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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 27 mai 2014, n° 13-04495

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Griffine Enduction (SA)

Défendeur :

SLM Restaurant Comte Roger (SARL), Marianne Equipement (EURL), Roby (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chassery

Conseillers :

Mme Olive, M. Prouzat

Avocats :

Mes Argellies, Apollis, Lanéelle, Cabee, Dartier, Cabrolier, Mouly

T. com. Narbonne, du 26 mars 2013

26 mars 2013

FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société SLM Restaurant Comte Roger (la société SLM) qui exploite un restaurant, [...], a commandé le 18 février 2010 à la société Marianne Équipement du mobilier de salle et de terrasse notamment 4 banquettes et 36 chaises qui lui ont été livrées le 13 mars 2010 ; la société Marianne Équipement avait fait l'acquisition de ce mobilier auprès de la société Roby qui avait acheté leur revêtement auprès de la société Griffine Enduction (la société Griffine) ; quelques jours après sa livraison le mobilier présentait des taches sur les banquettes et les chaises ; ses démarches amiables étant restées vaines la société SLM saisissait le juge des référés du Tribunal de commerce de Narbonne qui instaurait une mesure d'instruction réalisée à la suite de divers appels en cause au contradictoire des sociétés Marianne Equipement, Roby et Griffine ;

L'expert ayant déposé son rapport le 6 février 2012, la société SLM assignait la société Marianne Équipement afin d'obtenir sa condamnation à réparer le préjudice résultant des vices qui affectaient le mobilier litigieux ; cette dernière appelait en la cause la société Roby qui a attrait la société Griffine à la procédure afin d'être relevée de toute condamnation susceptible d'être prononcée contre elle ; par jugement du 26 mars 2013 assorti de l'exécution provisoire le Tribunal de commerce de Narbonne a, pour l'essentiel, mis hors de cause la société Roby, débouté la société SLM de ses demandes de dommages intérêts, condamné la société Marianne Équipement à lui rembourser la somme de 6 174 euro correspondant au prix de vente HT des matériels litigieux et condamné la société Griffine à relever et garantir la société Marianne Équipement des condamnations prononcées à son encontre ;

La société Griffine a relevé appel de cette décision à l'encontre des sociétés SLM, Marianne Équipement et Roby ; elle demande à la cour à titre liminaire d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité sans respecter le principe du contradictoire, à titre principal de l'infirmer en ce qu'il a retenu sa responsabilité alors que le produit qu'elle a fabriqué n'était affecté d'aucun vice et qu'en toute hypothèse celui-ci était connu et n'était pas antérieur à la vente, de condamner tout succombant à lui payer 2 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Argellies, à titre subsidiaire de dire que les sociétés Roby et Marianne Équipement étaient informées du phénomène de condensation, de limiter sa responsabilité au tiers du dommage subi par la société SLM, de condamner les sociétés Roby et Marianne Équipement à la relever à hauteur des deux tiers des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et de statuer ce que de droit quant aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile pour la SCP Argellies (conclusions du 29 novembre 2013) ;

La société SLM demande à la cour de dire que le mobilier en question était affecté de vices cachés, que les divers fournisseurs de ce mobilier ont manqué à leur obligation de conseil et d'information en ne l'avisant pas de ces vices, de prononcer la résiliation de la vente aux torts de la société Marianne Équipement qui sera condamnée à en restituer le prix soit la somme hors-taxes de 6 174 euro, à reprendre le mobilier à ses frais et dans l'état où il se trouve sans recours possible, à défaut de pouvoir en disposer à sa guise ; formant appel incident elle demande pour son préjudice matériel et pour l'atteinte à son image la condamnation de la société Marianne Équipement à lui verser les sommes de :

- 4 280 euro à titre d'indemnisation de son préjudice matériel arrêté au 30 juin 2013 augmentée de 108,35 euro par mois à compter du 30 juin 2013 et jusqu'au prononcé du présent arrêt,

- 10 000 euro par an pour l'atteinte à son image à compter du 15 mars 2010 jusqu'au prononcé du présent arrêt,

- 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

et à supporter les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise et le coût du procès-verbal de constat dressé le 14 avril 2010 avec distraction au profit de la SCP Cabee et associés (conclusions du 30 septembre 2013) ;

La société Roby répond que la société Griffine a disposé du rapport d'expertise à laquelle elle était représentée par Monsieur Chemin, que la garantie des vices cachés ne s'applique pas entre professionnels, qu'étant un simple intermédiaire elle n'a commis aucune faute contractuelle et que la société Griffine est la seule responsable des désordres affectant le mobilier ; elle conclut à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de la société Griffine à lui verser 6 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour la SCP Habeas avocats et conseils (conclusions du 3 octobre 2013) ;

La société Marianne Équipement rétorque que l'expert a communiqué un exemplaire de son rapport à la société Griffine, qu'elle n'a eu qu'un rôle d'intermédiaire, que le revêtement n'a subi aucun traitement après sa vente par la société Griffine et qu'elle doit être relevée et garantie par les sociétés Roby et Griffine des condamnations qui seraient mises à sa charge ; elle demande à la cour d'homologuer le rapport d'expertise en ce qu'il exclut toute responsabilité de sa part, subsidiairement de condamner les sociétés Roby et Griffine à la relever de toute condamnation prononcée à son encontre, en tout état de cause de condamner tout succombant à lui payer 6 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à s'acquitter des dépens dont distraction au profit de Maître Cabrolier (conclusions du 6 octobre 2013) ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2014 ;

SUR QUOI

Attendu que la société Griffine conclut à titre préliminaire à l'infirmation du jugement dont appel pour violation du principe du contradictoire dans la mesure où le tribunal a retenu sa responsabilité en se fondant sur un rapport d'expertise qu'elle n'aurait pas eu en sa possession et dont elle n'aurait pas pu prendre connaissance ;

Attendu que ces affirmations sont fort intéressantes mais qu'il convient de rappeler à la société Griffine qui semble l'avoir oublié :

1) que le rapport d'expertise mentionne en sa page 26 que l'expert Gautreau en adressé deux exemplaires au greffe du Tribunal de commerce de Narbonne et un exemplaire à chacune des sociétés SLM Restaurant Comte Roger, Marianne équipement, Roby et Griffine enduction,

2) que l'assignation qui lui a été délivrée le 5 septembre 2012 à l'initiative de la société Roby porte en sa page 2 la mention "pièce produite : rapport d'expertise judiciaire" ;

3) que les conclusions écrites soutenues et développées au nom de la société Marianne équipement lors de l'audience du 12 février 2013 sont accompagnées d'un bordereau qui mentionne parmi les pièces qu'elle communique le rapport d'expertise du 6 février 2012 ;

Attendu qu'au vu de ces éléments la cour considère que la société Griffine a eu en sa possession le rapport d'expertise et a pu en prendre utilement connaissance de sorte que le jugement dont appel ne sera pas réformé pour violation du principe du contradictoire ;

Attendu que le 8 décembre 2009 la société Marianne équipement qui a pour activité l'achat et la vente d'équipements mobiliers pour hôtels, restaurants, cafés, collectivités locales, hôpitaux et maisons de retraite (voir son K bis) a vendu à la société SLM du mobilier de salle et de terrasse comprenant notamment quatre banquettes et 36 chaises qui lui ont été livrées le 13 mars 2010 et qu'elle a payées immédiatement et totalement ;

Attendu que le rôle des parties à la présente instance a été le suivant :

- la société Griffine a fabriqué le tissu "Sélect stone", l'a livré le 10 décembre 2009 à la société Roby et le lui a facturé le 14 décembre 2009 par un document portant la mention suivante : "les pigments mal fixés de certains vêtements peuvent déteindre sur les tissus enduits de coloris clairs" (voir document n° 3 de la société Griffine) ;

- la société Roby a revendu ce tissu à la société Marianne équipement sans lui avoir fait subir le moindre traitement ni de surface, ni de structure ;

- la société Marianne équipement a acquis ce tissu, ne lui a fait subir aucun traitement de surface, ni de structure et a revendu les banquettes et chaises ainsi équipées à la société SLM ;

Attendu que ces banquettes et ces chaises qui, lors de leur livraison, n'étaient affectées d'aucun désordre présentaient quelques jours plus tard des taches dans les tons bleu noir provenant de la décoloration des vêtements des clients (voir constat du 14 avril 2010) ; que la société SLM a informé immédiatement la société Marianne équipement qui a préconisé de nettoyer ces mobiliers avec de l'essence de térébenthine ; que ce procédé s'est avéré inefficace ;

Attendu que ces banquettes et ces chaises étaient donc affectées de vices cachés antérieurs à leur vente qui les rendaient impropres à l'usage auquel elles étaient destinées, vices tels que la société SLM ne les aurait pas achetées si elle les avait connus ; qu'en conséquence il sera fait droit à la demande de résiliation de leur vente comme le réclame la société SLM à qui la société Marianne équipement sera condamnée à en restituer le prix soit la somme HT de 6 174 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2010, date de la mise en demeure ;

Attendu que la société Marianne équipement réputée en sa qualité de vendeur professionnel connaître les vices de la chose vendue sera tenue outre la restitution du prix, de tous les dommages intérêts envers la société SLM ;

Attendu que la société SLM a été contrainte d'affecter du personnel pour faire procéder au nettoyage des taches affectant les banquettes et chaises en question ; que selon la cette attestation de Monsieur Dalmau, son expert-comptable, la société SLM a ainsi exposé des frais de main-d'œuvre que les éléments de fait fournis à la cour permettent de chiffrer à la somme de 4 280 euro pour la période allant du 16 mars 2010 au 30 juin 2013 ; qu'il lui sera accordé pour la période allant du 1er juillet 2013 au 30 avril 2014 soit 10 mois la somme de 108 euro par mois soit au total la somme de 4 280 euro plus (108 euro/mois x 10 mois) c'est-à-dire 5 360 euro ;

Attendu que la société SLM ne produit au débat aucun document de nature comptable établissant l'existence d'une atteinte à son image et permettant de chiffrer le préjudice qui en serait résulté ; qu'elle sera donc déboutée de la demande qu'elle présente de ce chef ;

Attendu qu'aucun élément du dossier, ni du rapport d'expertise ne conduit à opérer un partage de responsabilité entre les sociétés Marianne équipement, Roby et Griffine ;

Attendu que la société Marianne équipement, vendeur intermédiaire, est bien fondée à se retourner contre son propre vendeur, la société Roby, qui sera tenue de la relever des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société SLM ;

Attendu que de la même manière la société Roby, également vendeur intermédiaire, est fondée à se retourner contre son propre vendeur la société Griffine ;

Attendu que l'article 1643 du Code civil prévoit que le vendeur "est tenu des vices cachés, quand même ils ne les auraient pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie" ; que si la société Griffine a mentionné sur la facture faisant suite à la vente du tissu "Sélect stone" à la société Robby que "les pigments mal fixés de certains vêtements peuvent déteindre sur les tissus enduits de coloris clairs" cette mention portée sur une facture qui ne constitue pas un document contractuel ne saurait constituer une clause excluant la garantie de la société Griffine vis-à-vis de la société Roby ; que la société Griffine sera tenue de relever la société Roby des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au profit de la société Marianne équipement ;

Attendu que la société SLM a dû exposer des frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel ; que les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en lui accordant la somme de 1 000 euro pour les frais ainsi exposés en première instance ; qu'il lui sera alloué la somme complémentaire de 2 000 euro pour les frais ainsi générés en cause d'appel ; que les circonstances de l'espèce ne conduisent pas à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sur la demande des sociétés Marianne équipement, Roby et Griffine ;

Attendu que la société Griffine sera condamnée aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût de l'expertise réalisée par Monsieur Gautreau, les dépens occasionnés par les divers appels en cause ainsi que les frais générés par le constat du 14 avril 2010 ; qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné : 1) la société Marianne équipement à rembourser à la société SLM la somme de 6 174 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2010, à récupérer les sièges en question dont la société SLM pourra disposer à sa guise en cas de non-récupération dans le délai de deux mois après que le présent arrêt soit devenu définitif et à payer à la société SLM la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, 2) la société Griffine aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais de référé et d'expertise, Le réforme pour le surplus, Statuant à nouveau Prononce la résiliation du contrat de vente des quatre banquettes "Saphir module Centre" et des 36 chaises référence A70 pour vice caché aux torts de la société Marianne équipement, Dit qu'après avoir restitué à la société SLM le prix de vente de ces mobiliers, la société Marianne équipement pourra les récupérer à ses frais exclusifs et dans l'état où ils se trouveront sans recours possible contre la société SLM, Condamne de la société Marianne équipement à verser à la société SLM la somme de 5 360 euro à titre de dommages intérêts et celle complémentaire de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Marianne équipement de sa demande en condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 6 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Roby à relever et garantir la société Marianne équipement de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, Déboute la société Roby de sa demande en condamnation de la société Griffine à lui verser la somme de 6 510 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Griffine à relever et garantir la société Roby de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, Déboute la société Griffine de sa demande présentée à titre préliminaire d'infirmation du jugement rendu le 26 mars 2013 pour manquement au principe du contradictoire, Dit n'y avoir lieu de prononcer un partage de responsabilité entre les sociétés Griffine, Roby et Marianne équipement, Déboute la société Griffine de sa demande en condamnation de tout succombant à lui payer 2 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Griffine au coût du procès-verbal de constat du 14 avril 2010 et aux entiers dépens d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit des avocats de ses adversaires.