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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 3 juin 2014, n° 12-01047

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Toulouse services véhicules industriels (Scté)

Défendeur :

Armengol (Scté), Carrosserie industrielle Serignac (Scté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Legras

Conseillers :

Mmes Salmeron, Pellarin

Avocats :

Mes Malet, Duval, Gorrias, Remedi, Mercie

T. Com. de Toulouse, du 20 Fév. 2012

20 février 2012

La SA Armengol, ayant son siège à Laroque d'Olmes (09) et pour activité l'import-export de bois, sciage et rabotage, a commandé le 28 octobre 2009 auprès de la SAS Toulouse services véhicules industriels (TSVI), à Lespinasse (31) un camion DAF CF 75-310 neuf pour un prix de 49 000 euro HT (59 441, 20 euro TTC).

Désirant faire poser une grue et un plateau sur ce véhicule, la SA Armengol demandait qu'il soit confié à la SAS Carrosserie industrielle Serignac (CIS), à Toulouse, qui facturait cette prestation le 11 mars 2010 pour 32 800 euro HT (38 367, 68 euro TTC).

Le 16 mars 2010, la SAS TSVI livrait le véhicule avec un rapport de préparation et de livraison de véhicule neuf.

Le 29 septembre 2010, le véhicule était immobilisé suite au blocage de la boîte de vitesses.

La SAS TSVI et la SAS CIS contestant chacune leur responsabilité, la SA Armengol faisait procéder à une expertise contradictoire confiée à M. Cordier qui attribuait l'origine des désordres au grippage de la pompe à huile et à son blocage, dus à un niveau d'huile inférieur aux préconisations du constructeur.

Après mises en demeure sans résultat et par actes des 15 et 17 février 2011, la SA Armengol faisait assigner la SAS TSVI et la SAS CIS devant le Tribunal de commerce de Toulouse aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 24 954, 56 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2011 ainsi que 3 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive et 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 20 février 2012, le tribunal a condamné la SAS TSVI et la SAS CIS à payer chacune à la SA Armengol la somme de 12 477, 28 euro et, in solidum, la somme de 1 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Toulouse services véhicules industriels a interjeté appel de ce jugement le 8 mars 2012.

Elle a conclu en dernier lieu le 7 août 2012 à l'infirmation avec sa mise hors de cause et la constatation de la responsabilité exclusive de la SAS CIS dans l'origine du sinistre, le cas échéant à la condamnation de celle-ci à la relever et garantir.

Elle demande une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de 5 000 euro. Elle fait valoir en substance :

- que la SA CDI a été mandatée directement par la SAS TSVI, a reçu livraison du constructeur DAF et a facturé à TSVI sa prestation qui représente 40% du prix total du véhicule; elle est la dernière intervenante sur la boîte de vitesses et l'expert a conclu à sa responsabilité ayant consisté en l'omission de procéder au remplissage d'huile de la boîte de vitesses; il s'agissait bien d'une expertise contradictoire;

- que le vice n'existait pas lors de la livraison du véhicule, laquelle a été faite à la SAS CIS en lieu et place de la SA Armengol à la demande de cette dernière, la délivrance ayant ainsi eu lieu avant les opérations de mise en route et d'immatriculation;

- qu'elle serait en tout état de cause exonérée par le fait d'un tiers imprévisible et irrésistible;

- qu'en ce qui concerne le préjudice la perte d'exploitation n'est pas établie et d'autre part le véhicule avait, lors de la panne survenue à 26 147 km, subi l'usure normale résultant du kilométrage dont il doit être tenu compte.

La SAS Carrosserie Serignac, intimée et appelante incidente, a conclu le 9 juillet 2012 à la réformation et au débouté des autres parties de leurs demandes de condamnation ou de garantie à son encontre avec leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle observe pour l'essentiel :

- que l'origine et la cause du défaut de lubrification relevé par l'expert Cordier ne sont pas établies et ne peuvent résulter de l'installation par elle de la pompe hydraulique, laquelle se fait sur la prise de mouvement et non sur la boîte de vitesses, ce qui ne nécessite pas la vidange de la boîte de vitesses et n'entraîne pas de perte d'huile;

- que la SAS TSVI qui a repris le véhicule après la pose de la grue et a procédé aux opérations de "mise à la route", a dans un courrier du 8 octobre 2010 déclaré avoir vérifié le niveau d'huile qui était correct et elle est, en tant que vendeur, responsable des vices cachés.

La SA Armengol, intimée, a conclu récapitulativement le 3 août 2012 à la confirmation du jugement, subsidiairement sur la base, en ce qui concerne la SAS CIS, de sa responsabilité contractuelle, et elle demande la condamnation solidaire des appelantes à lui payer 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle répond en substance :

- que les conclusions expertales attribuent clairement l'origine des désordres à la SAS CIS dont la responsabilité contractuelle est engagée pour avoir, à l'issue de son intervention, omis d'effectuer le complément d'huile nécessaire;

- que le défaut d'huile existait avant la livraison du véhicule intervenue le 16 mars 2010 et la SAS TVIS était débitrice d'une obligation de contrôle avant la mise en route et la pose par un carrossier d'une grue sur un poids-lourd ne constitue pas un événement imprévisible et irrésistible;

- que son préjudice d'exploitation est établi.

La clôture est intervenue le 17 mars 2014.

MOTIFS ET DECISION

La SA Armengol fonde en partie son action sur les articles 1641 et suivants du Code civil aux termes desquels le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus (1641), ce quand même il ne les aurait pas connus à moins que dans ce cas il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie (1643), le vendeur étant tenu, s'il connaissait les vices de la chose, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur (1645).

Ces articles s'appliquent à la SAS TSVI, vendeur professionnel tenu de connaître les vices affectant la chose vendue, qui a procédé à la livraison du camion non pas en février 2010 à la SAS CIS qui n'avait reçu mandat de la SA Armengol qu'aux fins de la pose d'une grue, mais le 16 mars 2000 à la SA Armengol avec un rapport de préparation à la mise à la route et de livraison de véhicule neuf.

En outre, la SAS TSVI a dans un courrier du 8 octobre 2010 à la SA Armengol déclaré qu'à la mise à la route du véhicule le niveau d'huile de la boîte de vitesse avait été contrôlé et était correct, adoptant une position qu'elle est mal venue à contredire aujourd'hui.

La SAS TSVI fonde ses moyens sur l'expertise de M. Cordier qui a constaté :

- les désordres à la boîte de vitesses ont pour origine le grippage de la pompe à huile, laquelle s'est bloquée et a provoqué des efforts importants sur le système d'entraînement (ergot et encoche);

- ces deux éléments se sont brisés, ce qui a autorisé l'usinage du roulement d'arbres secondaires ainsi que du carter de boîte de vitesses; la pompe grippée n'a plus lubrifié ni refroidi les éléments mobiles, provoquant ainsi la destruction de la boîte de vitesses;

- la présence de projections de particules d'aluminium sèches et chargées d'huile sur les parties intérieures des carters permet de déterminer le niveau d'huile présent dans la boîte, largement inférieur aux préconisations du constructeur.

L'expert a conclu que les établissements Serignac auraient dû, lors de leur intervention, vidanger totalement ou partiellement la boîte de vitesses pour apposer la pompe hydraulique de la grue, un complément d'huile devant être effectué à l'issue du montage par son orifice de remplissage jusqu'à débordement, l'absence de fuite extérieure et la faible quantité d'huile constatées dans la boîte de vitesses démontrant qu'ils avaient omis d'effectuer le complément d'huile.

La SAS TSVI ne peut prétendre être exonérée de sa responsabilité par le fait d'un tiers, en l'occurrence la SAS CIS, revêtant les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la force majeure alors que la pose d'une grue par une société spécialisée sur un poids-lourd destiné à une entreprise de transport de bois constitue une opération ordinaire et qu'ayant réceptionné un véhicule équipé par construction d'un organe ("prise de mouvement" montée sur la boîte de vitesses) voué à l'installation d'une grue hydraulique elle ne pouvait à fortiori l'ignorer.

La SA Armengol vise également la responsabilité contractuelle de la SAS CIS qui lui a facturé pour 32 800 euro HT une prestation qui s'est révélée défectueuse aux termes de l'expertise Cordier dont elle conteste les conclusions mais aux opérations de laquelle assistaient l'expert de sa compagnie d'assurances et son propre représentant sans qu'il ait alors été émis aucune contestation ni établi de dire et elle ne forme pas de demande de contre-expertise.

Sa principale contestation consiste à prétendre que l'installation de la pompe hydraulique sur la prise de mouvement ne nécessite pas ni n'entraîne la vidange de la boîte de vitesses.

Cette explication est contraire aux constatations faites au cours d'une réunion contradictoire du 31 janvier 2011 des représentants de TSVI et de CIS qui, ayant reproduit les opérations de montage de la pompe hydraulique, avaient constaté qu'il en résultait un important écoulement d'huile de la boîte de vitesses et qu'une remise à niveau était nécessaire.

Par ailleurs, il était précisé par l'expert Cordier que l'accouplement de la pompe hydraulique à la prise de mouvement nécessite la dépose d'une tôle d'étanchéité vissée sur la prise de force, opération nécessitant une vidange de l'huile de la boîte de vitesses.

Il est également suggéré une possible cause non définie postérieure à la livraison, mais l'hypothèse d'une fuite extérieure d'huile était écartée en l'absence de constatation par l'expert de projections d'huile au niveau du sous bassement du véhicule et il en était de même d'un défaut d'étanchéité.

La SAS TSVI et la SAS CIS étant conjointement responsables du dommage vis à vis de la SA Armengol, il y a lieu de les condamner in solidum à défaut de solidarité entre elles.

Il sera fait droit à la demande de TSVI de relever et garantie par CIS à hauteur de la moitié du montant des dommages.

Le préjudice invoqué par la SA Armengol a été chiffré par l'expert Cordier à la somme totale de 20 895, 02 euro HT (24 954, 56 euro TTC). La perte d'exploitation chiffrée à 3 144 euro HT est justifiée en sus des frais de location, le véhicule ayant été immobilisé suite à la panne du 29 septembre 2010 jusqu'au 18 novembre 2010 et la question de l'usure du véhicule est sans incidence.

La demande en dommages-intérêts pour résistance abusive est motivée par un manque de trésorerie qui fait double emploi avec la perte d'exploitation et il n'y sera pas fait droit.

Il sera fait droit à la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de la SA Armengol à l'encontre des appelantes qui seront condamnées in solidum.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reforme le jugement sauf en ce qui a été statué sur les frais irrépétibles et les dépens et statuant à nouveau, Condamne in solidum la SAS Toulouse services véhicules industriels et la SAS Carrosserie industrielle Serignac à payer à la SA Armengol la somme de 24.954, 56 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2011; Condamne la SAS Carrosserie industrielle Serignac à relever et garantir la SAS Toulouse services véhicules industriels à hauteur de la somme de 12 477, 28 euro TTC; Condamne in solidum la SAS Toulouse services véhicules industriels et la SAS Carrosserie industrielle Serignac à payer à la SA Armengol la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne in solidum la SAS Toulouse services véhicules industriels et la SAS Carrosserie industrielle Serignac aux dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du Code de procédure civile