des caractéristiques du modèle revendiqué ;
Que dans ces conditions, il y a lieu de dire que le modèle n° 01 1592 présente également un caractère propre et qu'il doit donc être protégé au titre du livre V ancien du Code de la propriété intellectuelle ;
Sur les droits d'auteur
Considérant que les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;
Que selon l'article L. 112-2, 10 du même Code, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit les œuvres des arts appliqués ;
Considérant en l'espèce que la société Gaillard-Rondino revendique des droits d'auteur sur les séparateurs de voie qu'elle commercialise sous les références n° 638 160, n° 638 164 et n° 666 036 ;
Que la référence n° 638 160, qui correspond au modèle n° 01 1592, et la référence n° 638 164 qui en constitue une variante, sont caractérisés par la présence de croisillons (poteaux de forme carrée placés en croix entre les trois poteaux verticaux), alors que la référence 666 036 ne comporte pas de tels croisillons mais présente, tout comme d'ailleurs la référence n° 638 160, un connecteur de jonction ;
Que reprenant au titre du droit d'auteur ses arguments développés dans le cadre du débat sur les dessins et modèles à savoir l'absence de création et de divulgation par la société Gaillard-Rondino du séparateur de voie n° 638160, la société Solosar ajoute que l'appelante n'apporte aucun élément quant à la création du séparateur n° 638 164 et que le séparateur incriminé se distingue du séparateur référencé 666 036 ;
Que ce faisant, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que les créations revendiquées ne révèlent pas, au regard de l'art antérieur, l'empreinte de la personnalité de leur auteur et donc à détruire l'originalité de celles-ci, laquelle réside au demeurant dans la combinaison des éléments qui les caractérisent selon des agencements particuliers, qui confèrent à l'ensemble sa physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;
Considérant que les séparateurs de voie commercialisés par la société Gaillard-Rondino sous les références n° 638 160, n° 638 164 et n° 666 036 doivent donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle et le jugement sera en conséquence également infirmé de ce chef ;
Sur la contrefaçon
Considérant que selon l'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;
Qu'aux termes de l'article L. 122-4 du même Code, "toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite (...) ";
Qu'en l'espèce, il résulte tant du procès-verbal de constat du 26 avril 2011 que des miniatures des produits versées aux débats, que la société Solosar commercialise, sous les références SN- 48 0110, des séparateurs de voie qui reproduisent, dans une combinaison identique, l'ensemble des caractéristiques du modèle n° 01 1592 ci-dessus décrit, les différences relevées par l'intimée, tenant essentiellement à l'absence de croisillons et à l'ajout d'un contreventement simple, c'est à dire d'un seul barreau, au demeurant incliné, au lieu de deux au centre, ainsi que les dimensions qui sont indifférentes puisque non revendiquées, n'affectant pas l'impression d'ensemble qui s'en dégage ;
Que la contrefaçon tant de modèle déposé que de droits d'auteur est donc caractérisée;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant que la société Gaillard-Rondino poursuit la société Solosar en concurrence déloyale et parasitaire tant à titre subsidiaire à l'action en contrefaçon de modèle et de droits d'auteur, qu'à titre principal ;
Que la demande subsidiaire est sans objet ;
Que toutefois la société Gaillard-Rondino incrimine la reprise de sa gamme de produits par la commercialisation de quatre autres produits en bois soit par des séparateurs destinés à être placés aux extrémités ( SN 48 02 10) , des séparateurs de voie avec des bancs SN 48 03 10), des séparateurs présentant des bacs à fleurs et des garde-corps (S103);
Que la société Solosar conteste l'effet de gamme invoqué ;
Or la reprise d'une série d'objets de même nature, qui se rapproche par sa composition de produits concurrents constitue un effet de gamme, qui s'ajoutant aux faits de contrefaçon ci-dessus relevés, ne procède pas de l'exercice de la libre concurrence mais traduit la volonté délibérée de la société intimée d'entretenir la confusion dans l'esprit du public entre les produits en cause et constitue dès lors un acte de concurrence déloyale ;
Considérant par ailleurs que la société Gaillard-Rondino justifie de l'importance de ses investissements tant matériels qu'intellectuels réalisés en 2001 et relatifs aux modèles en cause ; que l'intimée qui ne justifie quant à elle d'aucun élément de nature à établir ses propres efforts de création et de promotion des produits incriminés, a ainsi manifesté sa volonté délibérée de se placer dans le sillage de la société Gaillard-Rondino pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par ses modèles de séparateurs de voie ;
Qu'il suit que cette dernière est bien fondée à invoquer des actes de parasitisme commis à son encontre par la société Solosar ;
Que le jugement qui a rejeté cette demande doit en conséquence être infirmé ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les termes ci-après définis au dispositif ;
Que cette mesure étant suffisante à faire cesser les actes illicites, la demande de destruction qui est en outre sollicitée sera rejetée ;
Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 9 juin 2011 ont révélé que la société Solosar commerciale le séparateur de voie référencé SN 48 01 10 depuis l'année 2008, et qu'elle en avait commercialisé 635 exemplaires au prix unitaire de 197 euros HT ;
Que la société Gaillard-Rondino justifie, notamment par deux attestations de son commissaire aux comptes, commercialiser le séparateur de voie référence 638 164 à un prix public moyen de 278 euros HT avec une marge moyenne réalisée de 176,60 euros HT ;
Que compte tenu de ces éléments qui ne sont contredits par aucun autre probant, il sera alloué à la société appelante la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts à titre de réparation des actes de contrefaçon, le surplus de la demande non justifié étant rejeté ;
Que les actes de concurrence déloyale et parasitaire seront réparés par l'octroi à la société appelante de dommages-intérêts dont le montant sera également fixé à 100 000 euros ;
Qu'enfin et à titre d'indemnisation supplémentaire il sera fait droit à la demande de publication dans les termes fixés ci-après ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société Solosar qui succombe ne saurait se prévaloir du caractère abusif de la procédure introduite à son encontre ni d'une quelconque atteinte à son image ;
Qu'en revanche, en tant partie perdante, elle supportera les entiers dépens ;
Qu'enfin elle doit être condamnée à verser à la société Gaillard-Rondino, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 15 000 euros.
Par ces motifs Infirme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de grande instance de Paris le 28 mars 2013 sauf en ce qu'il a débouté la société Solosar de sa demande de dommages-intérêts ; Statuant à nouveau, Dit que le séparateur de voie déposé le 8 mars 2001 et enregistré sous le n° 01 11 592 dont la société Gaillard-Rondino est titulaire bénéficie de la protection instaurée tant par le livre V que par le
livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
Dit que les séparateurs de voie référencés n°638 164 et 666 036 par la société
Gaillard-Rondino bénéficient de la protection instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle ; Dit qu'en commercialisant des séparateurs de voie référencés SN-48 01 10 la société Solosar a commis des actes de contrefaçon de modèle et de droits d'auteur dont la société Gaillard-Rondino est titulaire sur le modèle n° 0111592 et le séparateur de voie commercialisé sous la référence 638 160 ; Dit qu'en commercialisant des séparateurs de voie référencés SN-48 01 10 la société Solosar a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur dont la société Gaillard-Rondino est titulaire sur les séparateurs de voie commercialisés sous les références n° 638 164 et 666 036 ; Dit que la société Solosar s'est en outre rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société Gaillard-Rondino ; En conséquence, Interdit la poursuite de ces agissements sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée passé un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne la société Solosar à payer à la société Gaillard-Rondino la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ; Condamne la société Solosar à payer à la société Gaillard-Rondino la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; Ordonne la publication du dispositif de la présente décision dans 2 journaux ou revues au choix de choix la société Gaillard-Rondino et aux frais de la société Solosar, le coût de chacune de ces publications n'excède la somme de 4 000 euros HT ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société Solosar à payer à la société Gaillard-Rondino à la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Solosar aux entiers dépens.