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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 5 juin 2014, n° 12-18288

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cap Janet Automobiles (SAS)

Défendeur :

Ripoll (ès qual.), Mari (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Rousseau, Mamelli, Simon-Thibaud, Guigou

T. com. Toulon, du 6 sept. 2012

6 septembre 2012

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

En 2001, la société Cap Janet Automobiles a racheté la société Sega concessionnaire Nissan.

La société Cap Janet Automobiles est donc concessionnaire automobile de la société Nissan West Europe et a pour activité la vente de véhicules et de pièces détachées de cette marque.

Le 18 janvier 1994, la société Sega, a signé avec la société Mari un contrat de sous-concession portant sur les véhicules de cette marque.

Courant 2003, un nouveau contrat de concession a été signé entre la société Cap Janet Automobiles et la société Mari.

De nombreuses commandes de pièces détachées ont été passées par la société Mari à la société Cap Janet Automobiles qui n'ont pas été réglées.

La société Mari, débitrice d'une somme de 86 880,92 euros au 3 février 2010 a proposé à son créancier un plan d'amortissement aux termes duquel un premier règlement devait intervenir le 1er avril 2010 d'un montant de 5 000 euros puis des règlements postérieurs le premier de chaque mois, la globalité de la somme devant être réglée avant le 31 décembre 2010.

Un seul règlement étant intervenu, la société Cap Janet Automobiles a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Toulon pour obtenir paiement d'une somme provisionnelle de 82 635,33 euros.

La société Mari a soulevé une demande reconventionnelle pour obtenir paiement d'une somme de plus de 700 000 euros et le juge des référés suivant ordonnance du 22 juin 2010 s'est déclaré incompétent.

Par assemblée générale du 30 juin 2010, la société Mari a prononcé sa dissolution, M. Ripoll étant désigné comme liquidateur amiable.

Par acte du 27 septembre 2010, la société Cap Janet Automobiles a fait assigner la société Mari prise en la personne de son liquidateur amiable M. Ripoll devant le Tribunal de commerce de Toulon pour avoir paiement de la somme de 80 971,98 euros à titre principal.

À titre reconventionnel, la société Mari indiquait être débitrice d'une somme de 74 607,33 euros et, reprochant divers manquements à la société Cap Janet Automobiles qu'elle estimait responsable de sa dissolution, elle demandait le paiement après compensation d'une somme de 494 510 euros.

M. Ripoll est intervenu volontairement à l'instance à titre personnel pour réclamer des indemnités au titre du préjudice professionnel subi.

Par jugement du 6 septembre 2012, le tribunal a statué ainsi :

Reçoit M. Ripoll en son intervention volontaire,

Dit que la société Mari était débitrice d'une somme de 74 607,33 euros au titre des factures impayée de la société Cap Janet Automobiles,

Dit qu'il y a lieu à compensation comme demandée reconventionnellement par la société Mari,

Dit que la société Mari a droit sur la période du 1er janvier 2012 au 8 décembre 2003 et postérieurement à cette date à un commissionnement global sur les véhicules neufs vendus identiques à celui qui lui étaient attribués par le concessionnaire Sega en application du contrat du 18 janvier 1994 et des usages professionnels,

Ordonne à la société Cap Janet Automobiles la reprise du stock existant contradictoirement avec la société Mari sous astreinte de 500 euros par jour de retard au-delà du 30e jour de la signification du présent jugement,

Renvoie l'affaire au 7 mars 2013 pour que les parties versent aux débats les pièces complémentaires à leurs prétentions permettant au tribunal de statuer.

La société Cap Janet Automobiles a relevé appel de cette décision et soutient tout d'abord que M. Ripoll n'a aucun intérêt à agir à titre personnel.

Elle prétend qu'en l'état de la résiliation du contrat de sous concession du 8 décembre 2003, du fait de la liquidation amiable de la société Mari, elle est fondée conformément à l'article 8.5.6. du contrat à reprendre l'ensemble du stock de pièces détachées existant au sein de cette société jusqu'au 3 septembre 2010, ce stock étant limité à celui constitué depuis le 3 septembre 2009 à l'ensemble des pièces devant être neuves, non endommagées et non utilisées et devant être reprises au prix d'achat facturé au moment de la reprise dont seront déduits 30 % du prix d'achat en raison des dépréciations, frais de transports, frais de remise en état et des frais administratifs.

La société appelante fait aussi valoir que sa créance se monte à la somme de 80 971,98 euros ainsi que cela résulte des factures produites aux débats et non contestées par la société Mari dans le plan d'apurement qu'elle a proposé.

Elle rappelle que le contrat passé en 2003 a anéanti la convention antérieure et que la société Mari ayant expressément accepté ce contrat, elle ne peut réclamer postérieurement à cette date un commissionnement identique à celui qu'elle percevait en application du contrat du 18 janvier 1994.

Elle réfute l'argumentation des intimés selon laquelle, pour fixer ses droits, il convient de se référer aux usages de la profession puisque les parties sont liées par un contrat et que l'existence de l'usage invoqué n'est nullement établie.

En conséquence, elle conclut à la réformation du jugement et sollicite 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La société Mari et M. Ripoll rétorquent qu'à la suite du nouveau contrat de concession, le bénéfice de cette société n'a cessé de diminuer du fait qu'elle a été obligée de réduire quasiment sa marge à néant.

Ils soutiennent que le contrat régissant le statut de sous concessionnaires ne contenait aucune disposition sur les rémunérations du sous concessionnaire et qu'il est notoire que tous les concessionnaires du secteur automobile perçoivent des constructeurs des primes trimestrielles et de fin d'année sur les chiffres d'affaires réalisés ou le nombre de véhicules vendus.

Ils estiment donc qu'il convient de se référer aux usages de la profession pour apprécier le bien-fondé de la demande. En effet, aucune disposition du contrat ne prévoit la moindre disposition sur les rémunérations des sous concessionnaires et qu'il est notoire que le concessionnaire perçoit des primes trimestrielles ou quadrimestrielles et de fin d'année sur le chiffre d'affaires réalisé.

Ils rappellent qu'avant 2003, il était alloué à la société des primes de quotas et des primes quadrimestrielles. Ils font donc valoir que de juillet 2001 à décembre 2003, le sous concessionnaire recevait directement une partie des primes de quotas ainsi que des primes de volume quadrimestrielles calculées sur ses ventes, et qu'à compter de l'entrée en vigueur du contrat de décembre 2003 le concessionnaire percevait des primes de volume quadrimestrielles et avait l'obligation d'accorder des remises conséquentes à son sous concessionnaire pour lui permettre de pratiquer un prix compétitif.

Ils indiquent qu'avant 2003, les reversements étaient de 75 % des primes reçues du constructeur appliquées aux ventes réalisées par le sous concessionnaire, que d'autres primes étaient accordées à l'occasion de promotions ponctuelles, et qu'au total, le sous-concessionnaire bénéficiait d'une rémunération moyenne cumulée de 15 % sur le prix de revente de chaque véhicule au client final correspondant au total de la marge unitaire sur le prix recommandé ou maximum fixé par le constructeur et la répercussion de la prime constructeur.

Les intimés prétendent que les achats réalisés sur les voitures neuves ne permettent de réaliser qu'une marge de l'ordre de 5 à 10 %, soit bien en deçà des 15 % pratiqués par les autres concessionnaires et que la société Cap Janet Automobiles a bafoué les usages tant sous l'égide du contrat pour la période 2000 à 2003, que sous l'égide du nouveau contrat de 2003.

Dès lors, ils demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné en son principe la société Cap Janet Automobiles à verser à la société Mari les rémunérations dues à compter du mois de juillet 2000 au 30 juin 2010 date de sa liquidation.

Ils soutiennent aussi que la société Mari n'est débitrice que d'une somme de 74 607,33 euros au titre des factures impayées compte tenu d'une somme de 6 364,65 euros qui correspond au prix d'un moteur remplacé alors qu'il était sous garantie et que la société appelante doit prendre en charge.

Ils demandent aussi la confirmation du jugement concernant la reprise du stock de pièces détachées.

Les intimés sollicitent le renvoi des parties devant Tribunal de commerce de Toulon suite au jugement avant-dire droit.

LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Cap Janet Automobiles.

M. Ripoll est intervenu à titre personnel devant le tribunal pour réclamer la réparation de son préjudice professionnel.

Celui-ci justifiant d'un intérêt à agir, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Cap Janet Automobiles.

Le jugement est confirmé à ce titre.

Sur la résiliation du contrat conclu le 8 décembre 2003

L'article 8.3 prévoit notamment que le concessionnaire peut résilier le contrat en cas de liquidation judiciaire ou amiable, de dissolution de la société sous-concessionnaire.

Du fait de la liquidation amiable de la société Mari intervenu le 9 septembre 2010, il convient de constater la résiliation du contrat de sous-concession.

Sur la demande en paiement de factures présentée par la société Cap Janet Automobiles.

L'article 8.5 indique que l'expiration du contrat entraîne la déchéance du terme des sommes dues au concessionnaire et leur exigibilité immédiate.

La société Mari, dans la proposition de règlement adressée le 10 mars 2010 a expressément reconnu être débitrice d'une somme de 86 880,92 euros.

En conséquence, cette société est totalement infondée à contester la somme de 6 364,65 euros qui correspondraient au prix d'un moteur remplacé alors qu'il était sous garantie.

Il convient en outre de relever que les pièces produites aux débats démontrent que les dysfonctionnements du moteur proviennent d'un défaut d'entretien, que c'est en toute connaissance de cause que la société Mari a accepté son remplacement, et que par conséquent la société Cap Janet Automobiles ne saurait être tenue d'un quelconque remboursement du fait de l'absence de garantie constructeur.

L'attestation rédigée par le propriétaire du véhicule le 9 février 2011 ne présente pas la moindre force probante.

Dès lors, il convient de condamner la société Mari, compte tenu du règlement effectué par cette société à la somme de 80 871,98 euros avec intérêts à compter de l'assignation du 27 septembre 2010.

Sur la reprise du stock de pièces détachées.

En application de l'article 8.5.6. du contrat, "le sous-concessionnaire devra mettre à disposition du concessionnaire à sa demande, tous les produits en stock à la date d'expiration du contrat, sous réserve que tous ceux-ci soient parfaitement neufs, non endommagés et non utilisés et aient été acquis dans les 6 mois précédant la date effective d'expiration du contrat pour les véhicules et dans les 12 mois précédant la date effective d'expiration du contrat pour les pièces détachées de rechange Nissan.

Les produits seront repris au prix d'achat facturé au moment de la reprise, déduction faite de réductions pour dépréciation et frais de transport, de remise en état et frais administratifs".

Par jugement définitif du 7 mai 2013, le juge de l'exécution a ordonné à la société Cap Janet Automobiles de reprendre son stock au besoin sous contrôle d'un huissier de son choix son chiffrage devant faire l'objet d'un abattement de 30 % sur le prix d'achat pour dépréciation, frais de manutention et de transport.

Par application de l'article R. 121-14 du Code de procédure civile d'exécution, la décision précitée a autorité de chose jugée, et il n'y a lieu de statuer sur les modalités de reprise du stock et de son coût, puisque la société Cap Janet Automobiles dispose d'un titre exécutoire.

Sur les demandes présentées par la société Mari envers la société Cap Janet Automobiles.

Selon les dispositions du contrat signé le 18 janvier 1994 :

"la société Sega bénéficie d'un contrat de concession exclusif qui lui a été consenti par la société Nissan France le concessionnaire à son tour accorde au sous-concessionnaire qui l'accepte un contrat conférant à celui-ci la qualité de sous-concessionnaire le sous concessionnaire achète au concessionnaire les véhicules, pièces détachées, accessoires et autres qui sont nécessaires au besoin de son exploitation. Il contracte avec la clientèle en son nom personnel et pour son propre compte, et ne saurait en aucune façon être considéré comme mandataire soit du concessionnaire soit de la société Nissan".

L'article III précise que les véhicules seront vendus par le concessionnaire aux tarifs catalogue en vigueur applicables au sous-concessionnaire du réseau.

L'article II indique que les tarifs clients seront adressés aux sous-concessionnaires par la société Nissan.

Il résulte de ces dispositions contractuelles que la rémunération de la société Mari est constituée de la différence entre le prix de vente des véhicules et des pièces de rechange par la société Nissan et le prix de revente par la société Mari à ses clients.

Il n'est absolument pas démontré par la société Mari que pour l'exécution de ce contrat la société Cap Janet Automobiles n'aurait pas respecté les dispositions contractuelles et "l'aurait privée d'une partie substantielle de sa rémunération".

Par courrier du 30 octobre 2002, la société Cap Janet Automobiles informait la société Mari, qu'en application du règlement européen numéro 1400-2002, était entreprise une importante réforme aboutissant à la disparition du système de distribution exclusive et sélective, et qu'en conséquence une nouvelle réglementation allait être mise en place nécessitant une profonde réorganisation juridique et commerciale du réseau.

Selon l'article 1.2 du contrat signé le 8 décembre 2003 "Nissan les membres du réseau Nissan ont le droit de fournir, vendre et livrer des pièces de rechange Nissan, et le cas échéant des véhicules Nissan directement à tout client final du concessionnaire, sans que ces ventes ou livraisons n'ouvrent droit à commission ou indemnisation pour le sous-concessionnaire.

L'article 3.3 relatif aux ventes de produits (véhicules, pièces détachées) que Nissan se réserve le droit de fixer des prix recommandés au détail et/ou des prix de revente maximum des produits ou de la prestation de services de réparations et d'entretien et de les faire évoluer. Le sous-concessionnaire fixera librement son propre prix de détail sous réserve de respecter les prix de revente maximum en vigueur.

L'article 5.6 prévoit que "les produits sont vendus par le concessionnaire au sous-concessionnaire au prix fixé dans le catalogue concessionnaire en vigueur au jour de l'expédition".

Aucune disposition de ce contrat ne prévoit le versement d'autres rémunérations comme le soutient la société intimée.

Compte tenu des termes extrêmement précis de la convention passée en 2003, et conformément à l'article 1134 du Code civil, il n'y a lieu de se référer aux usages de la profession lesquels en outre ne sont nullement établis, la société intimée indiquant dans ses conclusions "qu'il est notoire que tous les concessionnaires du secteur automobile perçoivent des constructeurs des primes trimestrielles et de fin d'année sur les chiffres d'affaires réalisées ou le nombre de véhicules vendus", sans assortir cette assertion du moindre commencement de preuve.

En outre, contrairement à ce que soutiennent les intimés, les contrats précités ont fixé les modalités de la rémunération du sous-concessionnaire.

La société Mari ne démontre aucunement que la société Cap Janet Automobiles n'aurait pas respecté les termes du contrat passé en 2003 qu'elle a dûment acceptés.

En conséquence, cette société n'établissant absolument pas une quelconque faute contractuelle de la société Cap Janet Automobiles, les demandes formulées envers cette société sont rejetées.

Il s'ensuit que le préjudice professionnel invoqué par M. Ripoll n'est nullement établi.

Le jugement attaqué est donc infirmé en toutes ses dispositions.

Aucuns dommages et intérêts ne peuvent être dus en sus des intérêts légaux, à la charge de la partie en retard pour l'exécution d'une obligation ayant pour objet le versement d'une somme d'argent, à moins que cette partie ait, par sa mauvaise foi causé au créancier un préjudice indépendant de celui qui résulterait du retard lui-même ou d'une faute particulière du débiteur.

La société Cap Janet Automobiles ne prouvant pas que la société aurait agi de mauvaise foi ou aurait commis une faute particulière à son encontre, il n'y a lieu de lui octroyer des dommages et intérêts.

Il est équitable de condamner la société Mari à payer à la société Cap Janet Automobiles une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de M. Ripoll à titre personnel, Statuant à nouveau, Prononce la résiliation du contrat de sous-concession du 8 décembre 2003 à la date du 9 septembre 2010, Condamne la société Mari à payer à la société Cap Janet Automobiles la somme de 80 871,98 euros avec intérêts à compter de l'assignation du 27 septembre 2010, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande présentée par la société Cap Janet Automobiles au titre de la reprise du stock de pièces détachées compte tenu qu'elle dispose d'un titre exécutoire résultant d'un jugement rendu par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de grande instance de Marseille, Condamne la société Mari prise en la personne de son liquidateur à payer à la société Cap Janet Automobiles une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne la société Mari aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.