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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 15 mai 2014, n° 13-02366

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Garnier

Conseillers :

Mme Hours, M. Monge

Avocats :

Mes Fabrice, Vincent

TGI Blois, du 16 mai 2013

16 mai 2013

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur B., après avoir le 10 novembre 2007 passé commande de meubles de cuisine à la société Philippe F. (la société F.) pour un montant de 26 000 euro, a demandé l'annulation de sa commande le 26 janvier 2009 et le remboursement des acomptes versés, en invoquant une procédure de divorce en cours.

La société F. ayant accepté de procédé à l'annulation en retenant une somme de 10 400 euro correspondant à 40 % du prix total conformément à l'article 7 du bon de commande, Monsieur B. l'a assigné, par acte du 19 septembre 2011, en annulation de la clause litigieuse, devant être regardée comme abusive et, subsidiairement, en réduction de la clause pénale.

Par jugement du 16 mai 2013, le Tribunal de grande instance de Blois a dit que la clause figurant à l'article 7 des conditions générales de vente était abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et devait être réputée non écrite et a condamné la société F. à rembourser à Monsieur B. la somme de 10 400 euro avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2011.

La société F. a relevé appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 19 février 2014, elle fait valoir qu'elle n'impose aucun contrat type à ses clients et que c'est elle qui est dans une situation déséquilibrée puisqu'elle est irrévocablement engagée à fournir la cuisine, alors que Monsieur B. dispose de la faculté de se dédire. Elle considère que les 40 % du prix restant à la charge du client ne sont pas excessifs au regard du temps passé entre la commande et son annulation et des frais qu'elle a supportés, de sorte que la clause ne doit pas être regardée comme abusive.

Subsidiairement, si la clause devait simplement être qualifiée de pénale, elle demande à la cour de ne pas la réduire en raison de la commission versée au vendeur-concepteur (3 776 euro) et de l'espérance de marge (6 000 euro) sur la vente de la cuisine.

Très subsidiairement, elle sollicite reconventionnellement l'indemnisation de son préjudice résultant de l'annulation tardive, qui doit être fixée forfaitairement à 40 % du prix de vente et ne saurait être inférieure à 25 %, soit 6 500 euro

Par ses dernières écritures du 4 mars 2014, Monsieur B. rappelle les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation relatives aux clauses abusives et considère que l'article 7 des conditions générales de vente entre dans les critères de ces textes.

Il prétend, en effet, qu'il existe un déséquilibre entre les parties puisque le contrat ne prévoit pas de pénalités en cas de renonciation du cuisiniste, et qu'en outre, le versement de presque la moitié du coût total de la prestation est manifestement disproportionné.

Subsidiairement, il demande à la cour de faire application de l'article 1152 du Code civil et de réduire le montant de la clause pénale, dans la mesure où le chantier n'avait pas commencé et où la société F. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et ne justifie d'aucuns frais qu'elle aurait exposés.

Il estime que la demande d'une indemnité de 6 500 euro est irrecevable pour être invoquée pour la première fois en cause d'appel et conclut à la confirmation du jugement.

SUR QUOI

Attendu que, selon l'article 7 des conditions générales de vente de la société F., pour le cas où le vendeur accepterait une demande d'annulation, une fois la commande devenue ferme et définitive, l'acheteur s'engage à régler immédiatement 40 % du prix convenu, l'acompte reçu venant alors en diminution de la somme due et le solde devant être immédiatement versé ;

Que, selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu, en premier lieu, que la clause litigieuse, ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de retenir de plein droit des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à exécuter le contrat, sans prévoir le même droit, pour ce consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui y renonce, contraignant le consommateur à rechercher une réparation judiciaire et créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment de celui-ci, comme l'a énoncé la Commission des clauses abusives dans ses recommandations n° 91-02 et 04-02, en ce qu'elle sanctionne plus lourdement l'inexécution du consommateur que celle du professionnel, devait être regardée comme abusive ;

Attendu, en second lieu, que la recommandation n° 82-03 de la Commission des clauses abusives préconise que soient éliminées des contrats d'installation de cuisine notamment la clause ayant pour effet ou pour objet " d'attribuer au professionnel, en cas de résiliation du contrat du fait du consommateur, une indemnité forfaitaire supérieure au montant des travaux qu'il a effectués, des frais qu'il a exposés et du bénéfice qu'il était en droit d'espérer si le contrat avait été mené à son terme "; que la retenue de 40 % du prix de vente, alors que l'installation de la cuisine n'a pas débuté et que la société F. ne justifie pas avoir commandé les éléments d'électro-ménager, est manifestement disproportionnée ;

Que pour ces deux motifs, la clause de dédit est abusive et doit être réputée non écrite, le jugement étant confirmé de ce chef ;

Attendu, en revanche, qu'en vertu de l'article 567 du Code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel ; qu'en raison du caractère très tardif de la demande d'annulation, quatorze mois après la commande, la société F. est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice que lui cause cette annulation correspondant aux frais exposés et au bénéfice escompté ; que la cour dispose des éléments suffisants pour condamner Monsieur B. à payer à la société F. la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, de sorte qu'après compensation, cette dernière doit restituer la somme de 5 400 euro à Monsieur B. avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2011;

Attendu que chaque partie succombant partiellement en ses prétentions supportera ses propres frais et dépens d'appel, sans indemnité de procédure ;

Par Ces Motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la clause de dédit à la charge de l'acheteur était abusive et donc réputée non écrite, L'infirmant pour le surplus ; Et statuant à nouveau, Condamne Monsieur B. à payer à la société Philippe F. la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour annulation tardive du contrat de vente, Ordonne la compensation des créances réciproques, Condamne, en conséquence, la société Philippe F. à restituer à Monsieur B. la somme de 5 400 euro avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2011, Rejette les demandes des parties tendant à l'allocation de sommes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel ;