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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 21 mai 2014, n° 13-05268

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Insured (SAS)

Défendeur :

Galian Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mmes Salmeron, Pellarin

Avocats :

Me Decker, SCP Rivière Sacaze

CA Toulouse n° 13-05268

21 mai 2014

Résumé

La demanderesse, qui exerce l'activité de courtier en assurances, a, dans son assignation introductive, visé les articles 1134 et 1382 du Code civil ainsi que l'article L. 442-6 5 du Code de commerce et choisit d'assigner devant le Tribunal de commerce de Toulouse, lieu d'exécution des prestations de services. Elle met en avant le fait que les locaux et le plateau technique de la société se trouvent à Toulouse et que l'ensemble des assurés dont les sinistres sont gérés par elle-même sont établis à Toulouse et ce d'autant plus qu'il s'agit exclusivement d'assurances immobilières, les biens et les sinistres étant localisés à Toulouse. La société défenderesse ne prouve pas que la livraison de l'opération de courtage et son exécution sont nécessairement effectuées au lieu du siège social de l'assureur.Le lieu d'exécution des prestations de services se situant à Toulouse, il convient d'infirmer le jugement et de dire le Tribunal de commerce de Toulouse compétent pour connaître du litige.

EXPOSÉ DES FAITS :

Par acte du 9 octobre 2013, la SAS Insured a formé contredit à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 25 septembre 2013 qui :

- s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris pour connaître de l'action de la SAS Insured à l'encontre de la CGIA pour résiliation abusive du contrat liant les deux sociétés

- a renvoyé les parties à mieux se pourvoir

- dit qu'à défaut de contredit dans les délais légaux, le dossier serait transmis à la juridiction susvisée dans les conditions prévues à l'article 97 du Code de procédure civile

- débouté les parties du surplus de leurs demandes en tant qu'elles se rapportent à l'exception d'incompétence

- condamné la SAS Insured à payer à la société CGIA Assurances 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2013 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS Insured demande :

- à titre principal, de dire le contredit recevable et bien fondé

et de renvoyer l'examen du fond de l'affaire devant le Tribunal de commerce de Toulouse

- à titre subsidiaire, en cas d'évocation par la cour, d'autoriser la SAS Insured à faire valoir ultérieurement ses arguments au fond

et de condamner la SA CGIA à lui payer 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 18 mars 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SA Galian Assurances anciennement dénommée CGIA Assurances SA demande :

- à titre principal, de dire irrecevable le contredit faute d'intérêt et de qualité à agir de la SAS Insured Services qui n'était pas partie en première instance et à défaut d'avoir été formé dans le délai de 15 jours de la décision rendue le 25 septembre 2013 ;

- à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris en application de l'article 86 du Code de procédure civile

- à titre infiniment subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Toulouse et de ne pas faire application de l'article 89 du Code de procédure civile

- et en toute hypothèse, de condamner la SAS Insured Services à lui verser 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité du contredit :

Contrairement aux affirmations de la SA Galian Assurances, c'est bien la SAS Insured, partie en première instance, qui a formé contredit le 9 octobre 2013 contre le jugement du tribunal de commerce du 25 septembre 2013. En effet, en première page du contredit, il est indiqué "affaire Insured" et le numéro d'immatriculation de la société contredisante, mentionnée par erreur SAS Insured Services, est celui de la SAS Insured, conformément à celui de la SAS Insured, auteur de l'assignation introductive de première instance ; de plus, dans les motifs et le dispositif du contredit, il n'est question que de la SAS Insured et non de la SAS Insured Services.

Le greffe du tribunal de commerce a d'ailleurs transmis à la cour le contredit formé par la "SAS Insured" dans son courrier du 9 octobre 2013.

La cour retient, comme l'explique le contredisant, l'erreur matérielle mentionnée sur la première page du recours, en indiquant la SAS Insured Services en lieu et place de la SAS Insured et rejette le moyen tiré du défaut de qualité à agir devant la cour.

Par ailleurs, le jugement a été rendu le mercredi 25 septembre 2013 et le contredit a été formé le mercredi 9 octobre 2013 soit la veille de l'expiration du délai légal de 15 jours à compter de la décision pour former contredit, et ce dans le délai légal contrairement aux affirmations de la SAS Galian Assurances.

Il convient de rejeter les moyens d'irrecevabilité soulevés par la SA Galian Assurances et de dire le contredit formé par la SAS Insured recevable.

Sur le fond du contredit :

La cour relève, comme l'a fait le tribunal, que les deux parties renoncent à la clause "médiation et arbitrage" de l'article 7 du protocole de courtage qui les liait.

À l'examen dudit protocole et contrairement aux affirmations de la SA Galian Assurances et aux motifs erronés du tribunal, le protocole ne contient aucune clause d'attribution de compétence territoriale de juridiction. Le président du Tribunal de commerce de Paris n'est mentionné que dans le seul cadre de la médiation et de l'arbitrage prévus à l'article 7.

Dès lors, les dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile sont inapplicables.

Il convient de se référer aux dispositions de droit commun et notamment à l'article 46 dudit Code.

Selon ce texte, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur et notamment dans le cas d'espèce :

- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service

- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi

- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble.

La SAS Insured, qui exerce l'activité de courtier en assurances, a, dans son assignation introductive, visé les articles 1134 et 1382 du Code civil ainsi que l'article L442-6 5° du Code de commerce et choisit d'assigner devant le Tribunal de commerce de Toulouse, lieu d'exécution des prestations de services.

Elle met en avant le fait que les locaux et le plateau technique de la SAS Insured se trouvent à Toulouse et que l'ensemble des assurés dont les sinistres sont gérés par elle-même sont établis à Toulouse et ce d'autant plus qu'il s'agit exclusivement d'assurances immobilières, les biens et les sinistres étant localisés à Toulouse.

Pour s'opposer à cette argumentation, la SA Galian Assurances se borne à produire deux exemples de conditions particulières signées à Paris par des clients en pièces 2 et 3 pour affirmer que la livraison de l'opération de courtage et son exécution sont nécessairement effectuées au lieu du siège social de l'assureur, en l'occurrence la CGIA Conseils à Paris.

Les deux exemples produits par l'intimée concernent des clients professionnels toulousains et les conditions particulières pour l'un stipulent que les dits contrats seront gérés par le courtier soit la société Insured à Toulouse et il n'y est pas mentionné de clause attributive de compétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris en cas de litige. Pour l'autre, elles renvoient à des conditions générales non communiquées.

De plus, l'objet du protocole est, selon l'article 1 du titre I, la commercialisation par la SAS Insured du produit d'assurance "Garantie Risque Locatifs" élaboré par CGIA ; par ailleurs, la souscription des affaires visées par le protocole est déléguée à la SAS Insured qui est basée à Toulouse.

En outre, dans le cadre des contrôles du délégataire par la société CGIA prévus à l'article 3.3 du protocole, une réunion trimestrielle est organisée dans les locaux de la SAS Insured et des contrôles exceptionnels sont possibles sur place et sur pièces dans les locaux de la société Insured ; les contrôles sur place portent notamment sur la consultation de toutes les étapes d'un dossier : production, sinistre, comptabilité notamment, preuve que le lieu d'exécution du protocole se fait au lieu de la délégation de gestion des contrats souscrits, soit à Toulouse.

Le lieu d'exécution des prestations de services se situant à Toulouse, il convient d'infirmer le jugement et de dire le Tribunal de commerce de Toulouse compétent pour connaître du litige opposant la SAS Insured à la SA Galian Assurances.

La cour renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Toulouse et n'entend pas user de sa faculté d'évocation prévue à l'article 89 du Code de procédure civile pour ne pas porter atteinte au double degré de juridiction et d'appréciation de l'affaire.

Par ces motifs : LA COUR, Constate l'erreur matérielle figurant sur la première page du contredit qui désigne la SAS Insured Services en lieu et place de la SAS Insured et dit que le contredisant est la SAS Insured, Déclare recevable le contredit formé par la SAS Insured, Infirme le jugement, Et, statuant à nouveau, Dit le Tribunal de commerce de Toulouse est compétent pour connaître de l'action introduite par la SAS Insured à l'encontre de la CGIA devenue SA Galian Assurances par assignation du 1er février 2013, Renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Toulouse, Condamne la SA Galian Assurances aux dépens liés au seul contredit avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Galian Assurances à payer à la SAS Insured la somme de 1 000 euros.