CA Chambéry, ch. corr., 12 juin 2013, n° 13-00011
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Kunstmann
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Busché
Conseillers :
Mme Oudot, M. Baudot
Avocat :
Me Baratte
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement du 18 septembre 2012, saisi à l'égard de :
X du chef de :
Pratique commerciale trompeuse le 9/5/2010, à Cran Gevrier et Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-1-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 al. 1 du Code de la consommation,
SAS Y devenue Z SAS du chef de :
Pratique commerciale trompeuse le 9/5/2010, à Cran Gevrier et Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-1-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 al. 1 du Code de la consommation,
Par application de ces articles :
Sur l'action publique :
- a renvoyé la SAS Y devenue Z SAS des fins de la poursuite.
- a renvoyé X Christophe des fins de la poursuite.
Sur l'action civile :
- a déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile de Jean-Marie Kunstmann mais l'a débouté de l'intégralité de ses demandes du fait de la relaxe.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Monsieur le Procureur de la République, le 21 septembre 2012 contre Monsieur X Christophe et la SAS Y devenue Z SAS Monsieur Kunstmann Jean, le 1er octobre 2012.
DECISION
Le 13 décembre 2009 Jean-Marie Kunstmann commandait un abri de piscine pour la somme de 10 499 auprès de la société Eureka à laquelle il versait le 30 janvier 2010 un acompte de 4 200 .
Le 9 mai 2010, Jean-Marie Kunstmann se rendait sur un stand de la foire de Paris où il rencontrait Christophe X, président de la société Z anciennement SAS Y. Il n'avait pas encore reçu livraison du produit commandé à la société Eureka et Christophe X lui apprenait que cette société Eureka avait fait l'objet d'une procédure collective le 3 mars 2010.
Un nouveau bon de commande était signé par Jean-Marie Kunstmann pour un abri de piscine pour un prix de 20 000 , tarif préférentiel prenant en considération l'acompte versé à la société concurrente.
Le 14 mai 2010 Jean-Marie Kunstmann écrivait à la société Z pour résilier sa commande. Il indiquait faire application du délai de rétractation de sept jours dont il bénéficiait aux termes de l'entretien qu'il avait eu avec Christophe X sur le stand de la foire. Il ajoutait avoir pris attache avec le revendeur de la société Eureka qui lui avait indiqué que son abri serait livré.
La société contestait l'argumentation de Jean-Marie Kunstmann qui prenait alors attache avec la direction départementale de la protection des populations.
Le 4 août 2010 la Direction Départementale de la Protection des populations dressait un procès-verbal aux termes duquel il était indiqué que le fait pour un professionnel de proposer des conditions générales de vente comportant des prérogatives supérieures à celles prévues par les dispositions du Code de la consommation, en l'espèce application d'un délai de rétractation pour des contrats conclus dans une foire, mais de refuser de les appliquer conventionnellement constitue un délit de pratique commerciale trompeuse reposant sur une présentation fausse ou de nature à induire en erreur sur les conditions de vente ainsi que la portée des engagements de l'annonceur, le procédé et le motif de la vente.
Le 9 novembre 2010 Christophe X était entendu par les services de police. Il expliquait que les ventes dans les foires ne relèvent pas du démarchage à domicile et que le coupon de rétractation n'apparaissait pas en bas de page. Il ne comprenait pas l'attitude de Jean-Marie Kunstmann qui était resté près de trois heures à son stand et avait signé en toute connaissance de cause.
Le Tribunal correctionnel d'Annecy relaxait les prévenus des chefs de poursuite.
Le Ministère public interjetait appel de la décision ainsi que Jean-Marie Kunstmann.
Jean-Marie Kunstmann conclut à l'infirmation du jugement querellé. Il demande à la cour de déclarer sa constitution de partie civile recevable et sollicite la somme de 1 000 à titre de dommages et intérêts outre la somme de 3 000 en vertu des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Il soutient que Christophe X lui a bien fait croire qu'il bénéficierait du délai de rétractation de 7 jours et qu'il n'était pas définitivement engagé lorsqu'il a signé le bon de commande. Cette manipulation a été d'autant plus aisée que le contrat était suffisamment ambigu pour un consommateur moyen et que Christophe X a adopté une attitude qui a tendu à cette confusion.
Le Ministère public requiert l'infirmation de la décision déférée et la condamnation des prévenus au paiement d'une amende, outre la publication de la décision à intervenir.
La société Z, anciennement Y, conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle soutient que l'infraction reprochée n'est pas constituée, les trois conditions cumulatives exigées par les textes n'étant pas réunies et demande à la cour de constater qu'il n'existe pas de pratique commerciale trompeuse au sens de la directive de 2005 transposée à l'article L. 121-1 du Code de la consommation. Elle conclut au rejet des demandes formées par Jean-Marie Kunstmann en qualité de partie civile, ce dernier n'ayant cherché qu'à créer l'apparence d'une faute commise par la société Z pour sortir sans dommage du contrat conclu avec cette dernière. La société ajoute qu'une procédure civile en exécution de contrat est en cours au Tribunal de Créteil.
Christophe X conclut également à sa relaxe. Il adopte la motivation de la société Z et ajoute que la preuve d'une participation directe et personnelle de sa part à l'élaboration des conditions générales de vente litigieuses n'est pas caractérisée.
Les deux prévenus sollicitent la condamnation de la partie civile à leur payer la somme de 1 500 pour chacun d'eux en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
SUR CE :
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L. 120-1 du Code de la consommation une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard d'un bien ou d'un service.
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et porte sur les engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de service ; Que les pratiques commerciales trompeuses constituent une catégorie des pratiques commerciales déloyales ;
Attendu que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ne réglementent que le démarchage à domicile ou dans des lieux non destinés à la commercialisation ce qui exclut les opérations conclues dans un magasin ou dans une foire ; Qu'au cas d'espèce il n'est pas contesté que Jean-Marie Kunstmann a acquis son abri de piscine dans une foire ;
Attendu que les conditions générales de vente annexées au bon de commande établi par Y et signé par Jean-Marie Kunstmann, font apparaître deux articles, soit l'article 2 qui précise que toute commande est ferme et définitive et en conséquence irrévocable et non sujette à modification sauf en cas de démarchage à domicile et l'article 13 qui rappelle, en cas de démarchage à domicile, les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation ouvrant à l'acheteur la faculté de revenir sur son engagement pendant une durée de sept jours ; Qu'aucun bon de rétractation n'est joint aux dites conditions générales de vente ;
Attendu que l'article 2 est clair et accessible au consommateur moyen ; Que le fait de rappeler les règles du démarchage à domicile dans l'article 13 alors même qu'aucun bordereau de rétractation n'est joint au contrat, ne suffit pas à caractériser que la société Z entendait appliquer les règles du démarchage à domicile à toutes les ventes réalisées à la foire de Paris ;
Attendu que le libellé de ces conditions générales de vente n'est pas contraire aux exigences de la diligence professionnelle ; Qu'il n'existe aucun modèle-type et réglementé et que le service juridique de la société poursuivie justifie des démarches effectuées par ses soins pour se tenir informé de l'évolution du droit de la consommation et des recommandations dressées notamment par la Commission des clauses abusives.
Attendu que Jean-Marie Kunstmann affirme que, dans le dialogue qui s'est noué avec le représentant de la société, il lui a été indiqué qu'il bénéficierait d'un délai de rétractation ; Que ce faisant il procède par voie d'affirmation, aucun autre élément ne permettant d'étayer ses dires ;
Attendu que Jean-Marie Kunstmann est resté trois heures sur le stand ; Que l'information fournie par la société Y selon laquelle la société Eureka était en redressement judiciaire était réelle et que cette argument commercial ne peut être considéré comme trompeur ainsi que l'a rappelé le premier juge ni comme relevant d'une pratique fallacieuse de nature à avoir altéré de façon substantielle le comportement économique de Jean-Marie Kunstmann ;
Attendu que le libellé des conditions générales de vente litigieuses ne correspond à aucune des pratiques commerciales réputées trompeuses telles qu'énumérées par les dispositions de l'article L. 121-1-1 du Code de la consommation ;
Attendu que ces conditions générales de vente ne peuvent non plus être considérées comme déloyales et de nature à laisser penser au client qui se déplace dans une foire qu'il va pouvoir disposer de prérogatives supérieures à celles prévues par la loi ;
Attendu que les éléments constitutifs de l'infraction reprochée ne sont donc pas réunis et que la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a relaxé les prévenus du chef des infractions poursuivies et rejeté les demandes formées par Jean-Marie Kunstmann du fait de la relaxe ;
Attendu que les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ne permettent de condamner que l'auteur d'une infraction et que Jean-Marie Kunstmann a la qualité de partie civile et n'a commis aucune infraction pénale ; Que dès lors les demandes de la société Z et de Christophe X fondées sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale sont irrecevables ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, et par arrêt contradictoire, Déclare les appels recevables en la forme, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déclare irrecevables les demandes formées par la société Z et Christophe X sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.