Livv
Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 5 juin 2014, n° 14-2089

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Charlemi (SA)

Défendeur :

Loc mat pro mat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bertrand

Conseillers :

M. Le-Monnyer, Mme Morillon

Avocats :

Mes Cuvreau-Dauga, Rodolphe

T. com. de Dax, du 15 janvier 2013

15 janvier 2013

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu l'appel interjeté le 13 février 2013 par la société Charlemi du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dax, le 15 janvier 2013.

Vu les conclusions de la société Charlemi du 2 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de la société Loc mat pro mat en date du 1er juillet 2013 ;

Vu la décision du magistrat de la mise en état ordonnant la clôture à la date du 20 janvier 2014 et fixant l'affaire à l'audience du 25 février suivant.

Le 26 mars 2003, la société Charlemi, qui exploite un supermarché à Seignosse à l'enseigne d' "Intermarché", acceptait le devis présenté par la société Loc mat pro mat d'avoir à installer sur son parking à proximité immédiate de la station-service une borne de lavage PL VL et une borne d'aspiration moyennant le versement de la somme de 59 810 euro HT.

Se plaignant de "l'absence de séparateur d'hydrocarbures, du chauffe-eau absent depuis de nombreux mois sur la piste véhicule léger, de la platine électronique de la piste poids lourd hors service depuis plusieurs semaines, du gonfleur en panne depuis plusieurs mois, voire n'a(yant) jamais trop bien fonctionné et le fait que la structure métallique et le revêtement non terminés", la société Charlemi saisissait, le 9 septembre 2007, le juge des référés aux fins d'expertise.

L'expertise durait 38 mois.

En lecture du rapport d'expertise, et invoquant l'existence de vices cachés, la société Charlemi attrayait la société Loc mat pro mat devant le Tribunal de commerce de Dax en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes pour un montant de l'ordre de 104 000 euro.

La société Loc mat pro mat appelait en cause les sociétés Heurtaux, fournisseur de la station de lavage, et ETC, électricien intervenu à la demande de la société Charlemi.

Aux termes du jugement entrepris, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le tribunal a :

- Ordonné la jonction des affaires 2011002014 et 201100387,

- Constaté que la station de lavage gonflage, objet du présent litige a fonctionné pendant plus de deux ans avant l'introduction de l'instance mettant en cause Loc mat pro mat,

- Dit que le défaut d'entretien dont découle le principal de ce litige est évident, qu'il incombait à la société Charlemi de l'assurer ou le faire assurer par la personne de son choix. Que la responsabilité de Loc mat pro mat en la matière n'est pas établie,

- Dit que le changement de station de lavage gonflage est du fait exclusif de la société Charlemi,

- Débouté la société Charlemi de l'ensemble de ses demandes,

- Dit que la société Loc mat pro mat est fautive de ne pas avoir exécuté l'ensemble de ses engagements figurant au devis sans toutefois la condamner aux dommages et intérêts demandés au titre de la remise en conformité dans la mesure où l'installation concernée a disparu du fait de la société Charlemi,

- Mis hors de cause les sociétés Heurtaux et E.T.C,

- Débouté la société Loc mat pro mat de l'ensemble de ses demandes,

- Dit que les sociétés Charlemi et Loc mat pro mat supporteront chacune les frais irrépétibles par elles engagés,

- Condamné la société Loc mat pro mat à payer à la société Heurtaux la somme de 2 000 euro au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné les sociétés Charlemi et Loc mat pro mat à payer les dépens chacune par moitié, en cela, y compris les frais d'expertise et de référé,

- Liquidé les frais du présent jugement à la somme de 127,49 euro TTC.

- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

La société Charlemi demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la Société LOC'MAT de sa demande en paiement de la somme de 3 178,25 euro,

Réformant pour le surplus,

Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil,

- Dire et juger que la station de lavage mise en place par la Société Loc mat se trouve atteinte de vices cachés la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée,

- Condamner la Société Loc mat pro mat à payer à la Société Charlemi, à titre de dommages intérêts :

- au titre du remplacement de la station de lavage la somme de 61 700 euro HT, sauf à réactualiser ladite somme en fonction des variations de l'indice du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la décision à intervenir,

- au titre des travaux de mise en conformité de l'installation électrique la somme de 2 300 euro HT, sauf à réactualiser ladite somme en fonction des variations de l'indice du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la décision à intervenir,

- au titre de la fourniture, la pose et le raccordement du débourbeur séparateur d'hydrocarbures la somme de 8 345,55 euro HT, sauf à réactualiser ladite somme en fonction des variations de l'indice du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la décision à intervenir,

- au titre de la perte d'exploitation pour les années 2004 à 2010 la somme de 28 974,16 euro, outre intérêts au taux légal à compter du présent exploit et jusqu'à parfait paiement,

- au titre de la surfacturation la somme de 3 000 euro outre intérêts au taux légal à compter du présent exploit jusqu'à parfait paiement.

- Condamner la Société Loc mat pro mat au paiement d'une indemnité de 5 000 euro HT sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens de première instance et d'appel en ce compris ceux de référé et d'expertise.

Au soutien de son appel, la société Charlemi expose que malgré l'entretien régulier par la société Loc mat pro mat de l'ensemble de la station, de nombreuses pannes ne vont cesser de se produire (plus de trente interventions entre le 12 février 2006 et le 8 octobre 2007).

Elle indique que l'expert judiciaire a mis en exergue des erreurs dans les opérations d'ingénierie, le non-respect des normes dans l'installation électrique, un défaut de conception de la station de lavage Heurtaux, un traitement de surface inadapté des éléments d'assemble du portique, l'absence de débourbeur et séparateur d'hydrocarbure et l'absence de disjoncteur différentiel autant de manquements qui constituent des vices cachés.

Outre les problèmes récurrents de pannes, l'installation présente un risque d'électrocution qui a conduit l'expert à ordonner l'arrêt immédiat de l'installation.

La société Charlemi soutient avoir agi à bref délai quatre mois après le dépôt du rapport d'expertise par lequel elle a pu avoir connaissance de l'existence du vice affectant le matériel Heurtaux.

L'appelante développe ensuite chacun des postes de préjudices qu'elle invoque.

La société Loc mat pro mat demande à la cour de réformer le jugement et, rejugeant à nouveau, de :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SA Charlemi de l'ensemble de ses demandes,

- Constater que la station de lavage gonflage a été livrée le 31 juillet 2003, et qu'elle a fonctionné normalement depuis lors,

- Dire que les désordres dont elle se prévaut existait depuis la livraison de la station et ne la rendent pas impropre à l'usage auquel on la destine,

- En tout état de cause, constater qu'il s'est écoulé plus de deux ans entre la livraison de la station et la mise en œuvre de l'action résultant des vices rédhibitoires,

- Débouter la SARL Charlemi de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- A tout le moins, constater que les désordres allégués par la SARL Charlemi constituent des dysfonctionnements et des "vices apparents",

- La débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

A titre subsidiaire, et pour le cas,

- Constater que les désordres allégués par la SARL Charlemi ne rendent pas la station de lavage gonflage impropre à sa destination,

- Constater la mauvaise foi de la SARL Charlemi,

- Débouter la SARL Charlemi de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 61 700 euro, au titre du remplacement de la station de lavage.

- Débouter la SARL Charlemi de sa demande de dommages et intérêts de 2 300 euro, au titre des travaux de mise en conformité de l'installation électrique.

En tant que de besoin,

- Constater que la SARL Loc mat n'a pas facturé à la SARL Charlemi le lot électricité de la station de lavage et de la station de gonflage,

- Constater que la SARL Charlemi a contracté directement le lot "électricité" du chantier, avec la SARL ETC,

- Constater la particulière mauvaise foi de la SARL Charlemi,

- Débouter la SARL Charlemi de toute demande de ce chef,

- Constater que la SARL Charlemi n'a pas facturé de séparateur d'hydrocarbures.

- Constater que l'absence de séparateur d'hydrocarbures ne lui est pas imputable,

- Constater que la SARL Charlemi exploite sur le même site et dans des conditions identiques une station de lavage et de gonflage sans séparateur d'hydrocarbure,

- Constater la mauvaise foi de la SARL Charlemi,

- La débouter de sa demande de dommages et intérêts de 8 345,55 euro au titre de la fourniture et de la pose d'un séparateur d'hydrocarbures,

Vu le rapport Socotec du 13 novembre 2008 inclus au rapport d'expertise,

- Constater que seule la SARL Charlemi demanderesse à l'expertise, pouvait commander les travaux de remise en état électrique permettant la remise en marche de la station,

- Constater sa carence,

- Constater que la non réouverture des stations de lavage et de gonflage ne lui est pas imputable,

- Débouter la SARL Charlemi de sa demande de dommages et intérêts au titre des pertes d'exploitation et de la surfacturation,

- Constater l'installation par la SARL Charlemi d'une nouvelle station de lavage et de gonflage sur le même site, dans les mêmes conditions d'exploitation que celle installée par la SARL Loc mat pro mat,

- Constater la plus parfaite mauvaise foi de la demanderesse,

Et plus généralement,

- Constater l'inaction totale de la SARL Charlemi, demanderesse à l'expertise, dans le suivi des opérations par l'expert judiciaire,

Ce faisant,

- Dire que le préjudice au titre d'une perte d'exploitation supposée, est imputable à sa seule carence et à son seul comportement,

- La débouter de toute demande de ce chef à son encontre,

Et plus généralement confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Charlemi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Charlemi de sa demande reconventionnelle, et en ce qu'il l'a condamnée à supporter les dépens dont le coût de l'expertise et de l'ordonnance de référé,

- Constater que les factures impayées correspondent à des prestations effectuées par la société Loc mat non contestées par la société Charlemi,

- Condamner la SARL Charlemi à lui payer la somme de 3 178,25 euro en principal augmentée des intérêts au taux de l'intérêt légal à compter de l'ordonnance de référé du 18 décembre 2007,

- Condamner la SARL Charlemi au paiement de la somme de 5 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'aux frais de la procédure d'expertise.

Pour l'essentiel, la société Loc mat pro mat indique que :

- la station a rempli pleinement son usage auquel elle était destinée,

- la décision de fermeture provisoire de l'installation et l'absence de réaction de la société Charlemi qui détenait pourtant l'avis Socotec, au seul motif du non raccordement de l'installation électrique à la terre a causé la dégradation inéluctable de l'équipement ; cette dégradation ne lui est pas imputable,

- le poste électricité ne relevait pas de son intervention mais de celle de la société ETC,

- si l'installation devait initialement être raccordée au séparateur de la station-service, par suite de l'avis de la mairie, la société Loc mat pro mat n'a pas voulu engager les frais d'installation d'une pompe de relevage et a décidé de tergiverser, installation qu'elle ne lui a pas facturée,

- les demandes au titre de la prétendue perte d'exploitation sont aberrantes et elle n'a pas à supporter les conséquences d'un arrêt de l'installation qui ne lui est pas imputable.

La société Loc mat pro mat soutient qu'en réalité la société Charlemi qui avait des projets de réaménagements de ses installations cherche à lui faire supporter le coût de la nouvelle installation qu'elle avait décidé de commander.

Reconventionnellement, la société Charlemi est tenue de lui régler des factures d'entretien de 2007.

Sur ce,

Il résulte du devis accepté par la SA Charlemi, que la SARL Loc mat pro mat s'est engagée à lui livrer une installation de lavage comprenant :

- une borne de lavage pour véhicule léger, protégé par un auvent,

- une borne de lavage pour poids lourd,

- une borne d'aspiration,

- et un gonfleur de pneumatiques.

Suivant ce devis, la SARL Loc mat pro mat s'engageait en outre à fournir :

- séparateur débourbeur,

- mise en conformité de la station de lavage (Apave),

- alimentation pour une tension d'alimentation 380 V Tri avec neutre (nombre de Kw suivant appareillage), disjoncteur différentiel (par piste, par aspirateur) ainsi que pour le traitement de l'eau et l'éclairage,

- étude - plan - devis - suivi du chantier (T2C),

- dépose du permis de construire (+ de 20 m2 couvert),

- délai 12 semaines.

L'installation était livrée dans le courant du mois de juillet 2003 et la facture émise pour la somme de 51 428 euro, seulement, la seule moins-value spécifiée dans la facture étant relative à "une remise de 1 000 euro au titre du poste électricité".

Il est constant, suivant les propres écritures du maître d'ouvrage, exploitant de l'installation, qu'il a confié à une entreprise tierce, la société ETC l'alimentation en énergie de la station de lavage et de gonflage.

La SARL Loc mat pro mat affirme que pour le surplus, la "moins-value" entre le prix mentionné dans le devis (59 810 euro), et le prix facturé (51 428 euro), s'explique par la non réalisation du débourbeur séparateur d'hydrocarbures, la SA Charlemi ayant considéré que cette installation était trop onéreuse et ayant souhaité en différer la réalisation.

Il est constant que la SARL Loc mat pro mat ne commandera pas le contrôle de la conformité de l'installation à l'Apave, ni ne réalisera l'installation du débourbeur/séparateur d'hydrocarbure, prestations en l'absence desquelles et comme le plaide la SA Charlemi, "la station de lavage n'aurait jamais dû ouvrir".

Pour autant, la SA Charlemi, en sa qualité de professionnel et "d'exploitant" d'une installation technique mise à la disposition des consommateurs s'abstient d'indiquer comment elle a pu ouvrir une telle installation, ce qui ressortait de sa responsabilité à l'égard du public, sans solliciter l'installation du débourbeur ni la remise par son cocontractant de l'attestation de conformité de l'Apave.

De juillet 2003 au mois de novembre 2008, soit pendant plus de cinq années, la station de lavage fonctionnera sans difficultés majeures, la SA Charlemi justifiant néanmoins de la multiplication des pannes et des interventions de réparation notamment sur les(s) monnayeur(s) à compter de 2006.

Le 12 septembre 2007, la SA Charlemi se plaignait par lettre recommandée avec avis de réception auprès de la SARL Loc mat pro mat de différents griefs :

- "l'absence de séparateurs d'hydrocarbures (en tant qu'installateur vos n'êtes pas sans savoir que ceci est obligatoire),

- le chauffe-eau (cumulus) absent depuis de nombreux mois sur la piste véhicule léger,

- la platine électronique de la piste poids-lourd est hors service depuis plusieurs semaines,

- le gonfleur est en panne depuis plusieurs mois voir n'a jamais trop bien fonctionné,

- la structure métallique et le revêtement ne sont pas terminés."

L'exploitant indiquait que ces dysfonctionnements engendraient un "préjudice financier (remboursement important) et d'image" et mettait en demeure la SARL Loc mat pro mat de bien vouloir réaliser le plus rapidement possible les travaux définitifs.

Après avoir réitéré cette mise en demeure en des termes identiques le 2 octobre 2007, la SA Charlemi saisissait le juge des référés du tribunal de commerce par acte d'huissier délivré le 9 novembre suivant aux fins d'expertise.

Bien que la SA Charlemi prétendait dans cette assignation que la station se trouvait inutilisable, l'expert constatait lors de sa première réunion contradictoire sur les lieux, en mars 2008 que la station de lavage était toujours ouverte au public et que les bornes de lavage des VL et PL fonctionnaient bien.

Ce n'est qu'à l'issue de la deuxième réunion de travail, qui s'est déroulée le 10 novembre 2008, que l'expert constatant des défauts sur l'installation électrique (absence de disjoncteurs différentiels, d'arrêt d'urgence, de liaison à la terre) et de l'absence de contrôle de conformité à l'ouverture de l'installation, invitait la SA Charlemi à fermer la station temporairement à titre conservatoire.

Au-delà des griefs initialement invoqués par la SA Charlemi, l'expertise de M. Larrieu allait révéler des difficultés électriques et le danger que représentait l'installation pour ses utilisateurs.

L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

L'article 1642 précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

L'article 1643 énonce que l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.

En l'espèce, la SA Charlemi, qui s'est placée sur le terrain de l'action estimatoire, invoque quatre séries de griefs qu'il convient d'examiner successivement:

Sur l'absence de débourbeur/séparateur d'hydrocarbures :

Cette installation qui est destinée à récupérer les impuretés d'hydrocarbures avant le traitement des eaux de lavage, est imposé par la réglementation.

Bien que le devis stipulait la livraison de cette installation, accessoire à la station de lavage, il est constant que celle-ci n'a pas été réalisée ; la SARL Loc mat pro mat affirme que la SA Charlemi ne l'a pas souhaité pour des raisons de coût et afin d'ouvrir plus vite la station alors que la saison d'été débutait. L'intimée ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

Pour autant, la non réalisation de cette installation ne pouvait échapper à l'exploitant d'une station de lavage qui ne s'est pas acquitté de l'intégralité du prix convenu au devis, la moins-value des prestations facturées ne pouvant s'expliquer que par la non réalisation de ce débourbeur.

Il ne s'agit pas d'un vice caché. De ce chef, l'action de la SA Charlemi n'est pas fondée.

Sur les défauts électriques :

L'expertise a révélé une multiplicité de désordres électriques de nature à rendre dangereuse l'exploitation de la station de lavage : il s'agit essentiellement des points suivants :

- absence de coffret déporté avec arrêt d'urgence,

- défaut de liaison des armoires électriques à la terre,

- absence de protection.

Nonobstant l'absence d'accident, fort heureusement dans l'intérêt des utilisateurs de la station de lavage et par voie de conséquence des parties, ces défauts constituent indéniablement des vices de l'installation.

La SA Charlemi ayant confié l'alimentation électrique de la station à la société ETC, laquelle avait été mise en cause en première instance par la SARL Loc mat pro mat, mais ne l'a pas été en cause d'appel, et la société requérante s'abstenant de produire les pièces contractuelles la liant à l'électricien (devis ou marché éventuel, facture), la cour est placée dans l'impossibilité de déterminer précisément si l'intervention de ce professionnel s'est limitée à la simple alimentation de l'armoire électrique ou à l'ensemble des réseaux et si ces défauts sont imputables exclusivement à la SARL Loc mat pro mat.

En toute hypothèse, l'intimée étant intervenue comme installateur de la station de lavage et s'étant engagée à assurer la maîtrise d'œuvre de l'installation, elle se devait de contrôler le parfait respect de l'installation électrique aux préconisations du fabricant et des normes techniques. Aussi, l'intimée ne saurait s'exonérer de toute responsabilité à ce titre.

Néanmoins, en sa qualité d'exploitant d'un ouvrage mis à la disposition du public, la SA Charlemi était tenue de requérir de son cocontractant l'attestation de conformité de l'installation par l'Apave ; un tel contrôle, s'il avait été mis en œuvre, aurait révélé les défauts électriques et la dangerosité de l'installation. Dans ces circonstances, si la SA Charlemi, qui s'était engagée à présenter cette attestation de conformité à son client, a manqué à son obligation contractuelle, l'acheteur professionnel d'une telle installation, mise à la disposition des consommateurs en libre-service, qui ne requiert pas la remise de ce document, ne peut invoquer le caractère caché des vices qu'un tel examen aurait permis de révéler.

Pour ces motifs, ces vices ne peuvent recevoir le caractère de "cachés" au sens de l'article 1641 du Code civil.

En outre, le coût des travaux de reprise, limité à la somme de 2 300 euro HT, qui représente moins de 5% du prix de la station de lavage, ne permet pas de juger ces défauts comme relevant des dispositions de l'article 1641 du Code civil.

L'action diligentée par la SA Charlemi de ce chef doit également être déboutée.

Sur le défaut de protection des bornes :

Il résulte des travaux de l'expert que l'installation livrée par la SARL Loc mat pro mat présentait, au niveau des armoires électriques, une protection insuffisante qui est à l'origine de défaillances répétées des installations :

- l'enveloppe des armoires ne possède pas un indice de protection suffisant permettant de protéger les équipements intérieurs contre l'humidité,

- à l'intérieur des armoires, certains équipements ne sont pas adaptés et possèdent un indice de protection insuffisant, un moteur dépourvu de protection présente un danger d'électrocution,

- les équipements électroniques et le câblage ne sont pas adaptés à une utilisation en atmosphère climatique extérieure pour une température de 0-50° C et une humidité saline supérieure à 80° C (IP insuffisant des boîtiers, absence de vernis des circuits électroniques)

- le cumulus électrique est inadapté à l'utilisation en milieu humide, a subi une importante corrosion le rendant impropre à sa destination.

Au-delà du cumulus hors service, ce défaut de protection ou d'étanchéité, a entraîné avec le temps, à partir de 2006, une multiplication des pannes et des interventions de maintenance ; la SARL Loc mat pro mat a ainsi remplacé à plusieurs reprises les pièces électroniques pour un coût de l'ordre de 3 000 euro ; on peut relever notamment s'agissant des pannes des systèmes électroniques :

- le 9 novembre 2006, Loc mat pro mat facture la remise en état des deux bornes de lavage pour 2 291,19 euro,

- le 31 janvier 2007, il est facturé un monnayeur,

- le 9 juillet 2007, Loc mat pro mat facture le remplacement de la carte CMD pour 239,31 euro,

- le 8 octobre 2007, il est facturé à la société Charlemi un monnayeur pour 160,25 euro, l'électrovanne HP Gamma pour 222,01 euro, la carte poly aspiration pour 239,31 euro.

Ces pannes affectant l'un des éléments essentiels de l'installation caractérisent par leur répétition et le coût des interventions qui n'étaient pas susceptibles de régler les vices affectant ces installations, l'impropriété de l'installation.

A ce titre, l'action estimatoire engagée par la SA Charlemi est fondée ; elle ne saurait être appréciée à hauteur du coût des travaux de remplacement de la station, supérieur au prix de l'installation viciée, comme le propose l'expert au motif que le fabricant de l'installation qui n'était pas dans la cause n'a pas répondu à la demande de devis de réparation.

L'insuffisance de ces protections affectant tant "l'enveloppe" des bornes que les composants électroniques ou boîtiers se trouvant à l'intérieur, et tenant compte de la part de ces éléments dans l'installation globale et du coût de l'installation facturée (51 428 euro), la cour dispose des éléments d'appréciation pour fixer la restitution du prix à laquelle la société Charlemi peut prétendre au titre de son action estimatoire à la somme de 20 000 euro.

Sur la perte d'exploitation :

Il ressort des éléments de la cause et notamment de l'historique des relations des parties que la SA Charlemi ne justifie pas que les vices affectant son installation ait eu une quelconque incidence sur son exploitation jusqu'au 10 novembre 2008.

Postérieurement à la fermeture temporaire de l'installation, prise sur les recommandations de l'expert, compte tenu des dangers électriques présentés par l'installation, la SA Charlemi ne justifie pas avoir tenu informé les parties à l'instance, la SARL Loc mat pro mat mais également alors la société ETC, des résultats du rapport Socotec, alors même que le coût des travaux de reprise était limité.

L'absence de précaution prise par la société Charlemi, exploitante de l'installation provisoirement suspendue, est à l'origine de sa ruine par suite du gel des installations.

En s'abstenant par ailleurs de solliciter la remise de l'attestation de conformité, le professionnel qu'est la SA Charlemi a par ailleurs, sur le plan électrique, contribué à la situation qui a conduit à cette suspension et donc au préjudice allégué.

Compte tenu de ces éléments, la SA Charlemi sera déboutée de ses demandes d'indemnisation présentée de ce chef.

Sur la fourniture d'un débourbeur-séparateur d'hydrocarbure :

Il résulte des éléments de la cause que la SA Charlemi ne s'est pas vue facturer cette prestation. Elle n'est donc pas fondée à réclamer le coût d'une installation.

Sur les travaux de reprise électrique :

La SARL Loc mat pro mat s'étant engagée à l'égard de la SA Charlemi en la double qualité d'installateur de la station de lavage et celle de maître d'œuvre, il lui appartenait à supposer que l'intégralité du poste électrique, et non pas simplement l'alimentation de l'armoire centrale, ait été confiée à la société ETC, de veiller à la conformité de l'installation. Elle serait, à l'égard de son client, tenue d'en assumer le coût des reprises ; néanmoins, la SA Charlemi ne justifie pas avoir entrepris ces travaux et ne conteste pas les dires selon lesquelles la station initiale, ruinée par le gel, a été remplacée par une nouvelle installation.

Faute de justifier avoir entrepris ces travaux de reprise, la SA Charlemi sera déboutée de la demande en paiement présentée de ce chef.

Sur la surfacturation :

La défaillance de la station de lavage sur le plan de l'insuffisante protection a entraîné des frais de remise en état des installations électroniques, ci-avant détaillée, pour un coût évalué par l'expert au vu des factures de maintenance produites à la somme de 3 000 euro.

La SARL Loc mat pro mat sera condamnée à payer ce montant.

Sur la demande reconventionnelle :

Contrairement à ce que soutient la société Charlemi, l'expert a retenu les factures des 29 juin et 30 juillet 2007, d'un montant respectif de 828,39 euro et 730,66 euro, qui concernaient la fourniture de consommables, le remplacement de pièce d'usure (lance inox, buse) notamment et d'entretien. La société Charlemi qui était en relation d'affaire depuis plusieurs années avec la société Loc mat pro mat au titre de l'entretien et du réapprovisionnement des consommables ne saurait exiger la présentation d'un devis ou bon de commande pour caractériser son obligation à ce titre.

En ce qui concerne la facture du 28 septembre 2007, qui comprend outre le remplacement de pièce d'usure (flexible), d'entretien, des pièces électroniques affectées par le vice de l'installation, son coût sera également intégralement retenu dans la mesure où la cour indemnise, par ailleurs, la société Charlemi du surcoût lié au vice affectant l'installation (insuffisante protection des bornes).

La société Charlemi sera donc condamnée à payer à l'intimée la somme de 3 178,25 euro.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande d'indemniser la société Charlemi des frais irrépétibles exposés à hauteur de 1 500 euro.

Succombant pour l'essentiel à l'instance, la société Loc mat pro mat supportera les entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Dit et juge que la SA Charlemi n'est pas fondée à agir au visa des articles 1641 et suivant aux titres de l'absence de débourbeur/séparateur d'hydrocarbure et des défauts électriques. Dit et juge que l'action estimatoire de la SA Charlemi est bien fondée sur les défauts d'indice de protection des enveloppes des armoires électriques et des installations intérieures de ces armoires, boîtiers et câblages. Condamne la SARL Loc mat pro mat à payer à la SA Charlemi la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 3 000 euro au titre de la surfacturation de la maintenance technique de l'installation. Déboute la SA Charlemi de ses demandes fondées sur l'absence de débourbeur/séparateur d'hydrocarbures, la reprise de travaux de mise en conformité électrique et la perte d'exploitation invoquée. Condamne la SA Charlemi à payer à la SARL Loc mat pro mat la somme de 3 178,25 euro au titre des factures impayées. Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la SARL Loc mat pro mat à verser à la SA Charlemi la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SARL Loc mat pro mat aux entiers dépens de première instance et d'appel. Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.