CA Toulouse, 3e ch. corr., 4 janvier 2005, n° 04-00185
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Muller
Conseillers :
Mme Pellarin, M. Lamant
Avocats :
Mes Sanson, Gerault, Cheze
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement en date du 18 décembre 2003, a relaxé :
A Vincent Dominique Désiré du chef de abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par l'article 223-15-2 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 223-15-2 al. 1, 223-15-3 du Code pénal
B Jean-Yves du chef de :
- Abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par l'article 223-15-2 al. 1 du Code pénal et réprimée par l'article 223-15-2 al. 1, 223-15-3 du Code pénal
- Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion- démarchage, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation
- a constaté l'amnistie pour la contravention de vente de produit ou prestation de service sans respect des règles d'information du consommateur sur les prix et condition de vente, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par les articles R. 113-1 al. 2, al. 1, L. 113-3 du Code de la consommation et réprimée par l'article R. 113-1 al. 2, al. 1 du Code de la consommation
C Laurent Emmanuel Pierre du chef de :
- Abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par l'article 223-15-2 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 223-15-2 al. 1, 223-15-3 du Code pénal
- Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion- démarchage, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation
D Benoît-Pierre du chef de :
- Abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable pour l'obliger à un acte ou à une abstention néfaste, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par l'article 223-15-2 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 223-15-2 al. 1, 223-15-3 du Code pénal
- Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion- démarchage, entre 21 et le 29/09/2001, à Toulouse, infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
- M. le Procureur de la République, le 23 décembre 2003 contre Monsieur D Benoît, Monsieur C Laurent, Monsieur A Vincent, Monsieur B Jean
DECISION :
Par déclaration du greffe en date du 23 décembre 2003, le Ministère public a relevé appel des dispositions pénales du jugement en date du 18 décembre 2003 prononcé par le Tribunal de grande instance qui a relaxé MM. A, B, C et D des délits qui leur étaient reprochés, et a constaté l'amnistie en ce qui concerne la contravention reprochée à Jean-Yves B.
Cet appel interjeté dans les formes et délais légaux est recevable
M. l'avocat général requiert la condamnation des prévenus pour les délits qu'il estime constitués. Il ne remet pas en cause l'amnistie constatée pour la contravention.
Chacun des prévenus conclut à la confirmation du jugement et à sa relaxe.
Sur l'action publique,
Suite à l'explosion survenue le 21 septembre 2001 à l'usine AZF de Toulouse, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation, a procédé à une enquête concernant les pratiques des magasins de la SA Y, société spécialisée dans la commercialisation de menuiseries et fenêtres de rénovation.
D'une façon générale, les particuliers se plaignaient d'avoir signé des commandes en croyant signer des devis, d'avoir été incités à agir dans la précipitation, sans pouvoir comparer les prix proposés, de s'être engagés sur des travaux inutiles ou non pris en charge par une assurance.
Vincent Gemino, Laurent C et Benoît D, directeurs d'agences de cette société, ont été poursuivis pour abus de faiblesse ou préjudice respectivement d'une, deux et trois victimes, Jean-Yves B, directeur régional, étant poursuivi pour l'ensemble de ces abus de faiblesse, sur le fondement de l'article 223-15-2 du Code pénal.
En outre, Benoît D, Laurent C et Jean-Yves B ont été poursuivis pour le délit de demande ou d'obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion prévu en cas de démarchage, au préjudice respectivement d'une, de deux victimes et de l'ensemble de ces victimes, infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation
- Sur l'abus de faiblesse
Selon la prévention, il est reproché aux prévenus d'avoir frauduleusement abusé de l'ignorance ou de la situation de faiblesse des victimes; "personnes majeures en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression graves ou de circonstances ayant altéré leur jugement, en l'espèce l'explosion AZF ayant détruit ou dégradé sévèrement leurs habitations."
Or aux termes de l'article 223-15-2 du Code pénal, l'état d'ignorance ou de faiblesse de la victime est lié à sa minorité, soit à sa particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, soit encore à l'état de sujétion psychologique ou physique dans laquelle elle se trouve du fait de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
Il apparaît ainsi clairement que l'état de sujétion psychologique ne peut être celui qui résulte de manœuvres et techniques destinées à soumettre la victime à l'emprise de son auteur.
Dès lors s'il n'est pas discutable que du fait des circonstances de la catastrophe d'AZF et de l'impérieuse nécessité de procéder à des travaux urgents de clos et de couverts, les victimes se sont trouvés psychologiquement fragilisées face à des personnes leur proposant l'exécution rapide des travaux, elles ne présentaient pas pour autant l'état de sujétion psychologique prévu par la loi.
L'analyse des différentes circonstances dans lesquelles chacune des personnes qui ont été amenées à porter plainte ont contracté auprès de la SA Y ne permet pas de retenir la preuve que leurs engagements ont été obtenus par suite de pressions, de ruses ou mensonges de nature à altérer leur jugement. Le seul fait d'avoir incité les personnes à s'engager rapidement compte tenu des difficultés prévisibles et réelles d'approvisionnement n'est pas en soi constitutif d'une pression fautive. Par ailleurs, il faut observer que les personnes qui ont déclaré avoir cru signer un devis au lieu d'une commande ont obtenu l'annulation de leur contrat dès leur réclamation. De même, la victime qui s'est plainte d'avoir contracté pour des travaux inutiles.
Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement qui a déclaré les délits d'abus de faiblesse non constitués.
- Sur la demande ou l'obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion prévu en cas de démarchage
Il est reproché à Benoît D d'avoir commis ce délit au préjudice des époux Hermantier, à Laurent C de l'avoir commis au préjudice de Mme Gabarrou et des époux Bocage, Jean-Yves B étant poursuivi à l'égard de toutes ces victimes. Or force est de constater à l'examen du dossier qu'aucune de ces personnes ne s'est vu imposer de remettre un quelconque acompte avant le délai de sept jours suivant la signature de la commande de travaux, ni n'a effectué un tel versement.
Les délits pour lesquels les prévenus sont poursuivis ne sont donc pas constitués et le jugement qui les relaxe doit être confirmé.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, en matière correctionnelle, par arrêt contradictoire et en dernier ressort Déclare l'appel du Ministère public recevable, Sur l'action publique, Confirme le jugement du 18 décembre 2003 en ses dispositions pénales.